Chimpanzés, mes frères de la forêt
Sabrina Krief
Actes sud, 2019
Mondes sauvages Pour une nouvelle alliance
On ne discute pas: je ratisse tous les livres parus dans cette collection d'actes sud, Mondes sauvages pour une nouvelle alliance. Joli format, environ 150 pages, présentation soignée. Et le contenu? Nickel ! Des spécialistes dans leur domaine, qui ont le bon goût d'être parfaitement lisibles, abordables, savent partager leur passion, ne prennent pas leur lecteur pour des ignorants ou des spécialistes, bref, un équilibre parfait. Bon, petit détaillounet, ce ne sont pas des romans, et ça parle de nature, écologie, environnement, animaux et tutti quanti.
Sabrina Krief est vétérinaire et professeure au Muséum d'histoire naturelle. Depuis deux décennies environ elle s'intéresse aux chimpanzés vivant dans le parc national de Kibale (Ouganda), d'abord à Kanyawara puis à Sebitoli, là depuis 10 ans.
Les chimpanzés sont les êtres vivants les plus proches de l'homme, plus encore que les autres singes. Proches génétiquement, mais pas question de trop les coller, parce que quand on les étudie, mieux vaut rester à distance prudente, histoire de respecter leur santé, leurs habitudes, bref leur vie. Ceux de Sebitoli sont en forêt, non primaire, mais une forêt de remettant d'une surexploitation, elle est entourée de villages (et leurs attractifs champs de maïs) et traversée par une route! Problèmes avec les braconniers et leurs pièges, les pesticides répandus causant des malformations.
Sabrina Krief et son équipe pensent aux chimpanzés et aussi aux villageois, avec l'installation d'une clôture de ruches suspendues, empêchant l'incursion des éléphants dans les villages.
Ce qui est très intéressant, c'est que l'étude des chimpanzés malades -disons l'observation de leur comportement quand ils le sont- et de leur consommation de certaines plantes (aux propriétés souvent connues aussi des villageois!) amène à découvrir des molécules utiles pour la médecine des humains.
Les chimpanzés sont des animaux passionnants à observer, il faut pour cela une énorme patience (on compte pas en semaines ni en mois, mais en années!) et une excellente forme physique.
Ce livre très très riche est à lire, j'en ai fait un coup de coeur.
Des avis chez babelio,
Les secrets de l'intelligence animale
Université d'été de l'animal
Sous la direction de Yolaine de la Bigne
Préface de Pascal Picq
Larousse, 2018
"L'université d'été de l'animal a pour vocation de réunir chaque année les meilleurs spécialistes de l'intelligence animale et de communiquer leurs découvertes au grand public."
Voilà donc des conférences vivantes, pas trop compliquées à suivre, tout en étant sérieuses. Sabrina Krief a reparlé de ses singes médecins (j'ai apprécié l'incursion dans le monde des chercheurs...), Pierre Jouventin a su me fasciner avec le chien et le loup, détruisant quelques idées reçues sur la date de la domestication du chien, Christine Rollard, non sans humour, a fait de son mieux pour aborder un sujet clivant, les araignées, Anne-Claire Gagnon avait un sujet plus facile, n'est-ce-pas, avec les chats, Chris Herzfeld raconte cinq adoptions de chimpanzés en famille (plutôt triste, en fait)(dont Léo Ferré) et Bernard Séret fait part de sa passion pour les requins.
Des avis sur babelio,
mardi 28 juillet 2020
vendredi 24 juillet 2020
Habemus piratam
Pierre Raufast
Alma éditeur, 2018
Un auteur que je suis systématiquement, même en léger décalage... Cette fois faisons connaissance de l'abbé Francis, qui officie dans un petit village. Hélas les confessions des tricheuses au scrabble n'ont rien d'exaltant, alors quand un mystérieux personnage, profession, pirate informatique, vient s'accuser ou pas d'avoir attenté aux dix commandements, notre abbé s'emballe et s'en va vérifier innocemment sur internet les histoires narrées par son 'pénitent'.
Pierre Raufast a vraiment le chic pour raconter! A chaque chapitre son anecdote de piratage, drôle, émouvante, révoltante, toujours passionnante.
Et une fin réussie!
"Les informations sensibles étaient noyées au milieu du délire romanesque. Des descriptions de personnages, des situations à risque bien précises... A part les intéressés, personne n'a jamais rien remarqué.
- C'étaient des clins d'oeil.
-Oui. Certains auteurs aiment ça."
(alors je me demande si...)
Ceci étant, on retrouve avec plaisir au détour d'un paragraphe des allusions aux romans précédents, sans gêne pour le néophyte, par exemple les rats taupes.
Beaucoup d'avis, dasola, nicole, le bouquineur, alex,
lundi 20 juillet 2020
Plein d'Echenoz!
Je ne mets pas toutes les couvertures, c'est chez Minuit. Là, on fait dans le sobre, Monsieur.
Courir
Jean Echenoz
Minuit, 2008
D'Echenoz je n'ai lu que Envoyée spéciale et La vie de Gerard Fulmard, que je qualifierais de 'barré', catégorie qui a mon approbation totale. Mais avec des sujets plus non fictionnels, qu'allait bien en faire l'auteur? Avec Courir, voilà un début de réponse. Un Echenoz différent mais toujours talentueux.
Courir, c'est ce qu'au début n'aimait pas Emile, et puis de fil en aiguille, en dépit d'un style peu orthodoxe, il gagne, il gagne, il bat les records. A Londres, 1948, puis Helsinki, 1952, il rafle des médailles d'or. En Tchécoslovaquie, durant la guerre froide, les athlètes ne se déplacent pas à l'étranger comme ils le désirent, et en 1968, Emile voit sa vie changer.
Avec Echenoz j'ai pu dévorer le parcours d'Emile Zatopek, conté avec une ironie tragique sous-jacente, pour finir embarquée dans une grande émotion. Très bon livre.
"Je courrai dans un style parfait quand on jugera de la beauté d'une course sur un barème, comme en patinage artistique. Mais moi, pour le moment, il faut juste que j'aille le plus vite possible."
On trouve des vidéos sur internet, exact, drôle de style, mais efficace!
Ravel
Jean Echenoz
Minuit, 2006
Poursuivons donc la découverte des écrits de Jean Echenoz, dans sa veine moins barrée (voire pas du tout) mais plus biographique. Après Emile Z, voici Ravel.
"Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937)."
Près de la moitié de ce court récit concerne un voyage de Ravel aux Etats-Unis, pour une tournée (épuisante) en dépit du luxe (paquebot, trains, hôtels) avec lesquels ils s'effectuent. Dans sa vie de l'époque, partout des personnes aux petits soins, s'occupant de tous les détails. Une grande attention portée par Ravel à son habillement (ces années-là, dans certains milieux, c'était la grande classe!).
Quelques références à sa vie privée, à sa vie tout court (guerre de 14-18, il a insisté pour y participer, et comme compositeur -à l'époque considérée, il est célèbre et adulé).
A la fin, il meurt, bien sûr, et j'ignorais dans quelles conditions.
"Il s'attarde un moment au piano, joue et rejoue d'un doigt une phrase sur le clavier. Vous ne trouvez pas que le thème a quelque chose d'insistant? demande-t-il à S. Et puis il va se baigner. Sorti de l'eau, assis sur le sable sous le soleil de juillet, il reparle de cette phrase de tout à l'heure. Ce serait bien d'en faire quelque chose. Il pourrait par exemple essayer de la répéter plusieurs fois mais sans la développer, juste ne faisant monter l'orchestre et le graduer au mieux tant qu'il pourrait. Non? Enfin bon, dit-il en se levant avant de retourner nager, des fois que ça marcherait comme La Madelon. Mais ça marchera beaucoup mieux, Maurice, ça va marcher cent mille fois mieux que La Madelon."
Petit souci avec Wittgenstein, pour qui il a écrit un concerto pour la main gauche, et que ce pianiste a joué en y ajoutant des fioritures. "Il lui adresse un mot bref dans lequel il fait valoir que son interprétation relève de la contrefaçon, et le somme avec fermeté de s'engager à jouer désormais son oeuvre rigoureusement telle qu’elle est écrite. Quand Wittgenstein, vexé, lui écrit en retour que les interprètes ne doivent pas être des esclaves, Ravel lui répond en cinq mots. Les interprètes sont des esclaves."
Caprice de la reine
Jean Echenoz
Minuit, 2014
Des récits, annonce la couverture, sur divers sujets, Nelson, qui a souffert toute sa vie du mal de mer (pas de chance, vraiment), Babylone à l'époque de sa gloire, les ponts (ce type rendrait passionnant le Bottin, même remarque pour ses incursions au Bourget.)
"un amoncellement d'arbres presque exagérément français dans l'exhaustivité de de leur représentation, chênes, frênes, hêtres et autres essences démunies d'accent circonflexe telles qu'ormes, tilleuls, peupliers."
Des textes qui pourraient convenir aux auditrices de Luocine!!!
Je m'en vais
Jean Echenoz
Minuit, 1999
Prix Goncourt
Voyons donc ce que donnait à l'époque Echenoz en pure fiction, avec Goncourt à la clé, quand même. Pas barré comme dans Envoyée spéciale ou Gérard Fulmard, mais l'écriture assez factuelle, à l'ironie sous-jacente, est bien là.
Je vais divulgâcher. Cela commence par "Je m'en vais, dit Ferrer, je te quitte." et se termine par "je prends juste un verre et je m'en vais." Entre les deux, Ferrer, propriétaire d'une galerie d'art parisienne, aura vécu bien des aventures rocambolesques, dont il serait dommage de dire trop. Juste que c'est bien fichu, inattendu, en fait le lecteur est bien baladé, dans tous les sens du terme.
Un roman qui tient la route, des années après.
des avis chez babelio, lecture écriture,
Et pour finir (!) texte hybride entre roman et document.
14
Jean Echenoz
Minuit, 2012
Cinq appelés en 14, parmi bien d'autres, dont deux amoureux de la même femme, Blanche. Leurs destins sont représentatifs de ceux de millions d'autres.
Un livre court (ce qui explique que j'aligne les Echenoz comme des perles!) et que je recommanderais pour bien comprendre l'horreur de la guerre de 14 dans tous ses détails.
Challenge de Phildes
Courir
Jean Echenoz
Minuit, 2008
D'Echenoz je n'ai lu que Envoyée spéciale et La vie de Gerard Fulmard, que je qualifierais de 'barré', catégorie qui a mon approbation totale. Mais avec des sujets plus non fictionnels, qu'allait bien en faire l'auteur? Avec Courir, voilà un début de réponse. Un Echenoz différent mais toujours talentueux.
Courir, c'est ce qu'au début n'aimait pas Emile, et puis de fil en aiguille, en dépit d'un style peu orthodoxe, il gagne, il gagne, il bat les records. A Londres, 1948, puis Helsinki, 1952, il rafle des médailles d'or. En Tchécoslovaquie, durant la guerre froide, les athlètes ne se déplacent pas à l'étranger comme ils le désirent, et en 1968, Emile voit sa vie changer.
Avec Echenoz j'ai pu dévorer le parcours d'Emile Zatopek, conté avec une ironie tragique sous-jacente, pour finir embarquée dans une grande émotion. Très bon livre.
"Je courrai dans un style parfait quand on jugera de la beauté d'une course sur un barème, comme en patinage artistique. Mais moi, pour le moment, il faut juste que j'aille le plus vite possible."
On trouve des vidéos sur internet, exact, drôle de style, mais efficace!
Ravel
Jean Echenoz
Minuit, 2006
Poursuivons donc la découverte des écrits de Jean Echenoz, dans sa veine moins barrée (voire pas du tout) mais plus biographique. Après Emile Z, voici Ravel.
"Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937)."
Près de la moitié de ce court récit concerne un voyage de Ravel aux Etats-Unis, pour une tournée (épuisante) en dépit du luxe (paquebot, trains, hôtels) avec lesquels ils s'effectuent. Dans sa vie de l'époque, partout des personnes aux petits soins, s'occupant de tous les détails. Une grande attention portée par Ravel à son habillement (ces années-là, dans certains milieux, c'était la grande classe!).
Quelques références à sa vie privée, à sa vie tout court (guerre de 14-18, il a insisté pour y participer, et comme compositeur -à l'époque considérée, il est célèbre et adulé).
A la fin, il meurt, bien sûr, et j'ignorais dans quelles conditions.
"Il s'attarde un moment au piano, joue et rejoue d'un doigt une phrase sur le clavier. Vous ne trouvez pas que le thème a quelque chose d'insistant? demande-t-il à S. Et puis il va se baigner. Sorti de l'eau, assis sur le sable sous le soleil de juillet, il reparle de cette phrase de tout à l'heure. Ce serait bien d'en faire quelque chose. Il pourrait par exemple essayer de la répéter plusieurs fois mais sans la développer, juste ne faisant monter l'orchestre et le graduer au mieux tant qu'il pourrait. Non? Enfin bon, dit-il en se levant avant de retourner nager, des fois que ça marcherait comme La Madelon. Mais ça marchera beaucoup mieux, Maurice, ça va marcher cent mille fois mieux que La Madelon."
Petit souci avec Wittgenstein, pour qui il a écrit un concerto pour la main gauche, et que ce pianiste a joué en y ajoutant des fioritures. "Il lui adresse un mot bref dans lequel il fait valoir que son interprétation relève de la contrefaçon, et le somme avec fermeté de s'engager à jouer désormais son oeuvre rigoureusement telle qu’elle est écrite. Quand Wittgenstein, vexé, lui écrit en retour que les interprètes ne doivent pas être des esclaves, Ravel lui répond en cinq mots. Les interprètes sont des esclaves."
Caprice de la reine
Jean Echenoz
Minuit, 2014
Des récits, annonce la couverture, sur divers sujets, Nelson, qui a souffert toute sa vie du mal de mer (pas de chance, vraiment), Babylone à l'époque de sa gloire, les ponts (ce type rendrait passionnant le Bottin, même remarque pour ses incursions au Bourget.)
"un amoncellement d'arbres presque exagérément français dans l'exhaustivité de de leur représentation, chênes, frênes, hêtres et autres essences démunies d'accent circonflexe telles qu'ormes, tilleuls, peupliers."
Des textes qui pourraient convenir aux auditrices de Luocine!!!
Je m'en vais
Jean Echenoz
Minuit, 1999
Prix Goncourt
Voyons donc ce que donnait à l'époque Echenoz en pure fiction, avec Goncourt à la clé, quand même. Pas barré comme dans Envoyée spéciale ou Gérard Fulmard, mais l'écriture assez factuelle, à l'ironie sous-jacente, est bien là.
Je vais divulgâcher. Cela commence par "Je m'en vais, dit Ferrer, je te quitte." et se termine par "je prends juste un verre et je m'en vais." Entre les deux, Ferrer, propriétaire d'une galerie d'art parisienne, aura vécu bien des aventures rocambolesques, dont il serait dommage de dire trop. Juste que c'est bien fichu, inattendu, en fait le lecteur est bien baladé, dans tous les sens du terme.
Un roman qui tient la route, des années après.
des avis chez babelio, lecture écriture,
Et pour finir (!) texte hybride entre roman et document.
14
Jean Echenoz
Minuit, 2012
Cinq appelés en 14, parmi bien d'autres, dont deux amoureux de la même femme, Blanche. Leurs destins sont représentatifs de ceux de millions d'autres.
Un livre court (ce qui explique que j'aligne les Echenoz comme des perles!) et que je recommanderais pour bien comprendre l'horreur de la guerre de 14 dans tous ses détails.
Challenge de Phildes
jeudi 9 juillet 2020
Les français et la nature
Les Français et la nature
Pourquoi si peu d'amour?
Valérie Chansigaud
Mondes sauvages pour une nouvelle alliance
Actes sud, 2017
Comment ça? Les français n'aiment pas la nature? Ils sont indifférents à sa protection?
Tiens, prenons les oiseaux. Tout le monde aime les oiseaux (mes chats aussi). Tout le monde a entendu parler de la LPO. Créée en France en 1912, elle compte environ 50 000 membres. Son équivalent britannique dépasse le million.
Et les bons auteurs? Les pays anglo-saxons sont sur le pont depuis des siècles (et là je découvre Gilbert White)(et hop, commande en librairie). Traduits tardivement en France, peu diffusés, peu lus. D'accord, on a quelques exceptions, avec Fabre ou le génial La Hulotte (le journal le plus lu dans les terriers), mais on fait un poil pâle figure.
Et en politique? Les écologistes entrent au parlement européen en 1979 pour la Suisse, 1981 pour la Belgique, 1983 en RFA, Irlande, Luxembourg, 1986 Pays-Bas, 1987 Italie, 1988 Suède. France : 1997.
Pourquoi? Rien de très clair. Système politique? Place des femmes? Puissance des chasseurs? Compliqué de répondre. L'auteur en tout cas présente un tableau fort documenté du rapport à la nature depuis, disons, le 18ème siècle, et plaide bien sûr pour une meilleure défense de l'environnement (il y a du travail!). C'est passionnant, propose des idées lecture (merci merci)
J'en profite pour donner encore un coup de projecteur sur cette excellente collection découverte avec Vinciane Despret et Habiter en oiseau. Depuis, je ratisse tout ce que proposent les biblis.
Pourquoi si peu d'amour?
Valérie Chansigaud
Mondes sauvages pour une nouvelle alliance
Actes sud, 2017
Comment ça? Les français n'aiment pas la nature? Ils sont indifférents à sa protection?
Tiens, prenons les oiseaux. Tout le monde aime les oiseaux (mes chats aussi). Tout le monde a entendu parler de la LPO. Créée en France en 1912, elle compte environ 50 000 membres. Son équivalent britannique dépasse le million.
Et les bons auteurs? Les pays anglo-saxons sont sur le pont depuis des siècles (et là je découvre Gilbert White)(et hop, commande en librairie). Traduits tardivement en France, peu diffusés, peu lus. D'accord, on a quelques exceptions, avec Fabre ou le génial La Hulotte (le journal le plus lu dans les terriers), mais on fait un poil pâle figure.
Et en politique? Les écologistes entrent au parlement européen en 1979 pour la Suisse, 1981 pour la Belgique, 1983 en RFA, Irlande, Luxembourg, 1986 Pays-Bas, 1987 Italie, 1988 Suède. France : 1997.
Pourquoi? Rien de très clair. Système politique? Place des femmes? Puissance des chasseurs? Compliqué de répondre. L'auteur en tout cas présente un tableau fort documenté du rapport à la nature depuis, disons, le 18ème siècle, et plaide bien sûr pour une meilleure défense de l'environnement (il y a du travail!). C'est passionnant, propose des idées lecture (merci merci)
J'en profite pour donner encore un coup de projecteur sur cette excellente collection découverte avec Vinciane Despret et Habiter en oiseau. Depuis, je ratisse tout ce que proposent les biblis.
lundi 6 juillet 2020
Honoré et moi
Honoré et moi
Parce qu'il a réussi sa vie
en passant son temps à la rater,
Balzac est mon frère
Titiou Lecoq
L'iconoclaste, 2019
Si vous voulez une biographie plus classique de Balzac, vous avez celle de Zweig, Balzac Le roman de sa vie. Titiou Lecoq, tout en accomplissant un énorme travail de documentation en amont, c'est sûr, livre une biographie très personnelle. C'est drôle, vivant, et elle ne craint pas d'apostropher Honoré (elle l’appelle aussi ainsi) quand il exagère ou refuse la réalité, et de laisser transparaître ses propres opinions. Autant dire que ça se dévore et qu'on en ressort prêt(e) à se jeter sur quelques bons vieux romans de Balzac signalés comme les meilleurs.
Vous êtes assez grands pour (re)découvrir une vie de Balzac, bourreau de travail et pourri de dettes (c'est un gros dépensier), je ne donnerai pas de détails. Titiou Lecoq met les choses au point quand à sa méchante mère, dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille non plus, et n'était peut-être pas si méchante, quoiqu'en dise Zweig.
Un scoop, Balzac avait une fille illégitime, dont on a découvert l'identité en 1955 (Zweig ne pouvait donc pas la connaître), née en 1834 et décédée en ... 1930! Fille d’une femme mariée à particule, les maîtresses d'Honoré étant quasiment toutes de ce modèle. Il semblerait que Balzac demeurait discret sur ses bonnes fortunes.
Cela valait mieux, car l'époque était cruelle pour les femmes infidèles (les maris infidèles ne craignaient rien) et risquaient prison, divorce, etc.
"La France a élu Rastignac comme président de la République, et c'est peut-être le plus grand fait balzacien de notre société."
Je vous laisse, à vous de découvrir cet emballant Honoré et moi, qui se dévore!
Les avis de Antigone, babelio, Histoires d'en lire, lou,
Parce qu'il a réussi sa vie
en passant son temps à la rater,
Balzac est mon frère
Titiou Lecoq
L'iconoclaste, 2019
Si vous voulez une biographie plus classique de Balzac, vous avez celle de Zweig, Balzac Le roman de sa vie. Titiou Lecoq, tout en accomplissant un énorme travail de documentation en amont, c'est sûr, livre une biographie très personnelle. C'est drôle, vivant, et elle ne craint pas d'apostropher Honoré (elle l’appelle aussi ainsi) quand il exagère ou refuse la réalité, et de laisser transparaître ses propres opinions. Autant dire que ça se dévore et qu'on en ressort prêt(e) à se jeter sur quelques bons vieux romans de Balzac signalés comme les meilleurs.
Vous êtes assez grands pour (re)découvrir une vie de Balzac, bourreau de travail et pourri de dettes (c'est un gros dépensier), je ne donnerai pas de détails. Titiou Lecoq met les choses au point quand à sa méchante mère, dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille non plus, et n'était peut-être pas si méchante, quoiqu'en dise Zweig.
Un scoop, Balzac avait une fille illégitime, dont on a découvert l'identité en 1955 (Zweig ne pouvait donc pas la connaître), née en 1834 et décédée en ... 1930! Fille d’une femme mariée à particule, les maîtresses d'Honoré étant quasiment toutes de ce modèle. Il semblerait que Balzac demeurait discret sur ses bonnes fortunes.
Cela valait mieux, car l'époque était cruelle pour les femmes infidèles (les maris infidèles ne craignaient rien) et risquaient prison, divorce, etc.
"La France a élu Rastignac comme président de la République, et c'est peut-être le plus grand fait balzacien de notre société."
Je vous laisse, à vous de découvrir cet emballant Honoré et moi, qui se dévore!
Les avis de Antigone, babelio, Histoires d'en lire, lou,
jeudi 2 juillet 2020
Tout est possible / Amy et Isabelle/ Je m'appelle Lucy Barton
Tout est possible
Anything is possible
Elizabeth Strout
Fayard, 2018
Traduit par Pierre Brévignon
Auteur de Olive Ketterige, prix Pulitzer 2009, Elizabeth Strout fait partie de ceux qu'on veut suivre, en particulier Je m’appelle Lucy Barton m'avait tapé dans l'oeil (en vain car pas disponible) et heureusement je n'ai pas raté ce Tout est possible. Finalement je pourrais carrément recopier une partie de mon billet sur Olive Ketteridge!
Avec neuf histoires d'une trentaine de pages, l'on pourrait se croire dans un recueil de nouvelles, par exemple dans L'écriteau, Tommy Guptil rend visite à Pete, sorte d'ours solitaire dont il saura percer la carapace avec patience et gentillesse. Ce Pete est le frère de Lucy Barton, dont on retrouvera la nièce lycéenne dans Eoliennes, etc., chaque histoire permet de de voir revenir des personnages principaux, mais en secondaires, ou bien l'on connaît une suite juste au détour d'une conversation. Cela donne vraiment un ensemble et contribue au plaisir de lecture.
Ce qui est toujours remarquable aussi, c'est la façon de raconter, simplement, efficacement, de donner à saisir les atmosphères, les dialogues, juste assez pour laisser deviner les non-dits. Il ne va pas se dérouler des événements catastrophiques ou grandioses, juste la vie telle qu'on la connaît, avec des personnages parfois blessés et rarement méchants.
Amy et Isabelle
Amy and Isabelle, 1998
Elisabeth Strout
Pocket, 2002
Traduit par Suzanne V. Mayoux
Au cours d'un été sec et caniculaire, Isabelle, comme toujours depuis 15 ans, est à son poste de secrétaire dans une usine, se pensant amoureuse (sans espoir) de son patron, essayant de garder ses distances avec ses collègues bavardes dont elle se sent (discrètement) supérieure. Isabelle a en effet fréquenté l'université, mais a dû abandonner ses études pour s'occuper d'Amy , son bébé. Pleine d'espoir d'une vie meilleure, elle s'est installée à Shirley Falls, échouant par ailleurs à s'intégrer pleinement dans l'église congrégationaliste.
Amy est lycéenne et a obtenu un petit boulot d'été à cette usine. Mais entre elle et sa mère règne silence, hostilité et froideur. A la maison, elles se côtoient, sans plus.
La raison? Un certain Robertson, professeur de mathématiques d'Amy pour un remplacement. Tiens, pour une fois dans un roman ce n'est pas un professeur de lettres... Mais Robertson saura plaire à l'adolescente en lui parlant poésie, ouf, les traditions sont respectées. Sauf que là l'histoire va aller un poil trop loin!
Voilà un roman sur les relations mère/fille. Isabelle a reproduit avec Amy ce qu'elle a vécu enfant et adolescente, à savoir peu d'ouverture vers l'extérieur. Mais d'autres personnages gravitent autour d'elles, et c'est tout un petit monde que le lecteur souvent omniscient découvre. Une petite ville avec des quartiers bien séparés, des classes sociales aussi. Une fin magnifique ouvre l'avenir sur de nombreuses années futures.
Au cours du roman Isabelle va évoluer, découvrir la chaleur de l'amitié avec quelques collègues à qui elle dévoile quelques pans de son passé. Il me reste à m'interroger sur Robertson, au départ même s'il avait été une femme enseignante j'aurais trouvé son comportement inapproprié à l'égard d'une adolescente peu sûre d'elle, mais ensuite en tant qu'homme mûr il est inexcusable.
Et enfin, de retour de réparation à la bibli, voici Je m'appelle Lucy Barton. Réparation qui hélas ne résistera pas à plusieurs lectures.
Je m'appelle Lucy Barton
My name is Lucy Barton, 2016
Elisabeth Strout
Fayard, 2017
Traduit par Pierre Brévignon
Dans Tout est possible Lucy Barton revenait dans la petite ville de son enfance, mais là cela se passe bien avant. Alors qu’elle est hospitalisée durant de longues semaines, à New York où elle habite avec son mari et ses deux petites filles, elle reçoit la visite de sa mère. Les deux femmes parlent, les questions de Lucy n'ont pas toujours de réponses. Les souvenirs d'une enfance dure reviennent. La mère préfère lui apprendre ce que sont devenus des habitants de sa ville.
Par ailleurs Lucy nous parle de ses voisins, de son désir d'écrire.
Cela se dévore, n'est pas d'une gaieté folle, mais est bourré d'humanité, de subtilité, de non dits...
Lors d'un stage avec un auteur, son avis sur ce qu’elle est en train d'écrire:
"... c'est très bon. ce sera publié. Mais les gens vous reprocheront de parler à la fois de la pauvreté et de la violence domestique. (...) Les gens vous diront qu'on peut très bien être pauvre sans être violent, et vous ne leur répondrez jamais rien. Ne défendez jamais votre travail. Votre historie parle d'amour, vous le savez bien. C'est l'histoire d'un homme qui, tous les jours de sa vie, a été tourmenté par ses actions pendant la guerre. C'est l'histoire d'une femme qui est restée avec lui, parce que c'est ainsi que se comportaient la plupart des femmes de sa génération, et qui vient voir sa fille à l'hôpital. Elle se met à parler de façon compulsive de tous les couples qui vont mal autour d'elle, mais elle ne s'en rend pas compte. Elle ne se rend mêem pas compte de ce qu'elle fait. C'est l'histoire d'une mère qui aime sa fille. D'un amour imparfait. Parce que nous aimons tous d'un amour imparfait. Mais si, en écrivant, vous vous surprenez à protéger quelqu'un, alors ayez cela bien à l'esprit : vous faites fausse route."
"Vous n'aurez jamais qu'une histoire à raconter. Et vous l'écrirez de différentes façons. Ne vous tracassez jamais pour votre histoire. Vous n'en avez qu'une."
Voir l'avis de Electra, bis, il y a aussi une suite Olive, again! et avis de manou
Trois d'un coup, ça va dans le challenge de Phildes!
Anything is possible
Elizabeth Strout
Fayard, 2018
Traduit par Pierre Brévignon
Auteur de Olive Ketterige, prix Pulitzer 2009, Elizabeth Strout fait partie de ceux qu'on veut suivre, en particulier Je m’appelle Lucy Barton m'avait tapé dans l'oeil (en vain car pas disponible) et heureusement je n'ai pas raté ce Tout est possible. Finalement je pourrais carrément recopier une partie de mon billet sur Olive Ketteridge!
Avec neuf histoires d'une trentaine de pages, l'on pourrait se croire dans un recueil de nouvelles, par exemple dans L'écriteau, Tommy Guptil rend visite à Pete, sorte d'ours solitaire dont il saura percer la carapace avec patience et gentillesse. Ce Pete est le frère de Lucy Barton, dont on retrouvera la nièce lycéenne dans Eoliennes, etc., chaque histoire permet de de voir revenir des personnages principaux, mais en secondaires, ou bien l'on connaît une suite juste au détour d'une conversation. Cela donne vraiment un ensemble et contribue au plaisir de lecture.
Ce qui est toujours remarquable aussi, c'est la façon de raconter, simplement, efficacement, de donner à saisir les atmosphères, les dialogues, juste assez pour laisser deviner les non-dits. Il ne va pas se dérouler des événements catastrophiques ou grandioses, juste la vie telle qu'on la connaît, avec des personnages parfois blessés et rarement méchants.
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Amy and Isabelle, 1998
Elisabeth Strout
Pocket, 2002
Traduit par Suzanne V. Mayoux
Au cours d'un été sec et caniculaire, Isabelle, comme toujours depuis 15 ans, est à son poste de secrétaire dans une usine, se pensant amoureuse (sans espoir) de son patron, essayant de garder ses distances avec ses collègues bavardes dont elle se sent (discrètement) supérieure. Isabelle a en effet fréquenté l'université, mais a dû abandonner ses études pour s'occuper d'Amy , son bébé. Pleine d'espoir d'une vie meilleure, elle s'est installée à Shirley Falls, échouant par ailleurs à s'intégrer pleinement dans l'église congrégationaliste.
Amy est lycéenne et a obtenu un petit boulot d'été à cette usine. Mais entre elle et sa mère règne silence, hostilité et froideur. A la maison, elles se côtoient, sans plus.
La raison? Un certain Robertson, professeur de mathématiques d'Amy pour un remplacement. Tiens, pour une fois dans un roman ce n'est pas un professeur de lettres... Mais Robertson saura plaire à l'adolescente en lui parlant poésie, ouf, les traditions sont respectées. Sauf que là l'histoire va aller un poil trop loin!
Voilà un roman sur les relations mère/fille. Isabelle a reproduit avec Amy ce qu'elle a vécu enfant et adolescente, à savoir peu d'ouverture vers l'extérieur. Mais d'autres personnages gravitent autour d'elles, et c'est tout un petit monde que le lecteur souvent omniscient découvre. Une petite ville avec des quartiers bien séparés, des classes sociales aussi. Une fin magnifique ouvre l'avenir sur de nombreuses années futures.
Au cours du roman Isabelle va évoluer, découvrir la chaleur de l'amitié avec quelques collègues à qui elle dévoile quelques pans de son passé. Il me reste à m'interroger sur Robertson, au départ même s'il avait été une femme enseignante j'aurais trouvé son comportement inapproprié à l'égard d'une adolescente peu sûre d'elle, mais ensuite en tant qu'homme mûr il est inexcusable.
Et enfin, de retour de réparation à la bibli, voici Je m'appelle Lucy Barton. Réparation qui hélas ne résistera pas à plusieurs lectures.
Je m'appelle Lucy Barton
My name is Lucy Barton, 2016
Elisabeth Strout
Fayard, 2017
Traduit par Pierre Brévignon
Dans Tout est possible Lucy Barton revenait dans la petite ville de son enfance, mais là cela se passe bien avant. Alors qu’elle est hospitalisée durant de longues semaines, à New York où elle habite avec son mari et ses deux petites filles, elle reçoit la visite de sa mère. Les deux femmes parlent, les questions de Lucy n'ont pas toujours de réponses. Les souvenirs d'une enfance dure reviennent. La mère préfère lui apprendre ce que sont devenus des habitants de sa ville.
Par ailleurs Lucy nous parle de ses voisins, de son désir d'écrire.
Cela se dévore, n'est pas d'une gaieté folle, mais est bourré d'humanité, de subtilité, de non dits...
Lors d'un stage avec un auteur, son avis sur ce qu’elle est en train d'écrire:
"... c'est très bon. ce sera publié. Mais les gens vous reprocheront de parler à la fois de la pauvreté et de la violence domestique. (...) Les gens vous diront qu'on peut très bien être pauvre sans être violent, et vous ne leur répondrez jamais rien. Ne défendez jamais votre travail. Votre historie parle d'amour, vous le savez bien. C'est l'histoire d'un homme qui, tous les jours de sa vie, a été tourmenté par ses actions pendant la guerre. C'est l'histoire d'une femme qui est restée avec lui, parce que c'est ainsi que se comportaient la plupart des femmes de sa génération, et qui vient voir sa fille à l'hôpital. Elle se met à parler de façon compulsive de tous les couples qui vont mal autour d'elle, mais elle ne s'en rend pas compte. Elle ne se rend mêem pas compte de ce qu'elle fait. C'est l'histoire d'une mère qui aime sa fille. D'un amour imparfait. Parce que nous aimons tous d'un amour imparfait. Mais si, en écrivant, vous vous surprenez à protéger quelqu'un, alors ayez cela bien à l'esprit : vous faites fausse route."
"Vous n'aurez jamais qu'une histoire à raconter. Et vous l'écrirez de différentes façons. Ne vous tracassez jamais pour votre histoire. Vous n'en avez qu'une."
Voir l'avis de Electra, bis, il y a aussi une suite Olive, again! et avis de manou
Trois d'un coup, ça va dans le challenge de Phildes!
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