Lettres à sa voisine


 Lettres à sa voisine

Marcel Proust

Texte établi et annoté par Estelle Gaudry et Jean-Yves Tadié

Avant-propos de Yves Tadié

Gallimard, 2013


Lorsque Proust habitait au 102 boulevard Haussman, résidaient au troisième les Williams, elle née Marie Pallu, lui dentiste américain dont le cabinet était installé au deuxième étage. Madame  jouait de la harpe [photo dans le livre] et admirait et lisait Marcel Proust.

Alors ils s'écrivaient et pour ce que j'en sais se voyaient très rarement. Durant ma lecture de cette vingtaine de lettres j'ai oscillé entre amusement et tristesse. Le pauvre Marcel devait mener une vie de reclus (dans les fumigations), toute sortie se payant par une crise, alors il devait bien programmer tout cela. De plus, patatras, il y a des travaux chez elle, des déplacements, et poliment comme tout (Veuillez agréer Madame mes bien respectueux hommages) il demande si ses voisins peuvent s'organiser autrement. Sans parler des travaux sur le boulevard, et dans une boutique proche. "On répare la nuit le boulevard Haussmann, on refait le jour votre appartement et () on démolit la boutique du 98 bis dans les entractes."

"J'espère que vous ne me trouverez pas trop indiscret. J'ai eu beaucoup de bruit ces jours-ci et comme je ne suis pas bien, j'y suis plus sensible. J'apprends que le Docteur quitte Paris après-demain et devine tout ce que cela implique pour demain de 'clouages' de caisses. Serait-il possible, ou bien de clouer ces caisses ce soir, ou bien de ne les clouer demain qu'à partir de 4 ou 5 heures du soir (si ma crise finit plus tôt, je m'empresserai de vous le faire dire).

Ou bien s'il est indispensable de les clouer dans la matinée, de les clouer dans la partie de votre appartement qui est au-dessus de ma cuisine, et non de celle qui est au-dessus de  ma chambre."

"Or c'est demain dimanche, jour qui d'habitude m'offre le contraire d'un repos hebdomadaire parce qu'on bat dans la courette contiguë à ma chambre, les tapis de votre appartement, avec une extrême violence. Puis-je pour demain demander grâce? Ou bien quand je ferai ma fumigation faire prévenir pour qu'on profite de ce moment-là."

"Pour lundi serait plus logique puisque c'est dimanche que je dois aller voir des amis et donc lundi que je serai malade."

De quoi parle-t-il aussi? Da sa situation militaire, d'une permission de son frère, de ses romans.

"Mais ces pages détachées vous donneront elles une idée du 2e volume? Et le 2e volume lui-même ne signifie pas grand-chose; c'est le 3è qui projette la lumière et éclaire les plans du reste. Seulement quand on fait des ouvrages en 3 volumes à une époque où les éditeurs ne veulent en publier qu'un à la fois, il faut se résigner à ne pas être compris, puisque le trousseau de clefs n'est pas dans le même corps de bâtiment que les portes closes."

"Ce que je vous disais du sens véritable de chaque partie qui ne leur est assigné que par la suivante, vous en pouvez trouver un exemple dans le Numéro de Juin. - Dans Swann, on pouvait s'étonner que Swann confiât toujours sa femme à M. de Charlus, présumé son amant , ou plutôt on pouvait s'étonner que l'auteur prît la peine de rééditer après tant de vaudevillistes du dernier ordre cette cécité des maris (ou des amants). Or dans le numéro de Juin vous verrez ... (risque de spoiler je n'ai pas cité ). Mais je n'avais pas voulu l'annoncer dans le 1er volume, préférant me résigner à être très banal, pour qu'on fît la connaissance du personnage comme dans la vie où les gens ne se découvrent que peu à peu."

Challenge chez Myriam et claudialucia

Avis babelio

Commentaires

  1. J'ai vu ce livre à la bibli municipale mais j'ai bien peur de m'ennuyer

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    1. @ jelisjeblogue : c'est très court en fait, il y a photos, des gens, des lettres, et puis c'est drôle (enfin, pas pour Marcel évidemment), et puis ces échanges très polis! Ah toute une époque, tout un milieu...

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  2. cela doit donner une vision très intime de l'auteur!

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    1. @ eimelle : oui, on plonge au cœur de sa vie quotidienne

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  3. Le pauvre Marcel je le plains. Supporter le bruit lorsque l'on ne va pas bien, c'est insupportable.

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    1. @ Aifelle : exactment, et tu vois les acrobaties demandées à la voisine pour bénéficier de calme... On n'a pas les réponses, c'est bien dommage...

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  4. Ça ne devait pas être une sinécure d'être la voisine de Proust 😆! Quel talent mais quelle plaie aussi 😁.

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    1. @ Sacha : les réponses de la voisine ont été détruites vraisemblablement. On peut supposer que son admiration pour l'œuvre de Proust la rendait patiente?
      Mais oui, ça ne devait pas être facile d'être sa voisine., même si on recevait des lettres si bien tournées et polies.

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  5. Il faut vraiment s'appeler Proust pour que ce genre de correspondance soit conservé ! Voyons, voyons, si nous n'avons pas un auteur pour voisin dont il faudrait garder les mails...

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    1. @ kathel : tu m'amuses, là! Bon, durant ces échanges Proust était déjà connu et avait écrit. Aurais-je du garder des devoirs d'élèves devenus connus?
      Rappel : côté Proust, donc ce qu'il recevait, on n'a pas.

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  6. je ne suis pas totalement fan de sa correspondance, je ne connais pas celle ci

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    1. @ Dominique : je ne m'y lancerais pas trop, mais là, quelques lettres assez marrantes, ça va.

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  7. Je me concentre sur La Recherche pour l'instant... (tome 4 en approche, ça avance)

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  8. Ces lettres sont vraiment une belle trouvaille amusante en plus, même si le pauvre Proust devait vraiment être mal en point au milieu de tout ce bruit, il restait respectueux et s'adressait à sa voisine d'une manière très courtoise...les temps ont bien changé :):)

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    1. @ manou : des lettres fort intéressantes, au départ pas destinées à être lues par d'autres que cette voisine. Tout une époque, en effet!

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  9. Cela me rappelle les mémoires de Céleste Albaret que j'ai écouté en podcast. Donc je mettrai le lien dans notre prochaine récapitulation

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    1. @ miriam ! merci à toi! Je ne suis pas très sûre de l'endroit où donner le lien, il faut ire que je ne participe pas trop.

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  10. je trouve aussi que d'avoir tout gardé de la moindre trace de cet immense écrivain à un côté un peu étrange. mais je comprends aussi si j'avais eu la chance d'avoir une lettre de Marcel Proust je pense que je voudrais la publier

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    1. @ luocine : ou en tout cas la faire connaître. Il y a des gens qui gardent tout, d'autres qui jettent ou détruisent. Parfois les gens venus après dégagent les écrits.

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  11. Je rentre de vacances et je viens voir ce que tu as lu en mon absence. Je ne connais rien de tes lectures, des découvertes, donc.
    Proust, il me semble qu'on en parle beaucoup en ce moment...

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    1. @ Philippe : il y a actuellement sur les blogs un challenge, et puis peut-être certains se lancent?

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  12. Ça doit être un régal de lire ces lettres d'un autre temps (et de Proust en plus). C'est bien dommage qu'on n'ait pas les réponses de la voisine.^^ N'empêche, même si je n'aurais pas aimé être aussi souffreteuse que Proust, je ne sais pas si j'aurais supporté longtemps un voisin comme lui.^^

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    1. @ Fanja : j'avoue que la voisine devait un peu soupirer en levant les yeux au ciel , quand même! Oh ses réponses devaient être excessivement polies tout de même.
      Je confirme que je me suis amusée à cette lecture.

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  13. Ce brave Marcel n'avait-il pas une villa à la campagne, comme tous les bons bourgeois ?

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    1. @ Sandrine : oui, j'ai pensé qu'il aurait mieux fait d'habiter ailleurs que dans une rue en travaux et un immeuble mal isolé... Sinon, je crois que sa situation financière n'était pas si florissante que cela.

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