lundi 19 décembre 2022

Proust et les autres

 


Proust et les autres

Christian Péchenard

La petite vermillon, 2019

Avis babelio


On a  beau avoir  beaucoup lu sur le sujet et penser (presque) tout connaître, hé bien non, ce livre m'a réservé quelques surprises. Par exemple, Proust a écrit la fin, Le temps retrouvé, avant d'autres parties. Le petit pan de mur jaune est en fait un toit.

Proust à Cabourg : on saura les dates de séjour réelles, mais il semble que la 'chambre de Proust' soit un truc vaguement touristique.

Proust et son père : sans doute le plus intéressant et nouveau. Avec passage à Illiers où là encore il semble que réalité et roman ne ne soient pas faciles à calquer.

Proust et Céleste : j'apprends que Céleste a habité en dernier la maison de Ravel (décédé depuis un bout, d'ailleurs). Aux obsèques de Proust on a joué du Ravel (alors que la petite sonate ne serait pas de lui, en fait)

Allez, on se fait plaisir avec une video.

Mais ce qui m'épate le plus dans cette lecture hautement recommandable, c'est l'ironie sous jacente de l'auteur, l'écriture fluide et bien tenue. Proustolâtre, oui, mais rappelant que Proust n'était pas doué quand il se lançait dans la poésie, heureusement il a cessé. "Proust était un grand poète, à la seule condition qu'il renonçât à s'exprimer en vers."

"Je conseille en tout cas à ceux qui pensent que Proust est d'une lecture longue et ardue de commencer par Ulysse. S'ils sautent l'obstacle, la Recherche sera pour eux une véritable partie de campagne."

M'étant cassé les dents sur Ulysse, abandon au tiers après tentative en français, en anglais, en diagonale, etc., au moins je peux dire que Proust est plus facile, il faut tranquillement se donner une décennie pour y arriver, et recommencer, puisque de toute façon on a oublié des détails, ou on ne les avait pas vus.

L'œuvre est présente sur ce blog, cliquer sur Proust colonne de droite, Poids lourds, il y a de tout.

C'était ma contribution, de justesse, au centenaire de sa mort.

jeudi 15 décembre 2022

L'appel de la prairie


 L'appel de la prairie

Carnets d'un naturaliste en France

A Buzz in the Meadow

Dave Goulson

Rouergue, 2022

Traduit par Ariane Bataille


Hé oui, après Ma fabuleuse aventure avec les bourdons, retrouver Dave Goulson était une évidence. 

Pour voir évoluer un terrain et étudier plantes et insectes sans que ledit terrain ne soit plus disponible pour ses recherches, la solution était d'en acheter un, et il s'est donc installé en France, dans une ferme croulante où il revient régulièrement.  Il est toujours professeur de biologie à l'Université du Sussex. 

Il n'est pas forcément seul, collègues ou étudiants mettent la main à la pâte.

"La perspective de parcourir 1600 kilomètres pour aller creuser un trou dans le sol peut ne pas paraître des plus séduisantes, mais il ne faut jamais sous-estimer l'attrait d'un approvisionnement illimité en vins et fromages français."

Tout est dit, notre homme écrit non sans humour, mais il maîtrise son sujet (je l'ai lâché un peu parfois avec les haploïdes diploïdes et triploïdes ^_^) et c'est passionnant. Il raconte ses recherches, parfois use d'idées incroyables pour les mener, en tout cas la patience est un maître mot.

Mais ... ça ne raconte pas la même chose que son précédent livre? Pas du tout! Les bourdons bourdonnent toujours (pour le moment), mais on en apprend plein sur les bestioles et les plantes, et même sur l'auteur, j'ai découvert qu'il a mené des recherches sur l'effet (néfaste) des néonicotinoïdes. Dans un chapitre long et éclairant il explique bien ce qui se passe pour les abeilles (et sans doute pour d'autres êtres).

"Ce livre a pour objet de vous motiver, de vous encourager à chérir ce que nous possédons, et d'illustrer les merveilles que nous risquons de perdre si nous ne changeons pas d'attitude. La biodiversité est essentielle, sous toutes ses formes. Le protection de l'environnement ne concerne pas seulement le rhinocéros de java et la panthère des neiges; elle concerne tout autant les abeilles, les scarabées, les fleurs, les mouches, les chauve-souris et les insectes."

Avis :?

lundi 12 décembre 2022

Roman fleuve


 Roman fleuve

Philibert Humm

Equateurs, 2022


Trois jeunes gens descendant la Seine de Paris à son embouchure, dans un bateau nommé Bateau, ça évoque l'œuvre de Jérôme K. Jérôme. Avec la barre placée littérairement très haut, le voyage s'annonçait périlleux, donc pas seulement en raison du dilettantisme de l'expédition.

Foin du suspense : c'est une réussite! Du début à la fin l'autodérision et l'humour pince sans rire font merveille. Je pourrais citer quasiment tout le livre. La note de l'éditeur (?) annonce "de l'action à l'intérieur, et aussi des temps calmes et du passé simple. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l'œuvre reste accessible au public poitrinaire. A noter la présence de nombreux adverbes - un millier environ."

Embarquez à vos risques et périls (?) dans ce Bateau, ou plutôt lisez le au sec. Le nombre de pages siéra à toutes et à tous.

Avis babelio

Edit : en cherchant d'autres titres à lire, je découvre qu'en 2021 j'ai lu Les tribulations d'un Français en France, aimé mais sans billet.

jeudi 8 décembre 2022

Le coeur ne cède pas


 Le coeur ne cède pas

Grégoire Bouillier

Flammarion, 2022

Prix André Malraux 2022


Lectrice, lecteur tenace, amateur d'OLNI , ce livre est pour toi! Il était en lice pour plusieurs prix, dont le Goncourt, et fort bien accueilli par la critique, mais ... plus de 900 pages ça rend frileux. Hé oui, c'est là son défaut, à ce bouquin. Sa lecture prend du temps, la bête ne peut se glisser dans un sac, ou alors valise à roulettes?, en tout cas je l'ai lu assise sur mon canapé, dans ma maison peu chauffée, accompagnée parfois d'un chat qui n'en avait cure de ce pavé et réclamait des gratouillis.

Oui, je digresse, mais après tout c'est normal, c'est comme lire Jaenada et ne point user ensuite de parenthèses : c'est impossible. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que le nom de Jaenada apparaisse, car l'auteur est parti d'un fait divers (non criminel) et s'est lancé dans une enquête vertigineuse, avec l'aide d'un couple fictif d'enquêteurs, BMore et son assistante Penny, lequel couple fournit au lecteur des moments souvent barrés et jubilatoires. Sans trop divulgâcher je peux dire que Jaenada fait une apparition courte et décisive dans le bouquin!

Ainsi que Fabcaro d'ailleurs, expérience réussie après une fascinante description (non, je n'en dis pas trop)

L'auteur en 1986 avait appris à la radio l'histoire de Marcelle Pichon, mannequin chez Fath, qui s'était laissée mourir de faim dans son appartement, tenant le journal de son agonie, et dont le corps ne fut découvert que dix mois après. Des décennies plus tard, il veut savoir le pourquoi du comment, bravant les difficultés.

"La chasse au trésor est elle-même le trésor! Quoi que nous trouvions à la fin, c'est le chemin y menant qui lui donne de la valeur."

En 900 pages (re-oui!) le lecteur parfois étourdi suivra les pas des enquêteurs, leurs découvertes, leurs culs-de-sac, le tout en période Covid et ses documents temporairement inaccessibles. Tout ou presque sera exploré, un éclair de lucidité empêchant parfois l'auteur de creuser plus loin dans une généalogie. car, l'ai-je signalé, une saine autodérision enveloppe le tout.

De plus c'est un livre bourré d'informations souvent sans trop de rapport serré avec l'histoire, avouons-le, mais fichtre, pourquoi refuser ? D'où la longueur, forcément, mais ne garder que le strict minimum aurait été moins gouleyant, et puis ça fait pour moi partie du côté vertigineux (je me répète) du livre.

"Les livres servent aussi à en faire lire d'autres, ce n'est pas vous qui allez dire le contraire."

Bref, on a aussi une (passionnante) enquête avec rebondissements.

Par ailleurs l'histoire de l'auteur, des recherches sur ses parents et grands parents arrivent, des coïncidences avec celle de Marcelle, bref, on est quasi submergé. Jusqu'à la toute fin et la dernière photo. Mais c'est dingue!

En conclusion : en fait il faut se lancer et après 100 pages environ on est bien dedans, pas question d'arrêter. Mais il faut le bon moment, c'est sûr.

Avis babelio, bibliosurf, et celui de Cannetille, que je découvre et en a fait un coup de coeur, 

Et le site chez Bmore & Investigations (si!) et le dossier Marcelle Pichon.

Je ne peux résister à vous raconter que:

Ce livre est dangereux puisqu'au cours de ma lecture je l'ai posé pour fouiner dans les archives mariages et autres de Paris et du 76. Me voilà partie sur les traces de ma famille maternelle...

Incroyable : j'écris ce billet en écoutant la radio : le film Jeanne Dielman  de Chantal Ackerman vient d'être désigné meilleur film de tous les temps par l'institut britannique du cinéma Sight and Sound. Et figurez vous qu'un passage du livre raconte ce film, cherchant à reconstituer la vie de Marcelle Pichon.

lundi 5 décembre 2022

Le salon


 Le salon

Oscar Lalo

Plon, 2022


De ce roman lu en une bonne soirée, que penser? Si je dis avoir développé une grosse envie de lire Flaubert, Homère, de Nerval et Rousseau, voilà qui est une notable qualité. Si je dis avoir ressenti un petit pincement au cœur à la fin, c'est à remarquer.

Le narrateur est un jeune homme assez fade ratant un rendez-vous chez son coiffeur habituel après l'achat de La tentation de Saint-Antoine chez un libraire, et proposant pour régler une dette la présentation dudit bouquin dans le salon d'un autre coiffeur hyperchic, doué et cher (forcément). Il n'y connaît rien, à cette Tentation, mais grâce au libraire l'histoire avec Flaubert évolue.

Voilà un roman qui n'allait pas dans la direction que j'attendais, possède d'intéressants côtés littéraires  mais qui finalement m'a plu.


Deux courts passages.

Le narrateur démarre sa lecture:

" Ça débute par une interminable introduction. J'évite de les lire. Savant, barbant, et surtout, on ne se gêne pas pour vous raconter l'histoire. Je saute à La tentation." 

Le libraire l'engage:

"- Comment dois-je les classer?

- Ah, le classement! Chez moi, c'est par date de naissance de l'auteur. Ça a le mérite d'offrir au regard une histoire de la littérature; et puis j'aime bien savoir qui fréquentait qui.

-Vos clients s'y retrouvent?"

Avis babelio, bibliosurf

vendredi 2 décembre 2022

The Stationery Ark


 The Stationery Ark

L'arche immobile, 1977

Gerald Durrell

Fontana Paperbacks


Gerald Durrell (voir wikipedia) m'a offert ainsi qu'à de nombreux blogueurs de belles heures de lectures ( Rencontres avec des animaux   Le aye aye et moi   La forêt ivre   Ma famille et autres animaux  Trilogie de Corfou   Les limiers de Bafut  ). On l'aura compris à lire les titres, les animaux sont présents!

Encooooooooooore des animaux? La moitié de mes lecteurs, pourtant patients avec mes marottes, est passé ailleurs.

L'autre moitié, qui considère que même les moustiques et les serpents ont le droit de vivre (pas trop longtemps pour les moustiques, quand même), va avoir du mal car il va être question de zoos.

J'avoue que j'ai commencé ma lecture un poil à reculons. D'accord, Durrell est un naturaliste fou des animaux, mais quoi, un zoo? Quand il a ouvert le sien sur l'île de Jersey, un zoo pouvait parfaitement être au mieux une prison au pire un mouroir. Pour lui, il s'agissait de donner refuge à des espèces en voie de disparition, les étudier, espérer les voir se reproduire, et les réintroduire dans leur milieu naturel. Cela paraît quasi évident de nos jours, mais à l'époque cela ne l'était pas. 

Je me suis donc dit, voyons voir ça. Comme Durrell est un type bourré d'humour, la lecture demeura plaisante. De plus l'on sent son amour pour ces bestioles et la volonté de leur bien être maximal. Ne pas se leurrer : les orangs outangs, par exemple, seraient bien mieux dans leur milieu naturel, qui hélas diminue à vue d'œil, alors, en attendant la fin de la déforestation (rêvons), autant aider les animaux. Je demeure triste et dubitative.

Cependant le livre est une mine sur la vie dans son zoo. Récupération des animaux, soins quand ils sont malades, nourriture adaptée et trouvable, reproduction! C'est bourré d'histoires racontées avec feu et cet humour que les fans de Durrell connaissent bien. 

Mon projet : aller visiter ce zoo (et Jersey!) histoire de voir comment c'est conçu.

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