lundi 28 décembre 2020

Sous le ciel des hommes


 Sous le ciel des hommes

Diane Meur

Sabine Wespieser, 2020

Mais où se trouve ce grand-duché d'Eponne? Sa neutralité pluri-séculaire, ses banques, sa tranquillité apparente, son lac, ses fortunes, ses clochers à bulbe... Au centre de l'Europe, nous apprend-on. Soit. En tout cas à frontière commune avec des pays à migrants refusés.

Parmi ceux-là, Semira, qui vivote avec des ménages, en particulier chez Bernard et Sophie. Cette dernière, victime du fameux plafond de verre dans son entreprise, a cependant les dents longues. Un fils, Flavio. Un amant depuis deux ans, Jérôme.

Dans les rues, distribuant des prospectus ou des repas, Ghoûn et Hussein, l'un sans papiers, se débattant avec les incohérences du BIR (chargé des migrants), l'autre accueilli chez Jean-Marc Féron. Ce dernier est un journaliste connu et espère écrire un livre sur son expérience d’accueil. Sonia devra l'aider.

Puis un groupe écrivant un pamphlet dénonçant les maux de la société actuelle. Parmi eux, Jérôme, Sonia, etc.

Cela paraît touffu et compliqué, mais pas du tout! Il faut se laisser porter, et découvrir les liens entre tous les protagonistes. Entre la vie de certains et leurs écrits, aussi. Par exemple comment Sonia éclaire les problèmes familiaux de Jean-Marc.

C'est pour moi une belle découverte, ne pas savoir où cela menait fut un des points forts de ma lecture, ainsi que l'écriture de Diane Meur (le premier chapitre ne déparerait pas Le rivage des Syrtes comme ambiance), et j'ai bien l'intention de continuer à la découvrir.

Des avis : babelio,

lundi 21 décembre 2020

Un garçon sur le pas de la porte


 Un garçon sur le pas de la porte

Redhead by the side of the road

Anne Tyler

Phebus, 2020

Traduit par Cyrielle Ayakatsikas


Voilà une romancière dont j'ai quasi enchaîné les lectures, puisque j'ai déjà fait le tour d'un certain nombre de ses consœurs, auxquelles recourir quand on désire un roman bien écrit, bien construit, avec des personnages qu'on pourrait connaître, sans grands événement tragiques, et avec un poil d'humour et de sensibilité.

Cette fois, Anne Tyler réussit à nous intéresser à Micah Mortimer, un quarantenaire assez éteint, aux routines bien ancrées dans sa semaine (tel jour, ménage de la cuisine, footing tous les jours, etc.). Il rend service aux autres habitants de l'immeuble (d'où logement fourni) et dépanne les problèmes informatiques, car c'est son domaine. Il a depuis deux trois ans une amie, Cass, chacun vit chez soi, et franchement ils n'ont pas trop de points communs. Là aussi c'est tranquille. D'ailleurs Micah s'interroge en se souvenant des femmes qui ont traversé sa vie et sont parties.

Justement une refait surface, mais elle est à la recherche de son fils, qui est apparu 'sur le pas de la porte' de Micah, persuadé que Micah est son père.

Micah va-t-il un jour se secouer et trouver le bonheur (même paisible?)

Voilà un roman qui peut laisser déçu car on attendait des événements différents, des pistes sont là. Mais à y réfléchir, c'est plein de personnages, par exemple les clients ou voisins de Micah, très bien croqués, avec un humour feutré. Mention spéciale pour la famille de Micah et le bazar sympathique qui y règne.

Des avis sur babelio

Dans la foulée ou presque j'ai lu 


La danse du temps

Clock Dance

Anne Tyler

Phebus, 2019

Traduit par Cyrielle Ayakatsikas

On pourrait dire que Willa Drake ressemble à son père, gentil, tranquille, n'aimant pas déranger. On la rencontre en 1967, gamine, alors que sa mère vient pour une n-ième fois de se mettre en boule et filer quelques heures en laissant toute sa famille. En 1977 on sent que son copain fiancé va aussi la convaincre de se plier à ses désirs, à savoir laisser là ses études et l'épouser. Même dans l'avion, elle est sans réaction (drôle d'histoire).

En 1997, pareil, elle n'arrive pas à faire entendre sa voix.

Puis dans la plus longue seconde partie, tout se passe à Baltimore, en quelques jours, année 2017. Willa sait pertinemment que son fils Sean n'est pas le père de Cheryl, mais elle vole quand même au cours de Denise, mère de Cheryl (une gamine vraiment mature et attachante, par ailleurs). Elle ne sait pas dire non, quoi. Cependant ces jours passés dans ce quartier de Baltimore si vivant, si chaleureux, vont la pousser à -enfin- prendre sa vie en mains.

Un roman simple en apparence, qu'on ne lâche pas, et qui a sa jolie petite musique.

Des avis sur babelio dont didi

Puis voici


Le compas de Noé

Noah's Compass

Anne Tyler

Stock, La cosmopolite, 2010

Traduit par Stéphanie Levet

"Depuis toujours, semblait-il, il n'avait entretenu qu'un rapport très indirect avec sa propre vie. Il avait éludé les questions difficiles, évité les conflits, élégamment esquivé l'aventure."

A soixante ans, Liam Pennywell vient de perdre son travail,  il déménage, est agressé par un cambrioleur la première nuit, mais ne s'en souvient pas. Autour de lui virevoltent ses filles, son ex femmes, son petit-fils, et la calme Eunice, qui a vingt ans de moins que lui, n'a rien de bien attractif, mais ils s'entendent bien. Seulement...

Une histoire sans beaucoup de flamboyance, mais dont on ignore où ça va mener!

Avis babelio

image prise site babelio

Leçons de conduite

Breathing lessons

Anne Tyler

Stock, 2011

Traduit par Juliette Hoffenberg



Pour se rendre à l'enterrement du mari de la meilleure amie de Maggie, Ira et Maggie quittent Baltimore durant une journée. Un enterrement vraiment original, où l'on regarde le film tourné lors du mariage, un trajet ponctué de divers incidents, où Ira et Maggie récupèrent au passage, Fiona, leur ex-belle fille, et Leroy leur petite-fille.

 Vingt-huit ans de mariage, un mariage d'amour, entre Ira et Maggie qui se connaissent (trop) bien, se chamaillent et finalement se réconcilient. Même si Maggie, au fil du voyage, a tendance à rappeler ce qu'Ira a fait et dit... Elle veut toujours avoir raison, elle n'est pas méchante, mais j'avoue que si je l'avais eue comme copilote j'aurais craqué...

 C'est Ira qui en parle le mieux : 

"Elle t'a raconté des bobards. Mais c'est son point faible. Elle croit qu’elle peut changer le cours des choses. Elle surestime les gens qu’elle aime.  Alors après, elle est obligée de s'arranger pour que la réalité colle à ses vues."

Hé oui, elle s'illusionne sur son fils Jesse, Ira étant lucide mais parfois un peu direct. La question se pose, faut-il laisser Fiona et Jesse dans leurs illusions? Maggie, elle, n'abandonne pas, on le sent à la fin du roman.

Voilà une histoire bien maîtrisée, entre présent et passé. Ira et Maggie forment un couple qui va sans doute durer encore longtemps, en dépit de leurs divergences, on le sent bien.

Avis de Patrice, babelio,

vendredi 18 décembre 2020

Chimères

image prise sur le site de l'éditeur

 Chimères

 Nuala O'Faolain

My dream of you

Wespieser, 2003

Traduit par Stéphane Camille



Trente ans en arrière, son amoureux de l'époque avait donné à Kathleen de Burca/Burke la photocopie d'un procès de divorce datant des années 1850 en Irlande : une jeune épouse de landlord anglais, Marianne Talbot,  aurait eu une liaison avec son palefrenier irlandais, William Mullan. Ceci juste après la grande famine et la grande vague d'émigration irlandaise. Mais c'est seulement trente ans plus tard, après le décès de son ami et collègue Jimmy, lui aussi rédacteur de compte rendus de voyages, qu'un déclic se fait, et elle part en Irlande, où elle a laissé une partie de sa famille et des souvenirs d'enfance douloureux. Là elle mène ses recherches.

Oscillant entre passé et présent, celui de Katheen et celui de l'Irlande, de façon très fluide, le roman se déroule plaisamment, porté par une écriture précise et imagée. Kathleen est une héroïne complexe et lucide, mais qui peut surprendre. On la quitte en la comprenant un peu mieux. Et que de personnages attachants!

Après le coup de coeur de Best love, Rosie, j'avais tout lu de l'auteur, seul Chimères m'avait échappé.

Des avis : babelio, Papillon (bien sûr! ^_^)

mardi 15 décembre 2020

Retour à Martha's vineyard


 Retour à Martha's vineyard

Chances are...

Richard Russo 

Quai Voltaire, 2020

Traduit par Jean Esch

 

 

Lecture commune lancée par Inganmic, avec aussi Goran, kathel, krol, Miss Sunalee

Le bouquineur présente un autre titre, ainsi que Aifelle, Anne, lilly,

 

Trois vieux amis, trois "Mousquetaires" comme le dit le roman, reviennent en 2015 à Martha's Vineyard passer un peu de temps dans la maison de Lincoln, qui désire - ou pas- la vendre. Lincoln Moser (fils de Wolfang Amadeus)(il m'a fallu du temps pour capter la blague) est agent immobilier, marié à Anita, père et grand père, ça roule pour lui, même si la crise de 2008 le rend prudent. Petit éditeur, sujet à des 'crises', resté célibataire, Teddy s'interroge sur son avenir. Mickey vient en voisin, lui est musicien et appartient à un groupe. Pas vraiment de vie privée calme.

Différents, oui, mais à soixante-six ans, chacun va aimer se replonger dans le passé, parfois heureux, parfois douloureux. En 1969 ils étaient étudiants, ont dû tirer un numéro pour être ou pas envoyé au Vietnam, bossaient durant leurs études, et étaient tous amoureux de Jacy, issue d'un milieu très aisé. 

Un week end de 1971, dans cette maison, ils étaient là tous les quatre, les trois potes et Jacy, officiellement fiancée à une autre type. Et Jacy disparait. Quarante-quatre ans plus tard, la blessure est toujours vive. Que s'est-il exactement passé?

Vous le saurez en lisant ce roman, plutôt doux amer, un peu lent à démarrer, qui vaudra des sourires et aussi de l'émotion. Peu de personnages, on apprend à mieux connaître ces trois là, bien sympathiques, mais pour qui la vie n'a pas forcément été un long fleuve tranquille. Russo comme d'habitude est très fort pour présenter des hommes plus tout jeunes, qui s'interrogent sur leurs choix passés et futurs.

Avis babelio,

samedi 12 décembre 2020

Au puits / Trois roubles

 


Au puits

Scènes de la vie serbe

Laza Lazarevic

Ginkgo, 2020

Traduit du serbe par Alain Cappon


L'auteur (1851-1891) était médecin et auteur de neuf nouvelles. Il a servi pendant la guerre serbo-turque de 1876-1877 et la guerre serbo-bulgare (1885-1886). Il est mort de la tuberculose. Le recueil Au puits présente 5 de ses nouvelles.

Même si comme moi on ne connaît rien de la vie dans les villages serbes de l'époque, souvent marqués par de mauvais souvenirs avec les turcs, pas de problème, quelques notes éclaircissent si besoin est, et je garantis que le charme opère totalement.

Une société apparaissant dominée par les hommes, les anciens, et les religieux, mais ils n'oublient pas d'écouter leur intelligence et leur coeur, quant aux femmes, elles finissent par s'en tirer.

Une jeune fille trop gâtée par son père se marie et ne se plie pas aux règles de sa nouvelle famille (très élargie!). Une famille tirée vers le bas par l'amour des cartes du père. La jeune fille d'un pope déjà vieux qui fait des études et revient au village. Une drôle de nuit assez agitée. Un père qui attend son fils parti à la guerre, et un mari sa femme et son bébé.

Ces nouvelles sont vraiment réussies, bon rythme, un peu d'humour, un peu d'émotion, et on se surprend à se sentir comme chez soi dans cet univers si éloigné temporellement et géographiquement.

Les avis de Passage à l'est

Passons à


Trois roubles

Ivan Bounine

Ginkgo, 2020

Traduit par Anne Flipo Masurel

Préface d'André Makine


Ivan Bounine ( 1870, Voronej, 1953, Paris, oui, l'exil) a reçu le prix Nobel de littérature en 1933, ce qui n'a pas dû plaire en Russie, quittée après la Révolution.

Ces quelques nouvelles, dont certaines écrites dans le sud de la France où il résidait, sont assez intimistes et intemporelles, souvent lyriques et empreintes de nostalgie. Les histoires d'amour ne se terminent pas bien ou sont ratées. 

Nuit en mer est un dialogue entre deux hommes se retrouvant après des années, mais l'on apprend que l'un, fort malade, est parti avec la femme de l'autre. Coup de soleil raconte une rencontre d'une nuit. Trois roubles est étonnant. A découvrir.

Séquence pub: lecteur, tu as un challenge 'romans de pays peu connus ou auteurs peu traduits'? Cet éditeur est là pour toi. Il propose des pépites anciennes. Les deux là coûtent 9 et 8 euros, tu peux donc te lancer.

La Suède : 

Ivar Lo-Johansson : L'autre Paris
Moa Martinson : Femmes et pommiers
Wilhelm Moberg : La femme d'un seul homme

La Russie : 

Boulgakov : Coeur de chien
Leskov: Le gaucher 

Tourgueniev : Moumou

jeudi 10 décembre 2020

Les Oxenberg & les Bernstein


 Les Oxenberg & les Bernstein

America de peste pogrom, 2014

Catalin Mihuleac

Editions noir sur blanc, 2020

Traduit par Marily Le Nir 


Dans les années 1990 les Bernstein se sont lancés dans le commerce de vêtements de seconde main, vintage et cie. Cela leur réussit fort bien, ils envoient des containers partout dans le monde, ciblant leur public selon leurs goûts et leur morphologie. Le père (décédé) de Joe Bernstein est originaire de Roumanie. Ben, fils de Joe, et sa mère Dora, désirant avoir un pied commercial en Roumanie se rendent à Iasi, embauchent Suzy, qui devient l'épouse de Ben. Au fil du temps, Suzy, narratrice d'un chapitre du deux, se révèle très douée pour les affaires.

L'autre chapitre sur deux est consacré à la famille Oxenberg, riche famille bourgeoise de Iasi, mais dans les années 30. Le père est gynécologue, la mère traductrice, les enfants, Lev et Golda, sont prometteurs. Mais insidieusement l'antisémitisme latent se répand, pour arriver au pogrom de Iasi, le 27 juin 1941. Environ 15000 victimes, plus du tiers de la population juive totale de la ville.

La narration culmine forcément avec le récit de cette journée épouvantable (dont j'ignorais tout, je l'avoue), même si l'auteur a su transfigurer l'ambiance dans le wagon où se trouvent certains personnages. Mais les chiffres parlent, et l'on peut trouver plus de détails et des photos sur internet.

Sinon, le parti pris de l'auteur est d'user d'une certaine distance par le biais de l'ironie. C'est efficace, finalement, et je ne dis rien de la fin, qui éclaire certains personnages autrement.

Lecture hautement recommandée.

Les avis de Nicole, Tu vas t'abimer les yeuxbabelio,

lundi 7 décembre 2020

Un crime sans importance


 Un crime sans importance

Irène Frain

Seuil, 2020 

 A l'automne 2018, dans un petit pavillon situé dans une impasse, mais pas loin de rocade et centres commerciaux comme la banlieue parisienne et les périphéries des villes en offrent tant et plus, une femme de 79 ans est agressée et décédera à l'issue de plusieurs semaines de coma. Cette femme, Denise, est la sœur et marraine d'Irène Frain.

L'enquête est longue et tarde à venir entre les mains de la justice. Au bout de longs mois, Irène Frain se décide à demander l'aide d'un avocat, pour tenter de se porter partie civile. Dans cette histoire tragique, elle se heurte au mutisme de la police et de sa famille. 

Elle ne peut qu'évoquer ses souvenirs de Denise, une soeur proche et bien-aimée, un modèle, mais dont elle a dû s'éloigner. Sœur dont elle sait qu’elle lisait et aimait ses livres.

Alors elle écrit, des carnets, puis ce livre.  Sa colère contenue est digne et sincère. Cette mort, advenue à une période où d'autres personnes âgées de la ville ont aussi été agressées (mais ont survécu) est-elle sans importance? Pour Denise, rien ne va vraiment bouger...

Un récit émouvant dont on sort en questionnement. A ce jour, l'affaire n'est pas éclaircie. Le temps judiciaire est long. Mais Irène Frain a pu user de sont talent d'écrivain, avec sobriété.

Les avis d'AifelleAntigone, babelio

jeudi 3 décembre 2020

Le fléau


 Le fléau

De Plaag-Het stille knagen van schrijvers, termiten en Zuid-Africa; 2001

David Van Reybrouck

Babel, 2013

Traduit du néerlandais par  Pierre-Marie Finkelstein

 

Vous avez sans doute déjà eu un livre en mains et su tout de suite que ça allait être un coup de coeur? Pour ce Fléau, c'est en fouinant rayon Récits de voyage d'une de mes biblis (rayon chouchou!) que j'ai repéré couverture, éditeur, brève explication au dos, puis feuilleté, et hop, dans le sac.

L'auteur (inconnu à l'époque de l'emprunt) est belge néerlandophone, et possède plein de casquettes, que l'on découvre au détour des pages. L'idée de départ est celle d'un possible plagiat de Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature, à l'encontre d'un plus obscur auteur sud africain, Eugène Marais. Objet de l'enquête : un ouvrage sur les termites paru dans les années 1920.

Et c'est parti pour un passionnant voyage : Maeterlinck et les mouvements littéraires de son époque, sa vie, son œuvre (je ne connaissais que Pelléas et Mélisande, on ne se refait pas); Marais bien sûr, poète, observateur d'une colonie de babouins au fin fond du veld, accro à diverses substances. Plongeon dans les œuvres de ces deux protagonistes, courriers, articles de journaux, biographies. gros travail de Van Reybrouk, qui s'interroge, oscille d'une certitude à l'autre quant au plagiat. 

Le voyage ne sera pas qu'en chambre : il va séjourner en Afrique du sud tout fraîchement sortie de l'apartheid et de la Commission Vérité et réconciliation. Là aussi fouinant dans les archives, discutant avec toutes sortes d'interlocuteurs (et il y a parfois du lourd dans l'amertume!), n'hésitant pas à expérimenter une drôle de substance (!). Un rappel de la guerre des Boers, une séance de tirs dans la brousse, des réflexions sur l'Afrique du sud actuelle, des informations sur les termites, voilà aussi un aperçu du contenu de ce livre non fiction absolument passionnant et bien mené, qui peut déconcerter (je préviens) car on passe sans efforts d'un sujet à l'autre.

Avis : babelio,

lundi 30 novembre 2020

La marche du mort / Lune comanche

 Vous vous souvenez de la tristesse avec laquelle vous avez dû quitter Augustus McCrae et Woodrow Call à la fin de Lonesome Dove? (prix Pulitzer 1995). Hé bien ensuite l'auteur a écrit La marche du mort et Lune comanche, qui présentent ces deux héros des années avant. Toute cette bonne came se trouve chez Gallmeister. En tout, plus de 1200 pages!


La marche du mort

Dead Man's Walk , 1996

Lonesome Dove : les origines

Larry McMurtry

Gallmeister, 2016

Traduit par Laura Derajinski 

Gus et Call sont vraiment jeunes (des chiots disent leurs collègues) et les voilà engagés comme rangers au Texas, sous les ordres de militaires autoproclamés. Expéditions mal préparées, qui vont bien sûr tourner mal, car le terrain est dur. Ours, pumas, crotales, manque de gibier et d'eau, sécheresse, chaleur, mais aussi froid, neige. Au début, on a chevaux et chariots, puis c'est la débandade, les désertions, les morts, la marche à pied. 

Mais qui habite ces contrées? Quelques fermiers dont le sort est précaire, car le territoire au départ appartient aux cornanches (cruels, malins, intelligents) et on comprend qu'ils n'apprécient pas les blancs. Ensuite ce seront les apaches, toujours aussi peu accueillants. Puis les mexicains ... Puis une léproserie...

Bref, nos deux héros ont de quoi être fatigués en dépit de leur énergie. Quelques figures d'indiens, de rangers, et de femmes, dans ce chouette roman. Ne pas oublier Matty, la putain costaud et vaillante, rêvant d'ouvrir un bordel en Californie, et Lady Carey, dont les thés en plein désert hostile sont si british, Et puis, moi, quand je voyage "à l'ouest du Pecos", je suis partante!

Avis : babelio,

Une quinzaine d'années plus tard, en gros, et un poil avant (puis pendant) la guerre de sécession, voici 


Lune comanche 

Comanche Moon, 1997

Lonesome Dove : l'affrontement

Larry McMurtry

Gallmeister, 2017

Cette fois McCrae et Call sont sous les ordres du capitaine Inish Scull, tentant de protéger la Frontière des Indiens et autres Mexicains. On retrouve le chef comanche Buffalo Hump, qui tente de rendre son lustre à la nation comanche, en attaquant villes et villages, mais il sent qu'une page se tourne, même les bisons ne sont plus là, partis au nord, et les blancs arrivent de plus en plus,  incitant fortement les indiens à s'installer dans des réserves à cultiver du maïs. L'ancien mode de vie guerrier et nomade, et les traditions, disparaissent.

Kicking Wolf revient aussi, l'incontournable voleur de chevaux, qui va réussir à voler la magnifique monture du capitaine, et la proposer au féroce Ahumado, tout au sud. Là où Inish Scull partira, à pied! 

Un tome qui fait la part belle aux indiens, sans oublier Famous Shoes, qui sait lire les traces!

N'oublions pas les personnages déjà rencontrés dans La marche du mort, Clara dont McCrae est amoureux sans espoir, Maggie qui désespère d'épouser Call, et durant quelques pages on découvre Lonesome Dove à ses débuts, et bien évidemment j'ai une forte envie de le relire!

Ne pas être rebuté par la longueur du livre, c'est plus varié que le précédent en lieux et personnages. Les dialogues sont réussis, les personnages, parfois flamboyants ou fous,  sont bien croqués.

Avis : babelio,



jeudi 26 novembre 2020

Sur la route du Danube


Sur la route du Danube
Emmanuel Ruben

Rivages poche, 2020


Dans l'épilogue
"Oui, autant l'avouer, le vrai sujet de ce livre n'est pas le Danube, mais l'Europe."
"Ce livre n'est pas un récit de voyage, c'est un récit d'arpentage."

Ceci étant, l'auteur et son pote Vlad, partis d'Odessa, récupèrent le delta du Danube et tentent le mieux possible de coller au Danube pour le remonter jusqu'à sa source. Des milliers de kilomètres à vélo (je précise qu'ils sont déjà aguerris), avec une étape plus longue à Novi Sad (Serbie). Une équipée ponctuée de rencontres, parfois de galères, aussi de retrouvailles, de visites, de considérations sur l'Europe, son passé, particulièrement la guerre civile dans l'ex Yougoslavie et  la seconde guerre mondiale, son présent, avec l'évolution de certain pays, la Hongrie et son chef d'état. On y découvre aussi le passé plus lointain, avec ces empires ottomans ou autres s'étendant fort loin, là où actuellement on se sent parfaitement en Europe. Passé parfois gommé, parfois retrouvé. Tous ces mélanges de populations, de langues, surtout dans la partie la plus orientale de leur périple, nostalgie d’une certaine époque...
La littérature n'est pas oubliée, et c'est l'occasion de découvrir ou redécouvrir des auteurs.
Je terminerai en disant que ce livre est bien écrit (ce n'est pas juste du 'aujourd'hui on a vu ça', etc.) et je le recommande! S'il paraît épais, après tout, il y a possibilité de s'intéresser juste à quelques étapes, mais ce serait dommage.

Avis babelio,

lundi 23 novembre 2020

L'équation de plein été


 L'équation de plein été

Keigo Higashino

Actes sud, 2014

Traduit par Sophie Refle


A la fin de mon billet sur Le dévouement du suspect X, j'avais écrit : "A part ça, j'ai trouvé quelques longueurs, une raideur et une froideur qui m'ont empêchée de m'intéresser vraiment aux personnages. J'avoue aussi ne pas être convaincue par la façon dont Ishigani a agi pour embrouiller la police. Un peu tordu. Et j'ai passé mon temps à mélanger les noms..."

Cependant, après Les miracles du bazar Namiya, mon opinion sur Higashino est remontée d'un poil et j'ai voulu tester un autre titre policier. Je savais déjà que Kusanagi  le policier et Yukawa le physicien sont des personnages récurrents, je n'ai donc pas gaspillé mon énergie à trouver Yukawa suspect dans ses paroles et ses actes. Il s'est contenté de m'agacer avec sa brusquerie à l'égard de certains personnages (quitte à s'excuser après auprès d'eux), sa façon d'en deviner plus sans rien dévoiler. Cependant il sait faire preuve de pédagogie et de gentillesse avec le jeune Kyohei.

Et l'histoire? Ah oui, à Hari plage, petite station balnéaire en perte de vitesse, un client de l'auberge où est descendu Yukawa est retrouvé mort. Accident? Assassinat? 

L'enquête se mène à la fois à Tokyo (une vieille affaire ressurgit) et à Hari plage. Kusanagi à Tokyo court beaucoup et il n'hésite pas à envoyer sa jeune collègue un peu partout sans crier gare (à un moment il la débarque de sa voiture!) (collègue plutôt douée mais le machisme m'a l'air prégnant dans ce milieu, sans parler de la façon de tenir parfois à l'écart la police de Hari plage, bref)

Je ne connais pas le Japon, mais je trouve que le rythme est lent, on passe beaucoup de temps à raconter les saluts, on s'incline, on s'excuse d'avoir dit une parole vive, on se présente (et tous les noms souvent inutiles, ça embrouille), on mange pas mal (et chaque fois c'est "délicieux"), bref, des longueurs. J'ai eu du mal à m'intéresser aux personnages, sauf un.

Quand Yukawa explique comment calculer la somme des angles d'un polygone, mon intérêt s'est éveillé! De toute façon j'ai vraiment aimé le petit Kyohei, hélas doté de parents ne prenant pas le temps de bien s'en occuper, et pour lui on trouve une jolie fin ouverte et délicate.

Avis : babelio, a girl, brize, alex, dasola?

jeudi 19 novembre 2020

Ermites dans la taïga

 Ermites dans la taïga
Vassili Peskov
Actes sud, 1992
Traduit par Yves Gauthier

J'ignore pourquoi ce titre m'est revenu en mémoire, au point de l'emprunter (et directement à la bibliothèque, sans qu'il soit au 'magasin'!)(avec des commentaires au crayon, et des mots en russe), ah si peut-être une émission à la radio, parlant d'une 'suite'? (je-la-veux)(chez Babel, paru en 2013, titré Des nouvelles d'Agafia, ermite dans la taïga)


En attendant, voici l'histoire incroyable:
S'imaginer le fin fond de la Sibérie (du sud, mais quand même...). Là, en 1978 furent 'découverts' les Lykov, le père, deux fils, deux filles, vivant dans des isbas isolées, depuis des décennies. Coupés de la civilisation, et vivant selon les rites des vieux-croyants. Un schisme datant de trois siècles.


"Les Lykov appartiennent à une confrérie de sans-prêtres gouvernée par le principe de l'auto-exclusion. Depuis Pierre cela impliquait le refus du tsar, des lois gouvernementales, de l'argent, du service militaire, des passeports et de tous les papiers officiels. Pour observer ce principe, il fallait se cacher et vivre sans contact avec le monde. Dans un pays aux espaces aussi vastes, c'était réalisable." 


Vassili Peskov est journaliste, et, mis au courant de l'existence des ces gens, il leur rend visite régulièrement, accompagnant une équipe de géologues. Petit à petit  l'on découvre comment ils vivent, leurs réactions face à notre monde. La plus jeune fille, née en 1944, reste seule, refusant de quitter son coin pour aller vivre dans le 'siècle'.
C'est absolument passionnant, les Lykov sont fidèles à leurs valeurs, et les gens de l'extérieur ont un comportement d'aide respectueuse. Agafia est une personne qui évolue, et fort attachante.


Avis chez babelio, ceux de Patrice, Agnès (qui a lu la suite aussi), Le bouquineur, Lilly, FondantGrignote
Voici le tableau de Sourikov (galerie Tretiakov, Moscou) où l'on voit la boyarde Morozova partant en exil, faisant le signe de croix avec deux doigts, comme les vieux croyants.


Par Vassili Sourikov — Vasily Surikov, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=138991


lundi 16 novembre 2020

Miroir de nos peines


Miroir de nos peines 

Pierre Lemaître

Albin Michel, 2020


Bon, tout le monde ou presque a lu ce roman ou en a entendu parler. Il peut se lire complètement indépendamment des deux précédents de la série. On retrouve Louise,  fillette croisée à la fin de Au revoir là-haut. A la suite de révélations sur sa mère, elle se lance sur les routes de l'exode en juin 1940. Par ailleurs Gabriel et Raoul, après une 'drôle de guerre' à l'est de la France, se retrouvent aussi du côté de la Loire. Et qu'en sera-t-il de Désiré? Le lecteur, habitué au côté feuilleton (dans le bon sens du terme) sait que tout le monde va se retrouver, et le cheminement est un vrai bonheur.

Voici donc un récit passionnant, haletant, des événements de juin 1940, et j'avoue qu'en dépit des drames vécus c'est drôle, ou disons caustique. Mention spéciale pour Désiré, une chouette idée de personnage... Son boulot de propagande et ses diverses reconversions sont un régal.

"Un immense cortège funèbre, pensa Louise, devenu l'accablant miroir de nos peines et de nos défaites."

Avis babelio

jeudi 12 novembre 2020

Les mémoires d'un chat


 Les mémoires d'un chat

Hiro Harikawa

Actes sud, 2019

Traduit par Jean-Louis de la Couronne


Mais quelle surprise! Au départ je voulais juste un livre sympa avec un chat, histoire de me reposer de lectures plus denses et violentes. Le gnangnan potentiel ne me gênait pas a priori, et dès le début Nana, chat errant à fort caractère et plein d'humour a conquis mon coeur, ainsi que celui de Satoru, jeune japonais gaga de chats, et ayant dû, gamin, se séparer de Hachi.

Pendant 5 ans, tout roule! Alors pourquoi Satoru part-il dans son monospace blanc à la rencontre d'adoptants potentiels pour Nana? C'est l'occasion pour lui de renouer avec des amis d'enfance puis d'adolescence, mais -on le comprend vite- aucun de ses trois amis ne pourra garder Nana, avec à chaque fois une belle histoire du passé et du présent, délicate et fine. L'amitié entre eux est parfois complexe. Les paysages japonais sont bien évoqués. Les traditions anciennes  aussi.

Le roman a donc pris une coloration plus sérieuse et j'avoue que la fin m'a bouleversée.

Les amoureux des chats (et les autres) apprécieront ce fort joli roman.

Avis : babelio, Géraldine (!) , pativore,

lundi 9 novembre 2020

Histoires de la nuit


 Histoires de la nuit

Laurent Mauvignier

Minuit, 2020

 Avis : babelio


Au fin fond du fin fond de la campagne, c'est le hameau de l’Écart des Trois filles seules, avec trois maisons, une à vendre, une où habite Christine, peintre sexagénaire ayant choisi cet isolement après une vie parisienne plus en paillettes, et la ferme de Patrice Berdogne, sa femme Marion, qui travaille à l'imprimerie d'une ville proche, et leur fille Ida, une dizaine d'années, scolarisée avec des petits voisins dans une école de campagne et profitant du car scolaire.

Bref, c'est tranquille, rural, on ne ferme pas la grille de la cour commune, Christine accueille Ida pour le goûter après l'école, elle et Marion ne s'apprécient pas plus que ça, mais sans en faire un fromage.

Au début, donc, rien à signaler, juste des lettres anonymes visant Christine, qui dépose plainte, mais quoi de plus? La vie de la ferme est dure, beaucoup de travail pour peu d'argent, Marion connaît un milieu de travail assez macho et n'accorde plus trop d'attention à son mari. Mais pour ses quarante ans, la fête se prépare, mari, fille, voisine, copines, tout pour espérer une soirée différente et festive.

Différente, elle le sera. Festive, pas du tout. Débarquent trois frères, en direct du passé, et ça vire au thriller!

Bon, on en est au tiers, cela suffit pour l'arrière plan. D'ailleurs l'intérêt du roman est dans son écriture, précise, lente, jouant avec les nerfs, sa plongée dans les têtes des personnages, le découpage et la construction implacables, la tension en crescendo, les détails distillés petit à petit, la compréhension qui s'installe.

Mauvignier a étudié les beaux Arts à Tours, et cela se sent dans les pages consacrées au travail pictural de Christine.

Ai-je aimé ou pas? Disons que se sentir dans une machine en cours d'essorage n'est pas toujours agréable, j'évite plutôt les lectures trop noires, et une plongée dans le rural ordinaire m'aurait suffi. Mais c'est fichtrement bien construit et analysé, quel que soit le personnage. 

Cependant, si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi les lettres anonymes? Détourner l'attention du lecteur le plus longtemps possible? On devine pourtant vite ce qui attire ces frères.

Des avis : Babelio, tombé des mains pour alex, pas terminé pour choup y'a de la joie,

jeudi 5 novembre 2020

Laisse aller ton serviteur


 Laisse aller ton serviteur

Simon Berger

Editions Corti, 2019


En 1705, Jean Sébastien Bach a 20 ans, il est organiste à Arnstadt, et doit se plier aux règles édictées par le Consistoire local, dont il est finalement un simple employé. En plein hiver, le voilà qui demande un congé, on lui octroie un mois, en fait il reviendra quatre mois plus tard, et sa musique aura évolué.

Que s'est-il passé? Il vient de découvrir une œuvre de Dietrich Buxtehude, datant de 1680, Membra Jesu nostri, (une interprétation ici ) , sept cantates qui le bouleversent totalement. Le voilà qui part à Lübeck, parcourant à pied les quatre cents kilomètres. Où il écoute l’œuvre lors d'Abendmusik, et demeure quelque temps chez le maître. Sur le même sujet, lire La rencontre de Lübeck, du musicologue Gilles Cantagrel, LE spécialiste de Bach, ou écouter cette émission. En fait on sait seulement que Bach a fait ce voyage et rencontré Buxtehude, on ne connaît pas la teneur de leurs conversations mais on peut savoir comment sa musique a été transformée.

Alors? Ces cent pages forment un véritable petit bijou. Et ce n'est pas (uniquement) parce que Bach en est le personnage principal. L'auteur utilise parfois des tournures désuètes, ou bien modernes, et ce n'est que du bonheur. Bach, humble homme de foi, vit aussi pour la musique. Un livre baigné de joie et de lumière, et non dénué d'humour.

Un titre tiré visiblement du cantique de Siméon (Nunc dimittis) et pages 80-81 des fortes résonances d'un psaume, "au bord de l'Elbe ombragée, Bach s'assit et pleura" "pas même n'avait-il la moindre petite harpe  à accrocher aux branchages des arbres du bord de l'Elbe" [on peut s'étonner d'ombrages en plein hiver, mais baste, licence poétique]

Cette œuvre de Buxtehude n'avait pas l'air d'être appréciée du consistoire :

"'Je compte sur votre silence. Nous ne souhaitons pas que cette pièce imprime son style de fois à la foi de nos fidèles. Souvenez-vous tout de même, Herr Bach, que c'est écrit en latin...'

Et il disait cela à l'homme qui écrirait la messe en si." 

En mémoire de Buxtehude (en tout cas pour des funérailles), Bach écrivit une cantate, la BWV 106.

 Et sans étonnement je découvre le billet de Dominique , elle propose la même video (René Jacobs, ce n'est pas l'équipe B!) et use du même mot 'bijou'. Sans se concerter, bien sûr.

Oui, Aifelle, tu peux y aller!

lundi 2 novembre 2020

L'imitation du bonheur / La désincarnation

L'imitation du bonheur
Jean Rouaud

Gallimard, 2005


Tiens tiens, un livre de Jean Rouaud indiqué comme roman, sortirions-nous, en même temps que des éditions de minuit, de sa veine autobiographique?

"J'avais jusqu'à maintenant régulièrement repoussé les prétendants à ce périple romanesque, leur expliquant qu'avoir accueilli une tante Marie dans mes ouvrages ne m'obligeait pas à m'intéresser à toutes les cousines Bette, qu'avoir respiré les gaz de combat au cours du premier conflit mondial ne faisait pas de moi le porte-parole des anciens combattants, et que l'évocation pluvieuse de ma terre d'enfance renvoyait moins à la Loire -Inférieure qu'aux petits hommes vêtus d'un manteau de paille courant sous l'averse dans une estampe japonaise."
Toujours prompt à blaguer sur lui et à se moquer gentiment des reproches qu'on lui fait.

Bref, nous sommes en 1871, aux alentours du Puy, en train puis en diligence, admirant Constance Monastier, la "plus belle ornithologue du monde". Épouse d'un soyeux des Cévennes, maman de Louis qu’elle vient de visiter à son école à Versailles; elle a tout d'une bourgeoise bien intégrée. Pourtant son enfance, quoique heureuse, fut courte, et son adolescence et sa vie de femme mariée franchement lourdes à vivre.
Survient un inconnu. Octave, ayant fui Paris où il a participé à la Commune, blessé, affamé. Tilt entre Constance et Octave. Au départ elle ne veut que le secourir, laissant ses horribles compagnons de diligence, pas du tout épargnés par Rouaud, un vrai bonheur! mais bien sûr ça va évoluer. Et moi qui suis restée agacée par Les Hauts de Hurlevent, là j'ai marché à fond dans cette histoire romantique. Hé oui, contée par Rouaud, toute histoire est magnifiée.

[Ne l'imite pas, le Jean, et dis-le carrément : cette lecture est un immense coup de coeur dont les 600 pages se dévorent au galop!]

Voilà, c'est dit. Mais fichtre, au début, où allait-il? (oui, au Puy, en train). Alors que venaient faire Schlieman? La schlitte? Buffalo Bill? Et surtout Isabella Bird et Mountain Jim (Une anglaise au far west est paru chez Payot). Et Hudson, déjà repéré grâce à Theroux,  avec Le vent de la pampa et Un flâneur en Patagonie (ouvrages sur lesquels je me suis jetée en librairie après le confinement)(Payot toujours). Avec préfaces de Michel Le Bris, que Rouaud couvre de louanges. Le Bris refusa de rééditer certains carnets d'Octave... Oui, Octave.

Alors là je dois l'avouer, je suis quelqu'un qui me laisse facilement rouler, surtout si c'est bien fait (et là, ça l'est). Ces fameux carnets, dont il possède un exemplaire et qu'il cite  de temps en temps, pure invention? pas la Commune, quand même? Non, et là c'est raconté avec souffle, on y est! Trente mille morts? Eugène Varlin, oui, le héros de l'auteur, qui prend fait et cause pour la commune (sans nier quelques dérives de certains). Et La reine de Saba, de Maxime Dumesnil? Hé non, et il existe même des gens pour décortiquer (savamment?) tout ça, dans Un retour des normes romanesques.

Parce que oui, Rouaud en profite pour parler du roman, tacler Zola, dire son admiration pour Chateaubriand et Proust, encore en gestation en 1871. Expliquer à Constance, à laquelle il s'adresse constamment en la vouvoyant, ce qu'est le cinéma, digresser sur les premiers films, raconter certains grands films du 20ème siècle, imaginer le tournage de l'aventure de Constance, etc.

Alors moi je m'en fiche qu'il digresse (600 pages passionnantes pour une histoire romanesque, finalement) et invente, mais quel souffle, quel roman maîtrisé!

Les avis de : marques-pages, qui m'a l'air d'être un fan total de l'auteur!,

Comme, on l'aura compris, je suis fan aussi et les enchaîne quasiment, je regroupe, surtout que là il y a des idées qui reviennent (pas une prequel, quand même? )


La désincarnation
Jean Rouaud

Gallimard, 2001

Heureux lecteurs de l'Humanité, qui de 1999 à 2001 purent lire ces textes, sous le titre de Atelier littéraire!
Flaubert montrant à ses deux amis, surtout connus pour être ses amis, la postérité est dure, sa tentation de Saint Antoine, et s'attirant leur conseil de laisser tomber, de 'faire du Balzac'. Pauvre Flaubert, tiraillé entre lyrisme et réalisme. Mais ça, c'est avant Madame Bovary.
Rouaud s'amuse bien avec ceux-là, puis part au grand siècle, Molière, Corneille, le théâtre, la place des bien nés et des autres, revoilà ses idées sur la photographie, le roman, on termine sur la représentation du Christ par les artistes au fil du temps, et pointe son nez Bernadette dans sa grotte, qu'on retrouvera dans un ouvrage postérieur (L'invention de l'auteur).

Cathédrale de Borgo, La Résurrection de Piero della Francesca (lien ici)

"C'est un sacré gaillard qui sort de la mort. Droit comme un i, l'air désinvolte, l'avant-bras gauche en appui sur le genou de la jambe pliée dont le pied repose sur le bord du tombeau dans la pose du chasseur piétinant son trophée, la main droite serrant fermement la hampe d'un drapeau blanc frappé de la croix, un guerrier, vainqueur de la mort, légère incision au flanc, trous d'épingles sur le dos des mains et des pieds, vagues souvenirs de l'affrontement, un corps d'athlète, éclatant de santé, pas secoué une seconde par le traitement qu'on lui a fait subir.(etc. p 107 et 108)

Tout du long les neurones jubilent, c'est impossible à rendre compte, on s'en moque.

Avis babelio,

jeudi 29 octobre 2020

Je te suivrai en Sibérie


 Je te suivrai en Sibérie

Irène Frain

Paulsen, 2019

 

Dans un coin de ma tête git le souvenir du Musée des Décembristes à Irkoutsk  et j’imaginais déjà l'héroïne de Je te suivrai en Sibérie dans un tel décor. Tout faux, je crois qu'elle n'y a pas mis les pieds, dans cette demeure.

Mais l'histoire narrée par Irène Frain, sur la base de documents, y compris les souvenirs de Pauline écrits par sa fille Olga, se lit comme un roman et est vraiment incroyable! Et pourtant...

Une petite française sous la coupe d'une mère intraitable et égoïste, qui s'en affranchit et part en Russie comme vendeuse de mode. Ce sont les années 1820, elle rencontre un bel aristocrate russe, et bingo! Mais Ivan fait partie d'un complot contre le tsar, et bien des survivants seront déportés en Sibérie. La-bas, au delà du lac Baïkal, sans espoir de retour. 

Pauline remue ciel et terre pour retrouve Ivan là-bas, ils se marieront et auront plein d'enfants. Sept autres épouses de conjurés y seront aussi, pour certaines ayant dû laisser un enfant derrière elles, comme Pauline. Il en a fallu du courage, de l'abnégation, de la passion, de la ténacité! Pour des dizaines d'années, d'ailleurs.

Oubliez le musée en haut de billet, là-bas c'étaient des cabanes, une vie dure, et le froid, terrible!

 Joliment écrit, sans tralala romantique. N'ayant pas hésité à se rendre sur place (merci le Transsibérien) Irène Frain se base sur les documents, met parfois son grain de sel en donnant son opinion, mais quand elle ne sait pas, elle n'invente pas. Car Pauline n'a pas tout raconté, bien sûr. On sait cependant qu'elle garde une dent contre Dumas, qui a écrit son histoire, très très romancée voire fausse.

 Avis : babelio, Dominique,



lundi 26 octobre 2020

Dans la toile du temps


 Dans la toile du temps

Children of time

Adrian Tchaikovsky

Denoël, 2018

Traduit par Henry-Luc Planchat


Je sens que ce roman va soulever quelques problèmes. D'abord, c'est de la SF (genre space opera je crois), il compte près de 600 pages (ok il n'est pas le seul) et surtout surtout, il fait la part belle à des bestioles considérées (à tort) comme pas sympathiques voire effrayantes (donc pas de mignons chatons).

Mais je confirme que tout peut très bien se passer, la preuve, A girl (son billet) m'a entraînée dans l'aventure, et ces bestioles là, elle n'aime pas.

Donc, dans un futur lointain, dans un espace lointain, quand les hommes ont bien fichu en l'air la planète Terre, se sont bien disputés et entretués, reste en orbite autour du monde de Kern un module abritant la docteure Kern et une intelligence artificielle, Eliza; l'idée de départ étant de terraformer une planète (c'est réussi, elle est verte, boisée, adaptée aux humains) et d'y envoyer des singes qui petit à petit, grâce à un virus, s'élèveraient vers plus d'humanité (mais pas trop quand même).

Bien évidemment il y a eu du raté, les singes sont morts avant, et c'est une autre espèce qui va bénéficier d'une jolie évolution physique, scientifique et sociale. Jusqu'à étendre sa domination sur toute la planète.

Tout cela se déroule sur des décennies voire des siècles (ça reste flou), et pendant ce temps le Gilgamesh, gros vaisseau transportant des humains dont la plupart en hibernation, s'intéresse à la jolie planète accueillante (croient-ils), mais la docteure Kern dit niet pas question d'intervenir dans MON expérience sur MA planète, et filez plus loin. Hélas, rien ne se présente, et le Gilgamesh revient, en piteux état, n'ayant plus le choix : il lui faut cette planète sinon, fini les humains.

On s'attend donc à une confrontation entre eux et la fameuse espèce sur la planète. Tadam!

Mon avis : Il faut vraiment arriver loin dans le roman pour que ça castagne, mais ce n'est pas grave du tout. Les chapitres alternent entre Gilgamesh et monde de Kern, j'avoue que côté Gilgamesh c'est assez répétitif, des problèmes à résoudre, avec deux personnages qui ressortent du lot, un linguiste et une scientifique, mais pfff ces humains ne sont pas aussi sympathiques que l'espèce sur la planète, qui, elle, résout aussi des problèmes. On s'attache à Porta, Bianca et Fabian (des noms génériques puisque pas d'hibernation). Ces bestioles (assez grosses au fil de l'évolution du roman) sont fort attachantes (dixit a girl)(et ce n'est pas qu'un jeu de mots). On se surprend à bien les aimer. De plus, l'auteur a vraiment inventé une façon crédible de considérer leurs avancées scientifiques et même des croyances religieuses. C'est à mon goût le plus intéressant du roman. J'ai aussi apprécié cette société où les femelles dirigent tout (les mâles n'ont qu'à bien se tenir ; mais justement ça change, aussi), et c'est intéressant de réaliser l'inversion de nos habitudes (passées, si?)

Quant à la fin, elle est chouette.

Avis babelio ,

jeudi 22 octobre 2020

L'anomalie


 L'anomalie

Hervé Le Tellier

Gallimard, 2020 


Après avoir écouté l'auteur à la radio, et même s'il entrait un peu dans les détails, j'ai absolument voulu lire ce roman! Et là je vous assure que je me suis régalée, je n'ai sans doute pas tout compris dans les théories explicatives, mais croyez-moi : des OLNI pareils, on en découvre fort peu dans une vie de lecteur, et j'ai parfaitement senti que l'auteur a été le premier à beaucoup s’amuser (et pas le seul, heureusement).

D'accord, il est membre de l'OULIPO, participait au regretté Des papous dans la tête, mais ne pas crier à l'intello expérimental et compliqué, non, ce livre est un pur bonheur. Il est sur la liste de plusieurs prix, mais je suis prête à penser que les jurés n'auront pas le culot ou le bon goût de le primer. Pas grave, foncez!

"Tous les vols sereins se ressemblent. Chaque vol turbulent l'est à sa façon." [vous avez là un exemple des clins d'oeil au lecteur, j'en ai repéré quelques-uns, et sans doute en ai-je raté, peu importe, le roman se lit aussi comme un roman].

Il faut dire que les passagers (et l'équipage) du vol AF006 Paris-New-York ne sont pas près d'oublier les turbulences de ce 10 mars 2021! Parmi eux, un redoutable tueur à gages, une avocate, une mère et ses deux enfants, un architecte et la femme qu'il cherche à retenir, un écrivain sans grands succès, Victor Miesel.

Ce Victor est l'auteur d'un roman intitulé L'anomalie (ha bon?) et pense à un autre."Comme titre il a pensé à Si par une nuit d'hiver deux cent quarante-trois voyageurs (non, dit son éditrice). (...) Il n'a retenu que onze personnages.(...) Il a attaqué le roman avec un pastiche à la Mickey Spillane." Miesel double de Le Tellier? Mise en abyme?

En tout cas ces personnages sont bien présentés, on ne s'y perd pas, et Le Tellier, en plus de Mickey Spillane (c'est lui qui le dit), n'hésite pas à proposer d'autres narrations, des dialogues, etc. , je n'ai sans doute pas tout vu là non plus, et encore une fois peu importe.

Bon, alors, que se passe-t-il pour ces passagers? De l'inattendu, de l'incroyable, avec trois hypothèses où plancheront des grosses têtes, qui feront se gratter la tête (ah oui, mais, au fait, est-ce que?) au lecteur passablement inquiet. 

Autour de ces passagers, on croisera deux scientifiques, ayant pondu le protocole 42 (oui, oui, 42), de gros légumes, et de vrais présidents. "Le président américain reste bouche ouverte, présentant une forte ressemblance avec un gros mérou à perruque blonde." Le notre, de président, sur son collègue "Ce type répète ses discours? Il m'a l'air en roue libre tout le temps." et son conseiller scientifique est un matheux pour une fois sans lavallière mais avec araignée d'agent. Le directeur du contre-espionnage français s’appelle Mélois (l'auteur s'amuse, oui).

Encore quelques trucs au passage (on les voit ou pas, peu importe) : "La première fois qu'Adrien avait vu Meredith, il l'avait trouvée franchement laide." "André ne pouvait détourner son regard d'elle, tant elle était 'son genre' "

On a donc un roman passionnant, amusant, émouvant, sarcastique, maîtrisé, qui adresse à la fois au cerveau et au coeur du lecteur. Avec tous ces personnages, on a chaque fois une histoire connaissant une conclusion pour le moment. Et je ne parle pas de la fin...

Avis : babelio, Antigone, Joëlle,


lundi 19 octobre 2020

Nickel Boys


 Nickel Boys

Colson Whitehead

Albin Michel, 2020

Traduit par Charles Recoursé


Nickel Boys est l'exemple parfait du roman dont on a tellement entendu parler (même le Masque et la Plume) qu'on a l'impression qu'il n'en reste pas grand chose à découvrir. Comment retrouver le plaisir de la pure découverte? Hé bien : si!

Dans les années 60, dans un sud où mieux vaut regarder où on met les pieds quand on est noir (ah bon, de nos jours encore?) , le jeune Elwood Curtis est élevé par sa grand mère, travaille pour ensuite payer ses études, et se révèle bon élève, au point de pouvoir intégrer une université.

Las! Il se retrouve dans une sordide maison de correction, inspirée à l'auteur par la Dozier school for boys, à Marianna, en Floride. La lecture des articles parus à l'époque de la découverte des faits, dans les années 2010, fait froid dans le dos. Colson Whitehead n'a hélas rien inventé. On peut même dire qu'il est resté clairement allusif, sans ajouter de détails insoutenables. Il a cependant imaginé les personnalités de ses personnages, surtout Elwood et son ami Turner, et a utilisé un découpage efficace présent/passé/présent. Le Masque et la Plume, sans tout révéler, avait quand même déjà annoncé quelque chose.

On ressort de cette lecture quand même assez lessivé, même si on avait déjà entendu parler de ces histoires de livres scolaires refilés aux écoles noires et cette piscine rendue inutilisable. Quand à la maison de redressement (ouverte aux blancs et aux noirs, mais séparés!), ça allait franchement loin dans l'horreur.

Tout de même il y a un peu d'humour dans cette narration, j'ai bien aimé Jaimie, papa noir, mère mexicaine, qui allait d'une partie à l'autre du centre, parfois trop foncé, parfois trop clair, et qui spectateur du combat de boxe se réjouissait que de toute façon "quoiqu'il arrive, je peux pas perdre".

Tellement d'avis (babelio)

jeudi 15 octobre 2020

L'homme en rouge


 L'homme en rouge

The man in the red coat

Julian Barnes

Mercure de France, 2020

Traduit par Jean-Pierre Aoustin


"Un artiste peint une ressemblance, ou une version, ou une interprétation, qui célèbre un sujet vivant, évoque son souvenir après sa mort, et peut éveiller la curiosité de ceux qui le voient des siècles après. Cela paraît simple, et l'est parfois. Je me suis intéressé au docteur Pozzi en découvrant son portrait par John Sargent, je suis devenu curieux de sa vie et de son œuvre, j'ai écrit ce livre, et je vois toujours dans cette image une réelle et vive ressemblance."

Voilà comment Julian Barnes, francophile et je pense francophone s'est lancé dans une biographie à son idée du docteur Pozzi. Comme vous sans doute, j'ignorais son nom, alors que, comme le dit Barnes avec malice, il était partout, entre les deux guerres 70-71 et 14-18, fréquentant le beau monde, le soignant souvent. Sa spécialité, la gynécologie, qu'il a contribué à faire évoluer (et il y avait du boulot!). 

Barnes en profite, avec souvent un humour british, pour parler de la Belle Epoque (pas belle pour tout le monde, mais bref), en particulier de Polignac et Montesquiou. Ce dernier paraît-il reconnaissable dans des romans, Huysmans et Proust particulièrement, A rebours étant étonnamment inspiré par lui, et évoqué lors du procès de Wilde. Pozzi fut le médecin, l'amant et l'ami fidèle de Sarah Bernhard. On croise donc bien des auteurs, des journalistes, du grand monde, dans cette biographie érudite sans excès, aux fils conducteurs assez lâches, et passionnante de bout en bout.

Sa vie familiale ne fut pas une réussite, mais sa vie professionnelle, si. Il fut amené à soigner des victimes de duels ou de tirs au pistolet, l'époque semblant en France vraiment favorable à ces activités déplorables et criminelles (et pour des raisons futiles, souvent).

J'ajouterai que des reproductions de tableaux et de vignettes ' Félix Potin' illustrent ce livre soigné.

Des avis sur babelio,


lundi 12 octobre 2020

Les Lettres d'Esther


 Les Lettres d'Esther

Cécile Pivot

Calmann Levy, 2020

L'auteur est la fille de qui vous savez, mais heureusement Les Lettres d'Esther est un ouvrage de fiction, qui ne cherche pas à régler un compte ou honorer un proche. Mon impression assez rapidement : bonne pioche!

Très liée avec son père avec qui elle entretenait une vraie correspondance avant sa mort, Esther est libraire à Lille, et lance l'idée d'un atelier d'écriture : il faudra écrire des lettres à au moins deux personnes inscrites, durant une période donnée. Elle-même participera, donnant des conseils, et recevra un exemplaire de chaque courrier.

Un couple, Nicolas et Juliette, est dans la tourmente à cause de la dépression post-partum de Juliette (on en apprend beaucoup!), Samuel est un tout jeune homme qui a lâché ses études, après le décès de son frère julien lui et ses parents ont du mal à communiquer, Jeanne, la soixantaine, mène dans son coin de campagne un combat contre le mal-être animal et l'enlaidissement des villages, Jean est un homme d'affaires très aisé, toujours en déplacement aux quatre coins du monde.

Au fil des échanges épistolaires, parfois agités, mais toujours urbains, se dessinent les personnalités, les évolutions, jusqu'à une très jolie fin. C'est un roman vraiment agréable à lire, les personnages (même Jean) sont attachants, humains, et j'avoue que j'aurais bien cheminé encore un peu avec eux.

Les avis de LewerenzEve, Didi,

jeudi 8 octobre 2020

Petit traité d'écologie sauvage

Je parle d'une trilogie, lue dans le désordre (mais ce n'est pas grave), dans la dépendance des lecteurs de la médiathèque!

Petit traité d'écologie sauvage t 2
La cosmologie du futur
Alessandro Pignocchi

Steinkis, 2018

D'abord grand merci au squatteur chez Dasola qui m'a permis de découvrir ces pépites. En gros on est dans la veine Fabcaro pour l'absurde et la critique. Sur le blog Puntish, vous aurez une idée.

Dessins à l'aquarelle, et à première vue les mêmes reviennent, mais ce sont les dialogues qui font avancer l'affaire. D'ailleurs Proust explique dans la dernière partie l'avantage du processus.
Quoi, Proust? Oui, avant de partir chez les Jivaros.
Quoi, les Jivaros? Oui, là où notre président (oui, lui) séjourne et découvre. Un anthropologue Jivaro, par ailleurs, étudie la population de Bois-le-roi, et bien entendu est à côté de la plaque dans ses déductions.
Ajoutons des mésanges un poil éco terroristes (et amateurs de drogues), des hommes et femmes politiques vraiment fatigués, des réflexions sur nature et culture, et franchement, c'est à découvrir!

Des avis chez babelio


Petit traité d'écologie sauvage t 3

Mythopoïèse 

Alessandro Pignocchi

Steinkis, 2020


Où l'on retrouve E Macron, D Trump et A Merkel comme on ne les connaît pas (ou alors ils cachent bien leur jeu), le Jivaro toujours en étude de ce qui reste de notre civilisation, et les inénarrables mésanges ("Vous étiez vraiment obligés de brûler l'Elysée? C'était un beau bâtiment. - C'est les pinsons. Ils étaient incontrôlables, on n'a rien pu faire.")


Des avis sur babelio

Et pour terminer, le t1 !


Petit traité d'écologie sauvage

Alessandro Pignocchi

Steinkis 2017 

Finalement j'aurais mieux fait de commencer par le t1, ç'aurait été plus clair de comprendre ce que voulait l'auteur.

"Dans cette bande dessinée, j'ai voulu prolonger ce mouvement de mise à distance en imaginant à quoi ressemblerait le monde si l'on empruntait quelques outils de composition aux Jivaros. Le résultat est absurde. Mais l'est-il beaucoup plus que le monde que nous sommes en train de composer?"

Je ne vais pas détailler ce qu'il entend par 'composer', ni ce qu'il connaît des Jivaros, mais la postface est vraiment intéressante. "Pourquoi agrandir ses jardins quand ceux que l'on a suffisent largement à nous nourrir? Pourquoi se lancer dans l'élevage alors que la chasse est une activité autrement plus ludique?"

La première illustration (au fait, il s'agit d'aquarelles) nous montre un François Hollande et un Jivaro se donnant une poignée de main. "Les dirigeants de la planète ont enfin décidé d'adopter la vision du monde des Indiens d'Amazonie. Il est désormais admis que les plantes et les animaux ont une vie intellectuelle et sentimentale similaire à celle des humains. Ils sont, à ce titre, des membres à part entière de la communauté morale."

Imaginons un premier ministre dont le chauffeur écrase un hérisson. Il faut alors le manger. Puis le premier ministre décide d'aller en vélo au rendez-vous d'Angela. "Appelez-là pour le reculer de deux mois."

On retrouve l'anthropologue Jivaro, etc. , mais hélas pas encore tellement les mésanges...

Des avis sur babelio,

Et pour terminer, hors trilogie, paru avant



Anent

Nouvelles des Indiens jivaros

Alessandro Pignocchi

Préface de Philippe Descola

Steinkis, 2016


Là on se rend chez les achuar, 'étudiés' par Philippe Descola il y a quelques décennies, et revisités par Pignocchi. Le temps a passé, la modernité est arrivée (un peu), que sont devenus les anent?

Je n'explique rien, de l'humour dans cette BD superbement dessinée et colorée, et j'ai appris ce que signifie 'puntish'. S'il vous prend envie de visiter ces communautés, "un puntish offert à l'arrivée sur présentation de ce livre". Mouarf!

Plus sérieusement : livre à découvrir!


Avis chez babelio,

 

lundi 5 octobre 2020

Bénie soit Sixtine


 Bénie soit Sixtine

Maylis Adhémar

Juilliard, 2020

 

Sixtine est la sixième enfant de Muriel et Bruno, famille que sans exagérer on peut qualifier de catholique intégriste, très très, même. Vatican II connaît pas, le pape, non plus. Messe en latin; éducation stricte; pour les jeunes, camps de Frères de la Croix. Bruno serait peut-être un poil plus cool, mais il n'a pas voix au chapitre.

Tenues strictes, couleurs classiques, jupes sous le genou, l'ambiance est totalement bien rendue, au point que c'en était presque caricatural, mais si, ça existe on peut le supposer! 

 Sixtine ne semble pas souffrir de cette existence, en temps voulu elle épouse, sans contrainte, Pierre-Louis Sue de La Garde. Elle est vite déçue par les relations conjugales sans chaleur. Rapidement enceinte, à la joie de tous (on en aura 5 ou 6), elle mène une grossesse pénible, elle doit endurer; à l'arrivée il ne sera pas question de péridurale, elle le sait. Pas question non plus de choisir le prénom de son fils. Mère et belle-mère régissent tout.

Survient un événement tragique qui change la donne, en tout cas les velléités de Sixtine de prendre sa vie en mains peuvent se donner libre cours. Elle n'envoie pas forcément son bonnet par dessus les moulins, mais découvre vraiment d'autres façons de vivre, parfois assez radicales (et là je trouve que l'auteur a poussé le bouchon un peu loin).

Ne chipotons pas, l’histoire est originale et passionnante de bout en bout.Sans doute comme moi allez-vous ouvrir grands vos yeux lors de l'immersion dans ces différents milieux. La religion n'est pas maltraitée en tant que telle, mais ses dérives vraiment extrêmes. Sixtine trouve aussi dans son parcours des gens accueillants et pas rigides.

Des avis sur babelio, dont mumudanslebocage, et sandrion  , on aurait pu faire une LC ^_^,

jeudi 1 octobre 2020

Trois petits tours et puis reviennent


 Trois petits tours et puis reviennent

Big sky

Kate Atkinson

JC Lattès, 2020

Lu en VO, Penguin, même couverture! 

Traduit par Sophie Aslanides


Jackson Brodie dit avoir un côté chien de berger, et comme il a raison! Toujours prêt à aider, toujours sur le terrain, avec son flair et son expérience, oui, un peu pataud peut-être, un peu à côté aussi, mais tellement brave et fidèle! Je l'ai retrouvé avec bonheur dans une histoire plutôt sombre, avec enfants abusés, filles enlevées et prostituées, mais à la fin, même en biaisant un poil la légalité, les méchants sont punis.

Jackson semble toujours amoureux de Julia, mère de son fils Nathan, un ado au regard fixé sur son portable, et tâche d'accomplir son job de détective privé. Mais sa route le conduira (il faut voir ce qu'il dit des coïncidences) sur le chemin de types bien sous tous rapports mais dont le passé (et le présent) sont peu reluisants.

Plein de personnages attachants, Reggie et Ronnie, les deux fliquettes, efficaces, mais qu'on renvoie à leur enquête pas glamour, Harry un autre ado aux jeux de mots qu'il a dû être coton de traduire, une drag queen extra, et j'en passe.

Le tout raconté avec un humour craquant, un découpage minutieux, et parfois des passages où j'ai raté une respiration ou deux.

A lire absolument, pas la peine de connaître les volumes précédents avec Jackson Brodie, que j'ai une furieuse envie de lire ou relire! là il s'agit du numéro 5.

Des avis chez babelio, donc celui de Cathulu

Peu auparavant j'avais découvert un autre titre, sans Jackson Brodie, un roman ancien, d'ailleurs.


Sous l'aile du bizarre

Roman comique 

Emotionnaly weird, 2000

Kate Atkinson

Ed de Fallois, 2000

 Traduit par Jean Bourdier

 "Ce n'est pas parce que vous êtes paranoïaque qu'ils ne vont pas vous faire la peau."

Troisième roman de Kate Atkinson, sans Jackson Brodie (avant, en fait), mais avec le style inimitable qui ravit ses lecteurs (j'en fais partie!). 

Trois narrations qui s'entrecroisent (différentes polices). Effie Andrews est coincée sur une île écossaise, ventée, humide, bref, une île écossaise l'hiver, avec sa mère Nora. Est-ce bien sa mère? Celle-ci intervient au cours du récit d'Effie sur son année d'étudiante à Dundee. Plus un 'devoir' d'Effie, une vague histoire policière sans queue ni tête.

Année 1972, une université où n'arrivent surtout pas de bons élèves, des professeurs courant après les devoirs des étudiants, une atmosphère assez foldingue. Un chien qui apparaît disparaît, pareil pour un bébé (il va bien, merci) , un mystérieux détective privé ex-policier, une femme qui suit Effie..

Un grand tourbillon, amusant et décalé, mais, comment dire, 60 pages avant la fin je fatiguais un poil et ai terminé en diagonale, sans gros souci pour les protagonistes. En plus d'une chronique sur une université des années 70, on peut voir un récit en cours d'écriture (mais non, c'est un roman comique, dit Nora, un personnage ne peut mourir, et hop, Effie réécrit l'histoire). Et à la fin, on saute en 1999 et on apprend ce que sont devenus les personnages.

Bon, mis à part la sus notée petite fatigue, j'ai vraiment trouvé cette lecture plaisante, la narration étant en permanence vive, inventive, imagée, Atkinson, quoi.