lundi 29 juillet 2019

Dans la lumière

Dans la lumière
Flight Behavior
Barbara Kingsolver
Rivages, 2013



Après Un jardin dans les Appalaches (non fiction), Barbara Kingsolver propose à son lecteur un roman se déroulant dans ce même coin des Etats-Unis. Y être né n'est pas forcément un cadeau, et bien des personnages, à commencer par Dellarobia, font partie des petits blancs pauvres, comptant chaque dollar, même dans les magasins de seconde main ou à bas prix. Deux passages fort dialogués racontent ces courses, c'est parlant; sinon, le mari et la belle-famille de Dellarobia sont de petits exploitants agricoles et élèvent des moutons. Elle a fréquenté le lycée (mais les professeurs n'étaient pas tous bons), renoncé à poursuivre des études (bien des difficultés, surtout tomber enceinte à 17 ans). Son mari n'est pas parfait mais gentil, cependant Dellarobia rêve toujours...

Un jour elle découvre dans les collines derrière sa maison une colonie de millions de papillons monarques venus là lors de leur migration.
"Les gens, elle et les autres, étaient des rocs humains dans le courant d'insectes. Ils avaient pénétré dans une rivière de papillons et le flot, indifférent, se ruait en direction de la vallée, n'obéissant à rien sinon à sa propre force. Les papillons traversaient continuellement son champ de vision, flocons noir orange qui la faisaient cligner des yeux, et se fondaient au loin en une masse confuse et chaotique, et elle trouvait franchement impossible de croire ce que ses yeux lui révélaient. Ou ses oreilles : le bruissement sans fin, comme une robe de taffetas."
https://www.monnuage.fr/photos/point-d-interet/251106#
Les médias s'en mêlent, arrive le professeur Ovid Byron, spécialiste des ces lépidoptères, ainsi que son équipe.

Deux fils dans ce roman, la vie de cette petite communauté d’américains ne bougeant pas de leur coin, et le changement environnemental vu à travers le papillon monarque. C'est très bien fait, les idées sont bien amenées, on conçoit le choc de deux mondes, et on s'attache aux personnages.

"ça la sciait , de faire partie des gens qui voyaient le monde tel qu'il était avant. Tandis que les gosses faisaient leur chemin." Quand elle se rend compte que sa fille joue avec un vieux modèle de téléphone (" boîtier massif, cordon, combiné, cadran"), sans savoir que cela servait à téléphoner, car pour elel un ténéphone est dans la poche, on le fait glisser pour l'ouvrir..

Des avis : Brize, assez mitigée, mais aussi Dominique (et comme d'habitude des photos superbes), clara, papillon,

lundi 15 juillet 2019

Jane and Prudence (et les autres) : toujours Pym!

Jane and Prudence
Barbara Pym
Virago Press
Paru en 1953


Poursuivant ma lecture/relecture de Barbara Pym, mais en VO pour donner du piquant à la recherche de ses romans (sans passer par A*), voici donc Jane and Prudence.

Elles sont amies, mais vraiment fort différentes. Jane est l'épouse d'un 'vicar' fraîchement nommé dans une paroisse campagnarde, elle se sent vraiment peu compétente en tant que femme d'ecclésiastique et comme femme d'intérieur tout court, heureusement son époux est compréhensif et elle est secondée (voire remplacée) par sa fille de 18 ans et une femme du village.

Prudence est célibataire et approche de la trentaine, autant dire qu'à l'époque ça sentait bien le brûlé! Élégante, londonienne, travaillant dans un bureau, vaguement amoureuse de son patron. Mais Jane se met en tête de jouer les marieuses (Emma Woodhouse n'est pas loin) et lui présente un veuf du village.

Comme d'habitude avec Barbara Pym, il n'y a rien à enlever, les dialogues sont vifs, les sous-entendus subtils, les petits détails ont leur importance, les personnages apparemment secondaires peuvent avoir un grand rôle à jouer (ah cette Jessie Morrow) . Le statut matrimonial a une grande importance, il faut croire que début des années 50 une femme se devait d'être mariée (ou plainte).

Crampton Hodnet
Barbara Pym
Virago Press
Paru en 1985 (donc posthume) mais écrit avant 1940

Mais quoi? Deux des personnages principaux se nomment Miss Doggett et sa demoiselle de compagnie Jessie Morrow, comme dans Jane and Prudence. Un binôme qui réside à Oxford, et cette fois Jessie dont l'humour fait mouche partage les événements dont elle est témoin voire actrice.

Miss Doggett accueille sous son toit un bel ecclésiastique; son neveu le professeur Cleveland (pourtant aucun rapport avec Jane Cleveland!) s'imagine tomber amoureux d'une belle étudiante; Anthea, fille du professeur est elle bien amoureuse mais cela durera-t-il? Dans ce petit monde où chacun s'efforce de garder une vie privée, hélas les rencontres inopinées sont inévitables, et ça chuchote beaucoup.

Un roman pymissime à souhait, avec ses ecclésiastiques, ses célibataires, ses professeurs et étudiants. Cela ne donne pas forcément envie au départ, mais le regard de Pym sur ses personnages, les remarques au fil du texte rendent le tout réjouissant.

Les avis de Papillon Dominique - Aifelle

Adam and Cassandra (Civil to strangers)
Barbara Pym
Ecrit en 1936 mais paru en 1987 (posthume)
Lu dans l'édition chez Grafton
Existe en poche (y'a plus qu'à)

Cette fois c'est un couple, Adam et Cassandra, qui occupe le devant de la scène. Mariés depuis 5 ans, ils habitent dans le petit village d'Upcallow, Adam écrit ou plutôt tente d'écrire un roman, chouchouté par Cassandra qui n'est pas dupe de ses caprices. Qui dit petit village chez Barbara Pym dit le pasteur et sa famille (dont une jeune fille, Janie), un aide pasteur (j'ignore comment ça se traduit, en fait) mariable et convoité par Angela Gay, jeune femme encore célibataire (le mariage commence tôt à urger, à l'époque), des femmes respectables aimant propager les nouvelles, et beaucoup de thé consommé!

Jusqu'au jour où s'installe dans le village un étranger, un Hongrois! Quoique poursuivi par Amanda, il s'entiche de Cassandra qui sans être intéressée voit là l'occasion de réveiller un peu Adam.

Ajoutons un couple plus âgé qui va se former et un voyage à Budapest, et voilà un roman absolument charmant et réjouissant de la jeune Barbara Pym. Je recommande pour un premier contact, tiens. On frôle le romantique, c'est dire! Même si l'ironie gentille est toujours présente.

Les avis de Papillon, Titine,

Grâce à Barbara Pym voilà entamé le challenge de Philippe,
site https://www.livrenpoche.com/
civil-to-strangers-e365649.html
Barbara Pym a vu quelques uns de ses manuscrits refusés, elle en a laissé certains de côté, mais mon exemplaire d'Adam et Cassandra est complété par trois courts romans et quatre nouvelles, qui se laissent bien lire!

Gervase and Flora se déroule en Finlande, mais une Finlande parmi des expatriés anglais, garantie d'ambiances à la Pym.
Home front novel est inachevé; pourtant, que de potentiel dans ce roman montrant un petit village avec toujours ses ecclésiastiques, ses célibataires, sa gentry locale, ses rêves amoureux. Tellement de charme!
So very secret rentre dans la catégorie roman d'espionnage (si!) avec Cassandra l'héroïne entraînée sans le vouloir dans une aventure bien mystérieuse. Coïncidences, un poil beaucoup, action, poursuites, ceci pendant la seconde guerre mondiale. Je n'ai pas boudé mon plaisir;
So, some tempetuous morn reprend des personnages de Crampton Hodnet, roman refusé à l'époque. La nouvelle date des années 50.
Goodbye Balkan Capital se déroule en 1941, The Christmas Visit, le titre donne l'idée (mais sans dévoiler l'occasion de découvrir un chat gourmand prenant ses aises)(un chat, quoi) et Across a crowded Room décrit un dîner parmi des universitaires.

En fait, parfois ces textes écrits en 39 et un peu après fourmillent de détails sur la vie anglaise, l'engagement des femmes, les bombardements, l'entraînement aux soins infirmiers, les enfants recueillis, les rideaux noirs, les chaussettes tricotées...

Pour terminer, un entretien à la radio en 1978, où Barbara Pym parle de ses influences, comment travailler avec des anthropologistes lui a donné à 'cultiver une attitude de détachement  envers la vie et les gens', un écrivain pouvant aussi faire du travail de terrain.

jeudi 11 juillet 2019

A la recherche d'Alice Love

A la recherche d'Alice Love
What Alice forgot
Liane Moriarty
Albin Michel, 2019
Traduit par Béatrice Taupeau



Après Le secret du mari, une bonne surprise, j'ai choisi de faire de nouveau confiance à Liane Moriarty pour une lecture pas prise de tête, avec un poil de suspense, des personnages bien vus, un poil d'humour, et une fin pas plombante. Oui, ça fait du bien!

Alice Love se prépare à fêter ses quarante ans, lorsqu'au sport, qu’elle pratique de façon intensive, elle chute sur la tête, et perd la mémoire, se réveillant convaincue d'avoir 29 ans, un premier bébé en gestation, et un mari avec lequel tout baigne. Une Alice pas à cheval sur le régime, pas sportive, pas 100% organisée.
Elle se découvre en train de divorcer, se disputant la garde de trois enfants, super organisatrice, et en froid avec différentes personnes.

Dix ans de sa vie ont disparu, sa famille va l'aider à combler le trou, mais découvrir une nouvelle Alice ne sera pas de tout repos.

Voilà l'idée, après ça tout roule fort bien. Le journal de sa soeur et le blog de sa 'grand-mère' ponctuent l'histoire d'Alice. On n'est pas chez Proust, mais c'est bien ficelé, la narration est bien gérée, quelques exagérations bien sûr, mais ça fait partie du jeu. J'ai beaucoup aimé que la mémoire lui revienne surtout grâce à des odeurs. (je comprends car je fonctionne un peu comme ça)

Las avis de papillon;

lundi 8 juillet 2019

La vérité sur Dix petits nègres

La vérité sur Dix petits nègres
Pierre Bayard
Minuit, 2019


Oui, Pierre Bayard a encore frappé fort! Il ne recule devant rien, Parler des livres qu'on n'a pas lus, ou des lieux où on n'est pas allés, alors après avoir révélé qui a tué Roger Ackroyd, il dévoile comment cela s'est vraiment passé sur la célèbre île du Nègre. Agatha Christie a tout faux ou presque, et Pierre Bayard se fait fort d'utiliser les bons indices pour faire éclater la vérité. Son narrateur/narratrice n'est autre que le/la coupable, qui commence bien sûr par raconter l’histoire telle que narrée par Agatha Christie (note : lire ce roman avant), se lance dans un passage passionnant sur les illusions d'optique*, les biais cognitifs, puis enfin (tadam!) nous embarque dans son explication.

Bien évidemment je marche sur des oeufs, car pas question de trop en dire sur le roman originel, ni sur celui de Pierre Bayard! Lequel n'hésite pas à se citer, par exemple
'selon cet auteur, les personnages ne se contentent pas d'avoir une forme d'existence, ils bénéficient d'une marge de liberté qui les conduit à prendre des décisions différentes de celles que l'auteur avait prises à leur sujet et qu'il croyait sans appel. Cette autonomie d'action, qui implique un certain état de conscience, peut en particulier les inciter à commettre des meurtres à l'insu de leur créateur, alors même que celui-ci a accusé un autre personnage en toute bonne foi.'

*Amusez-vous!
Compter le nombre de passes que fait l'équipe habillée de blanc:
https://www.dailymotion.com/video/xnfymc
puis regardez à nouveau sans compter les passes.

Mon billet sur trois romans détaillés par P Bayard.

Les avis de dominique, A girl (Lecture commune), clara, papillon; alex,

jeudi 4 juillet 2019

Les impatients

Les impatients
Maria Pourchet
Gallimard, 2019



Reine (ex-Nadège?) , après des études menées tambour battant (dont une négociation pour passer en seconde A, la meilleure), HEC, un passage aux Etats-Unis, quitte un bon job, postule pour un autre, fait connaissance d'Elisabeth, sa probable N+1, puis se lance dans sa propre aventure, à base d'algues.
Comment, les algues? N'y aurait-il pas l'influence (niée) d'un certain Marin, beau blond océanographe à l'Ifremer? On s'est perdu, on s'est retrouvé, on s'est reperdu, jusqu'à?

Dans ce tourbillon un pilier, Etienne, l'ami de toujours. Puis Pierre, le compagnon. Et les investisseurs, on parle par demi-millions, là.

"Cette oeuvre de fiction est inspirée de résultats d'enquêtes menées par l'Observatoire des gouvernances et des hauts dirigeants. L'auteure remercie vivement Brigitte Lemercier, sa fondatrice, ainsi que toute son équipe, d'avoir soutenu ce projet, et rendu possible cette transposition dans le champ littéraire de travaux d'ordre sociologique."

Mais même si l'on vit loin de ce monde-là, entreprises, dirigeants aux dents longues, l'on prend un vif plaisir à suivre  Reine (un poil essoufflé! mais on en redemande). L'écriture colle idéalement au sujet, et l'on se délecte des dialogues souvent ciselés, du sens de la formule, de l'ironie caustique. J'avoue avoir aimé les précédents romans de Maria Pourchet et vous invite à la découvrir rapidement!

Les avis de Les livres de Joelle, motspourmots, au fil des livres (et son dialogue avec l'auteur )

lundi 1 juillet 2019

Atlas illustré des lieux inaccessibles

Atlas illustré des lieux inaccessibles
François Thierry
Les Editions de l'Opportun, 2018



Quelle idée originale! Au lieu de faire rêver avec des destinations banales, François Thierry choisit de nous emmener, sans quitter notre fauteuil confortable, parfois au bout du monde, mais pas toujours, puisqu'on y trouve le sud de la France, l'Ecosse, la Grèce, l'Italie... Un seul critère : ça se mérite! Il faut souvent crapahuter sur les pistes, voire terminer à pied, pour atteindre ces coins là. Ou attendre d'hypothétiques liaisons aériennes ou maritimes. Ou carrément se heurter à l'administration ou, pire, des autochtones peu accueillants.
Sachez aussi que la météo ne sera pas toujours topissime. Très (mais vraiment très) froid, chaud (oui, très très).

Allez, on découvre quelques-unes de ces 51 destinations?

Uttoqqortoormiit : sur la côte ouest du Groenland, "le village possède de jolies maisons colorées, des garde-chasses qui se déplacent uniquement en traîneaux à chiens, une faune locale riche (ours polaires, bœufs musqués et lions de mer) et un paysage arctique typique parsemé d'icebergs. La recette idéale pour développer le tourisme."

Longyearbyen (Spitzberg) : "Il est interdit de mourir à Longyearbyen depuis plus de 70 ans. Dans cette ville, le sol en permanence gelé a empêché les derniers corps enterrés de se décomposer. Certains sont encore porteurs de la grippe espagnole de 1917!". On y trouve la réserve mondiale de semences.

Des îles aussi, comme Bouvert (possession norvégienne), au sud de l'Atlantique et recouverte d’une calotte glaciaire. "Une enquête révèle qu'un compte bancaire est ouvert via la Suisse depuis Bouvet alors que celle-ci est inhabitée..."

Maintenant quittez les doudounes, direction le désert de Danakil (Ethiopie). A 125 m en dessous du niveau de la mer.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sert_Danakil
Supaï (Arizona) en bas du grand canyon, très isolé, à 13 km de la route la plus proche, et il faut réserver plus d'un an à l'avance.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Supai_(Arizona)
Bref, au cours de ma lecture, j'ai bien voyagé!