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Affichage des articles du mars, 2023

Par la racine

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 Par la racine Gerald Tenenbaum Cohen & Cohen, 2023 "Les ultimes chapitres d'un livre peuvent découler logiquement des précédents, ou se poser en rupture. Bifurcation ou porte-à-faux, il s'agit alors d'emporter l'adhésion du lecteur. On ne peut le surprendre qu'à condition de semer dans son esprit un graine de perplexité pour récolter la conviction que, tout bien posé, il ne pouva it en aller autrement." Samuel Willar est écrivain, en fait il écrit des biographies, mais plus ou moins arrangées. Il rencontre Luce qui a besoin d'une biographie afin d'intégrer un institut new yorkais. Elle désire "récrire sa vie jusqu'ici pour la poursuivre jusque là". Pourtant son activité actuelle au centre Rachi de Troyes pourrait l'en dispenser a priori. Mais Samuel ne discute pas cette commande, les coordonnées de Luce venant des papiers de son père Baruch récemment décédé. Le passé s'invite, une quête s'impose, qui conduira Luce e

Le Décaméron des femmes

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  Le Décaméron des femmes Julia Voznesenskaya Babel, 2001 Traduit par Danielle Chinsky avec le concours de Karin Linden Cherchant en vain à la bibliothèque un auteur précis à la lettre W, mes yeux se sont posés sur la tranche de ce petit Babel, parfait dans le cadre du Mois de l'Europe de l'est, et ... gros coup de coeur! Dix femmes venant d'accoucher ne doivent pas quitter la maternité de Leningrad, pas à cause d'une épidémie de peste, non, mais peu importe. Le personnel médical est là, elles peuvent recevoir colis et courrier. Que faire? L'une d'elles, Emma, metteur en scène, lisant à ce moment le Décaméron (que j'ai follement envie de lire maintenant), propose à ses dix compagnes de raconter durant dix jours une histoire. Ce sont des professeurs, une ouvrière, une dissidente ou femme de dissident, un zonarde (vagabonde), une hôtesse de l'air, une 'grosse légume' que les autres n'apprécient pas trop -au début. Les sujets? Le premier amour,

La réparation du monde

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  La réparation du monde Slobodan Snajder Liana Levi, 2021 Traduit par Harita Wybrands Bien sûr ce n'est pas un joueur de flute qui, en 1770, a entrainé à sa suite de pauvres paysans survivant mal en Souabe pour les conduire, via un Danube tumultueux parfois, en Transsylvanie où l'herbe était garantie plus verte. L'impératrice Marie-Thérèse en avait décidé, et qu'on lui obéisse! Parmi eux Georg Kempf , l'ancêtre du narrateur. Puis grand saut dans le temps, et là un certain Hitler réalise que ces Volksdeutsche, d'origine allemande vivant en Slavonie / Croatie feraient très bien dans les Waffen-SS. Certains y vont sans problème, d'autres, comme Georg/Djuka Kempf,  né en 1919 et père du narrateur , est un 'volontaire-forcé'. Le voilà arrivé en Pologne, pas trop sûr d'en sortir vivant, en tout cas tâchant de ne pas se faire remarquer. Son refus de fusiller des civils va l'entrainer ans toutes sortes d'aventures, et donner l'occasion de se

tous sports confondus

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  tous sports confondus Frigyes Karinthy La petite collection des éditions du sonneur, 2014 Préface et traduction de Cécile A. Holdban Dans la famille Karinthy, je demande le père! Le fils, c'est Ferenc, auteur du génial Epépé , mais Frigyes (1887-1938) avec Je dénonce l'humanité m'avait déjà épatée. Amis sportifs ou non sportifs, bonjour. Parues dans les journaux entre 1912 et 1936, ces nouvelles ont sans doute fait grincer les dents de certains lecteurs et, on le suppose, bien amusé d'autres; un style impeccable mis au service de la causticité et de l'ironie. "En général, on considère la natation et la course à pied comme des sports d'endurance, par opposition aux exploits sportifs sur place tels que le saut en hauteur, la boxe et les discours parlementaire." Il ne fait pas que se moquer de certains hongrois ou du sport, il est souvent sérieux, voir philosophique, dans ce dialogue entre Nurmi et Socrate autour du marathon. Ecrit en 1929, on y parle

Mon instant sur cette terre

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 Mon instant sur cette terre Vilhelm Moberg L'Elan , 2013, Ginkgo éditeur Traduit par Raymond Albeck Albert Karlsson/Carlson réside dans une chambre d'hôtel, entre le Pacifique et une grande artère de sa ville californienne. Nous sommes en 1962, cela fait 50 ans qu'il a quitté la Suède, et il n'y est revenu que peu de fois. C'est pour lui l'heure des bilans, après deux divorces, des enfants éloignés ne donnant pas de nouvelles, et la liquidation de sa dernière entreprise. Il est conscient d'approcher de la fin de sa vie, mais va finir par l'accepter paisiblement.  Une grande partie du roman est consacrée à son frère Sigfrid, son grand frère disparu il y a longtemps, on en apprendra la raison au fil des pages. Ils étaient fils de fermiers travailleurs, rigoureux, attendant l'obéissance de leurs enfants. Albert a su se libérer de leur emprise en émigrant, mais il demeure entre deux endroits, c'est le lot de l'émigrant... Rapidement j'ai été

Sambre

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 Sambre Alice Géraud JC Lattès, 2023 Grâce à la journaliste Alice Géraud, qui s'est penchée sur ce fait divers dont j'ignorais tout, j'ai vécu des heures de lecture passionnantes et troublantes. Pendant trente ans (oui, trente ans!) à sévi dans un coin du nord peu étendu un homme appelé 'le violeur de la Sambre'. Des dizaines (oui!) de femmes, jeunes pour la plupart, voire des adolescentes (collégiennes) ont été 'agressées' selon un schéma bien reconnaissable. Je passe les détails traumatisants pour les victimes, mais il s'agit bien de viols (à l'époque la justice était encore bien floue sur certaines qualifications). Ensuite leur vie a été cassée, la peur de sortir, ou seule, la boulimie, l'arrêt des études, etc. Mais comment est-ce possible? Des plaintes perdues, rangées. Souvent les victimes se retrouvent accusées de mentir (elles voulaient sécher les cours?) , on leur pose des questions sur leur vie intime, parfois il s'agit de gamines ne

Histoires bizarroïdes

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  Histoires bizarroïdes Olga Tokarczuk Noir sur Blanc, 2020 Traduit par Maryla Lament Pour cette lecture commune de l'auteur, dont j'ai quasiment tout lu de traduit à ce jour, j'ai repris ce recueil de nouvelles, déjà entamées il y a un bout, et que j'avais dû abandonner, sans doute éberluée par leur côté bizarroïde. Hé bien, on s'en doutait, non, c'est dans le titre? Oui, mais. J'ai repris l'affaire en mains, relu le début, et en terminant : oui, c'est ô combien bizarroïde, mais absolument génial! D'ailleurs, hum, chez Olga Tokarczuk, se glissent souvent de petits décalages, des bizarreries, n'est ce pas? Rappelez-vous ce que vous avez lu d'elle ... Avec Les enfants verts , est donné à lire un document écrit par un médecin du roi de Pologne, au cours d'un 17ème siècle avec tatares, guerres avec les suèdois, etc., mais racontant la découverte de deux enfants verts vivant dans une forêt. La bonne traduction rend parfaitement le style e

Comment j'ai rencontré les poissons

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  Comment j'ai rencontré les poissons Ota Pavel Editions Do, 2016 Traduit du tchèque par Barbora Faure (couverture prise sur le site de l'éditeur) (existe en poche) C'est grâce à son père féru de pêche que le jeune Oto a rencontré les poissons et est devenu lui aussi amateur de ce passe temps nourricier. Dans les années 30 40 à Prague et sa région, ce n'était pas qu'une passion et un passe temps. Rivières, étangs, tout est bon, mais il fallait échapper aux gardes pêches et aux allemands.  Mais il s'agit surtout d'un hommage à son père, capable de vendre un aspirateur dans un village sans électricité, pour la société Electrolux, passant du succès à la réussite, et inversement. Doué pour se faire des amis, y allant souvent au culot, amateur d'anguilles d'or, vendeur d'attrape mouches (au DDT), bref, un homme sympathique haut en couleurs. L'ombre des camps plane sur la famille aussi, une grand mère n'en est pas revenue, le père et les deux f

Le traducteur cleptomane

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  Le traducteur cleptomane et autres histoires Dezső Kosztolányi Alinea, 1985 (photo VH 2006) Traduit par Maurice Regnaut en collaboration avec Péter Adam Il s'avère que l'univers des auteurs hongrois est jusqu'ici ma tasse de thé (deux Karinthy -il y a une famille, là! et Laszlo Krasznahorkai)(un mouais avec Magda Szabo mais ça peut s'arranger) alors voici un petit nouveau. Né en 1885 dans un coin ayant changé de nationalité depuis, mort à Budapest en 1936, il a touché à de multiples genres littéraires, ici de courts récits mettent en lumière Kornel Esti . Un personnage attirant les aventures ou les confidences... Le traducteur cleptomane ne peut s'empêcher d'enlever des biens dans les livres d'origine, bijoux, maisons, forêts, billets, Qu'est-il devenu après ces vols? Avec L'argent , voilà Kernel Esti et des embarras de richesse (en français dans le texte). Il a hérité de tellement d'argent que, vu ses besoins assez modérés, il ne pourra tou

Journal de Nathan Davidoff

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 Journal de Nathan Davidoff Le juif qui voulait sauver le tsar Nathan Davidoff Traduit du russe et de l'hébreu par Benjamin Ben David et Yankel Mandel Ginkgo, 2017 Présentation et commentaires de Benjamin Ben David, un petit fils de Nathan Davidoff, qui au décès de son grand père dans les années 1970 a découvert ce gros journal. Il s'est ensuite lancé dans des recherches, particulièrement en Ouzbékistan, où il a mis au jour documents et photographies. Le livre contient donc une partie du journal (1300 pages au départ, il fallait des coupures!), et des photos vieilles de plus d'un siècle (tout ce que j'aime). Une totale découverte pour moi de ce mode des 'juifs boukhariotes'. Vivant d'abord dans un 'émirat', puis en Russie au fil des conquêtes territoriales. Certains étaient fort prospères, dont la famille Davidoff. Né en 1880, Nathan avait le génie des affaires et n'était pas paresseux. Tout lui réussissait. Il se lançait dans à peu près tout, au

Contes

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  Contes Alexandre Pouchkine Traduit par Hélène Vivier-Kousnetzoff Illustrations de Mikhaïl Nesterov Ginkgo, 2023 Oui, Pouchkine (Moscou 1799-Saint Petersbourg 1837, lors d'un duel), est l'auteur de cinq contes, écrits alors qu'il était en résidence surveillée. On connaît de pires façons de passer son temps. Le résultat est franchement réussi. Pouchkine a bien assimilé les codes des contes, par exemple il faut bien qu'un même épisode, ou presque, revienne trois fois. Bien évidemment cela fait partie du charme de l'affaire. Un autre charme, c'est le décalage géographique : "Le tzar a quitté la tzarine. il s'est équipé pour la route. Seule, restant assise à la fenêtre, la tzarine l'attend. Elle attend, et attend, du matin à la nuit. Si longuement elle contemple la plaine, de l'aube blanche jusqu'au soir, que de regarder ainsi les yeux lui font mal. Elle ne voit pas son ami cher! Elle voit seulement la neige qui tourbillonne, la neige qui s'