vendredi 30 janvier 2015

Comme promis, Londres (2)

Londres c'est aussi toutes ces britisheries que l'on aime, la relève de la garde, les parcs, la Tour de Londres, et ... la reine (j'ai failli la voir, ça s'est joué à cinq minutes près, grr)

Mais c'est aussi une ville extrêmement vivante, et idéale pour le touriste car on y trouve des coins pas chers où se restaurer à peu près partout (ce qui n'est pas le cas de Paris, où dans certains coins c'est galère, si!). J'ai aussi découvert qu'on peut se nourrir sainement si on veut, potages, fruits, etc...
J'ai apprécié que les spectacles du soir commencent tôt, 18 h 30 pour l'opéra, 19 h 30 pour les concerts. Quand on sort, la soirée n'est pas tellement entamée, finalement.
Contrairement à Paris aussi, pas de baron Haussmann et les grandes voies principales sont vraiment étroites, à taille humaine! Quant à la Tamise, vraiment, la marée n'est pas qu'un mot (et ça mouille!)

La Tour de Londres et les poppies
Saint Martin in the fields, l'orgue
Mon petit coeur de mélomane ne pouvait rater Saint Martin in the fields, église "en activité", mais dont la crypte accueille un restaurant rapide pas cher (bon plan!); c'est à deux pas de la National Gallery.

Les musées, parlons-en! Beaucoup sont gratuits! (bon, les expos temporaires sont payantes) et on y entre "comme dans un moulin" (juste une fois on m'a demandé de montrer le contenu de mon sac). Grande fluidité donc (celle qui a ramé récemment dans les files d'attente à Paris et payé les billets plein pot peut vous dire que ça fait une belle différence!)
Des merveilles dans ces musées, évidemment. Je n'ai pris des photos qu'au British Museum.
Fabuleuses ces sculptures, quand même
On distingue encore les traces de peinture!
Ensuite j'ai laissé libre cours à mes goûts plus exotiques


C'est même décoré au dos!

J'ai craqué pour ces têtes, en gros Nigéria 16ème siècle...


Terminons avec l'Angleterre de toujours (ou presque)

Un pub restaurant (miam)

The Globe

Maisons georgiennes

Virginia, pas trouvé ta maison...
Bref, je veux y retourner. Paris, je t'aime, l’île de la Cité au loin sous le soleil, et la Tour Eiffel, c'est sans égal, mais Londres sait vous prendre aussi...

mardi 27 janvier 2015

Elle est pas belle, la vie?

Elle est pas belle, la vie?
If this isn't nice, what is?
Conseils d'un vieux schnock à de jeunes cons
Kurt Vonnegut
Denoël, 8 janvier 2015
Traduit par Guillaume-Jean Milan
160 pages


Après vérification, oui, Vonnegut est bien un auteur de science-fiction comme je pensais m'en souvenir, mais il a vécu l'équivalent de plusieurs existences (études et boulots variés, seconde guerre mondiale sous les bombardements - d'où Abattoir5- et suicide de sa mère le jour de la fête des mères, quelle horreur!). J'ai donc appris aussi qu'il participait en tant qu'orateur aux cérémonies de remise de diplômes (ce truc a l'air bien anglo-saxon, je ne me souviens pas du tout qu'on m'ait remis autre chose qu'un bout de papier dans un vague secrétariat). Dommage, finalement, toge et mortier donnent des photos marrantes quand même et cela marque plus sans doute la fin des études et le début d'une autre vie.

En tout cas rien de lourd et empesé dans ces discours, souvent humoristiques, pleins d'anecdotes, très "parlés", l'auditoire étant sollicité pour donner son avis en levant la main, etc... Quelques petites redites forcément, au fil du temps (de 1978 à 2004), mais rien de rédhibitoire.

Des thèmes favoris, importants aux yeux de Vonnegut, reviennent souvent : 
La nécessité de "familles élargies"
"Un mari, une épouse et des enfants ne font pas une famille, pas plus qu'un Diet Pepsi et trois Oreo ne font un petit déjeuner. Vingt, trente, quarante personnes - ça, c'est une famille. Les mariages implosent tous. Pourquoi? Les mariés se disent l'un à l'autre, parce qu'ils sont humains : 'Tu n'es pas assez de gens pour moi'."
Il prend l'exemple d'un Ibo du Nigeria qui avait six cents proches aux quels il pouvait présenter son nouveau bébé.

Les rites de passage
"Mon opinion est que refuser un rite de passage aux jeunes hommes de notre société est un complot soigneusement ourdi, quoique subconsciemment, pour rendre ces jeunes hommes impatients d'aller à la guerre."

L'oncle Alex
"Mon oncle Alex Vonnegut m'a enseigné quelque chose de très important. Il m'a dit que quand les choses allaient vraiment bien, il fallait toujours le constater. Il parlait d'occasions très simples, pas de grandes victoires. Boire de la citronnade à l'ombre d'un arbre, sentir les effluves d'une boulangerie,  pêcher ou écouter de la musique venant d'une salle de concert tandis qu'on est dehors dans le noir ou, si je puis me permettre, après un baiser. Il m'a dit qu'il était important dans pareilles circonstances de dire à voix haute : 'Elle est pas belle, la vie?'.
Oncle Alex estimait que c'était un gâchis terrible d'être heureux et de ne pas le constater."

Vonnegut n'était pas chrétien, mais il cite plusieurs fois le Sermon sur la montagne (être miséricordieux). Ses opinions en matière de politique (y compris étrangère) ou de religion ne caressent pas dans le sens du poil, il cherche à faire réfléchir les jeunes têtes en face de lui, par exemple sur leur dépendance à l'argent,à la notoriété, au pétrole.

Cependant je ne suis pas totalement emballée car il me manque l'oralité du texte, qui a été lu devant des centaines de jeunes diplômés, il manque leurs réactions aussi. Parfois je l'avoue c'était censé ma faire sourire, et c'est tombé à plat, je n'ai pas compris toutes les références. Je pense qu'il faudrait que je connaisse mieux l'auteur et que, par exemple, je lise un de ses romans, pour mieux appréhender son univers.

Merci à Célia G et à l'éditeur
L'avis de Cachou qui adore cet auteur et avait déjà lu une bonne partie de ses romans.
En parlent aussi : Jostein,

samedi 24 janvier 2015

Trois frères

Trois frères
Three brothers
Peter Ackroyd
Philippe Rey, 2015
Traduction Bernard Turle


Pour moi Peter Ackroyd c'est Le dossier Platon (faudrait bien que je le relise pour vérifier ce bon souvenir d'avant blog) et surtout l'exceptionnelle et incontournable biographie de Dickens! J'ai donc fait confiance à son nom pour accepter ce roman (merci Anne et Arnaud et à l'éditeur)

Harry, Daniel et Samuel Hanway sont nés juste après la seconde guerre mondiale, dans un milieu populaire de Londres. Un jour leur mère disparait mystérieusement, laissant les gamins abandonnés face à un père peu présent. Harry fait son chemin dans le journalisme, Daniel devient professeur à Cambridge, et Sam... se débrouille, il finit pas travailler pour Mr Ruppta, propriétaire de logements sordides.

Les trois frères (et leur mère) se croiseront, parfois se parleront, dans un Londres où le présent se mêle au passé, lors d'épisodes pouvant frôler le fantastique (les religieuses...), cris, apparitions (rien de méchant, sinon j'aurais décroché; cela ajoute au charme du livre, et me rappelle qu'Ackroyd a justement écrit  Londres, une biographie -je la veux!). Des passages caustiques décrivant les milieux universitaires, intellectuels, politiques et journalistiques donnent du sel au récit, écrit de façon extrêmement fluide.

Le recours aux coïncidences et aux rencontres qui est un des éléments frappants du roman est évoqué à deux reprises, et, à mon avis, est un plus fort original:
"L'un des thèmes de son livre était les schémas d'association qui liaient entre eux les habitants de la ville; dans les romans londoniens, il avait découvert la préoccupation de leurs auteurs pour l'image de la capitale britannique comme un réseau tellement dense et resserré que le moindre mouvement de l'élément le plus infime envoyait des ondes de réverbération dans tout l'ensemble. Une rencontre, fruit du plus pur des hasards, pouvait avoir des répercutions terribles, alors qu'un mot mal compris était susceptible de générer une incroyable bonne fortune. Une réponse impromptue à une question posée à l'improviste pouvait provoquer la mort."
"Il est parfaitement évident que, dans la plupart des romans de Dickens, Londres devient une sorte d'univers carcéral où tous les personnages sont menottés aux murs. Si ce n'est pas une cellule, c'est un labyrinthe dans lequel rares sont ceux qui parviennent à retrouver leur chemin. Tous sont des âmes errantes.
- Mais comment, alors, analyser le recours constant à la coïncidence?
- C'est la règle de la vie citadine, n'est-ce pas? Les éléments les plus hétéroclites s'y heurtent. Parce que, voyez-vous, tout est lié."

Merci à l'éditeur et Anne et Arnaud

mercredi 21 janvier 2015

Mémoires ébouriffées / Moi, Joseph l'Alsacien

Mémoires ébouriffées
Ma vie mes reportages
Laurence Deonna
L'Aire, Ginkgo, 2014


Présentation de l'auteur sur le site des Editions de l'Aire:
LAURENCE DEONNA est née à Genève, Suisse, en 1937, d’une famille de la haute bourgeoisie. Mais la rigidité du calvinisme l’étouffe. Elle se marie, puis elle fuit. Toutes sortes de petits boulots. De 1962 à 1967, elle assiste Jan Krugier, marchand d’art contemporain mondialement connu, avant de s’en aller sur les routes du monde qu’elle ne quittera plus. Spécialiste du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale depuis près d’un demi-siècle, elle est l’auteure d’une douzaine de livres, tous traduits, ainsi que d’expositions de photos en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. On lui doit également des films. En 1987, le Prix de l’Unesco pour l’éducation et la paix lui a été décerné pour l’esprit de son œuvre.

Vous je ne sais pas mais moi je n'avais jamais entendu parler de Laurence Deonna... Grâce à Ginkgo (merciiii) j'ai en partie rattrapé cette erreur, car c'est est une. Dès le prologue, on est prévenu que l'on n'obéira pas à la chronologie (le verbe obéir convient d'ailleurs assez mal à l'auteur), mais petit à petit ces "mémoires ébouriffées" vous prennent dans leurs rets, on est emporté par la vivacité et la sincérité de Laurence Deonna, même si bien sûr ce n'est pas exhaustif. 

Mais quelle vie, et quel culot de démarrer  son premier reportage dans une "totale inconscience" mais la fortune sourit aux audacieuses... Je ne vais pas résumer (c'est impossible) ce livre, mais juste nommer quelques figures qui en émergent, rendant chaque fois tellement plus concrets et parlants des événements douloureux : Jan Krugier, Ionel de Mocsonyi Styrcea, George en Syrie, des Iraniennes... Son livre La guerre à deux voix, donnant la parole à des palestiniennes et des israéliennes est malheureusement épuisé. 

Je ne cite pas de noms (elles se reconnaîtront) mais je sens que ce livre devrait plaire à certaines de mes visiteuses...


Moi, Joseph l'Alsacien
Soldat français de la grande guerre
D'après les carnets de guerre de son grand-père paternel
Miguel Haler
Ginkgo, 2014


Avec cet éditeur, j'entretiens de bons rapports. Ces deux livres sont parvenus dans ma boîte aux lettres sans crier gare, j'ai pris mon temps, mais je savais que ça valait la peine de les lire. J'ajoute qu'en salon le stand Ginkgo est bien fourni et que j'y achète pas mal aussi, bien conseillée!

L'auteur a retrouvé des carnets écrits par son grand père lors de la grande Guerre de 14-18,  qui lui ont servi de base pour ce récit-roman (comme indiqué). Ce poilu habitait la région de Belfort, mais ses parents avaient quitté l'Alsace après la défaite de 1870. 
Je ne serais pas allée seule vers ce récit, je l'avoue, mais une fois dedans j'ai apprécié de connaître la vie du poilu de la déclaration de guerre à l'armistice. Un poilu simple soldat,  de milieu ouvrier et paysan, dont le rêve était tout simple, fonder une famille et travailler à ses besoins. Un homme comme beaucoup, mais qui sait réfléchir sur la bêtise de la guerre, de la mauvaise préparation, des ordres imbéciles ou contradictoires. On est "au ras des tranchées", c'est direct et émouvant parfois. 
Un bon témoignage.

Mon bémol, les dialogues qui auraient souvent gagné à être amputés des deux dernières réparties.

samedi 17 janvier 2015

Changer d'avis

Changer d'avis
Changing my mind
Essais
Zadie Smith
Gallimard, 2013
Traduit par Philippe Aronson


Même si j'ai toujours tendance à mélanger Ali Smith, Monica Ali et Zadie Smith, je sais que ces textes sont dus à l'auteur de Sourires de loup, lu bien avant l'ouverture de ce blog. Ces "Essais ponctuels"  écrits au fil du temps pour des journaux et revues sont regroupés en Lire, Être, Voir, Sentir et Se souvenir. Le mieux est d'y aller franchement, sans se soucier du sujet, car rapidement l'on s'aperçoit que Zadie Smith s'exprime de façon originale, brillante, parfois inattendue, souvent humoristique et parfois plus difficile (j'avoue avoir lâché dans la dernière partie relative à David Foster Wallace : intelligent, certes, mais je me dois de lire l'auteur d'abord - peut-être)

Fille d'un anglais "de base" (chouettes passages sur son père et "sa" guerre en Normandie et Allemagne) et d'une Jamaïcaine, elle n'oublie pas son ascendance maternelle, ce qui lui permet une vision intéressante sur Zora Neale Hurston (connaissais pas) et Obama. J'ai adoré quand elle parle d'auteurs que je fréquente peu ou pas, tels Forster ("Les romans de Forster regorgent de gens qui hésiteraient avant d'emprunter un roman de Forster à la bibliothèque"), Barthes, Nabokov et Kafka. Je recommande Deux dimensions pour le roman et Mille fois sur le métier (d'écrivain), insiste sur le récit fascinant d'une Semaine au Liberia (il faut absolument lire cela!) ainsi que le génial Glossolalie, et là où je me suis le plus régalée c'est lorsqu'elle s'attaque au cinéma. Quand elle parle de Katharine Hepburn, on n'a qu'une envie, se débrouiller pour visionner un de ses films! Particulièrement Indiscrétions. (Un réplique du film : "Je vais vous dire quand on peut porter un jugement définitif sur les gens : Jamais!") Elle a même tenu une rubrique cinéma, et c'est du nanan . Même quand on n'a pas vu les films dont elle parle.

Bonne pioche donc à la bibliothèque, alors que je voulais emprunter un roman de l'auteur. Mais ces textes m'ont procuré un rare plaisir intellectuel (non, pas mal à la tête, je n'ai absolument pas dit cela). Lecture recommandée!

"S'il existe en ce bas monde un bonheur plus intense que de la [Katharine Hepburn] regarder lorsqu'elle est ivre en train de chanter Somewhere over the rainbow (cette fille savait faire beaucoup de choses, mais certainement pas chanter) en peignoir dans les bras de Jimmy Stewart, eh bien, je ne le connais pas."

Tania en parle plus en détail !

mercredi 14 janvier 2015

Entre toutes les femmes

Entres toutes les femmes
Erwan Larher
Plon, 2015



Aïe aïe aïe, y-a-il exercice plus difficile que de parler d'un roman d'un auteur que l'on connaît (un peu) IRL, dont l'humour en situation salonesque peu propice à l'attention du chaland vous a conduit à lire son premier roman (2010, c'était hier...), à la coupe de cheveux  résistant à toute description, aux goûts musicaux situés aux antipodes des vôtres (je me shoote au baroque, aux opérettes champagnisées et aux soprano phtisiques) et dont, année après année, vous avez lu tous les romans (Philippe J. en est resté baba), sans encore pouvoir répondre à la question piège "lequel préfère-t-on"?

Relevons le défi : pour ce faire, pas question de se précipiter sur la quatrième de couverture, encore moins de se rafraîchir la mémoire en feuilletant Autogenèse, dont Entre toutes les femmes est censé constituer une suite. Autant se mettre dans la peau d'un lecteur découvrant Erwan Larher.

Quatre siècles après la Grande Catastrophe survenue à l'époque du président Arsène Nimale dont les ennemis n'approuvaient pas les idées (franchement, 'générosité, altruisme, gentillesse', c'est un programme, ça? pourtant déjà des changements survenaient...)(p 416-417), Émile XXVIII règne d'une main de fer sur l'Empire Gaulois. Une Congrégation se voue à collecter les documents (dont Autogenèse...) sur Nimale dans le dessein de relater sa vie, en dépit des interdictions et des dangers. Son chemin va rencontrer celui de Cybèle, habitante de Freak Zone, qui petit à petit sent son destin lié à celui de Nimale, doté comme elle d'un charisme étonnant et protecteur. Pour l'instant elle est la Voix, tenant sous son charme de conteuse les auditeurs de la radio; ce pouvoir sera-t-il utilisé au service de la cause nimalienne?

Sur une trame assez classique (catastrophe future, dictature, classes privilégiées ou non, groupes de résistants, traîtres), l'auteur a apposé une patte personnelle. Nimale et Cybèle bénéficient d'un petit plus, le lien entre les deux peut mener à une confusion (voulue). Et bien sûr c'est notre propre société qui est sur la sellette, avec des pistes intéressantes pour tout citoyen. Il s'agit d'une lecture plutôt dense et propice à réflexion. Comme d'ailleurs les précédents opus de l'auteur!

C'est aussi un plaisir de retrouver une écriture sans concessions, préférant tirer le lecteur vers le haut avec des mots peu usités ou des allitérations étonnantes. J'ai relevé, par exemple, "pauciflore" (très clair dans le contexte), "Il dérouilla le membru désérigé" "Cette lavette persiste dans l'esquive visqueuse",
"Je connais les codes, les règles, dont la première consiste à n'embrener point son voisin et la deuxième à lui tendre la main s'il tombe."

De jolies remarques :
"La fuite dans la lecture, active, n'a cependant jamais eu les conséquences délétères de la fuite, passive, elle, dans une super réalité qui se superpose au réel - alors que la lecture se juxtapose."

Cerise sur le gâteau pour qui n'est pas novice en Larherologie, des allusions :
"Philippe J(...), romancier du début de IIe siècle avant GC qui arrêta d'écrire le jour où il toucha, en misant sur une course de chevaux, la plus grosse somme jamais gagnée par un parieur."
Bertrand de Guyot, Jourde, et d'autres font leur apparition. Bello et son Consortium de Falsification du Réel (qui expliquerait la disparition de Nimale des livres d'histoire...)
L'on a même : "Hélas, j'ai choisi un mauvais. Un qui s'est mis à faire des tournures, des enjolivures, et qui n'a même pas été capable de finir le boulot. Il s'est arrêté juste au moment où ça devenait intéressant. Au lieu de nous écrire le second tome, il s'est mis en tête de faire de la bluette. Du petit roman gentillet, même pas susceptible de lui apporter la gloriole."..." Ce monde-là recyclait tous les discours, même les plus subversifs, même les plus virulents, pour en faire du divertissement audiovisuel. Alors Larher ou un autre, ç'aurait été kif-kif bourricot."

Erwan Larher est à mon avis un des auteurs les plus intéressants et exigeants de sa génération, ayant su attirer un bon paquet de lecteurs fidèles que je vous invite à rejoindre (et puis, quelqu'un qui remercie à la fin le Squash club d'Issoudun ne peut être que bon)(oui je lis TOUT!)

samedi 10 janvier 2015

Un parfum d'herbe coupée

Un parfum d'herbe coupée
Nicolas Delesalle
LGF, Préludes, 2015




Prix des lecteurs du livre numérique 2013, ce roman paraît en version papier, en semi-poche, au prix de 13,60 euros, inaugurant ainsi une collection (Préludes) chez cet éditeur. Merci à Anne et Arnaud pour la découverte.

En courts chapitres Kolia revisite son enfance (heureuse) son adolescence (premiers émois, premiers baisers), ses études (pas bien réussies)(mais quels souvenirs de ses professeurs!), ses amitiés, sa paternité (heureuse aussi), ses rapports avec la lecture (note à moi-même: lire Siddharta). Il le fait d'une plume alerte, pleine d'humour et d'émotion,  cueillant souvent le lecteur au détour d'une phrase. Pas d'ordre chronologique, certains textes peuvent se lire indépendamment. J'ai beaucoup beaucoup aimé la petite musique émanant de ce roman de 280 pages qui se dévorent.

Le coin à cèpes:
"Je sais très bien qu'on ne transmet à personne ce type d'informations, c'est la règle, un égoïsme qui se transmet de génération en génération, et si on 'donne' ses coins, c'est qu'on va crever d'un cancer de la colonne vertébrale ou d'une autre saloperie bubonique, c'est qu'on est au bout de son chemin, le dernier souffle, les yeux jaunes et la bave aux lèvres, et qu'on n'emporte rien dans la tombe, pas même ses cèpes."

Le rugby:
"Sans lui laisser le temps de récupérer, il a replacé l'épaule à l'endroit prévu à cet effet avant l'invention du rugby. "

"Avant de devenir un homme, un vrai, de ceux qui préfèrent être achevés d'une balle dans la tête plutôt que de subir un jour de plus cette foutue rhinopharyngite, j'étais un enfant comme les autres : j'adorais avoir un peu de fièvre. Le fièvre fermait les portes de l'école"

Les avis de L'irrégulière, et aujourd'hui clara (sans se concerter, on est trop fortes!)

mardi 6 janvier 2015

Chroniques du Pays des Mères

 
Chroniques du Pays des Mères
Elisabeth Vonarburg
Alire, 1999


Les fantastiques réserves de la bibliothèque départementale recelaient ce roman incontournable  et introuvable semble-t-il. Si l'on dit SF, certains fuient, à tort. Ici pas de machines et autres extraterrestres, mais des êtres humains comme vous et moi, particulièrement des femmes. Car oui, chers lecteurs masculins, dans un futur non précisé, la Terre subit les conséquences de désordres écologiques : terres empoisonnées, les mystérieuses Mauterres réservées aux Renégates et abritant des Abominations ainsi que montée des eaux ayant transformé l'aspect des continents; après le Déclin, puis les Ruches et les Harems, le Pays de Mères est aux mains des femmes, la minorité de Mâles venant au monde étant réservée à la reproduction, "directement" ou par insémination, avec le poids de la génétique pour contrôler.
Ce monde là est vu par les yeux de Lisbeï, originaire de Béthely, dotée de curiosité, et qui utilisera les contes et légendes pour en découvrir plus sur ce Déclin et le monde d'avant.

Bien sûr cette façon de présenter est assez classique, le personnage principal partage ainsi la découverte de son monde, les différentes communautés étant assez variées dans leurs coutumes et leurs habitats. Il est amusant pour le lecteur de retrouver sous les noms de lieux ceux existant actuellement, sous certains mots ceux issus de nos langues, et de se faire à une nouvelle grammaire, très féminisée. S'il y a un homme et une femme, le féminin l'emporte. Belle réussite de l'auteur, jusque dans ces détails.
Ce monde "à l'envers" et ses références ne peuvent que donner à réfléchir. Les Mâles voudraient bien une évolution de leur sort. Lisbeï fera partie d'un groupe par lequel la connaissance évoluera.
Lisbeï l'héroïne se révèle un personnage attachant, parfois naïf d'ailleurs; ses interrogations et discussions sont passionnantes.

Mon seul bémol est que j'aurais aimé en savoir plus sur ce monde là, les Mauterres en particulier; les interrogations de Lisbeï sont parfois sans réponses, et surtout la fin m'a un poil déconcertée. Cependant, il s'agit d'un roman grandiose, à découvrir.

Pour terminer je citerai les Lettres québécoises
"Chroniques du Pays des Mères est un roman magnifiquement construit qui aborde tour à tour avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence des sujets universels comme l'enfance, les relations hommes/femmes, les mythes fondateurs de l'inconscient collectif, la tolérance et le pouvoir."

A lire le billet de nooSFere, je m'aperçois que ce roman pourrait bien être lié au Silence de la cité, lu il y a des années; il se déroulerait avant ces Chroniques et pourrait l'éclairer? J'aime ces auteurs de SF qui créent un monde, une histoire, même si la PAL en prend un coup.

Cuné l'a lu deux fois!

Et je ne peux dire non à Karine:)

samedi 3 janvier 2015

Debout-payé

Debout-payé
Gauz
Le nouvel Attila, 2014


Avouons-le, j'avais fini par me méfier de ce roman un peu trop porté aux nues (même si j'avais vu des bémols). Mais quoi, moins de 200 pages, le risque était trop faible pour ne pas lui laisser sa chance. Et j'ai drôlement bien fait car c'est une bonne surprise! Je m'attendais à de courtes vignettes sur le quotidien des vigiles (les Debout-payés) dans les magasins parisiens - et je les ai eues, fort réjouissantes, tapant fort et juste, avec un sens de l'observation bien affûté. Mais surtout j'ai eu un raccourci d'histoire africaine et de son immigration en France. Tout le monde en prend pour son grade, dans une langue savoureuse, qui fait mouche. C'est fort bien écrit et efficace, plus en profondeur que je ne le pensais au départ. A découvrir, donc.

"Ici il n'était rien pour personne et personne pour tout le monde."

"Quelle idée de courir après quelqu'un qui a volé dans la boutique de Bernard, première fortune de France, une babiole ridicule produite par Liliane, septième fortune de France?"

"A Paris, la concentration de mélanine dans la peau prédispose particulièrement au métier de vigile."

" Iphone : Une jeune fille essaie des lunettes et se mire avec son iphone, fonction 'Facetime'. A côté d'elle, un grand miroir descend du plafond jusqu'au plancher.
Des filles essaient des tenues dans les cabines d'essayage, puis se photographient sous tous les angles avec leurs iphones. Ensuite, c'est autour de l'écran qu'elles discutent de leurs choix. Le pixel a pris le pouvoir sur la rétine."