Le temps où nous chantions
Richard Powers
Le cherche midi, Collection Lot49, 2006
Le temps où nous chantions a été élu meilleur livre de l’année en 2003 par le New-York Times, le National Book Circle et le Washington Post.
Une pure merveille !
Pâques 1939. Les Filles de la Révolution Américaine ont refusé à
Marian Anderson, "la plus grande contralto du pays, récemment revenue
d'une tournée triomphale en Europe", le droit de chanter à
Washington au Constitution Hall. Eleanor Roosevelt démissionne de ce
groupe et crée un comité de protestation. Finalement 75 000 personnes
assisteront au concert en plein air donné au pied du
Mémorial Lincoln.
Parmi elles, David Strom, physicien juif allemand qui vient d'émiger
aux Etats Unis, et Délia Daley, jeune femme noire qui envisage de faire
du chant sa carrière. C'est le début de leur belle
histoire d'amour.
Un dicton juif dit " L'oiseau et le poisson peuvent tomber amoureux. Mais où vont-ils construire leur nid ?"
David et Délia se marient. A l'époque, dans cettains états américains,
c'est un crime. Là où ils résident, c'est mal accepté et le quotidien
de Délia est dur, très dur.
"Elle aimerait marcher dans la rue avec son mari sans avoir à jouer la
domestique. Elle aimerait pouvoir lui prendre le bras en public. Elle
aimerait qu'ils puissent aller au cinéma ensemble, ou
aller dîner quelque part, sans se faire expulser comme des malotrus.
Elle aimerait pouvoir asseoir son bébé sur ses épaules, l'emmener faire
les course sans pour autant que tout le magasin en soit
pétrifié."
Ils élèvent leur trois enfants dans un bain de musique, de science (ah
la relativité!) et d'amour, tentant l'expérience de ne pas vouloir leur
coller une étiquette. Le monde extérieur s'en chargera
quand même.
L'aîné, Jonah, est très très doué pour le chant. Il aura une carrière
internationale, Joseph sera longtemps dans l'ombre de son frère et Ruth
se rebellera contre sa famille.
Au travers de ce gros livre Richard Powers brosse le portrait des
Etats Unis au cours du dernier siècle, parlant de façon extraordinaire
de la musique et du racisme, et des tiraillements de Jonah,
Joseph et Ruth entre deux "couleurs".
Que dire ? Extraordinaire ! Ce livre m'a captivée de bout en bout.
Richard Powers décrit magnifiquement la musique (toutes les sortes de
musique, pas seulement la classique blanche européenne) et
son effet sur les chanteurs et auditeurs.
"Des huit vives mesures, la voix de soprano s'élève, comme un crocus
poussé dans la nuit sur un gazon encore frappé parl'hiver; L'air
progresse de la manière la plus simple : un do stable rentre
sur le temps faible, tandis que le temps fort se rétablit sur le ré
instable de la gamme. A partir de cette impulsion légère, le morceau se
met en mouvement, jusqu'à se chevaucher lui-même, se
livrant à une sorte de catch à quatre avec son propre double alto.
Puis, en une improvisation commandée par la partition, les deux lignes
de chant se replient sur le même inévitable sentier de
surprise, moucheté de taches mineures et d'une lumière soudain vive.
Les lignes imbriquées l'une dans l'autre débordent de leur lit pour
donner naissance aux suivantes, la joie l'emporte,
l'ingénuité se répand partout. "
Un beau moment de lecture, un grand bonheur ; j'ai été portée, soulevée par cette histoire !
J'ai découvert Richard Powers grâce au blog de
Cuné, qui l'a aussi classé dans "merveille"
Et vous savez quoi ? Il reste à lire La chambre des échos, que j'ai inscrit dans mon challenge ABC 2009.
Des avis :
Anna Blume,
Kathel , ...
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