Mort ou flic
A la recherche de Pierre F., policier sous l'occupation
Bénédicte Gilles et Gaëlle Sheehan
Belfond, 2025
Pour une fois pas de secret de famille et des gens taiseux. "Dans ma famille, la parole est reine. " "J'ai toujours adoré écouter mes grands-parents me raconter leur enfance" "Alfida nous parle souvent de ses parents, Raymonde et Pierre."
En classe de troisième "Au fait, Mamie, il faisait quoi ton père pendant la guerre? Je ne sais pas pourquoi je n'y avais jamais pensé avant.
- Mon père était policier à Paris.
-Ah.
-A la Libération, il a été accusé d'avoir collaboré avec les nazis. Il a été arrêté et jeté en prison, à Fresnes, pour être finalement libéré un an plus tard.
(...)
- Il a aidé des Juifs à s'enfuir de Paris, il a aidé des résistants, c'est pour cela qu'il a été innocenté.
-Mais Mamie... La rafle du Vel d'Hiv'? C'est la police parisienne."
Les années passent et enfin elle accepte de consulter le (mince) dossier possédé par sa grand mère. Des témoignages en sa faveur recueillis après la guerre, d'autres franchement pas du tout!
Pierre Fratani est l'arrière grand père de Bénédicte Gilles et avec son amie aussi journaliste elles se lancent dans les recherches. Elles peuvent ainsi retracer sa carrière, qui n'a pas été un long fleuve tranquille. Il a même été relevé de ses fonctions en novembre 1940 pour "mauvais esprit à l'égard du gouvernement de Vichy." J'apprends en même temps que son épouse ne pouvait continuer à exercer son travail, les nouvelles lois sociales de Vichy sur le travail féminin écartaient les épouses du travail. La situation du couple est précaire, un bébé est en route (la grand mère Alfida).
Au cours d'entretiens avec l'historien Jean-Marc Berlière elles apprennent que s'il a pu retrouver un poste dans la police, c'est que Vichy manque de bras et il faut recruter.
J'apprends aussi que la police, jusque là à 90% municipale en France, est étatisée, plus pratique pour Vichy, bien sûr. "L'organisation de la police actuelle découle tout droit de celle de Vichy."
Les auteures se posent des questions. "Où se situe la frontière entre l'action et la passivité complice face à un pouvoir autoritaire, ou qui flirte avec l'autoritarisme? A partir de quand en faisons-nous assez?"
"Mon arrière grand-père fait fuiter des informations, capoter des enquêtes, prévenir des résistants qu'ils vont bientôt être perquisitionnés." Elles rencontrent Sylvie Zaidman, à la tête du musée de la libération de Paris, histoire de parler de 'résistance' vs 'solidarité'.
Une enquête intéressante, un peu "à l'arrache" parfois, qui permet de bien se replonger dans l'ambiance difficile de l'époque, qui voit les choses côté policier et ouvre des horizons sur notre propre époque.
Avis babelio,
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont modérés, histoire de vous éviter des cases à cocher pour prouver que vous n'êtes pas un robot.