La dernière colonie
Philippe Sands
Albin Michel, 2022
Traduit par Agnès Desarthe
Savez vous placer sur une carte l'Archipel des Chagos, comprenant Diego Garcia et Peros Banhos? En dépit de leur nom, sans doute conséquence de la nationalité du marin y ayant posé le pied, ces îles appartenaient à l'ile Maurice et tout l'objet du livre de Sands est d'expliquer pourquoi elle y appartiennent à nouveau. Sauf coup de Trafalgar anglais de dernière minute. Oui, c'est compliqué.
Reprenons : courant 20e siècle, Maurice est anglaise, donc les Chagos aussi. Sauf que Maurice va obtenir son indépendance. Les Chagos aussi? Hé non! A un moment l'Angleterre décide que non, les Chagos ne font plus partie du territoire mauricien, d'ailleurs il serait sympa de laisser aux Etats Unis en location une île dont ils feraient un bon usage (sécurité, observation, prison, plein de choses).
Et les habitants de Peros Banhos? Il y en a , depuis le 18è siècle, ils parlent créole, sont nés, mariés et enterrés là, ils vivent de culture, pêche, etc. En 1973, sans crier gare, tout le monde est embarqué à Maurice, et voilà, fini leur île natale. A Maurice, pas grand chose n'est prévu pour eux...
Au fil du temps, certains veulent retourner dans leur île, la Grande Bretagne veut garder l'archipel.
Grosse bataille juridique, quoique feutrée, entre autres à la cour internationale de la Haye, que connait bien l'auteur, et à l'ONU. Je n'ai pas tout compris, sur des décennies défilent les 'verdicts' et les 'décisions'. On croise des précédents avec l'Afrique du sud et la Namibie, le Nicaragua. Décoloniser et laisser des populations occuper leurs terres, c'est long et compliqué. Les premiers temps, c'étaient des mâles blancs européens qui siégeaient, de nos jours c'est plus varié, mais c'est incroyable de voir comment l'Angleterre s'accroche à ce bout de terre là-bas et refuse le retour des habitants. Même wikipedia n'est pas forcément au jour (on parle de fin 2025 pour le transfert de souveraineté)
J'avoue que parfois c'était assez ardu de suivre tout cela, heureusement Philippe Sands s'est attaché à une habitante, Liseby Elysé, et au combat des habitants, pour humaniser un peu tous ces débats. Il fait un travail de juriste ou avocat, ne peut raconter n'importe quoi, il faut bien sentir que suivre le droit international c'est être patient, subtil, et se méfier avant de crier victoire ou se décourager. On ressent aussi sa sympathie émue pour ceux qu'il défend.
Pour ceux qui ne connaissent pas, il a écrit l'incontournable Retour à Lemberg, qui le touche de près. Je vous laisse aussi avec de bons podcasts récents sur France Inter, Juger les crimes de guerre, anatomie d'un combat moral.

Il s'en est passé des trucs dans ce petit bout de terre... comme partout, tu me diras.
RépondreSupprimer@ nathalie : oui, et là, ça a donné lieu à des batailles juridiques, le pot de terre contre le pot de fer.
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