Mr. & Mrs. Bridge


 Mr. & Mrs. Bridge

Evan S. Connell

Flammarion, 1990

Traduit par Philippe Safavi pour M. et Clément Leclerc pour Mrs.


Appâtée par un billet tentateur, j'ai noté ce diptyque, présent en réserve à la médiathèque (ils vont râler, je leur fais vraiment sortir des vieilleries); le premier roman, Mrs Bridge, date de 1959, le second de 1969. Nous sommes à Kansas City, dans les années 30 devine-t-on, on parle de prohibition et la seconde guerre mondiale démarre; le temps passe pour India et William Bridge et leurs trois enfants, deux filles, Ruth et Carolyn, un fils, Douglas (il fallait un fils, heureusement arrivé sans trop attendre).

Les deux romans se présentent sous formes de courtes 'vignettes' longues d'une demi-page à deux pages, parlant d'un petit événement de la vie de la famille. Au fil de la narration se dessinent les caractères.

Mrs Bridge est la parfaite ménagère de ces années-là, dévouée à sa famille, tâchant de bien éduquer ses enfants. Que fait-elle de ses journées? Hariett la cuisinière femme de ménage est là, elle a aussi une blanchisseuse, alors une fois les enfants à l'école, elle s'ennuie. Elle n'est pas désespérée, se retrouve avec des amies de  la même classe sociale, commence à apprendre l'espagnol. Elle paraît arrangeante, pas de vagues, quoi, mais elle est parfois dépassée. Elle a ses opinions sur les noirs (la traduction utilise un autre mot). Obéissante à son mari, elle ne fuit pas devant l'ouragan (au sens propre). Un passage plus long, le voyage en Europe (ne pas rater la vision de Paris par le couple).

Rien n'est vraiment expliqué démontré, c'est le lecteur qui doit se faire son idée. Une image de la bourgeoisie provinciale aisée mais pas gaspilleuse, vue avec acuité et on le sent, amusement.

Passons à Monsieur, avocat passant beaucoup de temps au bureau, et même travaillant chez lui. Il veut le meilleur pour ses proches, a déjà écrit son testament et prévu de subvenir aux besoins de la famille après sa disparition (il serait alors le premier à partir?). Raciste (noirs, juifs), misogyne (ses avis sur les femmes est carré, au moins il ne s'en cache pas) et homophobe, l'homme est vraiment exemplaire de son époque et milieu social provincial, on va dire. 

On assiste à ses confrontations avec ses enfants, surtout Douglas, au début le genre de gamin débrouillard et bricoleur, et Ruth, qui rêve de sortir de la ville. Elle réussira à se faire une place à Greenwich village, où son père découvrira la vie qu'elle mène avec stupeur.

Walter est droit dans ses bottes, persuadé d'avoir toujours raison, puritain déclare un personnage, mais des ambiguïtés se dessinent parfois.

Le fameux voyage en Europe est beaucoup plus détaillé que chez Mrs. Bridge.

Le regard est toujours plein d'ironie dans cette subtile narration à la troisième personne en 'il' ou 'elle' selon le volume, mais faisant appel au regard plus critique du lecteur. Une belle réussite sur ce plan là.

Avis babelio, Inganmic, le bouquineur (Mrs. seulement), Athalie ici et , mais où ai-je récemment noté cette lecture? Nicole ici et

Belfond a ressorti ces romans...




Commentaires

  1. Ça sent un peu la poussière tout ça, mais ça doit être assez savoureux avec le recul.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai ajouté les couvertures des sorties chez Belfond, récentes.

      Supprimer
  2. Je ne crois pas avoir envie de passer du temps avec ces gens-là. Ça doit être un peu ennuyeux, non ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Curieusement, non! On est un peu dans leur tête, c'est parfois pathétique. Il faut dire que la présentation dynamique (en très brèves vignettes) y est pour beaucoup.

      Supprimer
  3. Moi aussi je me suis creusée la tête. On a parlé de ce livre chez Athalie, dans les commentaires après son billet sur "Le mariage" :
    https://aleslire.wordpress.com/2024/03/31/le-mariage-dorothy-west/
    Sur la même thématique, je suis en train de lire "La longue vue" de Elizabeth Jane Howard, réédité récemment chez Gallmeister.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, j'ai noté ce Dorothy West , lui aussi en réserve à la bibli (grrr) mais pour celui dont je parle, hé bien le temps que je l'emprunte et le lise, c'était bien avant le billet d'Athalie sur le West. Bref, peu importe, c'était noté et c'est lu (avec plaisir)

      Supprimer
  4. J'ai lu Mrs Bridge, quand il est ressorti chez Belfond, et j'avais bien aimé, un peu dans le genre des romans de Richard Yates, qui observent à la loupe des couples de la classe moyenne américaine...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai justement voulu lire les deux, c'est intéressant de 'comparer'.

      Supprimer
  5. parfois les vieilleries ont du bon

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tssst, vieilleries, on dit vintage pour faire gentil (mais j'aime les vieilleries)

      Supprimer
  6. J'avais laissé un moment entre la lecture des deux, et je me disais "pauvre mrs Bridge", c'est vrai qu'elle est pathétique par moments, agaçante à d'autres et tellement attachante quand même. Mais Mr Bridge, lui, je ne l'avais imaginé aussi affreux ! J'espérais qu'il allait lui donner une chance Et je ne trouve pas que ce dytique sente la poussière, c'est une femme "sous influence", et même si les codes auxquels elle se soumet sont datés, les mécanismes de la soumission ne le sont pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai avalé les deux d'affilée!
      Ah ça on a une belle collection de femmes au foyer, acceptant leur sort (ou pas) . La fille aînée se sort de là, l'autre fille va sans doute reproduire le truc? Le père se met la pression pour être 'chef' de famille.
      Tu as raison, les mécanismes sont là.

      Supprimer
  7. Des vieilleries qui ont été rééditées chez Belfond, au moins tu auras un bon argument s'ils râlent à la médiathèque :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'était dans la réserve, tant pis pour Belfond. ^_^

      Supprimer
  8. en général j'aime bien ce genre de romans mais, je commence tout juste à écluser un peu mon retard et cela fait du bien à mes piles de livres

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh une ligne sur une liste, ça ne gêne pas, tu sais.^_^

      Supprimer
  9. Inganmic
    J'avais adoré ce diptyque, la manière dont l'auteur parvient à brosser de ce couple un portrait féroce presque mine de rien, en énumérant l'anodin...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as tout compris, merci. Oui, j'avais bien noté ton avis!

      Supprimer
  10. Je pense que j'apprécierais cette ironie. Les livres en réserve sont toujours des vieux trucs démodés? Parce qu'il m'arrive d'en réclamer à ma BM. ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas forcément, il doit suffire que personne ou presque ne les emprunte... De toute façon, ces titres viennent de ressortir!

      Supprimer
  11. J'avais repéré ces titres aussi, je ne sais plus chez qui. J'aimais bien l'originalité du diptyque. Je fais bosser aussi la réserve de mon côté^^, pas forcément pour des vieux trucs. Je pense que ça doit leur fait plaisir quand même, sinon que feraient-ils de leur journée ?^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A Bl. mieux vaut les prévenir plutôt que les envoyer fissa à la réserve, mais ça se fait avec internet très bien. Normalement un bibliothécaire devrait se réjouir de voir sortir des titres moins récents!

      Supprimer
  12. Ah les billets tentateurs ! Parfois, on ferait mieux de fermer les yeux...

    RépondreSupprimer
  13. Pas plus tentée que cela, je passe.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dommage mais je suppose que tu as à lire par ailleurs.

      Supprimer
  14. Merci pour la piqûre de rappel (ce diptyque dort depuis quelques années dans les abîmes de ma liseuse).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ben alors? Attention certaines visions sont datées de ces années là! Même si sans doute pas toujours disparues?

      Supprimer
    2. mais du coup, tu as toujours ta liseuse ? ah moi Keisha,j'aime bien les vieux livres à dépoussiérer et surtout cette époque ;-)

      Supprimer
    3. Demande à Autist Reading. ^_^ Perso je n'ai pas de liseuse, je préfère le papier, quoique, récemment j'ai lu un classique de Woolf directement sur mon téléphone... mais c'était ça ou rien.

      Supprimer
  15. En général, j’apprécie cette forme de « vignettes », je suis justement en train de lire un petit livre qui est écrit de cette façon et j’aime beaucoup.
    Ton billet donne très envie de rendre visite à M et Mme Bridge !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu restes bien mystérieuse! Mais je reconnais que cette présentation me plait aussi beaucoup.

      Supprimer
  16. Mais oui... Je les ai lus au moment de leur réédition chez Belfond vintage, j'ai trouvé ça savoureux. J'avais un peu peur de la redondance mais pas du tout, le côté pile/face fonctionne très bien. J'ai consacré une chronique à chacun : http://www.motspourmots.fr/2016/02/mr-bridge-evan-s-connell.html et http://www.motspourmots.fr/2016/02/mrs-bridge-evan-s-connell.html

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, pas de redondance, et un intérêt soutenu. Merci d'avoir signalé tes billets, vu la date je ne risquais pas de les trouver.

      Supprimer
  17. Je ne connaissais pas du tout ! Apparemment ce dyptique représente les deux seules oeuvres de l'auteur traduites en français. C'est amusant que tu fasses sortir des ouvrages des archives de la médiathèque. Quand j'étais bibliothécaire (certes dans un village !) je laissais l'accès aux archives en livre service (sauf pour les livres très anciens ayant une certaine valeur sur la région, l'histoire du village par exemple). Les lecteurs appréciaient et parfois cela rendait service aussi pour les classiques étudiés en classe (A l'époque les enseignants n'exigeaient pas une édition identique pour tout le monde comme à présent)...ça m'obligeait à ranger de temps en temps mais bizarrement beaucoup moins qu'en rayon !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai pu voir les archives d'une de mes médiathèques, hou là, une caverne d'Ali Baba, mais je comprends qu'on n'y aille pas!! Pour une autre médiathèque, ça doit être dans le bâtiment aussi (en sous sol?) . Bon, on n'y va pas, mais on peut emprunter (si le livre n'est pas disparu). Le manque de place sans doute explique ces réserves. Mon autre bibli procède à des désherbages, et là, on n'a que ses yeux pour pleurer...
      J'aime bien tes expériences!

      Supprimer
  18. Je demande régulièrement des titres en réserve, forcément, avec mes goûts bizarres 🤣. Les bibliothécaires sont toujours sympas pour ça. Il y en a juste une qui râle quand je fais ma demande à 15 minutes de la fermeture (et je la comprenais jusqu'à ce que je constate que ses autres collègues n'y voient aucun inconvénient...). Mr et Mrs Bridge me tentent bien en tous cas!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je l'ai fait quand j'étais en visite à la bibli, et on m'a gentiment expliqué que je peux le faire avant, sur leur site. Depuis, j'agis ainsi, je suis prévenue par mail, et je peux même choisir où le livre sera envoyé (la bibli a deux sites)
      Tu as compris, j'ai aussi le chic pour désirer LE bouquin qui se trouve en réserve! Goûts bizarres? ^_^

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont modérés, histoire de vous éviter des cases à cocher pour prouver que vous n'êtes pas un robot.