mardi 31 décembre 2013

Dix livres ... et des voeux...

Taguée par Agnès, je dois donner dix livres qui ont marqué ma vie de lectrice, coups de cœur ou déceptions, si j'ai bien compris.
Comme c'est fêtes, mon bouclier anti-tag est un peu désactivé, alors voyons voir...

1) Le Comte de Monte-Cristo : offert en bibliothèque verte quand j'avais douze ans, deux gros volumes, mais avec des coupes et des résumés. Lu, relu, et bien sûr une fois plus âgée j'ai lu et relu la version complète, essuyant une larmichette aux mêmes endroits. Le bonheur total, quoi.

2 ) 1984, je n'ai jamais oublié la scène avec le rat. Salle 101. Curieusement un collègue déclarait il y a peu sentir qu'on l'avait affecté salle 101 pas par hasard (un collègue extrêmement intéressant !). Jamais osé le relire, à cause de cela, je pense.

3 ) Le meilleur des mondes, lu comme le précédent avant ma vingtième année, et même si je ne l'ai pas relu, j'ai l'impression qu'il n'a pas vieilli!

4 ) Fondation d'Isaac Asimov (en fait, tous ses bouquins). Lu, relu, j'adore!

Donnant ces titres sans trop réfléchir, c'est aussi le jeu, ne voilà-t-il pas que je constate que dans les quatre premiers se sont glissés trois romans de SF!!!

5 ) Orgueil et Préjugés (lu, relu, VF et VO)

6 ) A la recherche du temps perdu (lu, relu, etc...)

7 ) Au bonheur des dames et Pot Bouille (les deux vont ensemble)(lu, relu, bon on commence à sentir l'idée générale dans mes choix)

8 ) Zweig, nouvelles ou biographies

9 ) Le secret de Chimneys d'Agatha Christie ou un autre de l'auteur d'ailleurs (lu, relu, VF, VO)

10 ) Catch 22, je veux le relire!Dans ma PAL... (commencé dimanche soir)

11 ) Les garennes de Watership Down, plutôt classé jeunesse, lu adulte, mais j'adorerais le relire!

Liste établie en peu de temps, qui risque donc d'être différente à un autre moment... Reprend ce tag qui veut!
Et pour terminer :

Bonne et heureuse année 2014!



samedi 28 décembre 2013

Man

Mãn
Kim Thúy
Liana Levi, 2013



Mãn  signifie "parfaitement comblée" ou "qu'il ne reste plus rien à désirer" ou "que tous les voeux ont été exaucés". Joli, non?
Dans son deuxième roman, après Ru, l'auteur fait parler Mãn, vietnamienne immigrée au Canada grâce à un mariage arrangé, ni heureux ni malheureux. Sa rencontre avec son amie Julie, puis Luc lui font saisir à quel point elle est dans la retenue. Sa vie professionnelle, comme ayant fait décoller un petit restaurant en lieu connu, école de cuisine, etc..., est une réussite. Le Vietnam d'avant, de la guerre, est évoqué, surtout au travers de sa mère;

Voici l'occasion d'en apprendre beaucoup sur la culture vietnamienne, un bon point pour ce court roman, qui cependant ne m'a pas emballée plus que cela, au point de terminer en diagonale les dernières pages, sans attachement particulier pour l'héroïne. Dommage, je sais, car l'écriture est toujours fine et délicate, poétique souvent, et s'en exhalent les senteurs et saveurs de la cuisine vietnamienne (miam!)

Des avis: La cause littéraire  Lire et merveilles    Jérôme  (qui en parlent mieux!)

mercredi 25 décembre 2013

Joyeux Noël avec Angela Morelli et "Sous le gui"

En 2013 jamais je n'aurais acheté et lu un Harlequin s'il n'y avait pas eu ... Angela Morelli!

Dans ce recueil sont présentées quatre nouvelles lauréates du concours nouveaux talents Harlequin. Seul Sous le gui m'intéressait, mais comme je suis sérieuse et perfectionniste, j'ai tout lu!

Alice au bois dormant commençait bien, avec cette restauratrice de livres anciens démarrant une relation par mails interposés avec Simon. Mais la quête de Simon sur ses origines est abandonnée dès son possible éclaircissement et surtout des pages entières sont consacrées aux ébats du couple. Terminé en diagonale.
L'esclave et l'héritière, qui connaîtra une suite, est brouillon, trop rapide, je n'ai pas trop compris qui était qui. Terminé en diagonale.
Passion sous contrat ou l'assistante  (chargée aussi du café!) et le patron. Pourtant ça démarrait pas mal avec de l'humour : "Si Nicolas ignorait encore à quel point je fantasmais sur lui, mon corps, lui, en avait parfaitement conscience. Ou alors le dérèglement climatique était plus violent que ce que les scientifiques nous annonçaient." ou "Je ravalai ma salive pour empêcher un couinement honteux de s'échapper de ma gorge". Oui, couiner!!! Je n'en croyais pas mes yeux... Hélas l'affaire a vite tourné à une passion express entre les deux, la fille nunuche et le patron dont on se demande toujours, avec les super qualités qu'il possède, pourquoi il est encore disponible. Je me demande aussi comment il vient la chercher en voiture, puisque peu après il décrète ne pas avoir de voiture et l'emmène sur sa moto. Bref, terminé en diagonale.

Venons en donc à Sous le gui, qui dois-je l'avouer, a conquis mon petit cœur romantique. Émotion et humour au rendez-vous. Tout est de bon goût, la longueur est parfaite (j'en aurais bien repris un peu, M'sieur Cadbury). Julie est une jeune et jolie veuve, dotée d'enfants bien élevés (bluffants, ces gamins), qui va rendre service au nouveau locataire de son immeuble. OK, je n'ai pas besoin de vous raconter la fin, mais entre temps tout est vraiment sympathique, il y a d'autres personnages bien croqués, pour le "plus si affinités" l'auteur sait user de l'ellipse. Et surtout surtout la nouvelle recèle des petits détails marrants que je soupçonne l'auteur d'avoir jetés exprès sous les yeux des lecteurs attentifs. Julie et Nicolas ont tous les deux des appartements bourrés de livres, et sauf erreur de ma part ils sont tous deux en train de lire le même roman (JKR?)
Chez Julie, "il y avait essentiellement des poches, et pour autant qu'il pouvait en juger, ils étaient rangés par...couleurs".
"Elle enfila un pull jacquard rouge et vert avec une guirlande de bonhommes de neige: chez Julie, l'esprit de Noël n'était pas un vain mot"
Juste pour m'amuser!
La cahier des charges Harlequin est donc respecté, mais avec intelligence. Les deux personnages principaux ont de l'épaisseur, on n'a pas juste droit à de bêtes quiproquos et incompréhensions juste destinés à faire durer le schmilblick.

Nous attendons donc avec empressement les nouveaux écrits de la talentueuse Angela Morelli (et je ne dis pas ça parce que je sais qui c'est!). Son premier roman est sorti le 16 décembre (je dis ça je dis rien). Hélas pas en version papier, alors les filles, ruez vous sur la version électronique pour que celle papier existe et que je puisse la lire (ben oui). Comme je suis sympa, voici la direction pour tout savoir sur chick lit et romance, par l'auteur herself (et elle s'y connaît)

Joyeux Noël à toutes et à tous!

lundi 23 décembre 2013

Don Quichotte, saison 2


Après une lecture commune de la première partie avec A Girl from earth, pas question de rater la suite, encore plus gouleyante que la première! Mais ne brûlons pas les étapes. Même si quelques échanges publics sur Facebook ont pu laisser poindre notre enthousiasme. Ce billet sera donc foutraque et enthousiaste.


L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche
Miguel de Cervantes Saavedra
Garnier Frères, 1961 (pépite trouvée à la bourse aux livres)(en version reliée et solide)
Paru en 1605
Traduction de Viardot (1836)

 
De retour forcé dans son village à la fin du premier volume, Don Quichotte n'a pas l'intention de lâcher sa petite entreprise de chevalerie errante.
Le bachelier Samson Carrasco ayant rapporté les erreurs ou omissions reprochées à l'auteur de la première partie de Don Quichotte, à savoir qui vola l'âne de Sancho, comment il se fit que Sancho fut à nouveau sur l'âne, sans qu'on l'ait retrouvé, et enfin comment Sancho dépensa les cent écus d'or, Sancho expliqua diligemment cela. Mais pas complètement, car "l'historien s'est trompé, ou ce sera quelque inadvertance de l'imprimeur."
La grande question se pose, "l'auteur promet-il une seconde partie?" Pas sûr, car "Jamais seconde partie ne fut bonne."

Inutile de dire que je buvais déjà du petit lait! Cervantes, quel auteur! Le voilà critique du tome 1 dans le tome 2!
Et ça continue :
"En arrivant à écrire ce cinquième chapitre, les traducteur de cette histoire avertit qu'il le tient pour apocryphe, parce que..."
Pourquoi se gêner, n'est-ce pas? Le traducteur intervient à plusieurs reprises, ainsi que l'auteur, Cid Hamet Ben Engeli, comme dit en première partie.

Finalement, au grand dam de sa nièce et de sa gouvernante, du curé et du barbier, Don Quichotte repart on the road again, pour de nouvelles aventures...

Contrairement à la première partie où Don Quichotte se battait beaucoup et recevait force blessures, ici une grande partie de l'histoire se déroule chez un duc et une duchesse, qui, aidés de leurs serviteurs, vont s'amuser à tromper Don Quichotte en inventant des aventures dignes d'un chevalier, et qu'il prendra pour la réalité. De même, ils fourniront à Sancho le gouvernement d'une (fausse) île, et s'amuseront fort de voir nos deux héros tomber dans tous les panneaux.
En première lecture, ces moqueries m'avaient laissé une impression de malaise, je ne trouvais pas cela digne d'amusement. En seconde lecture, non plus. Mais face à ces oisifs sans vraie grandeur, Don Quichotte et Sancho paraîtront dignes d'admiration. Don Quichotte, courageux, ne craignant pas de défendre le faible, et capable de réflexions de bonne tenue, sans folie aucune. Il peut discourir avec sagesse sur maints sujets (et Cervantes en profite sans doute pour critiquer nobles, clergé, etc...). Comme dit Sancho, "il n'y a pas une chose où il ne puisse piquer sa fourchette. " De même Sancho saura gouverner avec sagesse. Tel est pris qui croyait prendre? Non, duc, duchesse et leur cour ne sembleront pas en tirer de leçon.

Don Quichotte devient presque attachant. Ecoutons Sancho en parler : "Il n'est pas coquin le moins du monde; au contraire, il a un coeur de pigeon, ne sait faire de mal à personne, mais du bien à tous, et n'a pas la moindre malice. Un enfant lui ferait croire qu'il fait nuit en plein midi. C'est pour cette bonhomie que je l'aime comme la prunelle de mes yeux et que je ne puis me résoudre à le quitter, quelque sottise qu'il fasse." Sancho, simple, crédule, glouton, amateur de confort, en est touchant, tellement il est attaché à son grison. Et ses inénarrables rafales de proverbes...

Parfois l'on se demande si Don Quichotte croit vraiment tout: "Sancho, puisque vous voulez qu'on croie ce que vous avez vu dans le ciel, je veux à mon tour que  vous croyiez ce que j'ai vu dans la caverne de Montésinos."

Interventions de l'auteur:
"Ici l'auteur de cette histoire décrit avec tous ses détails la maison de Don Diégo, peignant dans cette description tout ce que contient la maison d'un riche gentilhomme campagnard. mais le traducteur a trouvé bon de passer ces minuties sous silence, parce qu'elles ne vont pas bien à l'objet principal de l'histoire, laquelle tire plus de force de la vérité que de froides digressions."
Il explique aussi pourquoi, dans cette seconde partie, aucune nouvelle détachée, comme le Curieux malavisé ou le Capitaine captif de la partie 1.

Patatras! Ne voilà-t-il pas, sur la fin, que Don Quichotte apprend que vient de paraître le second volume de ses aventures, écrit par un médiocre écrivain (Cervantes ne laisse pas une occasion de lui dire son fait)! Qu'à cela ne tienne! Puisque dans cette histoire il est censé se rendre à Saragosse, eh bien, il n'ira pas, et le voilà se rendant à Barcelone!

Évidemment j'aurais pu tirer encore plus de ce roman, parodie de roman de chevalerie, tout en en étant un, finalement. Mais je préfère rester sur une note amusée, en rapportant l'un des titres de chapitres, tous plus farfelus les uns que les autres
"Qui traite de ce que verra celui qui le lira, ou de ce qu'entendra celui qui l'écoutera lire"...

Conclusion (puisqu'il le faut) : ce second tome est encore plus jubilatoire que le premier!

Le billet de A Girl et de cryssilda.

vendredi 20 décembre 2013

Une histoire de la lecture

Une histoire de la lecture
A History of Reading
Alberto Manguel
babel, 2006
Traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf


Une histoire de la lecture, et non pas L’histoire de la lecture. "Toute histoire de ce genre ne peut être qu'une parmi d'autres, si impersonnelle qu’elle s'efforce de rester. Au bout du compte, il se peut que l'histoire de la lecture soit celle de chacun de ses lecteurs."

Sans réel point de départ, sans vraie chronologie politique ou littéraire, explique Manguel au tout début, après avoir rappelé sa propre histoire de lecteur (qui reviendra cependant dans bien des anecdotes).

Le mieux est de se laisser faire et de suivre Manguel dans ses pérégrinations, au cours de chapitres complets en eux-mêmes, abordant divers sujets sans ordre apparent. 

Que se passe-t-il dans le cerveau quand on lit? Lire en silence n'est pas une évidence historique. Apprendre à lire au cours des siècles. Lire des images. Ecouter lire (les ouvriers cubains auxquels on faisait la lecture durant leur travail aimaient tellement le Comte de Monte-Cristo qu'ils demandèrent à Dumas l'autorisation de nommer ainsi l'un de leurs cigares). Forme du livre.
Classer les livres. Voler les livres. Les lire en tant qu'auteur. Traduire. Interdire de lire ou d'apprendre à lire.
Pour terminer avec L'histoire de la lecture, imaginée (mais pas écrite) par Manguel.
Tombeau d'Alienor d'Aquitaine

Inclassable, impossible à résumer et présenter clairement, fourmillant de références, d'histoires, cette histoire de la lecture est un indispensable des étagères, comme le disent certaines blogueuses.

C'est évidemment bourré de passages à citer
"Lire, c'est aller à la rencontre d'une chose qui va exister" Italo Calvino
"Lisez pour vivre" Flaubert
Auden suggérait qu'un certain contraste est nécessaire entre le livre qu'on lit et l'endroit où on le lit. Je partage son avis! J'ai relu Jane Austen fort loin des iles britanniques...

Cet ouvrage est aussi abondamment illustré.
Bibliothèque de Holland house, après un bombardement en 1940
Des avis chez lecture/écriture  et babelio

mercredi 18 décembre 2013

A lire et à écouter

Il se trouve que l'on m'a proposé récemment des parutions jeunesse chez Naïve, éditeur dont j'ai déjà aimé deux romans adultes, et ma curiosité faisant le reste, je sors un peu de ma "ligne éditoriale" habituelle...

D'une île à l'autre
Serena Fisseau
Olivier prou
Muriel Kerba
naïve musique, 2013













Nina a bien du mal à trouver le sommeil, mais grâce à Nyamuk, roi des moustiques (il ne pique pas, ce moustique là!), elle va s'endormir...

Voici l'une des recettes de Nyamuk, qui l'emmènera en Malaisie
"Regarde ton mobile
Ton mobile en bambou
Comme il est immobile
Fais-le bouger tout doux
Ecoute son babil
Le sommeil est au bout"

Sept jours, sept histoires, sept méthodes originales pour plonger dans un sommeil peuplé de voyages, bercé par des chants traditionnels, interprétés d'une jolie voix toute douce, avec une charmante huitième histoire que je ne dévoilerai pas. Un album délicatement illustré, un CD dont les plages sont bien découpées et permettront quelques minutes d'écoute par jour, juste avant de dormir? En tout cas j'imagine cela...
Durée du CD, 35 minutes, âge de 3 à 5 ans, mais on peut élargir cette plage à mon avis.

J'ai adoré! Les textes, les illustrations, les chants, tout est en harmonie, plein de poésie. Pour s'en faire une idée, on trouve sur internet des vidéos du spectacle de Serena Fisseau (je n'arrive pas à les insérer), chouette cadeau à cette époque de l'année, je dis ça je dis rien ( même si je l'ai reçu, je n'éprouve aucun problème à faire la promotion d'un objet de cette qualité là)


Merci donc à Sandrine de Naïve jeunesse, qui a glissé aussi deux CD dans le colis:
L'ours et le soleil, l'histoire de Peter et Sigrid partant à la recherche de l'ours qui a volé le soleil (nous sommes dans le grand Nord).
La petite sirène, en version assez rock and roll, à la fois émouvante et déjantée, pour adolescentes, ça me paraît susceptible de leur plaire! A la fin de cette mini-comédie musicale, toutes les chansons sont reprises et peuvent donc s'écouter séparément. Où je découvre Philippe Katerine (sa voix, euh, pas ma tasse de thé)...

Par LP conseils (merci Benjamin), j'ai découvert

Les petits oiseaux
Béatrice Fontanel
Antoine Guilloppé
Lu par Jérôme Deschamps
naïve livres, 2013



L'idée est de faire découvrir des oiseaux, dans une ferme où une vieille dame leur propose des graines durant l'hiver, sous l’œil un peu trop attentif d'un vieux matou aux instincts de prédateur, ce jusqu'au printemps. L'album est joliment illustré de dessins précis, à la fin on trouve la liste des oiseaux et quelques détails sur leurs habitudes.

Le CD accompagnant l'album contient l'histoire lue par Jérôme Deschamps (dont la diction m'a agacée), quelques chants d'oiseaux, et des morceaux de différents compositeurs dont l'oeuvre s'est ponctuellement penchée sur les oiseaux, par exemple L'hirondelle de Louis-Claude Daquin ou Le merle noir d'Olivier Messaien. Compositeurs aussi présentés en fin de livre.

A qui s'adresse ce livre/CD? Je l'ignore. Amateurs d'oiseaux et/ou de musique risquent d'être un peu frustrés dans leurs attentes. L'histoire ne pose pas de problème, mais pour une oreille non avertie, la musique n'est pas d'accès si facile (je précise que j'écoute régulièrement France-Musique et ne crains donc pas le clavecin ou le contemporain). Mon plus gros reproche sera que le CD n'a qu'une piste, et qu'on ne peut pas réécouter juste un morceau sans devoir reprendre au début.

lundi 16 décembre 2013

Etrangers

Étrangers
Anita Brookner
Fayard, 2010
Traduction de Françoise du Sorbier


Née en 1928, Anita Brookner écrit des romans plutôt feutrés, intimistes, sans événements trop palpitants, aux héros sans beaucoup de peps. Pourtant une fois entré dans son univers l'on est frappé par son analyse subtile et pris dans les rets de son écriture classique et élégante. Il y a une quinzaine d'années je la lisais quasi systématiquement, puis je l'ai oubliée pour des produits plus brillants extérieurement, et voilà l'occasion de la mettre un peu en avant. Découvrez un de ses romans, celui-ci ou un autre, selon les disponibilités. Elle a reçu le Booker Prize pour Hôtel du lac, et je me souviens du pathétique de Regardez-moi.

Après une carrière tranquille dans une banque, Paul Sturgis, soixante-douze ans, coule des jours de retraite tranquilles, se sentant parfois "spectateur de sa propre vie". Il possède un appartement, ne semble pas avoir de problèmes financiers ou de santé, et sa famille se réduit à une cousine par alliance visitée un dimanche après-midi de temps en temps. Il rêve de la maison de son enfance, et d'un projet de s'installer en hôtel à Paris.
Lors d'un voyage à Venise, il fait connaissance de Vicky, plus jeune que lui, et qui reste mystérieuse et insaisissable, avec ses allées et venues permanentes chez des amis. Une femme au sujet de laquelle il est rapidement conscient de reconnaître qu' "elle n'était pas son genre".
A peu près au même moment, il retrouve Sarah, qu'il a aimée il y a des années, mais l'a quitté en lui déclarant "Tu es trop gentil!". Remarque jamais oubliée, mais qu'y faire? Paul Sturgis se sait petit-bourgeois, ennuyeux, poli, correct. Sarah a vieilli, sa santé est chancelante. Pas question d'évoquer le sujet, mais les deux savent ce qui les attendent à plus ou moins court terme, ayant atteint "un âge auquel l'avenir ne renfermait plus qu'une certitude."
Paul hésite sur l'orientation à donner à sa vie, solitude ou pas? "Sans doute irait-il la voir en France, si l'invitation était renouvelée, mais pour l'instant, il savait qu'il serait mieux seul, ou en compagnie de ces étrangers qui étaient à leur insu les habitants de sa vie quotidienne."

Vous l'aurez compris, tout ça peut paraître ennuyeux et plombant, mais je n'ai pas eu envie de lâcher cette histoire avant la fin, plutôt positive d'ailleurs.

Les avis de enfinlivre,

vendredi 13 décembre 2013

Arizona Tom

Arizona Tom
Le môme, le shérif et les truands
Norman Ginzberg
Héloïse d'Ormesson, 2013


L'auteur, d'après la quatrième de couverture, est franco-américain et habite dans le Gers. Détails complètement en sa faveur...

Brewsterville, Arizona. Fin du 19ème siècle (en gros, comme pour True Grit)
"Je suis le shérif de ce bled. Un shérif placide et discret, ni bégueule ni fiérot. Pas un de ces paltoquets qui bombent le torse devant les voleurs de poule, une main sur l'étoile, l'autre sur la crosse de leur colt. Je suis shérif comme d'autres sont putains ou croquemorts, parce qu'il en faut."

Le ton est donné, nous sommes dans l'ambiance western, dans un coin paumé environné de collines pierreuses et désertiques. C'est le train train pour Ocean Miller, le shérif, en dépit de l'aversion du maire qui voudrait lui voir rendre son étoile, conservée grâce à l'appui du marshal.
Jusqu'au jour où il rencontre un gamin d'une douzaine d'années trainant en plein cagnard un cadavre démembré. Pour lui l'innocence de Tom, sourd et muet pour ne rien arranger, ne fait aucun doute (quoique, parfois, il s'interroge, en voyant l'habileté du gamin à découper les moutons), mais reste alors à mettre la main sur les coupables.
Bagarres, coups de feu, traîtrises, prostituées, saloon, bons citoyens et rascals, indiens hualapais, trésor et grotte sont présents dans une histoire taillée à la serpe, rugueuse et ironique, qui se terminera de façon inattendue. Un chouette roman à découvrir.

mercredi 11 décembre 2013

Mort sur la route

Mort sur la route
David Le Breton
Métailié, noir, 2007



Pourquoi cet emprunt? D'abord Métailié, gage de qualité, et ensuite David Le Breton, mieux connu par ses livres non fiction sur la marche et autres thèmes ( Eclats de voix   Marcher / Eloge de la marche ). Un polar, pourquoi pas, allons-voir...

Qu'ont en commun Thomas, professeur de sociologie à Strasbourg, en congé pour se remettre d'un divorce et d'enquêtes sur les guerres de Bosnie et Rwanda, Laure, jeune fugueuse en squat et Ana forcée de se prostituer? Plus qu'on ne croit, à l'aide de coïncidences parfois un poil trop nombreuses. Ana en effet vient de l'ex-Yougoslavie, et est tombée sous la coupe d'un proxénète ancien chef de guerre. Laure a aidé Thomas après une agression et l'a hébergé dans son squat; lorsqu'elle disparaît, Thomas se lance à sa recherche, pensant que sa disparition est liée à celles de Leïla et d'autres jeunes de même profil, sans foyer, en squat, en errance peu prévisible, des proies rêvées pour qui ne veut pas avoir la police à ses basques. Il va découvrir tout un monde de crimes.

Vous l'avez compris, c'est une ambiance très noire et avec peu d'espoir a priori, même si nos trois héros s'en sortent après avoir frôlé la mort. L'écriture est assez froide, des détails difficiles sont donnés, mais heureusement sans trop appuyer (et c'est bien suffisant!). L'ambiance des squats, des cafés, est bien rendue, on sent un vrai fond de documentation sur les événements dans les Balkans, le monde des squats, des jeunes abusés dans leur enfance, en rupture familiale. Finalement je pense que c'est sur tout cet univers fort éloigné du mien que j'ai aimé en apprendre un peu plus, j'y ai senti une justesse de ton.

Pour chipoter, je dirai que l'identité du responsable premier des crimes m'a étonnée, son nom (en a t-il changé?) les circonstances où il a reçu sa cicatrice (est-il revenu sur le terrain de la guerre à ce moment-là?) et bien des liens entre Ana et Thomas, par exemple. Fallait-il se centrer sur les jeunes disparus? J'ai aussi trouvé que Thomas décelait un peu vite la raison pour laquelle les jeunes étaient attirés, alors qu'une histoire entendue plus tard dans ses recherches aurait suffi à le mettre sur la piste.

" Les livres étaient un refuge. Il lui arrivait de se demander pour combien de temps encore. Dans l'univers de Melville, en ce moment, il reprenait ses marques. Et des milliers d'autres livres pourraient encore pour un temps alimenter cette mise à distance. Non pour déserter le monde mais pour y retourner plus fort. On revenait plus solide au cœur de la tempête. Ils étaient une sorte d'oeil du cyclone."

Les avis chez babelio,

lundi 9 décembre 2013

Compagnie K

Compagnie K
Company K, 1933
William March
Gallmeister, 2013
Collection Americana
Traduit par Stéphanie Levet



"La compagnie K a engagé les hostilités le 12 décembre 1917 à 22 h 15 à Verdun (France)et a cessé le combat le 11 novembre 1918 au matin près de Bourmont". Mais sous les chiffres, se cache une réalité pétrie d'humanité, laide ou belle.

Paru en 1933, ce roman, basé sur l'expérience de William March au cours de la première guerre mondiale, est composé de courtes vignettes titrées du nom d'un combattant, soldat ou gradé. La préparation à l'envoi sur le champ de bataille jusqu'à la fin des hostilités et la période suivant le retour dans les foyers se dessinent petit à petit. Héros, lâches, petits chefs, chanceux, petits malins, fortes gueules, râleurs, tous sont là. Quelques allemands, quelques français.

De ce livre écrit sans fioritures et effets de manche, surgit souvent l'émotion. Le moment le plus fort, évoqué au début et à la fin dans ses conséquences à long terme, est raconté en plein milieu, à savoir l'exécution des prisonniers allemands.

Faut il ajouter que Compagnie K est à lire absolument?

L'auteur en 1918
On en parle : Le bruit des livres Tête de lecture, La cause littéraire,In cold blog ( avec tout plein de passages...)

vendredi 6 décembre 2013

Siméon l'Ascenseurite

Siméon l'Ascenseurite
Roman avec anges et Moldaves*
Petru Cimpoescu
Ginkgo éditeur, 2013
Traduit du roumain par Dominique Ilea

*si on peut résister à ce teasing là...

Soyons modernes: de nos jours (1997) Siméon le Stylite est roumain et cordonnier (comme Ceaucescu) et s'est enfermé dans l'ascenseur de son HLM, aux alentours du huitième étage. Comme cet immeuble connaît d'autres pannes, en particulier des arrivées d'eau chaude aléatoires, il faut deux jours pour qu'on s'en aperçoive, et plus pour que Jean le régisseur décide de tenir réunion. Car enfin, il faut bien libérer l'ascenseur, non? Seulement Siméon va passer pour un saint homme, le palier devenir lieu où les habitants viennent le consulter sur leurs problèmes, il se chuchote qu'il y aurait eu des miracles.

Montent et descendent les escaliers bien des personnages, Pélagie et ses rendez-vous amoureux et clandestins, Eleuthère fermement convaincu d'avoir les bons numéros du loto, Elie remontant sa moto pièce à pièce dans son appartement, Thémistocle élève de Mlle Zénobie découvrant par ailleurs le Kama Sutra,  Septime le professeur accusé par une élève de l'avoir mise enceinte, et bien d'autres, impossible de les citer tous. Tous discutent, se disputent, sous l'oeil omniscient de l'auteur qui profite de cette fable fantaisiste pour évoquer les problèmes certains de la Roumanie d'après Ceaucescu (et d'avant, un peu). Dans le dernier quart, Siméon gratifiera l'immeuble d'histoires pleines d'enseignements, expliquant en particulier dans un conte lucide et caustique, qui mérite le détour, pourquoi Jésus ne pourrait pas être élu président de la Roumanie, ainsi que la parabole du Fil de fer chez les Roumains, etc...

On l'aura compris, l'on en apprend beaucoup et de façon plaisante sur la Roumanie et l'être humain en général. Un bouquin difficile à classer, mais à découvrir!

mercredi 4 décembre 2013

"Y'a d'la BD dans l'air..."






 Courant novembre j'ai fait un saut à BD Boum (Blois 41) pour tester l'ambiance d'un salon BD. Ai visité la maison de boule et Bill. Ri en lisant des planches à l'exposition à l'étage. Ouvert de grand yeux en découvrant qu'il faut s'inscrire pour le tirage au sort de certaines dédicaces. Constaté que Davodeau était prévu l'après-midi (il obtenu le prix de l'année, d'ailleurs) , scruté la file d'attente devant le stand d'Emmanuel Lepage chez Futuropolis... et tombé par hasard sur ledit Lepage chez un autre éditeur où est paru le carnet pré-voyage à Tchernobyl. Ai pu parlé quelques minutes avec lui (il est absolument adorable et prolixe sur son travail!), et appris qu'il est allé à Fukushima (mais il le cherche ou quoi?) et que son prochain album portera sur son voyage dans l'Antarctique, une base de l'intérieur autour de laquelle même les manchots ne posent  pas les papattes (un immense désert!). Mes yeux ont brillé, j'étais fascinée (et complètement ridicule sans doute).

La veille j'avais rapporté plein de BD de la médiathèque (mon gentil médiathécaire me voyant arriver m'a collé l'une d'elles en mains, carrément)(j'ai une réputation là-bas, inutile de lutter)


La propriété
Rutu Modan
Actes sud BD
Traduit par Rosie Pinhas-Delpuech


"En famille, on n'a pas à dire toute la vérité, et ça ne s'appelle pas mentir" (Michaela Modan)

Vol El Al 513 pour Varsovie.Une bande d'ados surexcité, qui dans le cadre de La marche de la vie" vont visiter Treblinka, Maïdenek et les chambres à gaz. Hypercalmes à la fin du livre, lors du voyage retour. Comme dit Regina, la grand-mère de Mica, "Le voyage en Pologne leur a fait du bien."

Mais nos héros sont Régina et Mica Segal, dont l'objectif est de récupérer une propriété (pas vraiment définie) spoliée pendant la guerre. Regina, on le comprendra vite, effectue ce voyage pour une autre raison, qui remonte à près de soixante-dix ans. Mica va rencontrer Tomasz, pour des "visites guidées dans la Varsovie juive"...

Avec un humour décapant mêlé à l'art de laisser monter l'émotion, Rutu Modan conte une belle histoire de filiation et de mémoire, dans la Varsovie du passé et du présent. A découvrir, ainsi que son précédent roman graphique, Exit wounds.

Image prise dans le billet de Cherry135 (bien plus complet que le mien)

Feynman
Ottaviani et Myrick
Vuibert, 2012
Traduit par Clara Tomasini


 Une biographie graphique d'un professeur de physique comme on les aime, sachant faire passer les connaissances (j'ai lâché quelques pages vers la fin quand même), un poil original (il a passé sa première année de Caltech...à Rio et appartenu à une école de samba), grosse tête (prix Nobel, hein!), ayant participé au projet Manhattan (première bombe atomique) et à l'enquête sur l'explosion de la navette Challenger.

Je recommande cette lecture, où apparaît en arrière plan la figure de la soeur de Feynman, qui en tant que fille a eu plus de mal à se frayer un chemin dans ses études, mais elle y est arrivée!
"Vous avez quatre heures"

Dora
Minaverry
L'agrume, 2012
Traduit par Chloé Marquaire


Dora est une toute jeune fille qui travaille à Berlin à la fin des années 50, au Berlin Document Center, où l'on archive tous les documents sur les nazis saisis à la fin de la guerre. Fille d'un déporté, elle en profite pour fouiner et trouver es documents parlant de son père ou d'ex-nazis vivant tranquillement en Allemagne. Son patron par exemple?
Elle va ensuite retrouver sa mère à Paris, puis, envoyée en Argentine par le mystérieux Lucien, pister le docteur Mengele lui-même...
Une bonne docu-fiction sur ces années là dans les trois pays, en plus de montrer l'évolution et les questionnements de Dora.

Un problème (qui peut se résoudre) : en dernière page est écrit "fin de la première partie".

J'ai eu un coup de cœur pour le somptueux graphisme en noir et blanc. Quelques exemples que l'éditeur me pardonnera, je l'espère, d'avoir emprunté...




lundi 2 décembre 2013

Rome en un jour

Rome en un jour
Maria Pourchet
Gallimard, 2013



Célébrer aux beaux jours l'anniversaire de Paul, né en février, a au moins un avantage, c'est que la  fête peut se tenir dehors, sur la terrasse d'un hôtel parisien. L'inconvénient, c'est que Paul ne pense plus à cela, et lorsque Marguerite, qui a tout organisé à son insu, désire le conduire hors de leur appartement, Paul n'est pas d'accord, préférant les documentaires animaliers et le match de rugby proposés par la télévision ce soir là... Le couple, qui n'allait déjà pas très bien, va exploser en vol!

Pendant ce temps, sur la terrasse, l'on attend Paul et Marguerite, l'on boit (trop), l'on drague, l'on casse du sucre sur le dos des absents.

Après   Avancer   j'attendais avec impatience le nouveau roman de Maria Pourchet. Quelques billets déçus m'avaient fait craindre le pire, mais si je ne me suis pas autant amusée (cependant quand même suffisamment!), c'est normal car finalement tout est plutôt triste voire pathétique. L'impression de gâchis, de vacuité. Mais aussi la peinture d'une certaine société, où l'on n'arrive pas à communiquer, ou si rarement.

L'on passe de l'appartement à la terrasse, dans une comédie urbaine caustique, qui donnerait bien, tiens, une jolie adaptation théâtrale. Maria Pourchet maîtrise bien sa narration, au moyen d'une écriture acérée, vivante,  parfois familière. Elle a le sens de la formule, "Son incapacité à dire du mal des gens le rendant suspect, on avait cessé de l'intégrer à un débat dont l'enjeu était de toujours mieux connaître les absents." De réjouissants morceaux, tels la conversation des voisines d'immeuble de Paul et Marguerite ou la dispute sur fond de commentaires rugbystiques.

J'ai donc aimé cette lecture. (Prête à la discussion! ^_^)

Les avis de Malika,clara, luocine, stendhal syndrome,

Un passage marrant hors contexte:
"Le magnétisme dégagé par des chatons en vidéo basse définition agit même sur les individus les plus sensés, suscitant des comportements regrettables (glapissements, répétition compulsive du visionnage, emploi d'adjectifs prohibés tels que 'chou' et 'craquant') qui portent gravement atteinte à la dignité de leurs auteurs. Il ne s'agit pas d'un communiqué de l'OMS, mais de la triste vérité. Que quelque chose soit petit, fourré, avec de grands yeux, et voilà, fin de la civilisation."

vendredi 29 novembre 2013

Le Tour du Monde en 80 Livres

Le Tour du Monde en 80 Livres
Marc Wiltz
Magellan & Cie, 2011



D'ordinaire je me méfie un peu de ces listes de livres incontournables qui ne le seront pas forcément pour mon goût et en tous les cas risquent d'allonger quelque peu ma Liste à Lire. A feuilleter sur le stand des Editions Magellan & Cie aux rendez-vous de l'Histoire à Blois (moi qui croyait ce salon pas dangereux...), sous l'oeil de l'auteur et fondateur de la maison d'édition (au catalogue désespérément attractif), j'ai constaté que j'avais déjà lu certains titres (le quart) et prévu d'en lire d'autres déjà.

Première bonne surprise : c'est extrêmement bien écrit, la plume est élégante, le ton est passionné et convaincant.
"Certains verront peut-être ici une collection effrénée de "références" ou une tendance affreuse au name-dropping. Peut-être, et au fond tant mieux. Mais il ne s'agit pas de cela. Ce livre est un simple exercice d'admiration, et un coup de chapeau à quelques-unes des figures qui m'ont donné le goût du voyage, le goût de la curiosité et du respect pour ceux qui me sont différents et qu'il convient de considérer pour eux-mêmes, avec leurs convictions, car même si parfois elles sont divergentes de celles auxquelles je suis sensible, la compréhension de leur réalité m'enrichit."
Vingt-deux chapitres, axés sur un thème, illustrés par trois ou quatre livres de fiction ou non-fiction présentés en deux pages (auteur, contexte, intérêt, prolongements), ceci après une introduction  où l'auteur dévoile souvent ses goûts et ses convictions.

Des exemples : La solitudes des îles, avec Defoe, Golding et Durrell, ou L'attente, avec Saint-Exupéry, Buzzati et Gracq ou Le polar ethnologique, avec Upfield, Van Gulik, Hillerman, Ravenne et Giacometti.

Cette fort agréable promenade au fil des livres a enrichi mes envies de lecture de quelques titres, bien sûr... ou rappelé quelques titres déjà notés... Mais pas de façon insurmontable (deuxième bonne surprise)

Participation au challenge de Philippe D Lire sous la contrainte

mercredi 27 novembre 2013

Mola mola

Mola mola
Agnès Dumont
Nouvelles
Quadrature, 2013



 Pour cette douzaine de courtes nouvelles, court un fil rouge dans les titres, Jeanne Moreau, JR (celui de Dallas), Julia Roberts, Bruno Crémer, Frank Sinatra, Lulu Gainsbourg, Angela Davis, des gens connus, parfois juste une allusion au coeur du récit. Histoires présentant des gens de tous les jours, des gens qu'on connaît, qu'on a rencontrés, souvent âgés (et parfois déjà en maison de retraite). Comme Jeanne Rose, la dame fan de romans policiers et qui pique dans les supermarchés ou Jeanne déjà grand tante n'hésitant pas à scandaliser dans les cafés. Ambiance nostalgique, un peu tristounette, occasions ratées, petits bonheurs...

"Un malheureux livre de poche coincé près de la caisse enregistreuse suffit à vous démarquer mais ça ne veut rien dire. En profondeur, je suis comme la plupart des gens : un mélange de lâcheté et d'apathie qui rouspète en douce contre les coups du sort, sans rien faire pour les éviter." [la caissière de la "petite grande surface"]

Les avis de FattoriusFlo,

Mina dans son Salon littéraire propose une découverte de Quadrature...

PS J'avoue que ma lecture de ce recueil de bonne facture a été complètement perturbée par l'ombre d'Alice Munro, dont j'ai lu trois nouvelles peu auparavant,  c'était tellement fort que j'ai dû faire une pause. J'ai donc laissé passer du temps avant de programmer ce billet, pour éviter toute injustice. Mieux vaut ne pas comparer des nouvellistes, chacune a son univers.

lundi 25 novembre 2013

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain
Meir Shalev
Gallimard, 2013
Traduit par Sylvie Cohen


 "Notre grand mystère à nous était un aspirateur américain qu'un double traître, ni sioniste ni socialiste, avait expédié de Los Angeles, en Californie, à sa belle-soeur, établie dans le premier moshav fondé par les pionniers de la deuxième vague d'immigration en Terre d'Israël: le sweeper de grand-mère Tonia, condamné à la réclusion à perpétuité dans la salle de bains verrouillée à double tour et gardée par une épée flamboyante en forme de chiffon sur la poignée."

Cette histoire de svieeperr (prononcer à la russe comme grand-mère Tonia) peut paraître anecdotique, mais elle est l'occasion pour Meir Shalev de brosser avec un humour léger l'histoire de ces immigrants du début du 20ème siècle et de leurs descendants. Le sweeper américain, cheval de Troie du capitalisme dans un univers socialiste, est le héros involontaire du récit, où trône Tonia, née en Ukraine, attachée à son moshav de Nahalal, et super maniaque du ménage, dans un coin voué à la poussière l'été et la boue l'hiver... Sans oublier les oncles, tantes, les brouilles, les discussions sur les différentes versions de chaque petit événement.

septembre 1921, les débuts

Mine de rien, c'est un demi-siècle de l'histoire du coin qui défile, et l'on en apprend pas mal sur les moshavim (ne pas confondre avec  kibboutzim, malheureux! ^_^)
Lecture empreinte de nostalgie et d'humour, et hautement recommandée!
On dit qu'elle se fait même une manucure". Cette expression encore usitée aujourd'hui exprime le summum de l'abjection, une décadence tant idéologique que spirituelle. Elle procédait d’une conversation au cours d'un dîner familial. Quelqu'un du village "a vendu des melons à un négociant qui passait par là", déclara l'un des convives. En d'autres termes, cette personne avait transgressé les principes du moshav subordonnant les échanges commerciaux aux institutions officielles. A l'époque, cela représentait une faute morale  si grave qu'un autre convive s'empressa d'ajouter: "Et en plus, sa femme fricote avec un type de Ramat David.", pas du kibboutz d'à côté, heureusement, mais de la base aérienne voisine.
Une fois établi qu'il s'agissait de gens profondément malhonnêtes ayant enfreint le règlement du moshav, comme le code moral de l'humanité tout entière, on porta le coup final, la phrase prouvant la pire dépravation où l'on puisse tomber :"Et elle se fait une manucure, à ce qu'il paraît".
 La manucure incarnait une symbole négatif, le pire de tous, car elle s’appliquait aux doigts, aux mains industrieuses vouées à labourer, bêcher, semer et construire. Les mains des pionniers que la révolution pouvait arracher à la plume, au commerce, à la casuistique talmudique pour les renvoyer aux outils et aux travaux des champs. Ces mains destinées à manier le sécateur ou le pis des vaches, attraper le manche de la faux, et, le cas échéant, appuyer sur la détente, comment pouvaient-elles jouer les coquettes?
J'allais oublier : le livre est agrémenté de photos noir et blanc de la famille...

Challenge Lire sous la contrainte de Philippe

vendredi 22 novembre 2013

Yeruldelgger

Yeruldelgger
Ian Manook
Albin Michel, 2013





Pour vous sans doute, la Mongolie, c'est

Rassurez-vous, pour y être allée (un tout petit peu), c'est vraiment parfois ainsi. Mais pas partout.
Oulan Bator
Suivons donc Ian Manook et son commissaire Yeruldelgger (son nom complet est Yeruldelgger Khaltar Guichyguinnkhen, pour ceux qui râleraient) au travers d'enquêtes qui pourraient bien se rejoindre : le corps d'une fillette enterrée avec son tricycle a été retrouvé dans la steppe et trois Chinois et deux prostituées ont été assassinés à Oulan Bator. Aidé par sa collègue Oyun, la légiste Solongo, Gantulga le gamin des rues débrouillard, il va dénouer tous les fils, devant affronter "des policiers pourris et des nazis déglingués", des moines un peu spéciaux, son beau-père, sa fille qui le hait, et le souvenir de sa petite fille assassinée. Du lourd, oui, à un rythme qui ne faiblit jamais, tout en apprenant une multitude de détails sur la Mongolie, ses traditions (en perte de vitesse) et son passé récent sous les soviétiques. Vous reprendrez bien un peu d'airag?

Les avis de Yv , Hélène,
Ian Manook écrit aussi sous son véritable nom, Patrick Manoukian (Le temps du voyage, par exemple)

mercredi 20 novembre 2013

Un été dans le pré

Un été dans le pré
Summer with My Sister
Lucy Diamond
Presses de la cité, 2013
Traduit par Cécile Arnaud



D'accord, l'été est terminé. Mais pour le faire revenir dans le coeur, ce livre est idéal. D'accord, c'est chick lit, d'accord, j'avais deviné la fin dès le premier tiers. Mais justement cela permet de concentrer ses neurones uniquement sur les péripéties. Et puis comment aurais-je pu résister à une couverture pareille?

Deux soeurs très très dissemblables. Il y a 20 ans, le drame dont elles ne sont pas remises et surtout s'en pensant responsables : la mort de leur frère Michael.

Polly est la femme d'affaires jusqu'au bout des ongles, ne quittant que rarement son bureau de la City, occupant un superbe appartement londonien. Tout lui réussit, jusqu'au jour où elle perd son emploi, doit vendre son appartement et ne voit qu'une seule solution, retourner passer l'été dans le village (so british) de ses parents (so british encore), en cachant bien sa triste situation.

Sa soeur Clare vit toujours dans le même village que ses parents, elle est divorcée, possède deux gamins adorables et un ex pas du tout sympathique. Financièrement, c'est un peu juste. Elle va se lancer dans la fabrication de produits pour salles de bains d'hôtels. Polly pourra l'aider, et les relations tendues entres les deux sœurs évoluer nettement.

Que les petits cœurs tendres des filles qui lisent ce billet soient bien aises, oui, il y aura aussi pour Polly et Clare une âme sœur qui leur conviendra.

On n'est pas dans la haute littérature, c'est compris, mais une jolie histoire ne peut faire de mal. Entre deux lectures plus ardues.

lundi 18 novembre 2013

Et quelquefois j'ai comme une grande idée

Et quelquefois j'ai comme une grande idée
Sometimes a great notion, 1964
Ken Kesey
Monsieur Toussaint Louverture, 2013
Traduction Antoine Cazé


Coup de coeur!

Fichtre mes amis, quelle lecture! L'impression d'avoir un chef d’œuvre entre les mains, le truc à lire absolument, du digne descendant des auteurs américains incontournables...

Oregon, Wakonda, années 60. Dans la famille Stamper, on est bûcherons. Harry, le père, un sacré numéro un peu fou, et Henri le fils aîné refusent d'être aux ordres d'un syndicat et se mettent la ville à dos. Après douze ans d'absence, Leland le fils cadet revient de New York, décidé à se venger de son frère Hank (à vous de découvrir pourquoi) et débarque donc dans la maison familiale que Hank répare quasiment toutes les nuits, pour éviter le sort des autres, tomber dans la rivière.

Au départ, on ne se rend pas compte où tout ça va nous mener, les personnages entrent en scène, c'est parfois pas mal allumé,  les quelques descriptions de la nature (histoire de calmer la tension du lecteur) sont d'une beauté incroyable, des scènes d'anthologie se succèdent, on a de l'humour, de l'émotion, des passages déchirants, de chouettes bagarres, des personnages fort et inoubliables. Même les secondaires sont extrêmement bien fouillés.

Surtout, grâce au talent de l'auteur (et du traducteur, et de la typographie), l'on a l'impression de suivre plusieurs tempêtes sous un crâne. Comme à l'opéra, quand plusieurs chantent des textes différents tout en restant en harmonie. L'on peut passer d'un personnage à l'autre (et d'une époque à l'autre parfois) sans s'y perdre, tellement c'est prenant et les "voix" et façons de parler sont différentes.

Les petits détails ont tous leur importance, rester vigilant! La construction en un grand flash back se fait légère et une fois la dernière page tournée, on se dit : "wahou". J'ai a-do-ré. Bon, je force personne, mais j'ai déjà des noms de lecteurs pour qui ce roman serait totalement dans leurs cordes. Ne faites pas les timides!

Pas étonnant qu'il y ait eu une adaptation ciné (1970?), réalisée par Paul Newman, avec Henri Fonda et Paul Newman dans les rôles de Henri et Hank Stamper...

Challenge Lire sous la contrainte
Les avis de Jostein
Merci à Anne et Arnaud et l'éditeur.

vendredi 15 novembre 2013

Lumières fantômes

Lumières fantômes
Ghost Lights
Lydia Millet
le cherche midi, lot49, 2013
Traduit par Charles Recoursé



Hal Lindley, fonctionnaire  de l'IRS (les impôts, quoi), approche-t-il de la crise de la cinquantaine? Cela en a tout l'air. Sa fille Casey est handicapée à la suite d'un accident de voiture et il apprend qu’elle travaille pour un téléphone rose. De plus il a la certitude que sa femme Susan le trompe avec un jeune employé de son bureau. Penser à sa fille et son destin cassé l'a-t-il empêché de rester attentif à Susan? Lors d'une soirée arrosée il s'engage à rechercher au Belize le patron de Susan, dont on est sans nouvelles. Hal au départ n'a pas l'intention de vraiment chercher, juste profiter d'une coupure, mais les choses vont évoluer autrement.

Hal fait donc le point. A son habitude Lydia Millet en profite pour jeter sur notre monde un regard incisif. Sans oublier des scènes frôlant la comédie (aaaaah Hans et Gretel, nos deux teutons et leurs gamins!). Elle nous entraîne inexorablement dans un monde un peu feutré, un peu dur.
Ceux qui ont lu Là où rêvent les morts retrouveront T., le patron de Susan, laissé dans la jungle à la fin du roman. Il semble qu'il y aura un troisième volet, ce qui explique peut-être les fins parfois déconcertantes des romans de Lydia Millet, qui demeure cependant un auteur à suivre.

Merci à Solène.

mercredi 13 novembre 2013

Chers disparus / Au lecteur précoce

Chers disparus
Claude Pujade-Renaud
Actes sud Babel, 2006




Jules Michelet, Robert Louis Stevenson, Marcel Schwob, Jules Renard et Jack London. Des écrivains plus ou moins lus ou connus de nos jours, qui tous ont laissé à leur mort une veuve désolée, et aussi face aux documents, lettres, journaux, laissés par l'époux, et dont elles vont s'occuper. Parfois en censurant, comme Athénaïs Michelet ou Marie Renard, cette dernière brûlant carrément l'original du journal (elle avait laissé copier auparavant ce qu’elle avait décidé de laisser passer).
Pas facile d'être l'épouse d'un grand homme, parfois d'un malade... Pas facile d'être accusée de trop empiéter sur son oeuvre....
Curieusement, ou pas, puisqu'ils ont vécu globalement à la même époque, certains de ces couples se sont connus, ou admirés. Schwob est même allé en pèlerinage en Polynésie où est mort Stevenson.Les Stevenson et les London ont effectué à des années de décalage un voyage dans les eaux du Pacifique (pas si pacifique que cela). Fanny Stevenson est l'auteur de La croisière de la Janet Nichol (disponible à la bibli).

Claude Pujade-Renaud a su donner vie à ces femmes plus ou moins dans l'ombre, à partir sans doute de parutions moins accessibles, tout en laissant parfois libre court à son imagination, évidemment.

Au lecteur précoce
Claude Pujade-Renaud
Actes sud Babel, 2003

De courtes nouvelles écrites dans un français superbe, fluide et lumineux.
De la première, Mourir à petite pluie, et son éblouissante évocation de la côte normande, jusqu'à la dernière, Au lecteur précoce, et un auteur piégé dans un salon du livre. Claude Pujade-Renaud a enseigné la danse et l'expression corporelle, et j'oserais dire, c'est un compliment, que cela se sent à lire ses nouvelles.

lundi 11 novembre 2013

La première pierre

La première pierre
Pierre Jourde
Gallimard, 2013



Dans Pays perdu, paru en 2003, Pierre Jourde décrivait le petit village du fin fond des montagnes du Cantal dont est originaire sa famille (depuis Louis XIV !), où il a passé des vacances étant gamin (bagarres, s'étaler dans le purin, cuites, travaux champêtres, vêlage, etc...) et est revenu chaque été avec sa famille.

Après parution du récit, certains villageois l'ont lu (ou du moins une partie), n'ont pas apprécié, il y a eu des courriers, surtout l'auteur s'est fendu d'une lettre explicative.

En 2005 le voilà donc revenant avec famille complète et bagages pour un nouveau séjour. Plusieurs villageois foncent dans sa cour. Injures (certaines racistes à l'égard de ses gamins), coups échangés, blessures, jets de pierre (dont l'une atteindra son petit de 15 mois), voiture caillassée, bref, c'est la fuite obligée.
Ensuite en 2007 un procès.

Depuis, fêlures, cassures, on ne se salue pas, ceux qui ont témoigné pour lui sont quelque peu ostracisés, même les nouveaux arrivés au village, des gens de l'extérieur, ont pris fait et cause.

"Tu as été amputé de toi-même. D'un lieu qui est toi-même. Tu ignorais que c'est un livre qui effectuerait cette douloureuse opération. Pas tout le lieu, mais une grande partie de lui, à présent, te rejette. La littérature sépare, comme le scalpel, c'est là son premier effet. Elle sépare, et puis elle recompose aussi."

Un récit écrit non avec je (Pays perdu utilisait le je et le nous), mais le tu . "Et tu comprends brusquement, pauvre naïf petit  bonhomme..."

Le procès a eu lieu, donc loin de moi l'idée ou la possibilité de prendre parti. D'ailleurs Jourde ne semble pas vouloir régler ses comptes avec ce livre, et j'ai senti qu'il craignait encore de l'incompréhension. A l'époque, les journalistes se sont déplacés, on en a même parlé à l'étranger. Pas dans mon coin, et finalement je me demande si la clameur n'était pas déjà bien retombée. Sauf les traces au village.

Jourde se défend de certaines accusations, son objectif était de montrer "la royauté dans l'alcool, la noblesse dans la solitude, la grandeur dans la merde." "Au début, ça n'avait pas été un livre, mais une simple nouvelle, qui se cantonnait à la narration des obsèques de la fille de François et Marie-Claude. Une fois la nouvelle publiée, tu lui avais donné les dimensions d'un livre, simplement en décrivant les vivants qui viennent voir la morte, à la veillée, et les morts qui ne pourront pas venir, mais qui sont là quand même. (...) Il n'y avait pas un "eux", ni un "je", mais le plus souvent un "nous" qui t'englobait, toi, ta famille et les autres familles dans une collectivité rassemblée autour du deuil. Qui vous associait dans tout ce que tu évoquais, puisque tu t'étais vautré tout petit dans la fosse à purin, vautré jeune homme dans la neige, perdu d'alcool, puisque ton père, tu le racontais, était issu d'une union adultérine et consanguine. Qui vous associait aussi dans les saisons et les travaux."

Il essaie de comprendre comment ses écrits ont choqué ou été mal compris.
"Aussi t'en veulent-ils, non pas de ce qu'ils croient que tu n'aimes pas, mais bien plutôt de ce qu'ils n'aiment pas en eux-mêmes."
"Dire le handicap, c'est désigner celui qui en est affecté. Le désigner, c'est le dénoncer. Il n'y a pas de neutralité de la parole envisagée ainsi. Elles est positive ou négative, elle choisit le bien ou le mal. Par conséquent, dire une chose qui n'est pas belle, ou pas tout à fait normale, vouloir que cela se fixe dans l'écrit, c'est la vouloir en tant qu'elle est mauvaise, c'est vouloir le mal; T. se voyait dénoncé."

Voilà aussi un point important : il reconnaît n'avoir pas réalisé qu'un secret peut être connu de tout un village, mais pas des principaux concernés. L'histoire de son père était connue, mais lui ne l'a apprise que tardivement. De même dans son livre il évoque un secret de ce genre -bien connu- mais la révélation a choqué."Ce dont tu ne t'es pas douté, disait-il, c'est que ces histoires que tu as rapportées, des histoires intimes, il y en a que ne les savaient pas dans la famille."

Il a brisé le "culte du silence qui se transmet de génération en génération dans ces hameaux. Parler de ce qui se passe dans une autre maison, c'est un peu comme y pénétrer. Cela ne peut se réaliser qu'au prix de grandes précautions. L'espace de la maison, avec tout ce qu'il peut contenir d'intimité, a quelque chose de sacré: il est celui de la maîtrise, de la propriété, du quant-à-soi. On reste un moment sur le seuil, on n'entre pas plus loin sans demandes réitérées, on ne s'assoit pas sans le même jeu d'invites et de refus. Une fois assis devant le verre, on ne parle pas de soi, bien sûr, et jamais de ses sentiments, de ses chagrins."

Un récit plutôt plein d'amertume, oui, de tristesse. Heureusement les derniers chapitres nous élèvent au dessus du village, avec le récit d'une des dernières estives, "au cul des vaches" comme on dit par chez moi. "Herbe, vaches, eau, ciel et vent sont les cinq ingrédients uniques qui composent ce monde. Un compromis entre l'Asie centrale et le Far West : le Far Centre."

Pour finir par clamer qu'une fois mort, il demeurera "toujours là, malgré eux, chez soi".

vendredi 8 novembre 2013

Aventures en Loire / La caresse de l'onde / La compagnie du fleuve


Un billet compte triple pour deux livres jumeaux, l'un prêté récemment par la blogueuse du Petit carré jaune (proche du fleuve royal!) et l'autre proposé sur le blog en juillet 2008, autant dire au tout début. Bernard Ollivier raconte d'ailleurs dans son ouvrage sa rencontre avec Thierry Guidet, dont il a lu et relu le livre.
Puis Mina a présenté, dans la collection Petite philosophie du voyage chez Transboréal, un petit livre dédié au canoë. J'en parlerai donc ici aussi. Et pour les amateurs de classiques anglais, existe toujours En canoë sur les rivières du nord, de Robert Louis Stevenson.

Aventures en Loire
1000 km à pied et en canoë
Bernard Ollivier
Phébus, 2009


Le titre résume le contenu. Bernard Ollivier, c'est celui de La longue marche, racontant son périple à pied sur la route de la soie. Pour Aventures en Loire, fini l'exotisme, mais la Loire est bien belle, non?

 Un passage vers la fin:
"L'aventure est au coin de la rue. Ce n'est pas une question de kilomètres mais de regard. En descendant la Loire, j'ai eu mon compte de rencontres, de solitude, de peurs et de joies, de difficultés aussi, en naviguant durant cet été pourri. J'ai surtout eu l'occasion d'aller un peu plus loin en moi-même. A 70 ans, le risque est grand de considérer que c'est le bout de la route, que le trajet de vie va prendre fin.C'est absurde.(...)
Mon autre objectif était de  me prouver que l'hospitalité n'est pas morte. Dans la société que ma génération a construite, l'individualisme a été érigé en dogme. (...) Dans ces conditions, mon aventure ligérienne ne me condamnait-elle pas à un chemin solitaire? On a vu qu'il n'en a rien été."

Des vins (mais avec modération!) en titres de chapitre ponctuent cette descente de la Loire, agréable à lire, même s'il est dommage que l'auteur était pressé par le temps, devant se retrouver à Paris pour l'association Seuil, qui a pour but d'aider des adolescents en difficulté en les emmenant sur de longues marches durant plusieurs mois.

Le bouquineur en parle.
La caresse de l'onde
Petites réflexions sur le voyage en canoë
Patrice de Ravel
Transboreal, 2009



C'est à une promenade toute en douceur et fluidité que nous convie Patrice de Ravel, rappelant les origines canadiennes indiennes du canoë, parfois méprisé et mal aimé justement à cause de ces origines, mais qui permet une exploration et une découverte impossibles autrement. Voyager de nos jours, dans nos contrées développées et industrialisées demande des efforts, amplement récompensés par le bonheur de suivre le fil de l'eau. Une passion que l'auteur a su partager.
Encore une bonne pioche dans cette collection!


 Thierry Guidet
La compagnie du fleuve

Mille kilomètres à pied le long de la Loire
Editions joca seria, 2004

En avril 2000, Thierry Guidet demande un aller simple pour Valence au guichet de la gare de Nantes, précisant : "Le retour, je le fais à pied !"
Et voilà, c'est parti pour mille kilomètres en essayant de suivre au plus près le fleuve dit "royal" dans une de ses parties. Tournant le dos à la direction de Compostelle, mais Bible en sac, "livre de marcheurs, excellent rapport qualité/poids", il voyage en solitaire, trouve parfois des compagnons de voyage, fait des rencontres, échange, fait part de ses réflexions, nous sert parfois de guide, médite, et  trouve un certain apaisement.

Voilà un livre modeste et tranquille ; faire ce chemin avec Thierry Guidet a été bien agréable ...
Commentaires récupérés

Cuné Il y a 4 ans
Tu m'as donné envie : je l'ai commandé en occasion sur Price Minister. Bon, c'est surtout pour mon mari, mais je le lirai aussi ;o)
 
keisha Il y a 4 ans
Je vous souhaite bonne lecture à tous les deux; cela me fait penser que j'ai lu quelques livres intéressants du même genre, il faudra que j'en parle un de ces jours ...

Dominique Il y a 2 ans
J'aurais du me douter que si quelqu'un l'avait lu ça ne pouvait être que toi
je n'ai pas chercher sur le web persuadée que ce livre était trop ancien pour avoir été chroniqué !
il fait partie de ma bilbiothèque très privée, je ne sais pas trop pourquoi car il n'est pas exceptionnel mais j'aime le ton, l'ambiance qui se dégage et les lieux parcourus



keisha Il y a 2 ans
@ Dominique
Pour une fois qu'un auteur visite un lieu bien proche!
J'ai aussi lu pas mal de récits du genre La route de la soie à pied, le Kamtchatka à pied, la Sibérie de diverses façons à diverses périodes (y compris début 19ème siècle), bref les récits de
voyage me passionnent depuis longtemps.
J'ai emprunté un livre sur La marche (auteur, Hue) et me demande si tu l'as repéré (non, pas celui de Rébecca Solnitz, celui là je dois le relire)

Dominique Il y a 2 ans
Oui oui je l'ai lu celui de Hue le lien tout de suite là pour toi
http://asautsetagambades.hautetfort.com/archive/2010/05/01/l-apprentissage-de-la-marche-jean-louis-hue.html
j'ai beaucoup aimé sa façon de nous entrainer vers d'autres lectures, intelligent, érudit et jamais ennuyeux

keisha Il y a 2 ans
@ Dominique
Il était dans les nouveautés, mais je vérifie, avril 2010, cela ne m'étonne pas que tu l'aies lu, tout à fait d'accord avec ton avis (je l'ai commencé hier soir)

mercredi 6 novembre 2013

L'assassinat du mort


L'assassinat du mort
Jean-Louis Marteil
La Louve Editions, 2013



Il aura fallu les rendez-vous de l'Histoire cuvée 2013 pour que je fasse connaissance avec Jean-Louis Marteil, son accent ensoleillé ainsi que son enthousiasme et bonne humeur communicatifs... Il ne m'étonne plus que ses romans n'engendrent absolument pas la mélancolie, et que je les lis avec un grand sourire intériorisé - parfois extériorisé! Brouillards et autres frimas pointant leur nez, c'est le moment de faire provision de peps!

Comme dans La chair de la Salamandre, nous sommes à Cahors, en l'an de grâce 1223. Cahors, ses rues sombres, le capitaine Mord-boeuf et le sergent Pasturat agents de la force publique, Guillaume de Cardaillac son évêque morfal toujours accompagné de molosses baveux... Ses tavernes plus ou moins bien fréquentées, telle celle de Tranche-tripe, au Mouton Embroché, où gosiers en pente se donnent rendez-vous, avec risque de bagarres homériques. Et pour terminer nos héros, Braïda et son époux Domenc, leurs serviteurs, y compris les gardes du corps Géraud et Pisse-dru. En gros les mêmes personnages que dans le précédent opus (enfin, les survivants, parce qu'il y avait eu du défunt, à l'époque).

Dans le cimetière des Augustins l'on retrouve le cadavre d'Enguerrand de Cessac, enterré depuis quinze jours, mais hors tombeau, avec un poignard dans le corps! Les rumeurs circulent, Braïda en particulier veut comprendre : elle aime comprendre et déteste ne pas comprendre. Nous allons suivre ses recherches, ainsi que les aventures des autres personnages, dans ce roman au rythme sans faille. Tout se bouscule jusqu'à une fin moins burlesque et plus émouvante.

Allez, je ne chipote pas mon plaisir et vous recommande chaudement la série, ainsi que la précédente, qui vit moines sur les routes...

Pour terminer, de jolis portraits de coupe-jarrets
"Celui-ci, qui était complètement idiot, n'était nullement responsable que l'on eût inventé l'écriture et le calcul. (...) Le troisième n'eut point été trop laid si une lame, passant par là, ne lui avait emporté une oreille. Il faut dire, à la décharge de la lame, que ses oreilles étaient assez écartés du crâne pour y donner prise(...). Depuis on l'appelait La Feuille."

J'adore aussi les notes de bas de page où interviennent auteur et éditeur...(mais c'est pas le même?Tsst!)

Le premier chapitre est offert!
Le site de l'éditeur, qui conduit vers des liens de blogs

Et en prime, offert!, le Dictionnaire indispensable et commenté des insultes, surnoms et autres expressions, à l'usage des lecteurs érudits de La chair de la Salamandre et de L'assassinat du mort. M'en servirai-je?