lundi 31 janvier 2022

Si je reviens un jour...


 Si je reviens un jour...

Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky

Stéphanie Trouillard et Thibault Lambert 

Des ronds dans l'O, 2020


Louise Pikovsky était une jeune élève du lycée Jean de La Fontaine (16ème arrondissement). Un père originaire d'Ukraine, naturalisé français en 1937, le reste de la famille né en France. Comme on le sait, cela ne suffisait pas pour échapper à la déportation, et toute la famille est morte en 1944.

Mais auparavant Louise avait correspondu avec une de ses professeurs, Anne-Marie Malingrey (qui d'ailleurs avait proposé de la recueillir chez elle pour la protéger), et c'est grâce à elle qu'ont été conservées lettres et photos, reproduits dans cette bande dessinée. Documents retrouvés des années après, en 2010, toute une histoire là aussi.

A 16 ans, Louise était déjà fort mature et s'intéressait à des sujets religieux ou philosophiques, une excellente élève qui avait la fibre enseignante aussi. 

Le scenario de Sophie Trouillard est excellent, il met bien en valeur toute l'histoire. En revanche, j'ai eu plus de mal avec les dessins et les couleurs sombres, mais peu importe, dans ce cas c'est le témoignage sur cette période qui compte.

Avis de Choup"', qui a trouvé un site proposant plein de documents sur cette histoire, allez-y voir!!!

Avis babelio

Une video fort intéressante de France 24, avec des personnes ayant connu Louise.

Dans le cadre de lectures communes   avec Et si on bouquinait et Passage à l'est

jeudi 27 janvier 2022

La fille de Mendel


 La fille de Mendel

Martin Lemelman

ça et là, 2007

Préface de Serge Klarsfeld

Traduit de l'anglais et du yiddish, postface et glossaire 

de Isabelle Rozenbaumas


L'auteur est un illustrateur et propose ici des dessins en blanc et gris; beaucoup de texte à côté, les souvenirs de sa mère Gusta, décédée en 1996.

La famille de Gusta vivait à Germakivka, petite bourgade située à l'époque en Pologne (actuellement en Ukraine); le père tenait une boutique, la vie s'écoulait tranquillement, l'entente avec les voisins chrétiens était bonne. Fêtes, récoltes, cuisine, école, une vie remplie, peu d'occasions d'aller loin.

Arrive la guerre. Le père est tué, quasiment toute la famille disparait dans les camps. Seuls ont survécu Gusta, une sœur, deux frères. Aidés par différentes personnes, ils se sont cachés dans une grange, puis dans des trous creusés dans la forêt.

Après la guerre, ils sont partis en Amérique.

Une histoire hélas connue, mais toujours à ne pas oublier. A la fin de la guerre, Gusta est revenue dans la maison de sa famille, occupée par des gens peu désireux de laisser la place. Elle a récupéré les photos et ils sont partis. Les photos illustrent le livre.

Mention spéciale à la traduction, qui permet de savourer la façon dont s'exprime Gusta.

Les premières pages ici.

Avis babelio

Dans le cadre de lectures communes avec Et si on bouquinait et Passage à l'est

mardi 25 janvier 2022

En descendant la rivière


En descendant la rivière

Récits

Down the river

Edward Abbey

Gallmeister, 2020

 Traduit par Jacques Mailhos


Il n'est évidemment pas question que je laisse passer des écrits d'Edward Abbey. Collection Americana, alors qu'on a plus de bon vieux nature writing dedans que dans les dernières parutions plus noires de l'éditeur. Bref.

Abbey descend diverses rivières, pas de tromperie sur la marchandise, avec différents amis ou guides : la Green River, Utah,  un texte assez long dédié à des réflexions sur Thoreau (qu'il admire avec lucidité tout de même), la Tatshenshini, Yukon canadien, la San Juan, Utah toujours, le grand canyon (le seul, pour lui), etc. Bonne ambiance, camping, paysages grandioses, faune et flore bien observés.

Certains textes de ce recueil traitent de sujets déplaisants et ingrats- la damnation d'un nouveau cours d'eau, la militarisation des zones de pâturage, la fabrication d'armes nucléaires, l'industrialisation de l'agriculture. "Je les ai écrits par sens du devoir, et aussi pour me faire un peu d'argent facile. Je préfère de loin traiter de thèmes plus doux, plus drôles, plus heureux."

(note : dam = barrage en anglais. L'ironie de l'auteur est parfaitement visible dans cet extrait du préambule. Pour en savoir plus sur la destruction d'un barrage, lire Le gang de la clé à molette!)(un roman)

"Essayez un peu d'imaginer des bébés vautours." (oups oui, les vautours démarrent bébés)

Avis babelio, Le bouquineur (merci!)

samedi 22 janvier 2022

Les corps célestes


 Les corps célestes

Jokha Alharthi

Stéphane Marsan, 2021

Traduit par Khaled Osman

Man Booker Prize International 2019




Le prix littéraire, plus découvrir un pays totalement inconnu, voilà qui m'a attirée. Moins de 300 pages, je pouvais caler cette lecture sans trop de souci.

Alors?

La quatrième de couverture parle de trois sœurs vivant à Awafi, un village assez traditionnel, mais passant au fil du temps des maisons en terre aux habitations en ciment. Les trois sœurs finiront par se marier, mais qu'on ne s'attende pas trop à du romantisme.

Les familles de Maya et Abdallah, le couple que l'on suit le plus, sont assez aisées. Celle d'Abdallah possédait des esclaves, dont Zarifa. Esclavage aboli officiellement.

Zarifa est un personnage intéressant, sachant se taire, mais pas toujours, avec son stock de proverbes.

La narration peut déconcerter (on a un arbre généalogique au début) puisqu'on passe d'une époque à l'autre sans trop de chronologie, mais on ne s'y perd pas. Abdallah a droit à des chapitres personnels, l'on découvre un personnage sympathique et blessé, particulièrement par son père.

Sinon, je suis restée un peu à l'écart, mais j'en ai appris beaucoup (on partait de très bas je l'avoue ^_^) sur Oman, ses traditions, son évolution, son histoire, au travers de ces familles.


Avis babelio, dont Passage à l'est

jeudi 20 janvier 2022

L'espace d'un an


 L'espace d'un an

The long way to a small angry planet

Wayfarers, t 1

Becky Chambers

L'atalante, 2017

Traduit par Marie Surgers


J'ignore sur quel blog j'ai récemment croisé le nom de l'auteur, mais je sais que A girl a lu ce roman et qu'elle est enthousiaste. Comme mon impression à chaud est plus que positive, je ne vais pas me torturer la cervelle à chercher des avis bof. Il y a entre autres Sandrine de Mes imaginaires.

Pour les inquiets à voir t1, sachez que le 2 n'est pas franchement une suite, il reprend juste un ou deux personnages du 1, qui forme un tout à lui tout seul. Voilà.

Mais ma bibli possède un autre de l'auteur, Apprendre, si par bonheur, et j'avoue que je repartirais bien dans l'espace avec Becky Chambers.

Embarquons donc dans un tunnelier, un vaisseau creusant des tunnels dans l'espace histoire de gagner de la distance et du temps, parce que l'espace en temps réel, il faut plusieurs vies, quoi.

Au bord du tunnelier, c'est vraiment disparate. Le capitaine, les techniciens et la petite nouvelle sont des Humains, mais les autres... La pilote ressemblerait à un reptile (le mot lézard est interdit à bord), le cuisinier médecin a six bras/jambes, un autre est 'deux', et il y a une intelligence artificielle aussi. En dépit des ces différences, existent des histoires sentimentales (et plus même) entre espèces, et c'est un bel hymne à l'acceptation des différences que ce roman. Oui, les personnages évoluent ...

Au fil du voyage, non dépourvu de péripéties, on découvre différents endroits avec des bestioles pas forcément sympas. On s'amuse aussi, grâce à l'humour de l'auteur. Bref, j'étais dans une petite bulle de bonheur à lire ce roman, qui ne révolutionnera ni le genre ni la littérature, mais tellement agréable à lire, on aurait bien passé encore un peu de temps avec ceux devenus des amis, à force.

Avis babelio

J'ai donc emprunté


Apprendre, si par bonheur

To be taught, if fortunate

Becky Chambers

L'atalante, 2021

Traduit par Marie Surgers

Envoyés par la Terre voici des années, quatre astronautes ont pour mission d'explorer quatre planètes, passant quelques années sur chacune d'elles. Pas question d'arriver en conquérant avec de gros sabots, tout est fait pour ne laisser aucune empreinte. Pas de rencontres, juste une étude scientifique. "Nous n'avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir."

Ce court roman est passionnant, les quatre univers découverts sont différents, les astronautes deviennent réels pour le lecteur, et se pose la question des buts de la conquête spatiale, "devons-nous seulement y aller? (...) Le vol habité est-il une quête vaine, un fantasme de milliardaire, un gâchis infâme de vie et de métal?" 

Avis babelio


lundi 17 janvier 2022

Ginkgo noir

 Entre deux lectures plus costaudes, je peux caser en mode friandise des textes plus noirs de 100 ou 200 pages (qui se tournent fort bien). Ginkgo (merci à lui!) en propose, tels Les Ardomphes ou L'irrésistible, La noctambule (Les discrets est hélas épuisé, même une librairie bretonnante spécialisée ne l'a pas)


Grosse patate

Frédéric Chagnard

Ginkgo noir, 2019

Oh il s'en passe des choses dans ce lotissement! La veuve (d'un policier dont elle a gardé l'arme) s'est auto-proclamée surveillante, et rien ne lui échappe. Qui couche avec qui, quand, à quelle heure les voisins rentrent, et elle se focalise sur ces caravanes installées de l'autre côté du canal, avec ces ferrailleurs qu'elle accuse de tout.

Un ivrogne, une femme infidèle, une vieille dame et son aide à domicile, la Grosse Patate du titre, censément amoureuse d'un agent d'assurances trompeur.

Sans trop en dévoiler, sachez que c'est noir-noir, qu'il y aura des morts, ça va péter!


Les vieux, faudrait les tuer jeunes

Jean-Louis Lejonc

Ginkgo noir, 2021

Pas de panique, le titre est une citation d'Alfred Jarry, auteur favori d'un des personnages. Cette fois plongée dans un établissement pour personnes âgées, à divers états physiques et intellectuels. C'est cruel, caustique. Une nuit, l'on découvre un monsieur décédé, sa fille prétend qu'on l'a assassiné, enquête, etc. 

C'est vif, bien écrit, l'intérêt ne se dément pas, en fait peu importe qui a fait quoi, c'est le chemin qui compte, et j'espère avoir bien saisi le twist final...

jeudi 13 janvier 2022

Notre vagabonde liberté


 Notre vagabonde liberté

A cheval sur les traces de Montaigne

Gaspard Koenig

Editions de l'Observatoire Le Point, 2021


De l'auteur je n'ai lu que le réjouissant Leçons de conduite, mais avec Notre vagabonde liberté, pas question de prendre le volant, mais les rênes, celles de Destinada, jument robuste et calme, résidente du Calvados, qui l'accompagnera de la résidence de Montaigne jusqu'à Rome, suivant en gros le voyage de Montaigne effectué en 1580 et 1581, avec moult cavaliers et bagages...

C'est l'occasion fort plaisante de traverser la France, la Suisse (heu non, un problème de paperasses et d'administration tenace) , l'Allemagne et finalement l'Italie. Ce livre est très agréable à lire, ponctué de réflexions philosophiques ou sociologiques, de citations (oh combien modernes) de Montaigne, de rencontres, de découvertes, de rencontres. 

D'abord, toute une France variée, accueillante, mais parfois peu faite pour le cheval ou son cavalier désireux de trouver une petite épicerie dans les campagnes. La traversée du Berry, de la Sologne (engrillagée, oui!) et du Val de Loire m'a bien sûr accrochée, et l'arrivée à Chambord, c'était bien évidemment incontournable, des gardes républicains y résidant.

Ce n'est qu'à partir de Meaux que l'on possède le vrai journal de voyage de Montaigne, Gaspard Koenig essaie de le retrouver dans les mêmes lieux, parfois en vain. J'ai follement aimé le passage en Toscane, où le reçoit la marquise Gondi, comme Montaigne quatre siècles plus tôt (pas la même personne, bien sûr).

Autant le dire, l'Italie et le tourisme ne lui ont pas plu, l'accueil n'était pas celui de la France et de l'Allemagne, ce dernier pays  semblant un paradis pour les cavaliers, les chemins étant bien plus accessibles.

Et Desti, sans qui le voyage n'aurait pas été le même? Les rapports entre elle et son cavalier évoluent au fil du voyage; il apprend à lui laisser de plus en plus de liberté, se fiant à elle, se demandant s'il n'en est pas avec Desti comme Montaigne et sa chatte? 

Je laisse la parole à Montaigne pour la citation finale du livre : " si les destins me laissaient mener ma vie selon mes guises, je choisirais de la passer le cul sur la selle".

Avis babelio

Edit : j'ai programmé mon billet lundi pour ce jeudi, et voilà-t-y pas que mardi Gaspard Koenig annonce sa décision de se présenter à la présidentielle. Pourquoi pas? Un type qui apprécie Montaigne ne saurait être totalement mauvais. ^_^

lundi 10 janvier 2022

Blizzard


 Blizzard

Marie Vingtras

Editions de l'Olivier, 2021


Un premier roman qui en jette et qui souffle, je l'ai dévoré en quasi apnée.

Dans un coin perdu de l'Alaska, habitent Benedict et son fils, Bess chargée de donner des cours au gamin, Cole, Freeman et Clifford, trois hommes fort différents. Par une grosse tempête de blizzard, Bess et le gamin sortent, une main est lâchée, les voilà perdus. Cole et Benedict partent à leur recherche.

Au fil des courts chapitres racontés par quatre personnages (sauf Clifford), le lecteur découvre le passé de chacun, les liens entre eux, au fil des révélations. Un suspense, Bess et l'enfant seront-ils retrouvés à temps?, mais surtout la densité de ces parcours de vie, les blessures, les secrets. A découvrir.

Avis babelio

jeudi 6 janvier 2022

Celui qui veille


 Celui qui veille

The night watchman

Louise Erdrich

Albin Michel, 2021

Traduit par Sarah Gurcel


Il n'y a pas besoin de comprendre toutes les 'finesses' de la résolution du congrès qui, en 1953 décide unilatéralement d'abroger les traités conclus avec les tribus indiennes "aussi longtemps que l'herbe poussera et que l'eau des rivières coulera." On parlera de 'termination', terme déjà rencontré dans    Notre coeur bat à Wounded Knee de David Treuer.

Le grand père de Louise Erdrich, président du conseil tribal de la Bande des Indiens Chippewas de Turtle Montain, a lutté contre cette 'termination', et l'auteur raconte à sa façon cette résistance.

Thomas Wazhashk est veilleur de nuit et Patrice travaille dans l'usine de pierres d'horlogerie de Turtle Mountain, et autour de ces personnages principaux gravitent tout un lot de frères, sœurs, amis, cousins, oncles, grands parents, amis. Certains décédés d'ailleurs, tels Roderick. 

Tout de suite je suis rentrée dans l'histoire, en empathie avec ces Chippewas en butte avec le racisme, vivant assez misérablement et pour la plupart attachés à leurs traditions. Patrice et ses premiers émois d'adolescente, sa recherche à Minneapolis de sa sœur Vera, abusée par de belles paroles, Millie et ses tenues géométriques, les deux mormons désireux de 'blanchir' les Indiens par conversion, Thomas et son épouse Rose, bref toute une Bande soudée!

Avis babelio, le bouquineur

lundi 3 janvier 2022

Les pianos perdus de Sibérie

 


Les pianos perdus de Sibérie

Sophy Roberts

Calmann Levy, 2021

Traduit par Blandine Longre


" Tout commence donc par une amitié nouée à l'été 2015 avec une jeune Mongole du nom d'Odgerel Sampilnorov", excellente pianiste ayant étudié des années en Italie... Elle joue aussi du piano sous la yourte; l'auteur et elle deviennent amies. Son instrument n'est plus très en forme, alors jaillit l'idée de lui trouver en piano en Sibérie. De nombreux pianos sont parvenus en Sibérie durant des décennies, ne serait-ce que celui de la dernière tsarine. Ce qui permet à l'auteur de se rendre à Ekaterinenbourg et raconter la fin tragique de la famille, rencontrant la personne ayant retrouvé les corps, etc.

Alors, soyons fous, commence une quête du bon piano pour Odgerel, et finalement l'auteur durant trois ans va parcourir la Sibérie, traquant les pianos historiques, s'intéressant à leur parcours, rencontrant des interprètes, des accordeurs, un rescapé du siège de Léningrad, des familles possédant dans un coin un piano venant d'ils ne savent où, enquêtant, fouinant dans les musées.

Bien évidemment elle ne va pas 'voler' un piano, la plupart sont hors d'usage, mais au travers de ses recherches quasi obsessionnelles, elle parcourt la Sibérie et surtout la décrit, et rappelle son histoire. Avec toujours des pianos envoyés dans des endroits incroyables, sur des parcours longs et périlleux. Par exemple à Irkoutsk, avec les décembristes.

Alors? Récit de voyage, oui, aventure personnelle et amicale, aussi.

Visiter le site www.lostpianoofsiberia.com, avec plein de videos! Une longue, de plus courtes.

Avis babelio