Tous ceux qui tombent
Visages du massacre de la Saint-Barthélemy
Jérémie Foa
La découverte (collection A la source), 2021
La Saint-Barthelemy? Souvenirs lointains de cours d'histoire, 1572, tout ça. Bref, pas très attirant.
Mais c'était compter sans le billet tentateur de Sandrine et le talent de Jérémie Foa.
Ce gars là touche mieux sa bille que moi en paléographie et s'est plongé dans les actes notariés (testaments, inventaire après décès, contrats de mariage), les registres d'écrou de la Conciergerie de Paris, etc., sans doute les registres des paroisses (je le suppose) à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rouen, mais - et ce fut un de mes chocs!- pas à Paris, les registres ayant brûlé lors de la Commune. J'en pleure en pensant à cette mine de renseignements, moi qui m'use les yeux sur lesdits registres pour ma généalogie. Bref.
Il parle cependant de "l'épouvantable écriture des greffiers du parlement de Paris" et d'une acte "tracé d'une écriture si hostile que je n'ai pas poussé plus loin ma lecture", se contentant d'un nom lu. Hélas pour lui le nom était mal retranscrit et "c'est inévitable, je dois déchiffrer l'impitoyable manuscrit" (retranscrit en mode gruyère, mais je ne le lui reprocherai pas)
Passons à des faits plus tragiques. Il pourrait nous inonder de statistiques ou de détails abominables (il y en a un peu quand même) mais préfère s'intéresser aux gens, nommés la plupart du temps, que ce soit côté assassins ou côté victimes. On ne croisera pas le roi, ni la reine-mère. Du 16ème au 20ème siècle, chroniqueurs et historiens se sont évertués à faire de Catherine de Médicis et de son fils les uniques responsables des tueries. Mais, à part sans doute quelques nobles connus d'eux, "le roi est bien incapable des reconnaître un protestant".
En revanche, autre choc pour moi, les tueurs ce sont les voisins, et même des membres de la famille. Parfois ils sonnent avant d'entrer (et massacrer). Eux bien sûr connaissent les habitudes des habitants du quartier (qui va ou pas à la messe, qui a des œufs chez lui en période de carême, etc.). Et surtout les années précédentes "les huguenots ont subi les tracasseries de ces hommes, ont dû les suivre aux prisons, se soumettre à leurs interrogatoires et à leurs moqueries(...) La Saint-Barthélémy est un événement de proximité et il faut dire tout ce qui oppose cette thèse à celle d'un massacre aveugle, rendu possible par l'anonymat supposé de la grande ville." "Que le massacre n'ait pas été prémédité est un fait aujourd'hui accepté. Que les hommes responsables des massacres se soient longuement entrainés doit en revanche être établi. "Un bel arsenal à la maison, ou bien des listes d'emprisonnés "pour hérésie" les années précédentes.
Parfois on peut soupçonner des règlements de comptes, ou l'occasion de mettre la main sur des objets de valeur.
Je termine avec "Hier comme aujourd'hui, les noms de baptême collent à la peau.(...) Deux prénoms vétérotestamentaires dans une même famille, c'est là un indice fort." Bien pour l'historien, pas forcément un cadeau pour la personne.
Durant cette lecture (cela se lit quasiment d'un trait) je n'ai pu que déplorer mon manque de connaissance sur cette période historique, et emprunté Survivre. Une histoire des guerres de religion, du même Jérémie Foa. Affaire à suivre.
Avis babelio,

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