Parfois l'homme

 

Parfois l'homme

Sébastien Bailly

Le tripode, 2024

Une fois plongée dans ce roman malin et intelligent, je ne l'ai guère lâché de la journée. Pourtant il n'y a pas de héros à proprement parler, si ce n'est "L'homme". Un homme comme vous et moi (heu non, pas forcément moi, mais vous saisissez l'idée) dont on raconte la vie, avec tous les angles et toutes les possibilités. Cela pourrait lasser, il n'en est rien.

C'est souvent drôle, toujours bien vu, et (en particulier quand L'homme grandit et vieillit), plus triste  et désabusé...

Quelques passages:

"[001] L'homme nait dans une pièce à carreaux de faïence, à l'éclairage brut au néon, sa mère jambes écartées dans la position la moins pudique qui soit , le père la main broyée au rythme des contractions et dans l'autre un camescope, un téléphone, un appareil pour immortaliser l'événement puisqu'il faut garder un trace et trouver quelque chose à faire, quand on est le père. On effacera finalement les images: personne n'est à son avantage dans ces moments-là. Ca crie, ça pleure, ça griffe... On regrette d'avoir refusé la péridurale pour vivre pleinement le moment. On réclame la péridurale, mais il est trop tard. Il faut bien naître et que les choses commencent quelque part, dans l'odeur de l'eau oxygénée, de la sueur et les hurlements des sages-femmes à la recherche dans les couloirs de l'obstétricien en chef qui pourrait démêler une situation plus complexe que prévu. Il arriverait en short, une partie de tennis interrompue, en smoking, exfiltré d'un cocktail, en porte-jarretelles, mais ce serait plus rare et difficile à expliquer. Parfois l'homme nait dans l'ambulance appelée trop tard, au bord de l'autoroute, dans le salon, la salle de bains, la chambre à coucher, à bord d'un avion, dans un bus et plus rarement dans un cabanon de  plage."

[023 ] L'homme a voulu un chat et lui donner un nom, et le caresser. Le chat n'a rien demandé, mais ne refuse pas de se plier au rituel  de la litière contre le gîte et le couvert. L'homme s'aperçoit assez vite que le chat est un animal stupide, en tout cas assez limité, qui n'apprendra rien, jamais, et n'en fera globalement qu'à sa tête avant d'attraper des maladies, de donner naissance à des petits qu'il faudra noyer la larme à l'œil et qui finira par perdre ses poils, ou une oreille dans une bagarre, qui boîtera après une chute du deuxième étage puis qui disparaitra sans explication, peut-être écrasé sous le pneu avant d'une camionnette de livraison de fleurs. Le chat n'est nécessaire qu'aux écrivains et aux pharaons. L'homme savait qu'il avait peu de chance de devenir l'un ou l'autre et les ronronnements de la bête n'ont pas suffi à rendre supportables ses coups de griffe. L'homme finit par trouver de nombreux avantages aux plantes vertes. D'autant qu'il apprend qu'on en fabrique de synthétiques qui ne demandent aucun entretien et font parfaitement illusion. L'équivalent n'existe pas pour les chats. Parfois l'homme se prend de passion pour un chien (...)" (je coupe mais c'est encore pas mal ironique)

[028] ... L'homme s'emporte face aux enfants des mines qui, à mains nues, creusent la terre à la recherche des métaux rares qui lui permettent de signer avec son smartphone des pétitions contre l'exploitation des enfants dans les mines."

Le [029] est excellent aussi mais à vous de découvrir, je ne vais pas tout faire non plus.

Avis babelio, bibliosurf,