mercredi 28 février 2018

Oasis interdites

Oasis interdites
Ella Maillart
Voyageurs Payot, 1989
Préface de Nicolas Bouvier
Paru chez Grasset en 1937, récemment disponible en poche!!! (photo ci-contre)



En 1935, la Suissesse Ella Maillart, qui a déjà pas mal baroudé en Asie, travaille comme journaliste au Petit Parisien, et en Mandchourie (alors sous le joug japonais) elle a fait connaissance de Peter Fleming, envoyé là par le Times. Les voilà qui décident de se rendre en Inde, en passant par le Sinkiang (l'ouest de la Chine). Mais les obstacles, dit-elle, sont avant tout politiques. C'est l'époque où les japonais sont en Mandchourie, les Communistes dans le sud, Tchan Kaï Chek contrôle le reste du pays, quoique les russes et d'autres peuples cherchent à tirer leur épingle du jeu dans l'ouest de la Chine, justement là où ils veulent se rendre! Non seulement c'est dangereux, mais interdit, impossible, voilà.

Après des mois de voyage, en train, automobile, chameau, âne, cheval, à pied, dans le froid puis le chaud, enfin c'est Kachgar chez le consul anglais et son hospitalité très british, qui les changera des nuits sous tente, à merci des puces, consommant les animaux chassés par Peter et la nourriture locale, attendant plus ou moins patiemment qu'on leur permette de continuer, discutant le prix de leurs différentes montures. Un voyage pas de tout repos!

Ella Maillart sait magnifiquement rendre les péripéties du trajet, décrire les rencontres (quelle horreur, ces pieds bandés, au début du voyage, ensuite on change visiblement de région), les difficultés mais aussi les bonheurs qu'elle ressent. Elle aime cette partie du monde, et aurait aimé s'attarder parfois mais son compagnon désire plus de rapidité (et puis il faut franchir l'Himalaya à la bonne saison)

Nicolas Bouvier, auteur de la préface, ne s'y est pas trompé, c'est du récit de voyage incontournable!!!
Il serait intéressant de lire ce qu'a écrit Peter Fleming de son côté. (Edit : Voir billet du 27 avril 2018!)

Les avis de Papillon, cathe, je suppose que Dominique l'a lu il y a trop longtemps, Aifelle aussi peut-être si je me fie à ton commentaire chez Papillon?

Vous n'échapperez pas à quelques photos perso de Kachgar.







lundi 26 février 2018

Anne of Green Gables / La maison aux pignons verts

Anne of green gables
L.M. Montgomery
Paru n 1908
Wordsworth éditions, 1994
Complete and unabridged


Figurez vous que je n'avais jamais lu ce "classique jeunesse"! Récemment A girl en a parlé alors que quelques jours plus tôt je le trouvais à Emmaüs (avec d'autres vieilleries incroyables). Il n'a pas fait long feu dans la PAL. Mes impressions sont globalement les mêmes que celles d'a girl, donc pas de billet.

Non, restons sérieux!

Il s'agit du premier volume d'une série, Anne est une fillette de 11 ans au début et 16 ans à la fin. On ne peut pas dire qu'avant sa vie ait été facile! Orpheline très tôt et envoyée dans des familles pour aider les mamans à s'occuper de leur progéniture.
Dans l'île du Prince Edward vivent les Cuthbert, les frère et soeur Matthew et Marilla, exploitant une ferme comme la plupart de leurs voisins. Âgés en gros de soixante ans, ils désirent qu'un gamin de 11 ans vienne chez eux pour les aider dans les années à venir; patatras! Ce n'est pas un garçon qui arrive, mais la jeune Anne.

Déjà j'ouvre pas mal grand les yeux, à réfléchir à la condition des gamins orphelins. Mais en France à la même époque, que l'on songe à Marguerite Audoux, et actuellement à certains gamins dans des pays où aller à l'école est un privilège.

Bref, Les Cuthbert sont plutôt de bons 'parents' et éducateurs. La petite se révèle vive, intelligente, dotée d'une imagination débordante, et parfois à l'origine de petites catastrophes, pas bien méchantes. Elle a l'art de se faire aimer de tous, en particulier de Marilla, qui portant résiste à se l'avouer.

J'ai parfois eu du mal avec le côté exalté de Anne, au plus bas en cas d'ennui, et vraiment enthousiaste sinon. Au point de remarquer l'usage immodéré du n'est-ce pas en anglais, je me demande d’ailleurs comment c'est traduit en français. Mais on ne peut s'empêcher de sourire à découvrir ses remarques un poil exaltées, et son imagination. C'est vraiment une enfant qui aime la nature, et il y a bien des passages descriptifs (vraiment jolis).Cette petite personne sait voir le bon côté de toute chose, en tirer une leçon, et attendre le meilleur du jour suivant.

vendredi 23 février 2018

Dominique

Dominique
Eugène Fromentin




Pourquoi cette lecture? Pour le mois belge (avril) j'ai prévu de lire Ce que Dominique n'a pas su de Jacqueline Harpman, qui semble reprendre les personnages du roman de Fromentin. Et comme je ne suis pas à un classique près...

Première surprise : Le roman (hélas entreposé en magasin de la bibliothèque, fut édité par Larousse en 1933, et recèle en l'ouvrant une feuille de 'Prix' que les plus jeunes ne peuvent connaître. République française, ville de Neuilly sur Seine, Ecole communale de, Année scolaire 1936-1937, 5è prix de la mention très bien (?), mérité par l'élève W. Roger, cours complémentaire 1ère année., le 17 juillet 1937.
Le jeune W Roger l'a-t-il lu à l'époque? Comment ce livre est-il arrivé là. Mystère.

Deuxième surprise: Mais c'est très bien écrit! A tel point que j'ai vérifié si je n'avais pas un alexandrin caché là sous la prose. Doux balancements des phrases, parfois accélération qui frappe la vue et le coeur. Et puis ce fantastique chapitre trois, la description des saisons dans cette campagne si bien connue de Fromentin, les oiseaux, les travaux des champs... Jusqu'au bout la finesse du style m'a charmée. On n'écrit plus guère ainsi, mais qu'est-ce que ça fait du bien!

Troisième surprise, en lisant (ensuite!) la préface : Fromentin a vécu en Afrique du nord durant pas mal de temps, en a ramené des souvenirs, à la fois en romans et en tableaux. car il est peintre, je l'ai découvert!

Chasse au faucon en Algérie - La curée, vers 1863, musée d'Orsay,Paris.
Passons (enfin) au roman. Assez classiquement, l'histoire de Dominique est un long flash back enchâssé dans un récit où le narrateur présente le Dominique actuel, leur amitié grandissante, et les confidences de celui-ci. "Vous pourrez témoigner que vous avez vu un homme heureux."  Revenu dans sa région natale, en famille, respecté de tous, en gros, gentleman farmer.
Mais de longues années de souffrance, quand, une fois quittée sa campagne bien-aimée et élève au lycée, il fait connaissance d'Olivier, devenu rapidement son ami, et de ses cousines Madeleine et Julie. Il tombe amoureux fou de Madeleine, amour sans espoir puisque celle-ci épousera sans trop tarder un autre homme.
Jusque là Fromentin a beaucoup puisé dans sa vie, il a pris quelques arrangements mais c'est globalement autobiographique.  Ensuite, non, semble-t-il. Il part à Paris, aime toujours Madeleine, souffre toujours, écrit des poèmes ou des essais.

C'est vraiment la beauté des pages écrites par Fromentin qui fait passer ce type d'histoire d'amour impossible! On peut trouver quelques imprudences chez Madeleine, une froideur chez le mari, un manque de décision chez Dominique, mais heureusement Fromentin sait varier les situations, introduire deux trois autres personnages intéressants, laisser Julie dans un mystère parfois dévoilé (voyons ce que fera Harpman), et éviter l'exacerbation romantique qui m'avait fatiguée dans Les Hauts de Hurlevent. A lire ou relire, bien sûr.

mercredi 21 février 2018

Je ne suis pas une héroïne

Je ne suis pas une héroïne
Nicolas Fargues
P.O.L., 2018

Sans l'avis de  cuné, le nom de l'éditeur et de l'auteur, je n'aurais pas pris garde à ce roman, qui pourtant ne mérite pas d'être ignoré comme cela semble.

Le problème c'est que pour préserver le plaisir de la découverte je n'ai pas envie de trop en dire; surtout que savoir que la narratrice est une trentenaire parisienne à bonnes copines, enchaînant les rencontres amoureuses et autant de déceptions (elle voudrait un Jim -le prince charmant, quoi- mais ne tombe que sur des Jimmy - alias ça va pour un temps- selon le classement en cours entre copines) ferait croire à un chick lit de plus. Que nenni! Géralde n'a pas sa langue dans sa poche et n'est pas toujours politiquement correcte dans ses pensées et ses dires.

Ce roman a été écrit dans le cadre d'une résidence en Nouvelle-Zélande et je peux vous dire que je n'ai qu'une envie, foncer là-bas! Sans que ce soit artificiel ou plaqué dans l'histoire, Géralde s'y rend ...

"Il m'avait pourtant semblé si naturel d'improviser ce voyage, aussi aisément que si j'avais décidé, mettons, de ne pas descendre à ma station de métro habituelle pour poursuivre jusqu'au bout, historie de voir à quoi cela pouvait ressembler, le terminus de ma ligne. Cela m'avait paru plein de sens, de ne pas procéder raisonnablement pour une fois, de prendre une telle décision uniquement parce que cela semblait une folle décision. Surtout, je ne me trouvais aucune bonne raison de ne pas la prendre. (...) j'avais beaucoup pensé à cette phrase de Jean Cocteau que j'avais un jour entendue citer par Christiane Taubira, sur France Inter : ' Dans la vie, on ne regrette que ce qu'on n'a pas fait.' (...) Je me disais: En partant tu n'appartiendras plus à la catégorie des gens qui disent J'aimerais bien , ou bien Je vais. Mais à celle qui fait."

Durant une bonne partie de ma lecture, je devais me forcer à me souvenir que Nicolas Fargues est un homme, tellement il s'était mis dans la tête d'une jeune femme. Qui plus d'une jeune femme dont je choisis de ne rien dire de plus, avec ses prises de position parfois détonantes. Franchement, le lecteur est passé dans une sorte d'essoreuse, remettant en cause son ignorance potentielle sur les relations entre sexes, couches sociales et origines...

lundi 19 février 2018

Les huit montagnes

Les huit montagnes
Le otto montagne
Paolo Cognetti
Stock La cosmopolite, 2017
Traduit par Anita Rochedy




Pourquoi cette lecture? Je n'ai vu que des avis conquis, émanant d'un large panel de lecteurs, alors allons-y pour découvrir ces huit montagnes venant d'Italie.
Le roman étant par ailleurs toujours emprunté à la bibliothèque, la tension montait depuis des semaines : je le voulais!

Pietro est milanais, son père adore crapahuter en montagne. Voilà les parents de Pietro louant une maison très simple dans un petit village mourant tout doucement, Grana. Là Pietro fait connaissance de Bruno, âgé de onze ans lui aussi et dont la situation scolaire semble peu claire, sa famille l'employant en montagne à divers travaux. Pietro et Bruno deviennent amis, le second entraînant le premier à la découverte des coins perdus, tandis que le père de Pietro essaie de les emmener en plus haute montagne.
Comme dit la quatrième de couverture, roman d'apprentissage et de filiation. Bien.

Des années plus tard, deuxième partie. La vie a continué. Père et fils n'avaient plus guère d'atomes crochus. Les deux jeunes se sont perdus de vue. Jusqu'à ce que Pietro se voie obligé de retourner à Grana et renouer avec Bruno, qui durant des années était proche du père de Pietro.

En troisième partie, l'amitié entre les désormais adultes est plus forte que jamais, même à des kilomètres de distance.

Si je dis que je me suis parfois ennuyée, surtout en première partie et que seuls les avis des autres m'ont poussée à y aller voir, me jettera-t-on la pierre? (ramassée dans ces montagnes)
Un poil de nature ne m'effraie pas, j'aime Mario Rigoni Stern (pour rester dans les mêmes régions) et les pères et mères taiseux, pourquoi pas. Mais il y faut la manière, et là je n'ai pas frémi du tout. Le vent ne m'a rien chuchoté, les paysages m'ont laissée indifférente. Il m'aurait fallu sans doute plus d'aspérités dans les phrases, des prises comme lors d'escalades, quoi.

Heureusement, sans tomber sous le charme, hein!, j'ai apprécié certains passages, comme les carnets de messages dans les boîtes de conserve, les avalanches quand Bruno et Pietro sont dans la maison, le construction de celle-ci, le dur travail de Bruno dans les alpages, l'évolution -et le déclin tout de même- de Grana, bref, plutôt ce qui se trouve dans les deux derniers tiers. La mère de Pietro est pour moi devenue au fil du temps un personnage fortement intéressant aussi.

Les avis de cathulu, saxaoul, dominique, plein d'autres mais google fait de la résistance ... Je n'ai pas trouvé d'avis mitigé, en fait.

vendredi 16 février 2018

Love & Frienship / Only Children

Love & Friendship
Alison Lurie
Abacus, 1986
Paru en 1962
(en français, Les amours d'Emily Turner)


S'attaquer à Alison Lurie (ma dernière lubie de redécouverte) en VO? Hé bien, très facile finalement. Sous ce titre très austénien, son premier paru, se cachent des histoires d'amour et d'amitié; bon titre, donc.

Le début
"The day on which Emily Stockwell Turner fell out of love with her husband began must like other days."
(Le jour où Emily cessa d'aimer son mari commença comme les autres jours )(je traduis rapidou)

Issue d'une famille aisée de l'est des Etats-Unis, Emily a étudié dans les meilleures écoles pour jeunes filles de sa classe sociale. Holman, son mari, rencontré lors d'une soirée à New York où il n'aurait jamais dû logiquement se trouver, vient de Chicago et d'un milieu beaucoup plus populaire. Son salaire de professeur à Convers College peine à être supérieur à la rente d'Emily 'sans travailler'. Pour achever le tableau, leurs deux pères peuvent être dits travaillant dans la banque, celui d'Emily comme le gros directeur, et celui d'Holman comme portier. Mais le mariage fonctionne depuis quelques années, et leur fils Freddy a quatre ans.

La nature a horreur du vide, dit-on, Emily remplit ses journées en se rendant à une boutique de vêtements de seconde main (thé et papotages, de plus), et surtout visitant longuement Miranda, elle aussi épouse de professeur. Là elle va rencontra Will, professeur -et compositeur-, pour un flirt au début, mais...

L'intérêt du roman ne vient pas que de l'évolution des relations entre Emily et Will, pourtant finement racontées, avec des ellipses étonnantes. Plus généralement, Alison Lurie a le chic pour ne pas allonger la sauce, dialogues et gestes suffisent la plupart du temps à laisser percevoir les pensées des protagonistes. Le lecteur aux aguets des petits détails saura combler ce qui manque.

Il dépend aussi, en arrière plan, mais tellement prégnant et non sans conséquences, du petit monde universitaire fréquenté par les Turner. Bruits de couloir, évolutions de carrière. Convers College est un petit monde dans le pas si grand monde de la ville de Convers, apparaissant comme au fin fond d'un trou, et avec un climat hivernal épouvantable.

Chaque chapitre se termine par des extraits de lettres envoyées par Allen Ingram, écrivain et professeur, à un de ses amis. L'humour d'Alison Lurie est à son maximum dans ces courts passages, où il dissèque ce qui l'entoure. Car dans ces coins là, rien ne peut demeurer caché bien longtemps.
"This college may be run by men and for men -the town is run by women for women. And not the slightest event can occur here (or not occur) without its being noticed. Out in the world a scandal spreads quickly and is gone, expanding in fading rings like wawes from a stone tossed into a river, washed away down to sea. In this pond -this puddle- the ripples reach shore and bounce back, interlacing, till the whole surface becomes a net of lines."

(le collège est régi par les hommes pour les hommes, mais la ville par les femmes pour les femmes. Aucun événement même le plus minuscule ne peut arriver -ou pas- sans être remarqué.Ailleurs dans le monde un scandale s'étale rapidement en cercles diminuant comme des vagues quand une pierre a été jetée dans une rivière, balayé jusqu'à la mer. Dans cette mare -cette flaque- les rides atteignent la rive, reviennent, s'entremêlent, jusqu'à ce que toute la surface devienne un lacis de lignes.)

Plus rarement, Alison Lurie use de jolies formules
"his wife looks like a pre-Raphaelite watercolour that's been left out in the rain."
(sa femme ressemblait à une aquarelle préraphaélite laissée dehors dans la pluie)

Autre couverture


Ayant repéré que les petites filles de 9 ans apparaissant dans Only children se nomment Mary Ann Hubbard (bientôt Miranda, donc sans doute l'amie baba cool d'Emily) et Lolly Zimmern (Lorin Jones, héroïne d'un autre roman d'Alison Lurie paraît-il?), il me fallait le lire sans attendre.

Only Children
Comme des enfants
Alison Lurie
Abacus 1990, paru en 1979

En 1935, en pleine dépression, Anna, directrice d’une chic école privée, a invité pour les fêtes du 4 juillet les Hubbard, Bill, Honey et leur fillette Mary Ann, ainsi que les Zimmern, Dan, Celia, Lennie  le fils de Dan d'un premier mariage, et leur fillette Lolly. Les deux filles sont dans la même classe de ladite école et, quoique extrêmement dissemblables, sont amies et savent bien jouer ensemble et inventer des histoires.
Les mères ne travaillent pas, Celia l'effacée aimerait pourtant mais son mari, publicitaire, ne le veut pas, quant à Honey, ça lui convient parfaitement, c'est l'exemple de la belle du sud, coquette et aimant le flirt.

Unité de lieu, la maison d'Anna, unité de temps, ces quelques jours de juillet. Un découpage en courtes séquences de quelques pages, certaines 'vues' par l’œil d'un des fillettes, principalement Mary Ann. C'est toujours un exercice délicat de rendre compte d'événements par le prisme enfantin, que le vocabulaire soit adapté... Heureusement Mary Ann est une petite fille intelligente et observatrice, dont le papa aime répondre à ses questions, et même si ses réflexions sont à côté de la plaque, elle en sait beaucoup, et Lolly aussi, en tout cas bien plus que ne le pensent leurs parents!

Les adultes mènent aussi leur vie, même si les activités sont souvent communes, et comme le dit la quatrième de couverture, parfois leur comportement est moins adulte que celui des enfants...

Mais ce qui m'a encore une fois épatée, c'est l'art d'Alison Lurie pour raconter une histoire et  plonger le lecteur dans les pensées des personnages sans grands développements. Des dialogues, parfois des phrases interrompues, des gestes, des regards, et le lecteur sait.

Par exemple un dialogue entre Anna et Celia au sujet du mariage. Anna vient de parler d'un homme qu'elle a connu et pas épousé, leurs vues sur le mariage n'étant pas les mêmes.
"Oh Anna, dit Celia avec une autre intonation -maternelle, impatiente. C'est juste parce que vous n'étiez pas amoureuse. C'est si différent quand on est amoureux.
Peut-être, dit Anna usant de l'indubitable manière des gens rejetant une déclaration mais désirant rester poli."
Plus tard :
"Leurs regards se rencontrèrent, les deux sourirent, pleines de pitié généreuse et pleine d'affection pour l'autre."
Le lecteur, lui, sait que quinze ans auparavant Anna et Dan (futur mari de Celia) se sont connus et c'est de lui que parlait Anna (et elle en était amoureuse). Le mariage de Dan et Celia est délicat, surtout pour Celia qui en est malheureuse. Tout cela, on le sait sans immenses développements et, mieux même, on le devine (aisément!)

mercredi 14 février 2018

Tu vas aimer notre froid

Tu vas aimer notre froid
Un hiver en Yakoutie
Harold Schuiten
Les impressions nouvelles, 2018



Remplaçant dans une école professionnelle belge, ex-journaliste pigiste, Harold Schuiten fouine sur internet, pour ses cours de géographie, et le voilà sur un site évoquant l'école Sakhabelge de Kepteni.
"Quelle probabilité statistique accorder à tout ça: l'existence au fin fond de la Sibérie, d’une école "belge" où on célébrerait la Belgique et où on enseignerait le français aux Yakoutes, une peuplade animiste? C'est comme si la matrice avait buggé, générant au hasard des tranches de présent incohérentes."

Quelques mois et quelques paperasseries plus tard, le voilà à Yakoutsk. Puis à Kepteni, petit village accessible seulement l'hiver, car pas de pont sur la très très large Léna, dont on doit attendre le gel pour passer dessus en voiture. Et quels véhicules! Pas un poil d'électronique, mais réparables facilement. La survie en dépend.

Une fois à Kepteni, le voilà enseignant le français (et l'anglais), découvrant la vie du village. Les ours? Oui, pas loin, mais ils dorment actuellement. La température? A - 45°, pas de cours pour les plus jeunes. A partir de - 47°, on arrête pour les plus âgés, à - 51 ° on ferme l'école.

Vaste et peu peuplé, on l'aura compris.

A lecture de ce (trop, hélas!) court livre, j'ai appris plein de choses sur la Yakoutie, et la Russie en général, l'auteur ayant poursuivi son voyage par le train jusqu'à l'extrême orient russe. "Pour vérifier qu'il n'y a rien. C'est le concept du voyage."

Dois-je ajouter que l'humour de l'auteur a beaucoup ajouté au plaisir du voyage?

Un article dans La libre Belgique, une émission,

Bonne pioche Masse critique Babelio

lundi 12 février 2018

Les couleurs de nos souvenirs

Les couleurs de nos souvenirs
Michel Pastoureau
Points  Seuil, 2010



Quant j'ai acheté ce livre (en 2015) je savais que je voulais découvrir l'auteur, peut-être pas avec ce titre, je pensais plutôt à Bleu, histoire d'une couleur (ou noir, ou vert) mais finalement ce petit poche s'est révélé être une excellente introduction à l'univers de l'auteur.

Quatrième de couverture (moins détaillée que celle de la première édition, tant mieux), mais très bien, pas besoin de la réécrire.
Que reste-t-il des couleurs de notre enfance ? Comment la couleur s'inscrit-elle dans le champ de la mémoire ? Comment est-elle capable de la stimuler ou de la transformer ? Pour tenter de répondre à ces questions, Michel Pastoureau nous propose un journal chromatique s'étendant sur plus d'un demi-siècle (1950-2010). Souvenirs personnels, notations prises sur le vif, propos débridés, digressions savantes, ce livre s'attache aux différents domaines où la couleur intervient : vocabulaire et faits de langue, mode et vêtements, objets et pratiques de la vie quotidienne, emblèmes et drapeaux, monde du sport, art et littérature.

Tour à tour ludique, poétique ou nostalgique, ce journal souligne combien la couleur est un lieu de mémoire, une source de plaisirs et plus encore une invitation au rêve.

Dès le départ il était clair que le côté autobiographique serait présent, et ce livre possède la saveur d'une enfance et adolescence parisiennes des années 50 et 60, abordées au fil de chapitres tels Le vêtement (ah les jeans), La vie quotidienne, Les arts et lettres, etc. Où l'on apprend que deux élèves furent renvoyées chez elles car elles avaient osé porter un pantalon rouge!, quelle est la couleur préférée de l'auteur (le vert) et celle de la majorité des occidentaux, son peintre préféré (Vermeer), comment un souvenir de couleur peut se révéler faux, le merveilleux souvenir d'un cadeau, le stylomine à quatre couleurs...

Le livre, plutôt court, fourmille de détails, de réflexions, parfois érudit mais toujours accessible, et parcouru d'un humour de bon aloi.

J'ai découvert avec étonnement combien ces études sur la couleur dont Pastoureau est le spécialiste n'ont pas été 'faciles et estimables' au départ et comment tout a commencé pour lui en classe de dessin de quatrième, avec l'héraldique.

Encore une fois, c'est un essai qui déchaîne mon enthousiasme!

vendredi 9 février 2018

"On n'est jamais sûr de rien avec la télévision"

"On n'est jamais sûr de rien avec la télévision"
Chroniques 1959-1964
François Mauriac
Bartillat, 2008
Edition établie par Jean Touzot
avec la collabotation de Merryl Moneghetti


Depuis quelque temps (merci Athalie) je voulais me pencher à nouveau sur les romans de Mauriac, et bien sûr ce n'est pas un roman qui a attiré mon attention, mais un brave gros volume de chroniques (non, pas le Bloc notes) écrites de 1959 à 1954 pour L'Express puis Le Figaro Littéraire.

Quoi? Mauriac, écrivain reconnu, prix Nobel de littérature, devenu télé chroniqueur? Rien que ça m'attirait, et j'avoue que l'aventure s'est révélée fort plaisante. On découvre un Mauriac qu'on imagine en pantoufles, devant son petit écran (en noir et blanc?), sans télécommande, de toute façon la deuxième chaîne n'arrive qu'en 1964. A Paris ou à Malagar, avec épouse et petits enfants pas loin.

"Ce soir je devais aller au TNP. J'ai mieux aimé rester dans mes pantoufles: la télévision donnait Les jeux de l'amour et du hasard et un Hitchcock. C'est la première victoire, dans ma vie, de la télévision sur le théâtre."

Mauriac se révèle beaucoup au travers de ces chroniques, choisissant les émissions un peu au hasard de ses envies et de ses loisirs. Gaulliste intransigeant et catholique ferme, mais plus ouvert que je n'aurais cru, il donne ses avis clairement, sans méchanceté, acceptant la discussion venue sans doute de courriers, ainsi que des opinions différentes, sans pour autant dévier souvent de sa trajectoire. Un poil chauvin (il est désolé quand l'équipe de football se fait laminer)

Il n'aime guère l'opéra et le théâtre filmé, les yéyés (ah quelle époque) lui font lever les yeux au ciel (mais son opinion sur Johnny Hallyday évoluera), il est baba devant Brigitte Bardot, (et en janvier 1962 elle s'indignait déjà de la façon dont on tue les veaux dans les abattoirs!)  et, qui l'eut cru?, ne rate guère Intervilles (surtout les vachettes!) et aime Bonne nuit les petits!

Ces chroniques ne sont pas le Bloc Notes, il s'arrête parfois d'aborder certains sujets, mais c'est l'époque de la guerre d'Algérie, de la campagne présidentielle américaine puis de l'assassinat de Kennedy, du mariage de la princesse Margaret, du fiasco français des Jeux Olympiques (comme aurait dit De Gaulle, je ne peux pas tout faire).

Il a ses émissions chouchous (mais qui aime bien châtie bien), Cinq colonnes à la une, Lectures pour tous.

"Même reproche à l'émission L'Assistance publique, cette inconnue. On nous la montre sous de si belles couleurs que je regrette presque de ne pas lui avoir confié mes quatre enfants."

"Cette merveille s’appelle Marie Laforêt. De visage plus touchant, et qui touche jusqu'à bouleverser, je n'en connais pas. Elle jouait une pièce de Teenessee Williams que je ne raconterai pas. Mais si vous voyez un jour sur un programme ce nom : Marie Laforêt, choisissez-le de préférence à tous les autres."

"Les gitans des Saintes-maries-de-le-Mer ont dû nous jeter un sort à tous. Ah! Si on pouvait trouver du pétrole en Camargue, nous délivrer enfin de ce pittoresque forcé, dont nous crevons!"

"Quant à Reynaldo, j'ai suivi à pied, à côté de lui, le corbillard de Marcel jusqu'au Père-Lachaise." Hein? Se frotter les yeux, réaliser que oui, Mauriac est né en 1885...

"Attention à l'homme qui détruit la vie, et veillons sur l'homme qui se détruit lui-même. La destruction des forêts et des espèces animales, la pollution de l'atmosphère: on dirait que l'espèce se prépare à l'anéantissement atomique. (...)La technique au service du grand capital est une idole aveugle, dévorante, une idiote maîtresse du monde et qui l'aura jusqu'à l'os."

Faukner meurt (1962). La télévision redonne la cérémonie du Nobel. "C'est exactement ce qui s'est déroulé pour moi. (...) Et tout à coup j'imagine qu'un jour, bientôt, le petit écran encadrera la même cérémonie, dont je serai le personnage principal."

Lectures pour tous (critiques et conseils...)
Pauvres écrivains de lectures pour tous! On les a retardés d'une heure à cause d'un match de football. (...) Vous ne sauverez cette émission qu'en doublant Dumayet et Desgraupes, car ils ne peuvent tout lire, et il m'arrive de les soupçonner de ne rien lire du tout.(...) Il faudrait faire interroger les auteurs difficiles par un lecteur jeune, passionné, qui débusquerait le romancier de ses broussailles. Un auteur comme celui-là émerge d'un abîme de réflexion et les questionneurs maison n'en tireront rien. Ils ne valent que pour les romanciers qui parlent d'abondance, de telle sorte que le questionneur n'a pas besoin d'avoir lu le livre pour s'en tirer."
"Max-Paul Fouchet est une autre lecteur que Dumayet et que Desgraupes. Il ne se fie pas au 'prière d'insérer'. Il est vrai qu'il est seul sur l'écran et ne peur s'en rapporter à l'auteur pour que nous sachions de quoi il retourne." 1er décembre 1962

En général il  évite certaine émission médicale; un poil trouillard?
"Je regrette d'avoir manqué l'émission scientifique d'Igor Barrère et d'Etienne Lalou touchant les articulations. J'ai des vues très personnelles sur le problème, et qui risquent de s'enrichir de jour en jour, je le crains. J'ai donc manqué ma chance de consultation gratuite."

"C'est la grève aujourd’hui à la T.V. Qui en souffre? (...)Il existe comme un charme de l'ennui que nous avions oublié. Si le temps se lève ce soir, j'aurai droit au clair de lune, puisque la T.V. est en grève."

"M. Valery Giscard d'Estaing, ministre des Finances" "Vous pouvez les appeler des technocrates, ils plaisent, la télévision les sert, les porte, et les portera Dieu sait où."

Conclusion : Un petit voyage agréable dans le passé de la télévision, où tout existait déjà, les jeux, les variétés aussi (même si peu prisés de Mauriac). Il avait déjà prescience de l'évolution possible du petit écran et quand il se sentait compétent proposait et suggérait. Il ne cherchait pas forcément des émissions élitistes, mais à ce que tout soit accessible au plus grand nombre.
Était-ce 'mieux avant'? Pas forcément, le nul existait aussi...
Quel plaisir aussi de  retrouver des noms oubliés ou pas, avec le regard de maintenant (très utiles notes de bas de page!)
Et puis moi qui m'imaginait Mauriac un peu raide et réac, hé bien c'est souvent distrayant, et de plus intelligent et bien écrit.

Challenge  Lire sous la contrainte chez Philippe

mercredi 7 février 2018

Nos vies

Nos vies
Marie-Hélène Lafon
Buchet Chastel, 2017


"Je me suis enfoncée dans le labyrinthe des vies flairées, humées, nouées, esquissées, comme d'autres eussent crayonné, penchés sur un carnet à spirale."

Sexagénaire, parisienne originaire de province, après une carrière dans la comptabilité et une histoire d'amour brusquement stoppée, Jeanne la narratrice a gardé son habitude d'observer, d'imaginer, d'inventer. Au Franprix du quartier, c'est une caissière, Gordana, qui l'intéresse. Gordana dont elle ne sait rien, mais à qui elle invente une vie (vraisemblable) . De même, tout en mode conditionnel, elle narre la vie d'un homme qui chaque semaine, fidèle à sa caisse, mange des yeux Gordana et tente d'attirer son intérêt, en vain.

Par ailleurs Jeanne dévoile sa propre existence, ses amours, sa famille, son amie Isabelle. En fait, des vies ordinaires mais pas méprisables, des vies, quoi. Le roman se lit facilement, l'écriture de Marie-Hélène Lafon est bien reconnaissable, parfois rugueuse, sans désir de faire joli ou d'émouvoir. Un roman que j'ai dévoré, mais où il me manque un petit quelque chose pour que je sois conquise. En fait, il faudrait que je relise l’extraordinaire Chantiers, tellement merveilleux qu'une fois terminé j'ai dit 'pas de billet, je dois absolument le relire avant'. Affaire encore à suivre!

Les avis de Laure, Le bibliophare, Sibylline de lecture écriture (oui c'est vrai que nous-mêmes le faisons parfois), Mylène, Alex,

lundi 5 février 2018

La Chine à petite vapeur

La Chine à petite vapeur
Riding the iron Rooster
Paul Theroux
Grasset, 1989, pour mon exemplaire
Traduit par Anne Damour

"C'est l'un des paradoxes du chemin de fer : les passagers peuvent voir les habitants dans leur maison, alors que ces derniers ne voient jamais les voyageurs."

"Il est vrai que n'importe quel récit de voyage en dit plus sur son auteur que sur le pays qu'il décrit."

Jalouse je suis. Paul Theroux adore voyager en train, ses livres le prouvent, et cette fois le voici de retour en Chine, où il s'était rendu en 1980. Nous sommes en 1986, et en voyage avec un groupe franco-anglo-saxon, il part de Londres, rejoint Moscou, hop dans le Transsibérien, à travers Sibérie, Mongolie, puis arrivée en Chine, jusqu'à Pékin, où il quittera ses compagnons de voyage, heureux que son identité n'ait pas été dévoilée, car il veut garder l'anonymat.
"Avez-vous lu le livre de Paul Theroux, sur les voyages en train? demanda Bob.
Non. (Elle se tourna vers moi.) Et vous?
Écrasant mon nez contre la fenêtre, je dis:
-Regardez ces bouleaux!..."

"Les jours se suivent et se ressemblent sur le Transsibérien : c'est rassurant. En soi, le trajet n'a rien d'intéressant, ce qui explique pourquoi il est si plaisant d'être passager et si frustrant d'écrire sur le sujet. Il n'y a rien à raconter."

Paul Theroux comprend un peu le chinois, si j'ai bien suivi, il peut - et préfère- se débrouiller seul, mais hélas parfois on lui impose un accompagnateur; la Chine sort de la Révolution culturelle et les langues ne se délient pas totalement. Il saisit toutes les occasions d'engager conversation avec les gens, souvent en anglais, leur demandant leurs impressions sur ce qui a (aurait) changé en Chine. Il promène un regard fort intéressé, et va parcourir toute la Chine en express, rapide, omnibus, souffrant de la chaleur, du froid, gardant un  ton assez distancié et ma foi souvent pince sans rire et souvent j'ai dû faire un effort pour me souvenir qu'il n'est pas anglais!

"-Le gouvernement a nié qu'il y ait des problèmes.
- Alors il doit y en avoir, dis-je. Ne croyez une chose en Chine que lorsqu'elle a été officiellement démentie."

Bien sûr trente ans et plus se sont écoulés, mais l'on sentait déjà à l'époque que la Chine pouvait se diriger vers ce chemin de capitalisme à la chinoise et d'économie non planifiée. De démocratie, heu non. La dernière et longue partie du voyage le conduit au Tibet, et l'on sent bien où le porte sa sympathie.

"La raison principale pour laquelle le Tibet reste si peu développé et si anti-chinois - et si totalement démodé et plaisant - c'est qu'il est l'une des seules merveilles de la Chine qui ne soit pas desservie par le chemin de fer. La chaîne du Kulun garantit que le train n'atteindra jamais Lhassa. C'est probablement mieux ainsi.Je croyais aimer les chemins de fer jusqu'au jour où j'ai vu Lhassa; j'ai alors réalisé que je préférais la nature vierge."

Hélas Monsieur Theroux, pourtant vous connaissez bien les Chinois, ce n'est pas une montagne qui va leur résister! Voici ce qui existe maintenant (et les projets!)
http://www.tibetanreview.net/china-planning-more-railway-lines-in-tibet/
Mon avis sur cette lecture? Pas objectif puisque j'aime la Chine ET les voyages en train. Avec Paul Theroux je trouve cela parfait, je l'envie juste d'être allé dans vraiment tous les coins ou presque de cet immense pays, d'avoir rencontré plein de gens (dont les propos étaient souvent à décoder, mais lui sait le faire!), et cela pendant un bon paquet de mois.

"Pour rien au monde je n'aurais manqué ce voyage en train.
- C'est un train abominable , dit M. Fu. Il marche à la vapeur. Il traverse le désert et il est terriblement lent.
Musique divine à mes oreilles."

En plein hiver, dans le nord aux températures vraiment négatives, dans un hôtel pas chauffé.
"Il fait très froid ici, dis-je au gérant, M. Cong.
- Il va faire plus chaud.
- Quand?
- Dans trois ou quatre mois.
- je veux dire, dans l'hôtel, dis-je
- Oui, dans l'hôtel. Et dans tout Langxiang."

Pour terminer, je propose un mix de citations du livre de Paul Theroux, illustrées par des photos personnelles et des souvenirs. Je suis allée en Chine en 2007, venant donc de la Mongolie, avec le Transsiberien (le changement de boggies à la frontière, un grand moment!) et après un arrêt à Datong, suis arrivée à la gare de Pékin (et là on constate que la Chine est très très peuplée)
J'ignore pourquoi c'est aussi en allemand

J'y suis retournée en 2009, venant cette fois du Kirghizistan, par le col de Torugart (3750 mètres d'altitude).  Chez les Ouïgours, alors en pleine effervescence voire rébellion.
"Ils constituent une minorité officielle en Chine, et le Xinjiang est leur région autonome. Descendants de nomades dont le royaume s'étendait jusqu'ici il y a mille deux cents ans, ils parlaient turc et nombre d'entre eux ressemblaient à des paysans italiens.(...) Ils furent écrasés par les hordes des Mongols au 13ème siècle.(...) Ils se convertirent à l'islam.(...) furent conquis par les Chinois à plusieurs reprises, et se rebellèrent plusieurs fois, le plus récemment il y a cent ans*. Ils sont environ quatre millions dans le Xinjiang et semblent n'éprouver aucune sympathie pour les Chinois. Leur monde est entièrement différent"
(*justement en 2009 ils étaient en pleine rébellion, et n'éprouvaient toujours aucune sympathie pour les Hans!)


Je ne me souviens absolument pas de ce trajet ni de Liuyuan. Inquiétant? 
Là c'est quelques jours plus tard, un train de nuit? En tout cas c'est celui surnommé l'Iron Rooster ou Coq de fer.

Visite de Gaocheng : "Gaocheng était parfaite dans ses ruines et sa décrépitude. Cité célèbre pendant plus de mille ans, ce n'était plus qu'un amas de poussière et de décombres. Jusqu'à aujourd'hui, elle avait échappé à l'insulte finale -les touristes- , mais bientôt, lorsque le Coq de fer deviendrait un turbotrain, ils afflueraient ici, à l'est de Turfan, à quarante kilomètres à l’intérieur du désert.(p 217)
"Le vide mélancolique de tous les grands vestiges"


Hé oui, les touristes -chinois- sont là!
"Turfan était une oasis célèbre il y a quatre siècles" En dessous du niveau de la mer. Chaud. Sec.
"C'était une île verte dans un désert sans vie"
"On l'aurait crue sortie tour droit de la Bible, avec ses ânes, ses tonnelles de vigne, ses mosquées"


"Système d'irrigation appelé karez, un réseau de conduits souterrains et de trous de sonde qu'utilisait déjà la dynastie occidentale des Han, deux mille ans auparavant."

Jiayuguan, ça je me souviens! Extrémité occidentale de la grand muraille.Mais surtout une citadelle (restaurée)
"La Muraille se dissipait vers l'ouest, petite et délabrée, à peine plus réelle qu'une idée ou qu'une illusion-les vestiges d'une grand dessein."

La citadelle

Heu oui, on reconstitue
Je le case dans le challenge  Lire sous la contrainte chez Philippe

vendredi 2 février 2018

En route vers Okhotsk

En route vers Okhotsk
Unterwegs nach Ochotsk
Eleonore Frey
Quidam éditeur, 2018
Traduit de l’allemand (Suisse) par Camille Luscher


Disons que j'ignore si j'ai vu dans ce roman (en dehors des faits relatés) tout ce dont parle la quatrième de couverture (je ne connais pas Enrique Vila-Matas, mais au moins je savais en gros où se trouvait Okhotsk) (là-bas là-bas, à l'est, la Sibérie, bref) mais peu importe, pour moi l'essentiel est que j'ai pris un extrême plaisir à cette lecture, à découvrir une auteur inconnue, une écriture filée passant avec fluidité d'un personnage à l'autre, d'une réflexion intérieure à un dialogue et réciproquement, sans séparation et sans se perdre.

Les personnages? Peu nombreux, Sophie la libraire,  divorcée de Jeff, resté aux Etats Unis, son patron et oncle, ses deux enfants; Robert, alias Mischa Perm, auteur de En route vers Okhotsk (en vente -le livre- dans la librairie de Sophie); Otto rêvant d'Okhotsk, Sophie on ne sait plus, quant à Thérèse, ma foi... En tout cas, tous sont sympathiques, flous et précis à la fois (si!), se croisent, se trouvent, se perdent. Et Okhotsk? En tout cas il est question d'y aller. D'y arriver, c'est un autre problème. Mais chacun va cheminer, c'est sûr.

"Pour qu'il sache où il en est... Ne serait-ce qu'avec elle; lui qui n'a pas la moindre idée d'où il en est avec lui-même, ne sait pas vers quoi il va."

"Un rien de lichen jaune sur un rocher peut être aussi ancien qu'une forêt, et en le piétinant, tu détruis des années, des décennies, des siècles de croissance."

"Tourner rond: il n'a encore jamais réfléchi à ce que ça voulait dire; rien à voir avec le fait de tourner en rond, dans la vie, dans ses pensées ou sur un tour de potier. Au contraire, tourner rond signifierait plutôt filer droit, arrondir les angles et agir non pas selon ce qu'on estimera juste soi-même, mais selon ce que les autres estiment juste. Il y a donc avantage à ne pas tourner rond, si cela implique de refuser les compromis grâce auxquels chacun, chacune s'acoquine au monde."

Beaucoup aimé.

Un article,