Ballade proustienne du côté de la psychologie cognitive
André Didierjean
Seuil, Science ouverte, 2015
Ce pourtant mince volume ayant offert trop de richesses pour se contenter d'un seul billet, voici le second en séance de rattrapage pour les oublieux. Premier billet ici.
Depuis quelques décennies est étudié le phénomène des faux souvenirs. Ces travaux "visent à démontrer qu'il est possible de créer expérimentalement de faux souvenirs chez les personnes et à identifier les conditions qui favorisent le phénomène ou celles qui, au contraire, permettent de l'éviter." Dans le roman de Bello, Les producteurs, le héros et sa mère croient dur comme fer connaître la météo du jour du décès de leur père et mari, qui a raison? Il s'agit là d'une possible erreur sans conséquences, mais qu'en est-il dans le domaine judiciaire? Comment interroger un témoin sans risquer de créer un faux souvenir? Comment savoir si justement un témoignage n'est qu'un faux souvenir?
André Didierjean nous fait part d'expériences et j'en profite pour tirer mon chapeau à tous ces gens qui imaginent les expériences (y compris dans d'autres parties du livre avec des bébés ne sachant pas encore parler). Résumons, les faux souvenirs même confrontés à la vérité demeurent ancrés, qui plus est ils influencent nos comportements.
Un chapitre plus classique explore la cognition au fil de la vie (oui, les fameux bébés : se souviennent-ils? et si oui, pourquoi n'a-t-on pas de souvenirs de cette époque?) J'ai particulièrement aimé le stade de la conservation de Jean Piaget (désolée, la vidéo est en anglais)(et j'avoue avoir testé avec mes deux nièces, la plus jeune réagissant comme la petite de la vidéo dans les deux premières expériences, sous l’œil incrédule de l'aînée)(j'ai été une tantie infâme, je sais)
Enfin, bonne nouvelle, "il semble que les dégradations de l'avancée en âge soient en partie compensées par la mise en place de processus qui permettent à la fois de conserver une efficacité optimale dans la plupart des tâches habituelles, et de s'orienter vers les choses les plus agréables de la vie. La combinaison de ces deux facteurs permet aux seniors de continuer à être adaptés à leur environnement et de gagner avec l'âge ce qu'on a sans doute appelé de la sagesse."
Pour conclure : si vous voyez ce livre, n'hésitez pas, c'est très lisible moyennant un peu d'attention. De plus vous aborderez d'authentiques morceaux de A la recherche du temps perdu, qui, peut-être, vous convaincront...