lundi 28 juin 2021

Les colonnes d'Hercule


 Les colonnes d'Hercule

Voyage autour de la Méditerranée

Paul Theroux

Grasset, 1997

Traduit par Isabelle D. Philippe 


L'idée de départ était de partir de Gibraltar, et de parcourir les rivages méditerranéens jusqu'au Maroc, en face, dans le sens des aiguilles d'une montre. En s'interdisant de prendre l'avion. restent alors le train, et le bateau, qui suffiront amplement aux trajets parfois en zigzags, en retours en arrière et contournements. 

"La plupart du temps, en voyageant, j'ignorais où j'allais. Je ne savais même pas pourquoi j'y allais. je n'étais pas historien, ni géographe. Je détestais la politique. Ce que j'aimais par dessus tout, c'était avoir de l'espace et du temps. Me lever le matin et partir pour une destination qu'à tout moment - si quelque chose de mieux forçait mon attention- je pouvais abandonner. Je n'avais pas de thème, je n'en voulais pas. J'avais eu l'intention d'explorer la Méditerranée, sans programme bien arrêté. Je n'écrivais pas de livre, je vivais ma vie et j'avais trouvé une manière plaisante de le faire."

Il a choisi de voyager seul, sentant combien ce côté vagabondage serait difficile à imposer. Il téléphone quand il peut à Honolulu pour un contact familial (nous sommes avant les portables et internet...) et cherche ou pas les contacts. Je l’avais précédemment trouvé critique et caustique, mais dans ce livre j'ai apprivoisé sa méthode et son humour parfois particuliers. "Mais c'était le propre de mon voyage: une quête du détail, la conversation comme une forme de traquenard, le voyageur en tant que provocateur."

Car il provoque, c'est sûr. Quitte à n'obtenir que du silence dans des coins peu voués à la démocratie, tels l'Albanie après Enver Hoxha et la Syrie d'Assad (le père), où l'on sent une chape de plomb. 

Il n'a pas pu voyager dans toute la Yougoslavie, en train de devenir ex, et la guerre non terminée. Il n'a pas pu voyager en Libye, ni en Algérie. Il a ses préférences, ses détestations. 

Mais j'ai pris un grand plaisir à le suivre!

Avis : babelio,

jeudi 24 juin 2021

Des adhésifs dans le monde moderne


 Des adhésifs dans le monde moderne

We are all made of glue

Marina Lewycka

Editions des 2 terres, 2011 

Traduit par Sabine Porte


Les adhésifs dans le monde moderne, c'est la revue pour laquelle travaille Georgie Sinclair, mais ce sera une métaphore des rapports humains. Bien complexes, ceci étant, mais cette lecture sera de bout en bout un vrai plaisir. 

Au tout début, le mari de Georgie vient de la quitter après une dispute. Elle fait connaissance de Naomi Shapiro, une dame âgée vivant pas loin dans une grande maison en assez mauvais état, sachant que Naomi possède aussi une idée très personnelle de la propreté et de la péremption des aliments. Quand elle se retrouve hospitalisée, elle fait appel à Georgie. Aussi pour s'occuper de ses nombreux félins. Des agents immobiliers, attirés par le potentiel de la maison située en plein Londres, rodent autour. Georgie engage une équipe de rénovation.

En fait, le mieux est de se laisser porter par les événements et les dialogues, sourire aux lèvres. Un poil foufou, ça fait du bien, et je compte bien renouer avec l'auteur.

Avis : babelio, cathulu,

Quelques semaines plus tard...


Deux caravanes

Marina Lewycka

Editions des 2 terres, 2010

Traduit par Sabine Porte

Dans le Kent, des travailleurs saisonniers sont logés et nourris à peu de frais dans deux caravanes. Venant de l'Europe de l'est, d'Afrique et d'Asie. Exploités et précaires. Voire, pour les jeunes filles,  en danger d'être envoyées sur le trottoir par des types sans scrupules. Après la cueillette des fraises, suivra une plongée dans l'horreur des usines à poulets et là il faut s'accrocher! Très réaliste.

Cependant l'auteur apporte toujours une petite touche de fantaisie. On s'attachera même à un chien recueilli. Une gentille histoire d'amour. Bravo à la traductrice pour avoir rendu le style des non anglophones, c'est savoureux.

 Avis babelio,

 

lundi 21 juin 2021

Voyage au pays du silence


 Voyage au pays du silence

The last wilderness

Neil Ansell

Hoëbeke,2021


Une lecture coup de coeur que je dois à Dominique, dont le billet a attiré mon oeil, et comme le livre venait d'arriver à la bibli, la rencontre s'est faite rapidement. C'est un coup de coeur.

Voyageur aguerri, préférant souvent la solitude, Neil Ansell a décidé de parcourir à nouveau les montagnes du Rough Bounds, au nord-ouest des Highlands d'Ecosse. Cinq courts voyages d'une semaine environ, étalés sur une année. Descriptions de la nature, de la faune et réflexions personnelles, rien d'original peut-on penser, sauf que c'est merveilleusement écrit, avec empathie et sans listes casse-pieds trop détaillées. Ce n'est pas un guide.

 "Rien ne peut se comparer à la joie qu'inspire une rencontre, même très brève, avec un animal sauvage rare et beau dans son milieu naturel."

Notre homme, si heureux de voir les oiseaux (entre autres) souffre hélas d'une surdité qui s'aggrave, il sait qu'au fil du temps certains oiseaux 'disparaîtront' pour lui...

"Si je vois, chemin faisant; quelque chose qui m'attire, je ne demanderai pas mieux que de partir à l'aventure.

Je suis comme ça; je ne cherche nullement à laisser entendre que c'est la seule façon de faire, ni même la meilleure. J'imagine qu'il  y a autant de manières de se présenter au monde qu'il  y a d'êtres humains. Il s'agit ici de préférences personnelles, pas de règles qu je me suis fixées. Je n’irai même pas jusqu'à prétendre que j'évite les sentiers. Bien souvent, ils sont là où ils se trouvent pour une bonne raison, tracés par la configuration du terrain, la pente et la distribution des lacs et des cours d'eau."

Personnellement, je trouve que dans le ton de Neil Ansell, il y a un petit quelque chose de Montaigne...

jeudi 17 juin 2021

Les ardomphes


 Les ardomphes

Gilles Verdet

Ginkgo noir, 2020

 

 Mais que voilà une jolie découverte ! Que l'éditeur ne m'en veuille pas de l'avoir laissé attendre sur une étagère, car une fois lancée, j'ai englouti le roman!

On n'en saura guère sur Richard, clochard parisien vivant de récupération d'objets laissés sur les trottoirs. Sa grande ennemie, la pluie. Il préfère sa tranquillité, moins dangereuse. 

Un jour, dans un sac abandonné, voilà une magnifique écharpe et un cru de grande maison bordelaise; pas question de revendre l'écharpe, et voilà Richard prenant le soleil sur un banc. L'ensemble attire l’œil d'une photographe professionnelle, qui voir le parti à tirer de tel clichés décalés pour la publicité du cru en question.

Cette histoire est racontée régulièrement sur les ondes, avec la voix de Catherine, coachée par François. Histoire en cours d'écriture, et l'auteur demeurant anonyme. Catherine et François seront aussi photographiés à leur insu.

Je n'en dirai pas plus, voulant laisser aux autres lecteurs le plaisir de découvrir ce chouette roman. Parce qu'il est écrit dans une langue à la fois fluide et travaillée, imagée, parfois argotique. Parce que ces histoires en miroir réservant des surprises tissent habilement une intrigue qui, l'annonce la couverture, va virer au noir. Et pas mal se nouer autour de l'hôtel des Ardennes, près du canal Saint-Martin. Ardomphes, c'est ainsi que Rimbaud désignait les Ardennes.

 Extrait (site de l'éditeur)

« Les Abribus, Richard les fréquentait souvent. Pour traquer le sac oublié ou la valise égarée. Les bus un peu moins. Même si la fange qui lui collait aux basques lui laissait toujours une place assise. C’était son avantage. Son privilège de pouilleux. Les culs-crottés de la rue, les pue-de-la-gueule et les « crassouilles » en goguette, ça refilait de la distance avec l’autre monde. L’autre pays. Celui des mieux nourris, des mieux chauffés et des mieux lavés. Des gens propres et coiffés qui regardaient toujours ailleurs. Mais avec des coups d’œil en biais, des manières polies et des allures rusées d’indifférence qui le toisaient en loucedé. Richard y prenait plus garde depuis longtemps, les deux humanités savaient d’instinct se préserver des contacts, éviter les frôlements et les touchers fortuits, par une distance sanitaire passive, un écart spontané aussi naturel qu’une mixité de territoire entre deux espèces animales éloignées. »

Avis : le blog du polar

lundi 14 juin 2021

Un moindre mal


 Un moindre mal

Lesser evils

Joe Flanagan

Gallmeister, 2017

Traduit par Janique Jouin-de-Laurens


Une bonne pioche sur les étagères de la bibli, sans rien connaître, sauf bien sûr l'éditeur. Cette fois c'est un poil noir bien sûr, mais pas de détails horrifiques ou d'insistance sur les gens tordus, ouf. C'est bien écrit, bien mené, du suspense, des personnages principaux ou secondaires bien présentés et intéressants, et de l'empathie pour certains (faut pas exagérer non plus, les flics pourris, ça passe moins bien)

L'histoire se déroule à Cape Cod, en 1957. Le lieutenant Warren est le chef de la police locale. Son épouse est partie, et il s'occupe de son fils, handicapé mental. Flic intègre et tenace, mais pas parfait non plus, il va affronter Stasiak, de la police d’État, aux méthodes peu recommandables et au passé trouble, qui enlèvera à Warren la direction des enquêtes principales, ainsi que quelques adjoints.

Pourtant il s'en passe, dans le coin! Des gosses sont tués. Des paris clandestins sont organisés, des gens tabassés, une famille disparait des radars, plus un psychiatre douteux, un prêtre mystérieux. Les événements s'imbriquent, s'éclairent peu à peu.

Je recommande, et pas seulement aux amateurs de ce genre de livre.

Avis babelio, Miss Sunalee,


jeudi 10 juin 2021

Le bruit de la mer



 Le bruit de la mer 

Franck Maubert

Flammarion, 2020


Allez, j'avoue, au cas où vous en douteriez, je résiste mal aux récits de voyage plutôt bien écrits, même s'ils conduisent au coin de la rue. Pas de rencontres avec des habitants de contrées lointaines, mais des autochtones bien d'ici, parfois bavards, parfois non, complètement ou presque au hasard des déambulations de l'auteur. Celui-ci a décidé de suivre la côté ouest de la France, en automobile, histoire de quitter Pierre, un ami se mourant d'un cancer, mais qu'il contacte souvent au téléphone ou retrouve lors de retours à Paris. Un voyage que Pierre ne peut accomplir, mais pourtant son ombre plane sur le voyage et certaines destinations.

Depuis le coup de coeur du  Tour de France des villes incomprises, je sais qu'il ne faut jamais mépriser une destination, la découverte intéressante est là! Le nord en janvier, la Normandie en février, cela n'apporte pas du rêve a priori, et pourtant, quand tout ou presque est fermé et que les touristes ne sont pas encore arrivés, c'est moins facile mais presque un challenge! Ne pas s'attendre à un guide de voyage (ceux de l'auteur datent de décennies) mais personnellement j'ai ressenti une grande envie d'y aller, par exemple, dans ce Cotentin mal perçu.

Une lecture agréable, quittée à regret en 'juin', après 6 mois d'errance, d'iode et de vagues...

Avis babelio

Ayant eu l'occasion de continuer avec l'auteur, voici


Avec Bacon

Franck Maubert

Gallimard, 2019

Où j'apprends que l'auteur est 'entré à l'Express, en 1979, jeune journaliste d'art', avec une idée fixe : rencontrer Francis Bacon. Admirateur enthousiaste de son œuvre, il en parle avec fougue, et permet aussi de connaître mieux le peintre.

Si vous voulez vous aussi en savoir plus sur ce peintre, c'est l'occasion!

Avis babelio

lundi 7 juin 2021

La Demoiselle à coeur ouvert


 La Demoiselle à cœur ouvert

Lise Charles

P.O.L. , 2020

 

Quatrième de couverture : "Nous aurions préféré ne pas avoir à publier cette correspondance. Nous avons jugé que c'était notre devoir." L.C.

La présentation proposée par ma médiathèque en disait beaucoup plus, trop peut-être, en tout cas impossible de résister.

Bien m'en a pris, je sors de cette lecture épatée, tourneboulée, effarée, je vais voir si les autres romans de l'auteur sont disponibles en médiathèque (non, hélas).

Correspondance par mails, avec pièces attachées parfois : une nouvelle d'Octave Milton, auteur nouveau pensionnaire à la villa Medicis (comme Lisa Charles en 2017-2018), un article sur le discours rapporté, par Marianne Lenoir, maîtresse de conférences à l'Université de Nantes (comme Lisa Charles), Marianne Lenoir étant le pseudo de Lisa Charles pour des romans jeunesse, et un journal d'adolescente (Louise, fille de Marianne... mais finalement, qu'en est-il?). Apparaissent divers correspondants, y compris Paul Otchakovsky-Laurens, l'éditeur décédé accidentellement, j'allais dire au cours du roman, Livia Colangeli, une ex d'Octave (initiales LC aussi). Les artistes séjournant à la villa Medicis sont croqués sans pitié. Même Octave Milton, censé écrire une biographie de Borromini, n'est guère actif.

Cela paraît compliqué, mais c'est fluide et jubilatoire, on sombre dans un 'jeu de miroirs', des 'mises en abyme', les Liaisons dangereuses sont convoquées par certains lecteurs.

Avis babelio, lire au lit,

jeudi 3 juin 2021

Tant qu'il y aura des coquelicots

A la médiathèque je voulais emprunter un livre de Jean-Loup Trassard, car Traquet motteux m'avait beaucoup plu. Mais je me suis trompée de prénom, la quatrième de couverture était rurale aussi, alors voilà :



Tant qu'il y aura des coquelicots
Voyage en agriculture
Maryline Trassard

l'aube document, 2004


Maryline Trassard a connu une enfance à la ferme, des études au lycée agricole de Rennes Le Rheu; elle vit à Paris, est devenue journaliste, et en 2000 le ministère de l'Agriculture lui a proposé d'effectuer une série de reportages sur des agriculteurs. La voilà donc sur les routes et les chemins, de l'est au sud, pour terminer à l'ouest -sa région. Ce livre est le résultat de ces rencontres avec des éleveurs, vaches, couvées, lapins, chèvres, des producteur de blé, maïs, fromage, viande, lait, olives, légumes divers... Huitres, vigne...

Tous ne sont pas 'bio', mais se posent des questions et aiment leur métier, c'est sûr! Il ne faut pas compter ses heures. Ce livre date de 2004 mais j'ai l'impression que la situation n'a pas vraiment changé, et par exemple le poignant témoignage d'un éleveur de volailles n'a pas pris une ride ("Je fais le pire métier pour un paysan : éleveur de volailles intégré..." Il suffit de se souvenir des dernières manifestations paysannes...

C'est un bon panorama de l'agriculture en France, avec aussi l'interview de deux paysannes d'ailleurs, Sénégal et Bulgarie.