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Affichage des articles du octobre, 2018

Le sillon

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Le sillon Valérie Manteau Le Tripode, 2018 "Que signifie le nom du journal, Agos . Jean fait le geste de semer des graines par poignées. Agos , c'est Le sillon . C'était un mot partagé par les Turcs et les Arméniens; en tout cas par les paysans, à l'époque où ils cohabitaient. Le sillon, comme dans la Marseillaise ? Qu'un sang impur abreuve nos sillons, quelle ironie, pour quelqu'un assassiné par un nationaliste." "Un homme qui baptise son journal Le sillon devait probablement avoir en tête la parabole du semeur." Avec ce roman (?) Valérie Manteau (dont je découvre qu’elle a travaillé à Charlie Hebdo jusqu'en 2013) nous entraîne sur les traces de Krant Dink, journaliste et écrivain turc, fondateur du journal Agos, assassiné à Istanbul en 2007 . Ne pas s'attendre à une biographie linéaire, car tout se mélange subtilement, au moyen d'une écriture qui n'a pas le temps de trier dans les dialogues, où apparaissent des incon

Rendez-vous avec le crime

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Rendez-vous avec le crime Une enquête de Samson et Delilah, les détectives du Yorkshire Date with death Julia Chapman Robert Laffont, 2018 Traduit par Dominique Haas Tout d'abord j'ai mal résisté à un couple de héros prénommés Samson et Delilah, et aux billets sur les blogs. Même si je craignais quand même que ça fasse pschitt comme la série Agatha Raisin à laquelle on pense forcément, dont le côté sûre d'elle 'je ne veux pas écouter les conseils' de l'héroïne et certaines péripéties répétitives m'ont fait lâcher la série. Mais là, non, on est dans une intrigue classique, les héros sont humains et sympathiques, l'humour n'est pas forcé, et surtout on trouve une belle brochette de personnages secondaires . A la fin, on n'aura pas la réponse à toutes les questions sur le passé de Samson, on se demandera comment cela évoluera (même si on espère que...) et voilà une série bien lancée sur les rails. Ha oui, de quoi ça parle? Dans un peti

Tour de France des villes incomprises

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Tour de France des villes incomprises Vincent Noyoux Editions du trésor, 2016 Ami lecteur (et amie lectrice) ce tour de France a conduit (de son plein gré) Vincent Noyoux à la découverte, en deux trois jours chaque fois, de 12 villes françaises dont on peut dire sans être taxé de méchanceté que leur évocation à froid ne crée pas d'étincelles dans les yeux. Dans l'ordre : Mulhouse, Vesoul, Guéret, Cergy, Cholet, Vierzon (forcément, après Vesoul), Saint-Nazaire (la mer, oui, mais pas vraiment des plages connues), Verdun, Vallée de la Fensch, Chatelguyon (hors saison sinon ce n'est pas drôle) Draguignan (le midi, pourtant) et Maubeuge. Ah ça casse bien le rêve, non? Méfions nous cependant des a priori. "Ce livre s'intéresse aux vilains petits canards du tourisme hexagonal, aux derniers de la classe, au ventre mou du pays. On n'y trouve pas de bars branchés ni d'abbayes classées. On n'y respire pas le vent du large à pleins poumons. On n'y cr

Trois fois la fin du monde

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Trois fois la fin du monde Sophie Divry Notabilia, 2018 Sur ce blog, après  La condition pavillonnaire     La cote 400  Rouvrir le roman     Quand le diable sortit de la salle de bains   je ne pouvais passer à côté du dernier opus de Sophie Divry. Le moins que l'on puisse dire est qu’elle se renouvelle! Juste pour aider son frère auquel il est attaché, le jeune Joseph Kamal participe à un braquage à l'issue duquel Tonio est abattu et Joseph jeté en prison. Âmes sensibles s'abstenir, cet univers de violence est décrit sans complaisance, univers qui va transformer complètement Joseph et sa vision de la vie. Ainsi que sa façon de s'exprimer, ce qui expliquerait la différence de style dans la suite , après que Joseph se soit évadé, profitant d'une catastrophe nucléaire. Dans la plus longue partie de ce roman en trois parties d'inégales longueurs (trois fins du monde?) Joseph est réfugié, solitaire, dans la 'zone interdite', vivant dans les villag

L'invitation

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L'invitation The party Elisabeth Day Belfond, 2018 Traduit par Maxime Berrée Mais que s'est-il passé lors de cette soirée donnée pour l'anniversaire de Ben Fitzmaurice ? Parmi les centaines d'invités (dont le premier ministre) dans sa superbe demeure à la décoration clinquante (la façade, classée, a échappé au relooking), se trouvaient Martin Gilmour, ami de longue date de Ben auquel il est plus que dévoué, et sa femme Lucy. Martin, issu d'une famille modeste, orphelin de père, élevé par une mère froide et écrasante, s'est retrouvé dès le lycée plein d'une fascination assez malsaine pour Ben, pourri de charme, venant d'un milieu aristocratique, riche, puissant, ayant les bons codes et relations. Quelques semaines après cette invitation, le voilà sommé de répondre aux questions de deux agents dans un commissariat. Retour sur le passé, vu par différents protagonistes, pour une histoire où les détails sont distillés avec art, et le malaise plutô

Jamais avant le coucher du soleil

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Jamais avant le coucher du soleil Ennen päivänlaskua ei voi Johanna Sinisalo Actes sud, 2003 Traduit par Anne Colin du Terrail Surnommé Ange, le personnage principal est trentenaire, blond et beau gosse. Il gagne sa vie comme photographe de pub, plutôt doué. Un soir il sauve d'une bande d'ados un petit être abandonné qui se révèle être un enfant ou bébé troll. Oui. Grande question pour lui : 'mais ça mange quoi un troll?' (réponse dans le roman, mais je préviens, scènes très dures ^_^). Il a en effet ramené la bestiole dans son appartement. Une étrange cohabitation commence, qu'il essaie de cacher à tous, mais ça se révèle impossible. Son ex, vétérinaire, alerté par ses questions, se doute de la vérité. D'autres se risquent à s'approcher d'un animal de plus en plus possessif et incontrôlable. Les relations Ange/troll évoluent vers du difficilement imaginable (et du parfois polémique ai-je appris). Improbable, non? Là je suis bien sortie de ma

Chronique d'hiver et autres...

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Chronique d'hiver Winter Journal Paul Auster Actes sud, 2013 Traduit par Pierre Furlan Après mon retour vers Paul (le seul, l'unique) avec 4321, j'étais cuite, et ma foi je confirme, il pourrait me raconter l'annuaire, ça marcherait! Cette fois il ne s'agit pas d'un roman.A soixante-quatre ans (when I am sixty four résonne dans ma tête?), Paul Auster se dévoile (un peu plus). Deuils familiaux, réactions physiques de son corps, ses blessures quand gamin, l'incontournable et lumineuse Siri, l'amour de sa vie, mais aussi ses amourettes, son premier mariage, un accident de voiture, et cette évocation des tous les logements connus dans sa vie (et j'avoue avoir fait de même, j'arrive aussi à un joli chiffre). J'ai fort goûté de retrouver des détails autobiographiques retrouvés dans 4321, ce garçon de 14 ans foudroyé, ces années à Paris y compris dans les quartiers plus chauds, le base ball, la non crise d'appendicite, les études à Co

L'Heure de l'ange

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L'Heure de l'ange Die uur van die engel Karel Schoeman Phébus, 2018 Traduit par Pierre-Marie Finkelstein Quand ce livre est apparu dans la liste de Masse critique, je n'ai pas hésité, il me le fallait! Oui, encore un auteur chouchou, encore un manque certain d'objectivité. Encore le récit de vies où il ne se passe pas grand chose, encore des coins paumés du veld. Mais le charme opère encore toujours. En 1838 un gardien de moutons, Daniel Steenkamp , a la vision d'un ange. Cet homme peu lettré est capable d'enflammer les assemblées par des discours, et de composer des poèmes. Ceux-ci, recopiés, seront recueillis par le jeune pasteur Heyns , puis édités par l'instituteur Jood de Lange au fil du siècle qui suivra. Après une brève évocation de ces faits, le lecteur découvre, à l'époque actuelle, un producteur de télévision originaire de la petite ville où vivaient les personnages précédents, se souvenant d'une visite de classe chez Jood al

Ici, les femmes ne rêvent pas

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Ici, les femmes ne rêvent pas Frauen dürfen hier nicht träumen Rana Ahmad Globe, 2018 Traduit (de l'allemand) par Olivier Mannoni Mon côté psychorigide est mis à rude épreuve, car où caser ce livre? Récit, oui, là n'est pas le problème, mais de quel pays? En effet Rana Ahmad est née et a vécu jusqu'à ses trente ans en Arabie Saoudite , mis à part des vacances annuelles en Syrie , pays de ses familles paternelle et maternelle, et quelques mois d'un mariage raté. En 2015 elle réussit à s'évader - quel mot convient mieux?- d'Arabie Saoudite et atteindre l' Allemagne via la Turquie, suivant là le parcours de bien des migrants. Actuellement elle fignole sa maîtrise de la langue allemande et se prépare à des études de physique à l'université. Cet apparent happy end ne doit pas cacher la réalité : elle a dû couper les ponts avec sa famille, sa mère l'a reniée, elle craint que son frère ne la retrouve; seul son père lui a gardé le même amour et l

Gilead / Quand j'étais enfant je lisais des livres

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Lire les trilogies dans le désordre, ça, maintenant, c'est fait. Mais avec  Chez nous  (2)  et    Lila  (3), aucune importance. D'autant plus que Gilead (1) se déroule après Lila. De toute façon Marilynne Robinson a l'art d'entremêler passé, présent et futur probable. Gilead Marilynne Robinson Prix Pulitzer 2005 Actes sud, 2007 Traduit par Simon Baril Marylinne Robinson n'écrit pas de page turner, pas de crimes, pas de violence, et tout se déroule à Gilead, petite ville de l'Iowa, dans les années 50 pour le présent. Le révérend John Ames sent que sa santé et son énergie déclinent, et il écrit une longue lettre à son fils âgé de sept ans, qu'il lira  après sa mort, lorsqu'il le désirera. Il lui parle de son histoire d'amour avec son épouse, mère du petit, de ses propres parents et grands parents. Un père et un grand père révérends eux-aussi, ainsi que Broughton son ami d'enfance, toujours à Gilead, dont le fils Jack lui a causé bien de

Miss Jane

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Miss Jane Brad Watson Grasset, 2018 Traduit par Marc Amfreville Fille de fermiers du Mississipi, Jane  naît en 1915 , après deux grands frères quasiment adultes et une soeur, Grace, qui très tôt voudra son indépendance. Jane, elle, se plait beaucoup dans cette vie rurale, au milieu de la nature et des animaux. Hélas, elle souffre d’une malformation urogénitale qui la rend incontinente et empêche une vie sociale épanouie, en particulier l'école, qu’elle ne fréquentera qu'un trimestre. Son père a un problème d'alcool, sa mère aussi n'est pas très causante, mais la petite grandit, sachant se contenter de son sort, intéressée par tout, et ayant de grandes conversations avec le médecin qui l'a mise au monde et intéresse à son sort des collègues urologues, mais à cette époque il n'est pas (encore) possible de l'opérer. Voilà, ce sera la vie de Jane, qui connaîtra le sentiment amoureux. Non, je ne raconte pas tout, car ce roman plein de délicatesse fait la

A malin, malin et demi

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A malin, malin et demi Everybody's Fool Richard Russo Quai Voltaire, 2017 Traduit par Jean Esch Mais quel bonheur ce roman! Richard Russo (qui va avoir son couvert ici sur ce blog, autant le savoir) a repris la petite ville de Bath de Un homme presque parfait  (Nobody's Fool, il y a donc une suite dans les idées pour les titres d'origine) mais dix ans après. La roue a tourné pour Sully , le pilier de bar vivotant de petits boulots, car sa situation financière s'est plus qu'améliorée, alors que celle de Carl, son employeur (au noir) s'est vraiment dégradée. D'où l'obligation de Carl d'emprunter de l'argent à Sully pour pouvoir lui payer son salaire (oui, faut suivre). Mais sa santé est atteinte, le cardiologue lui donnant 'deux années, pas plus'. Le policier Raymer , avec lequel Sully avait eu des rencontres musclées, est désormais chef de la police. Veuf, sa femme Becka victime d'un accident alors qu’elle s'apprêtait

L'arbre monde

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L'arbre monde The overstory Richard Powers le cherche midi, 2018 Traduit par Serge Chauvin Ce billet (écrit avant le festival America) risque de manquer (encore une fois diront certains) d'objectivité. En effet j'ai lu tous les romans de Richard Powers (sauf le premier, que je garde pour une période de disette), j'espère voir l'auteur en vrai au festival America 2018 (hiiiii) et last but not least, ça parle des arbres!!! Le thèmes à la mode, semble-t-il à voir les rayons en librairie, mais je ne vais pas m'en plaindre, les arbres le méritent. On devine donc vite ce qu'il y a de commun entre ces neuf personnes qui ne se croiseront pas avant un bout de temps, patience , c'est annoncé page 150 (sur 430) : Nick, un artiste issu d'une ferme de l'Iowa dont les aïeux prenaient le même châtaignier en photo durant des décennies (et Powers est génial, il évoque l'évolution de cette femme en une ou deux pages, là où Jane smiley en prenait 600,