vendredi 30 mai 2014

La mauvaise pente

La mauvaise pente
The low road
Chris Womersley
Albin Michel, 2014
Traduction de Valérie Malfoy


Dans un motel sordide (forcément sordide, "quelques papillons et mouches racornis jonchaient le châssis en alu. Il ouvrit la penderie et considéra les cintres cliquetants. La douche gouttait sur le sol carrelé"), le docteur Wild, interdit d'exercer après un homicide involontaire (quand on est addict à la morphine, mieux vaut ne pas intervenir lorqu'on est sous l'emprise de la substance), quitté par sa femme et sa fille, et en fuite..., se voit obligé de prendre en charge le jeune Lee, petit délinquant avec une balle nichée sous les côtes, reçue lors de la récupération d'une valise pleine de dollars. Il veut garder les 6000 dollars pour lui, mais Josef s'est lancé à sa poursuite; Josef suçotant sa dent en or et grattant son tatouage (et ça finit par énerver, quoi!)
Le passé de Lee lui revient en mémoire, l'accident de voiture où ses parents sont morts, sa vie en prison (il a tué quelqu'un, mais en prison).
Les deux fuyards ont un point de chute prévu, mais sur leur route il va y avoir un poil de grabuge...

Si vous aimez le noir bien noir, bien poisseux, bien dépourvu d'espérance, foncez. Si vous aimez les dialogues genre Cormac Mc Carthy , allez y aussi.
Malheureusement je ne me suis pas vraiment intéressée à ces lascars, et mon petit cœur sensible ne voulait plus continuer à descendre la pente. Pourtant, l'intrigue est bien menée, l'ambiance bien rendue. C'est juste que je ne suis pas vraiment amateur.

Les avis chez babelio, auprèsdeslivres, action suspense,

mercredi 28 mai 2014

Eclectique Musique

Certains week ends sont bien chargés et les lectures n'avancent bien sûr pas. Tiens, une idée du dernier:

Tours - Paris : 1-0
Vendredi soir, c'était opéra au grand théâtre de Tours. Fastaff, dernier opéra de Verdi, où le maître s'est éclaté en proposant une oeuvre moins dramatique (ni le ténor ni la soprano ne meurent à la fin) et encore une fois inspirée de pièces de Shakespeare (il y a pire), en particulier Les joyeuses commères de Windsor. Malgré une apparence de comédie parfois, le sujet est plus profond qu'il n'y paraît. "Tout au monde n'est que farce, et l'homme est né bouffon" (le final)

Je vous renvoie au descriptif trouvé sur le site de l'opéra de Tours, et au billet d'Eimelle.


Sous la direction de Jean -Yves Ossonce,  impeccable comme d'habitude. Notre homme est parfois accueilli dans la capitale, qu'on se le dise!
Mise en scène de Gilles Bouillon, impeccable comme d'habitude, on sent l'homme de théâtre, certains devraient en prendre de la graine.
Décors : Nathalie Holt (efficaces, simples et et évocateurs, changements de tableaux rapides)(pas comme à l'opéra comique récemment pour Ali Baba où on avait le temps de causer avec les voisins, s'étirer -sièges inconfortables- etc...)
Costumes de Marc Anselmi (pimpants et colorés!)

Sir John Falstaff était interprété par Lionel Lhôte : Épatant, une voix "qui envoie" sans effort, excellent comédien. Ossonce nous a annoncé que son père était dans la salle ( "Je suis ton père"). En fouinant sur internet j'ai appris qu'il est belge : oui, Anne!!!
Mrs Alice Ford : Isabelle Cals déjà admirée dans le rôle de la gouvernante du tour d'écrou
Nannetta : Norma Nahoun superbe voix!
Mrs Quickly : Nona Javakhidze déjà admirée dans Bérénice de Magnard à Tours

A force on les connaît...

etc...

Une distribution homogène, pour une belle soirée.


Mais pourquoi Paris dans le titre, me direz-vous? (ou pas).
C'était mon deuxième Falstaff, le premier étant celui de l'opéra Bastille en mars 2013. L'occasion de découvrir cette salle dont on dit tant, d'entendre la pétillante Marie Nicole Lemieux, canadienne et contralto de son état, et de casser la tirelire...


Bon, c'est grand, c'est vaste. La scène était bien gérée, en hauteur et en largeur, heureusement. Rien à dire sur le talent des chanteurs, a priori. 
Pourtant à l'entracte j'ai dû avouer me sentir dans un état étrange, les oreilles dans le coton. Bien possible que ma fréquentation assidue des théâtres à l'italienne m'aient quelque peu pourri/gâté l'audition et habituée à de l'impeccable, genre entendre tomber une aiguille... L'acoustique de l'opéra Bastille serait-elle, sinon mauvaise, du moins pas excellente?
Une déception coûteuse, les amis. Peut être récidiverai-je un jour pour en avoir le cœur net, mais avec une autre place.

Amis bretons, bonjour!
Samedi soir, direction la France encore plus profonde, le Berry asteure!
Dans la gymnase de la petite ville d'E. (1400 habitants), l'harmonie municipale (de niveau plus qu'honorable) accueillait le Bagad de Lann Bihoué. Occasion rare à ne pas manquer.

Cornemuse écossaise, bombarde, batterie percussion, plein les tympans! Des pros, ces p'tits là.
(vous je sais pas, mais moi j'ai la chanson de Souchon dans la tête)

Ambiance feutrée
Dimanche après-midi, changement radical! Direction le château (privé) de la petite ville d'O. (41) qui proposait les 18 et 25 mai l'intégrale des trios de Beethoven. Mieux valait réserver, puisque le concert s'est donné dans une petite pièce (cheminée Renaissance, d'ailleurs) accueillant 50 personnes au maximum. Là nous étions au plus près des musiciens. 
Au programme : Variations "Kakadu" et Trio n°7 en si bémol majeur opus 97, "Archiduc".

Avec le démarrage des festivals, juin et juillet s'annoncent bien remplis, on en reparlera (peut-être)

lundi 26 mai 2014

Expo 58

Expo 58
Jonathan Coe
Gallimard, 2014
Traduit par Josée Kamoun



Décidément, les auteurs anglais sont toujours attirés par les années 50 ou 60, avec un poil d'espionnage. Au départ, Thomas Foley est un humble rouage du ministère de l'information, et après enquête des inénarrables Wayne et Radford, on le considère non communiste et il part pour l'Expo de Bruxelles veiller à la tenue d'un pub sis dans le pavillon britannique, laissant sans trop de remords sa femme et son bébé en Angleterre, en dépit de la présence d'un voisin trop envahissant...

Thomas, auquel les secrétaires trouvent une ressemblance soit avec Cary Grant, soit avec Dirk Bogarde, fera connaissance de charmantes demoiselles, dont Anneke, d'un supposé journaliste russe, d'un scientifique anglais doté de pas mal d'informations sur une machine, la ZETA, d'un américain mal embouché. Durant quelques mois, alors qu'un sérieux refroidissement s'installe avec son épouse, son cœur hésite, les rebondissements se succèdent, il se fait bien balader et ne comprend pas ce qui se passe sous ses yeux.
Le tout dans une ambiance Expo 58 bien reconstituée (y compris ces pavillons du Congo, quelle horreur!)

Comme d'habitude, je dois avouer un manque d'objectivité, et j'ai lu ce roman d'un trait, et avec plaisir. Quelques longueurs dans les descriptions de l'Expo, d'accord, un dernier chapitre nostalgique sans doute peu utile, mais globalement un bon roman, un pastiche réussi de romans d'espionnages (j'ai adoré tous les passages barrés avec Wayne et Radford, oui, je radote!)

Pastorale d'été de Honnegger (si, si, il y a une raison)
Les avis de krol, luocine, clara,

vendredi 23 mai 2014

Code 1879

Code 1879
Dan Waddell
rouergue noir, 2010
Traduit par jean-René Dastugue



A force de voir cet auteur sur les blogs, j'ai craqué, et découvert ce seul titre à la médiathèque. Je savais vaguement qu'il s'agissait d'enquêtes policières dénouées grâce à des recherches généalogiques, mais n'imaginais pas comment cela se pouvait, en tout cas en rendant un roman palpitant. Hé bien si. Et maintenant je veux lire les deux suivants...

Alors, l'histoire, rapidement :
De nos jours, à Londres, L'inspecteur Grant Foster fait face à une série de meurtres qui plongent leurs racines dans le passé, 1879 plus exactement; Pour tout démêler il devra faire appel au généalogiste Nigel Barnes.

Pas besoin d'en savoir plus pour se lancer dans une lecture passionnante, originale et bien documentée. Pour avoir personnellement compulsé des registres assez anciens dans de petites mairies de campagnes à la recherche d'ancêtres (des bouseux analphabètes -oh grand merci à Jules Ferry fin 19ème siècle!- vivant à 20 kilomètres de chez moi, que j'imaginais donc très bien sur le terrain dans des paysages connus), j'ai pu constater quelques différences entre l'Angleterre et la France, mais comprendre la passion de Barnes pour ces recherches...

De nombreux billets sur ce livre chez babelio
Les avis d'Athalie (en bémols marrants) , Sandrine, jérôme, Dominique, Laure,

mercredi 21 mai 2014

Roman fleuve

Roman fleuve
Antoine Piazza
la brune au rouergue, 2013


Edit de 7h 30, après le commentaire d'Aifelle : je transforme un peu mon billet (si c'est pas de la mise en abyme, ça)

Un projet fou de la part de l'auteur?
 Oui, j'ai relu ce roman (mon ancien billet ici  Roman fleuve , Rouergue, 1999) mais ce n'est plus le même roman. L'auteur ne présente plus la même oeuvre : je ne suis pas allée jusqu'à relire les deux livres, mais j'ai comparé avec la version 1999, Piazza a repris des passages, bousculé d'autres, éliminé des paragraphes, enlevé ou ajouté des péripéties, ajouté un personnage... et changé la fin! Moi qui me plaignais de la fin brutale, on m'a écoutée.
Bien évidemment j'ai aussi un peu repris mon ancien billet.
Un avis toujours valable?
Voilà ce que j'écrivais :
Etrange premier roman pour un auteur qui s'intéressera ensuite à un instituteur en montagne (Les ronces) et à un groupe d'expatriés au cœur du Niger (la route de Tassiga). L'écriture, ce qui frappe d'abord : fluide, d'un classicisme réconfortant, au service d'une histoire bien curieuse. 
  
En France, en ce début du 21ème siècle, le Président a décidé de prendre de la distance face à l'Europe et le pays se replie sur lui même. Pour échapper aux ennemis extérieurs qui refusent cette quasi -autarcie, décision a été prise de fuir le combat en faisant entrer le pays dans le monde de la fiction. A cet effet, a été dressée l'édition complète de la production littéraire ... 
  
Viennet, jeune homme érudit quelque peu électron libre, est chargé d'une mission importante, à savoir négocier le retour des cendres d'un personnage de Balzac (oui, oui). Accompagné de Klincksieck, spécialiste de la lettre K pour la rédaction d'une encyclopédie, il atterrit finalement au bord d'un fleuve, dans une  colonie, sorte de camp où des gardiens veillent sur de pauvres hères ayant perdu leur identité après un passage-test raté dans le monde de la fiction. Viennet  sera chargé, grâce à ses connaissances littéraires, de retrouver leur identité afin qu'ils soient délivrés et puissent passer complètement dans le monde de la fiction. Gervaise Coupeau, le Chevalier des Grieux, Valère de l'Avare, des dizaines seront "révélés". Pour découvrir de quel coin de quel roman est issue la dernière femme, Viennet devra laisser ses préventions et cela donnera un passage absolument magnifique... baigné par la lumière de l'oeuvre originelle, évidemment! 
  
Antoine Piazza excelle à brosser des ambiances d'enfermement lourdes, oppressantes, cette colonie n'est qu'une prison sordide, Klincksieck et sa lettre K (sans doute pas un hasard, le choix de cette lettre?) évolue bizarrement. Une première expérience de passage dans ce monde de la fiction a déjà eu lieu, semble-t-il (mais, dommage, on n'en sait pas plus) ,  car l'idée est sortie des décennies  auparavant du cerveau d'un écrivain. Je pourrais parler de la Délégation aux sous sols effrayants installée dans un gigantesque aquarium à l'envers, de la fuite de Viennet dans des contrées désertes de toute vie. Et de l'impression d'humidité et de froid qui imprègne ce roman...
Un roman foisonnant qui se dévore.
J'en profite pour ajouter un passage de la version 2.0

" Aucune des quatre nations alliées qui occupaient l'Allemagne à la fin de la guerre n'avait intérêt à révéler que le chancelier du IIIè Reich, son épouse d'un jour et une quinzaine de ses plus fidèles serviteurs avaient échappé à la justice et que tous se promenaient désormais dans une forêt de Thuringe déguisés en hallebardiers ou en lutins."

En annexe (Document 6), Piazza va jusqu'à écrire une critique de son premier roman: "Si le roman ne tient pas toutes ses promesses, si l'ensemble souffre de quelques longueurs et répétitions, il n'en demeure pas moins que l'intrigue est savamment menée et que le lecteur éprouve une certaine jubilation à suivre le héros dans des aventures que ponctuent..."

Jubilation, voilà le mot pour qualifier mes impressions à la lecture de cette histoire hallucinée. 

la cause littéraire en parle mieux

lundi 19 mai 2014

Buvard

Buvard
Julia Kerninon
la brune au rouergue, 2014


"Elle m'avait lancé un regard qui disait ce qu'aucun de nous ne dirait parce qu'on le savait trop bien tous les deux -que ceux qui connaissaient ce dont elle parlait n'étaient pas souvent en mesure de lire. Ses parents, les miens, les gens qu'on avait connus, enfants, à l'école, sur le terrain de basket, les voisins, les Lang, quel que soit le nom qu'ils portaient, tous autant qu'ils étaient, ouvraient plus souvent une boîte de chili qu'un livre -parce que les bouquins, c'était pour les tafioles, et aussi pour un tas d'autres raisons qu’elle avait rendues limpides dans ses livres sans jamais pouvoir en assourdir la tendresse."

Après avoir dévoré tous ses romans, Lou a réussi à convaincre la célèbre Caroline N. Spacek de lui accorder une interview, et finalement il passera tout un été dans la villa anglaise de l'écrivain, connue depuis une vingtaine d'années pour la violence des thèmes de ses premières nouvelles et romans jusqu'aux poèmes. Son oeuvre et sa vie, que l'on découvrira en même temps que Lou, sont forcément liées.

Julia Kerninon, 27 ans, serait-elle le double littéraire de Caroline N. Spacek en ce qui concerne le talent? J'avoue que j'ai été absolument emportée dans cette lecture, les pages tournaient toutes seules (ou presque) les phrases filaient sous les yeux, au fil des révélations savamment distillées. Une grande histoire d'amour, une grande histoire d'écrivain aussi. Ceux qui me connaissent savent mon peu d'atomes crochus avec les romans français contemporains, mais quand je suis bluffée et fascinée, je le dis!

Quelques passages pour le plaisir
"Je t'en veux encore. Je te veux encore."
"Je commençais à comprendre qu'il fallait maîtriser toutes les techniques pour écrire de bons livres -être résistant, avoir l'oreille, maîtriser l'onomastique, la focale, les références, connaître les mots précis, les mots qui feraient que les phrases continueraient à faire du bruit dans la tête plusieurs heures après leur lecture, savoir les verbes qui sont des os dans une phrase - et tout oublier et écrire. Les peintres semblaient savoir ça d'instinct, que ce qu'ils avaient à faire impérativement c'était atteindre une maîtrise irréprochable, et puis tout oublier. La vraie peinture commençait à cemoment-là. J'apprenais comment on peut changer toute la perspective d'un texte avec un simple détail, comme la merveilleuse couronne de roses que Picasso avait ajoutée sur un coup de tête au Garçon à la pipe."
"Tu peux m'explique ça, toi : quand ils écrivent sur la boîte [de nourriture pour chat] que c'est 'nouveau et avec un goût amélioré', qui l'a testé pour se prononcer?"
Les avis de clara, cuné, yueyin, laeti,

vendredi 16 mai 2014

Le bruit des autres

Le bruit des autres
The affairs of others
Amy Grace Loyd
Stock,  la cosmopolite, 2014
Traduit par Jean Esch

"Je crois que je n'ai plus d'âge", Célia se présente ainsi, jeune veuve "austère", renfermée volontairement sur elle-même, triant les locataires du brownstone qu'elle possède: un couple, un vieux monsieur, et George, qui doit s'absenter et lui force la main pour accepter Hope comme sous locataire. Disons qu'assez vite Hope et son amant Les ont des débats et ébats plutôt violents et bruyants, que pour des raisons fort personnelles Célia ne peut supporter. Le vieux monsieur disparaît on ne sait où, le mari du couple de locataires semble avoir une liaison. Contre son gré, Célia est forcée de sortit de sa tour d'ivoire, de sa couette médicamenteuse.

L'évolution imprévisible des protagonistes, en particulier Célia dont le passé se dévoile petit à petit, est un des grands intérêts du roman, qui emporte carrément son lecteur; un premier roman stupéfiant de maîtrise. Un auteur à suivre.

Les avis de clara (merci) et cathulu, mélopée,

Vidéo de l'auteur présentant son roman (en français et anglais!)

J'ai quand même une question, les filles : une femme prenant la pilule -y compris celle du jour où le départ de son mari est constaté- peut-elle tomber enceinte? (page 146)

mercredi 14 mai 2014

Les derniers jours

Les derniers jours
Jean Clair
Gallimard, 2013



Une quasi lecture en aveugle : auteur inconnu (il est indiqué "de l'Académie française", ce qui n'a rien éclairci), titre encore plus inconnu, pas de bandeau laissé par la médiathèque, une quatrième de couverture proposant quatre passages. J'ai poussé l'amusement jusqu'à m'interdire de fouiner sur internet avant d'en avoir terminé.

Au travers de ces courts textes, l'on découvre des grands parents paysans (chez moi aussi on disait "ne te décache pas..."), la montée des parents en banlieue parisienne, les études parmi des condisciples de milieux bien moins modestes, un poste de professeur à Harvard (ouah quand même)(mais, le jour où il découvrit qu'il rêvait en anglais, "je décidai de quitter les Etats-Unis") et moult considérations sur l'art, Venise, l'Europe, les camps nazis, fort originales et pas forcément dans l'air du temps.Un peu passéiste et pessimiste, fort érudit, belle et agréable écriture, l'impression d'aérer ou secouer ses neurones au détour d'une page devant une réflexion. Ainsi que des pages superbes sur la lecture, la vie paysanne, l'ambiance à Pantin il y a un demi-siècle. Bref, je recommande.

Quelques bribes:
Un démarrage qui a mis à mal mon stock de marque pages (ensuite ça s'est un peu calmé) car on parlait de lecture, relecture, écriture. "Lire avait été une aventure, relire est une retraite."  "Le seul voyage qui vaille n'est pas d'aller vers d'autres paysages, mais de considérer les anciens avec de nouveaux yeux.""On relit pour vérifier que ce que l'on a lu autrefois était toujours là. Mais on écrit pour vérifier que ce que l'on a vécu jadis a bien été vécu. L'angoisse est tout autre." "Nul temps n'est plus compté que celui employé à lire, et nul temps n'est, dans le même temps, aussi libéré du temps que le temps de la lecture."

Et ça aussi:
"On savoure un plaisir secret à commencer la lecture d'un livre qu'on a tiré de sa bibliothèque pour la prolonger dans un autre exemplaire, par hasard découvert chez un ami dont la maison duquel passagèrement on loge. Le don d'ubiquité est le propre des livres.
C'est le même texte, c'est la même impression et c'est la même année d'édition, mais la lecture en sera différente. (...) Il existe à travers le monde une fraternité secrète des gens qui possèdent, dans leur bibliothèque, les livres que vous avez chez vous."

"La lecture n'est jamais plane ni linéaire. Un livre est d'abord un "volume", qu'on saisit dans son épaisseur. On creuse dans sa masse, on fouille, on sonde, on attrape un éclat, on dégage une pépite. Rien de cette lecture superficielle du déroulement électronique, qui clignote ou s'efface aussi vite. Sa pesanteur dans la paume renseigne immédiatement sur le moment où l'on est arrivé, vers le milieu ou vers la fin. La lecture ne se perd pas sur une surface homogène, mais se renforce par mille sensations, une infinité de détails inconsciemment enregistrés par le cerveau, et ce poids dans la main atteste la gravité, ou la lourdeur, des idées que l'esprit y découvre." (OK, l'auteur n'est pas pour les liseuses...)

"La pyramide en verre transparent qui sert d'entrée au Louvre est le signe le plus éclatant de cette dérision moderne: jadis destinée à conserver les Pharaons morts dans l'obscurité et la sécurité de la terre, elle ouvre à la lumière aveuglante du jour des œuvres destinée jadis à défier la mort, aujourd'hui réduites aux produits interchangeables des comptoirs commerciaux du monde civilisé."

"Pourquoi la monnaie européenne , l'euro, (...), ne porte-t-elle pas sur ses faces les portraits de grands Européens?" (tiens oui, je n'avais même pas remarqué)

Plein de passages sur les campagnes et les haies, la religion et l'art, mais je ne peux tout citer. Un peu "fourre-tout", oui, mais chacun y trouvera de quoi réfléchir.

Un avis en demi-teinte (merci christw de l'avoir signalé)

lundi 12 mai 2014

Attention au parquet!

Attention au parquet!
Care of Wooden Floors
Will Wiles
Liana Levi, 2014
Traduit par Françoise Pertat


J'ignore si vous êtes maniaques, moi pas trop trop (de toute façon entre mon chat et mon canapé, j'ai choisi le chat). Raison pour laquelle on se demande pourquoi Oskar a choisi d'héberger deux chats dans son appartement nickel -et qui doit absolument le rester. Les deux bébêtes n'ont pas droit au canapé en cuir, d'ailleurs. Ceci étant elles sont fort joliment décrites, et je sens que Will Wiles les connaît, pas moyen autrement.

Bref, Oskar, musicien compositeur et chef d'orchestre talentueux et renommé a demandé à son ami anglais d'occuper durant une courte absence son appartement sis dans une capitale centreuropéenne. Mais gare! Le parquet neuf doit rester intact, et le narrateur trouve au fil du temps moult petits papiers signés Oskar et l'enjoignant de respecter telle ou telle précaution. Flippant de voir à quel point il a tout prévu!
L'ami, lui, a des habitudes plus cool vis à vis de la poussière en général, il ne rechigne pas à boire un verre de vin rouge... et c'est le drame, le parquet est taché!
A partir de là, les événements vont s'enchaîner, de façon absolument imprévisible, implacable ... et hilarante (version humour noir)

Bien évidemment je m'attendais à ce que le parquet subisse quelques déprédations, mais Wiles fait fort! J'ajouterai aussi la découverte grinçante d'une ville post soviétique jamais nommée et ma certitude renouvelée que point trop n'en faut dans la perfection ménagère...

Merci à liliba d'avoir permis cette chouette lecture
Les avis chez babelio

vendredi 9 mai 2014

Du soleil en boîte

Du soleil en boîte
A Can of Sunshine
Christine Leunens
Philippe Rey, 2014
Traduit par Bernard Turle


Un petit tour en Nouvelle Zélande? Nancy, professeur d'astrophysique d'origine new yorkaise y vit avec son mari Mike et leur fille Chloé, sous l'oeil souvent critique d'Edith, belle-mère parfois envahissante... Mike disparaît accidentellement; après un deuil difficile, la vie de Nancy reprend. Au fil des années, les rapports entre Nancy et Edith vont évoluer.

Durant cette lecture j'ai eu l'impression d'un flou temporel, volontaire j'en suis sûre, avec juste de petits détails permettant de saisir que le temps avait passé. De même l'histoire s'est déroulée dans des directions inattendues, ce qui n'est pas déplaisant pour un lecteur. Au final, je dirais que c'est un roman fin et sensible, qui ne fait pas dans le pathos, mais ne m'a pas entraînée non plus. Quelques jolis passages décollent un peu plus, le fameux soleil en boîte, par exemple. L'auteur ne juge pas ses personnages, au lecteur d'avoir son opinion, c'est parfois déstabilisant. Le vieillissement et ses conséquences chez Nancy et Edith est bien senti, ainsi que les rapports de Chloé avec ses mère et grand mère. Beaucoup de non dits dans les relations souvent conflictuelles entre Nancy et Edith.

Comme souvent je me focalise sur des détails : Nancy, 40 ans, doit porter des lunettes; mais à double foyer? En 2000 les si pratiques verres progressifs existaient, non?

mercredi 7 mai 2014

Miss Alabama et ses petits secrets

Miss Alabama et ses petits secrets
Still Dream About You
Fannie Flagg
le cherche midi, 2014
Traduit par Jean-Luc Piningre




Maggie Fortenberry adore sa ville natale de Birmingham, Alabama, où elle travaille avec son amie Brenda dans une agence immobilière; tout se passe bien, sauf lorsque la Bête, l'abominaffreuse Babs Bingington, la principale concurrente, leur souffle les affaires. Une vraie méchante, quel bonheur! (en roman, bien sûr). Par ailleurs Maggie rêve depuis son enfance de la magnifique propriété de Crestview.

Cependant elle s'apprête à tout quitter, volontairement. Tout est prêt, la lettre d'adieu, tout, tout, mais comme c'est une femme qui n'a jamais accepté d'être désagréable, elle repousse la date pour faire plaisir à Brenda qui l'a invitée à une soirée. De fil en aiguille, la décision de Maggie a de plus en plus de mal à être mise en oeuvre... Il lui faut plusieurs fois passer la date de la lettre d'adieu au "blanco"...

Attention, livre doudou, avec uniquement des héroïnes, de bons sentiments, de l'amitié, toussa toussa. Mais ça fonctionne! De petites faiblesses, en cherchant bien, par exemple trop de points de vues pour raconter l'histoire d'Edward et d'Edwina, trop de rose bonbon et réussite à l'américaine quand même (la fin est carrément conte de fées), et franchement les petits secrets de Maggie ne sont pas si méchants que cela. Mais baste, j'avoue que j'ai adoré cette ambiance du sud, c'est raconté avec vivacité, surtout de l'humour et je sens que vous craquerez pour Brenda et son sac contenant du "chocolat d'urgence", ainsi que pour Ethel et Hazel...

Les avis de cathulu,
Challenge de Philippe, Lire sous la contrainte

lundi 5 mai 2014

Des mille et une façons de quitter la Moldavie

Des mille et une façons de quitter la Moldavie
Vladimir Lortchenkov
Mirobole éditions, 2014
Traduit par Raphaëlle Pache

Coïncidence? Un article du Courrier International m'apprend que "A partir du 28 avril 2014, les Moldaves détenteurs de passeports biométriques pourront voyager sans visa dans les pays de l’Union européenne."

Pourtant le roman absolument réjouissant, barré et burlesque (oui, A girl, tu notes) de Vladimir Lortchenkov offrait déjà des méthodes bien plus originales pour atteindre la Terre Promise des habitants de Moldavie, et en particulier ceux du petit village de Larga... à savoir, l'Italie! (Larga, petit village de 3 km de long possédant sa ligne de trolley, il fallait bien dépenser l'argent...)

Méthode assez classique tout d'abord : payer un passeur. Cher et pas forcément efficace.
Monter une équipe de curling, qui obtiendrait un visa pour participer aux compétitions.
Partir en tracteur volant, réhabilité ensuite en sous marin à pédales.
Lancer une croisade vers l'Italie!(l'idée du pope)
Sauter en parachute d'un avion survolant l'Italie, comme le Président du pays (objectif futur: ouvrir une pizzeria)

Jusqu'à une fin inattendue mais poétique...

Et j'en oublie dans la dinguerie bien givrée, parsemée tout de même de jolies critiques sur la Moldavie, petit pays à l'ombre du grand frère russe. Que j'ai eu la chance de visiter (une journée!) en 2008. Intéressant. Un petit air de Roumanie (le pays voisin).

Les avis de liliba et Yv (merci!)

Challenge Lire sous la contrainte de Philippe


vendredi 2 mai 2014

Sarah Thornhill

Sarah Thornhill
Kate Grenville
Métailié, 2014
Traduit par Mireille Vignol



Australie, début 19ème siècle. Sarah est la fille d'un banni anglais installé maintenant en Nouvelle Galles du Sud.
"Mais les temps avaient changé. Ceux qui étaient arrivés sur le tard, qui étaient venus libres, avaient tracé des limites bien définies. Entre bannis et venus en hommes libres, entre blancs et noirs."
La fort jeune Sarah tombe amoureuse de Jack, métis d'un anglais et d'une "naturelle". Leur union ne pourra se faire, pour des raisons liées au passé qu'elle ne découvrira que tardivement. Elle ne pourra non plus guère aider sa nièce venue de Nouvelle Zélande et dont le sort sera réellement tragique (et crédible).
Mais ce roman n'est pas qu' histoires d'amour racontées sans mièvrerie, c'est aussi une efficace et forte évocation de l'Australie de cette époque, de la vie des diverses populations. L'écriture est belle, les descriptions des paysages quoique courtes sont parlantes. J'ai été sensible au charme qui se dégage du roman.

J'avais déjà beaucoup aimé Le lieutenant, du même auteur.