La bibliothèque retrouvée


 La bibliothèque retrouvée

Une enquête

Vanessa de Senarclens

Zoé, 2025


Pourquoi ce livre? Repéré dans une liste de nouveautés, puis vu noté 'coup de cœur' dans une librairie, et puis quoi, l'éditeur Zoé, et surtout cela parle d'une fabuleuse bibliothèque (et il y a des photos en noir et blanc, auxquelles je résiste mal en général).

Présentation de l'auteure en quatrième de couverture :

"Née en 1968 à Genève, Vanessa de Senarclens vit depuis 1996 à Berlin. Spécialiste des Lumières, elle enseigne la littérature française à l’université Humboldt. Il y a une dizaine d’années, un catalogue appartenant à sa belle-famille atterrit dans son bureau: les 16 000 livres qu’il recense ont disparu. Pour raconter cette histoire, elle s’échappe des sentiers académiques et trouve sa voix, dans La bibliothèque retrouvée, à la frontière du récit littéraire de l’essai."

Fascinée (et je la comprends et la suis) par la bibliothèque ayant appartenu à sa belle famille, Vanessa de Senarclens se lance dans des recherches historiques, géographiques, avec du flair, de la ténacité et souvent de la chance (ou pas). Au départ, un catalogue à fiches inventoriant 16 000 ouvrages patiemment accumulés, collectionnés, rangés (et lus) par surtout deux ancêtres, Friedrich Wilhelm von der Osten (1721-1786) et Karl von Bismarck -Osten (1874-1952) dans leur château de Poméranie. Ce coin prussien mais actuellement polonais (ville de Ploty)(Plathe avant 1945) a connu bien des bouleversements à la fin de la seconde guerre mondiale. En 1945, il a fallu fuir, et l'épisode est particulièrement frappant, daté du 3 mars 1945. Les chars russes avancent, un train est mis à disposition pour ramener la bibliothèque à l'ouest (le quel train permettra à un bon nombre de civils de fuir aussi), le fameux catalogue et plein de livres extraordinaires qui, si j'ai bien compris car parfois ça s'embrouille vont atterrir dans divers endroits. Ce qui est resté sur place, hé bien, cela réapparait parfois, c'est incroyable.

Début 2018, arrive un message "En rangeant la maison de nos parents récemment décédés ()nous avons trouvé un livre issu de la bibliothèque du château de Plathe. Il s'agit des Mémoires pour servir à la maison de Brandebourg, écrites par le roi Frédéric II parues chez ... à Berlin en ....." Je passe les détails. En plus d'un ex-libris, une note figurait sur la page de garde : "Ce livre m'a été offert par le comte von Bismarck Osten au matin du 3 mars 1945. A cette heure l'offensive des chars russes contre la ville et le château de Plathe a commencé. Avec Clemens et ? nous l'avons aidé hier à emballer sa bibliothèque." Signé Lieutenant Max A, le grand père de la correspondante. 

Je dois passer, il y a plein d'exemples des livres dont on a retrouvé la trace.

L'auteure parle aussi de cette ambiance littéraire et érudite du coin au 18è siècle, le siècle des Lumières, pour mémoire, du temps de Frédéric II dont Friedrich-Wilhelm a été chambellan, des démêlés avec les n%zis (hé oui, aussi) et de l'Armée Rouge... Des temps fort douloureux pour la population.

Le tout est absolument passionnant, l'histoire de cette bibliothèque, sa richesse absolue, la rareté de certains ouvrages, les recherches de l'auteure durant plusieurs années. 

"Lorsque j'ai fait connaissance de la famille au milieu des années 1990, le récit qu'on me faisait de la bibliothèque s'interrompait toujours aux mêmes endroits , comme un disque rayé dont l'air finit par lasser. A mes questions insistantes, j'obtenais les mêmes réponses frustrantes. L'histoire de la bibliothèque relevait d'une boite noire après un accident d'avion : Flight recorder - do not open, me signifiait-on du regard."(...) "Mes interrogatoires, sans doute maladroits, coïncidaient avec un moment historique où, après des décennies de rideau de fer, il n'était pas très compliqué de prendre sa voiture et aller investiguer sur place ce qu'il était advenu du château des ancêtres et de la bibliothèque."

Ces nobliaux prussiens "restent entre eux et sont irrécupérables", on sent la méfiance des n%zis. "Dans ces échanges, Karl feint d'ignorer le 'H%il Hitler' que ses correspondants lui adressent systématiquement en fin des lettres. Il répond avec des salutations 'très dévouées' ou 'allemandes' et marque ainsi sa distance au régime."(...) "Bonjour, bonsoir même au revoir, se serrer la main soulever son chapeau en hommage à une dame étaient devenus des gestes suspects qui pouvaient faire l'objet de dénonciations."

L'on sent la bonne opinion de l'auteur pour le personnage (qu'elle n'a pas connu) et son humour discret mais réel.

Tout un monde (privilégié) disparu. "Débarque en 1918 une famille de réfugiés baltes de Saint-Pétersbourg, 'Elle s'était annoncée pour le thé et resta trois ans', disait-on avec sympathie."

Avis babelio

Videos de l'auteure sur internet, vous trouverez. Billet un peu brouillon, les % servent à écarter la menace de censure quand blogspot n'aime pas un billet (je n'ai jamais su pourquoi).

Un feuillet d'incunable en latin utilisé comme enveloppe au 19èsiècle
Exposition 'locale' de livres anciens

Commentaires