vendredi 22 décembre 2017

La ligne de front

La ligne de front
Un voyage en Afrique australe
Jean Rolin
Petite bibliothèque Payot/Voyageurs, 1992


En commentant Les passagers du Roissy Express, Athalie m'a signalé La clôture de Jean Rolin, présent dans ma bibliothèque; mais y figurait cette ligne de front, qu'il était trop tentant de découvrir juste avant mon propre voyage (presque) dans ces coins là...

A la fin de l'année 1987, sans que l'on sache trop comment ou pourquoi, Jean Rolin se trouve en Tanzanie, bien décidé à mettre les pieds dans les six "états de la ligne de front", à savoir Tanzanie, Mozambique, Zambie, Zimbabwe, Angola, Botswana, "rassemblés sous ce label afin d'affirmer leur commune volonté de lutter contre le régime sud africain". Où sévissait encore l'apartheid. Même si certains de ces pays n'était pas si stricts que cela quant à l'absence de contacts officiels avec le voisin du sud.

Son voyage se terminera doublement symboliquement le 1er janvier 1988 au cap de bonne Espérance. Entre les deux, Jean Rolin aura instruit son lecteur, il l'aura surtout amusé d'histoires bourrées d'autodérision et de nonchalance, parfois tragiques cependant, parcourues de personnages hauts en couleur. Le temps est passé, certains pays ont changé, vers le meilleur ou vers le pire, mais la lecture de cette ligne de front demeure délectable.

"A Upington, une petite ville sur laquelle mon choix s'est porté en raison de sa situation sur le fleuve Orange, et de l’attrayante réputation de nullité dont elle jouit en Afrique du sud même, vous êtes aussitôt dans le bain." Le seul taxi entre l'aéroport et la ville est un taxi for White. "le drame serait que le chauffeur de ce taxi à l'usage exclusif des Blancs fût sympathique. Or il ne l'est pas. Tout va bien."

Pas d'anecdotes de ce genre à Upington pour moi, juste une balade aux chutes d'Augrabies
Le fleuve Orange, plutôt à sec
Un avis chez lecture/écriture,

mercredi 20 décembre 2017

Un funambule sur le sable

Un funambule sur le sable
Gilles Marchand
Aux forges de vulcain, 2017


Le héros, vite rebaptisé Stradi (tant qu'à faire, autant choisir le meilleur), est né avec un violon dans la tête (de plus, il sait parler aux oiseaux). Autant dire que cette différence pas immédiatement visible ne va pas lui faciliter la vie. Une famille aimante (le père est un poil particulier tout de même), un ami, Max et une amoureuse, Lélie, lui serviront de ponts d'appui, sa ténacité et son optimisme feront le reste pour supporter étonnement, incompréhension, moqueries, ostracisme.

Comme avec Une bouche sans personne, je suis entrée sans problèmes dans l'univers fantaisiste, décalé, teinté d'humour, de Gilles Marchand. Moi qui aime les essais (scientifiques si possible) mais tout publics, je suis loin de mes terres, mais tout se passe bien.

J'aime les détails récurrents, Max et ses métiers choisis selon des titres de chansons, par exemple, et même l’apparition du héros d'Une bouche sans personne (page 296), cet homme à l'écharpe remontée, le chien tournant autour du réverbère... Tout cela pour la densité d'une histoire sinon romantique seulement mais ainsi transfigurée. On ne peut s'empêcher de penser à tous les gens 'différents', que cela se voie ou non.

Une véritable gageure de maintenir l'intérêt avec un point de départ aussi improbable et c'est réussi.

"Ma mère était une grande lectrice (...). Quand on lui demandait si elle avait lu tous les livres de sa bibliothèque, elle répondait que non mais qu’elle avait lu des livres qui ne s'y trouvaient pas." Excellent, non?

L'époustouflant billet de Géraldine, si les MRL ne le remarquent pas et ne le priment pas, c'est à n'y rien comprendre. Bravo Géraldine!(édit : oui, elle a gagné!)

lundi 18 décembre 2017

Ascension

Ascension
Vincent Delecroix
Gallimard, 2017


Comme ce roman est extrêmement rare sur les blogs semble-t-il, j'ai une petite idée de qui en a parlé sur facebook et m'a donné envie, mais ma mémoire est-elle sûre? Bref, j'ai embarqué dans une navette spatiale de la NASA, pour une mission pas comme les autres, puisque "C'est la dernière". Expression peut-être malheureuse, souligne l'un des passagers, Chaïm Rosenzweig, écrivain de seconde zone auteur entre autres de La chaussure sur le toit, sous le pseudonyme goy de Vincent Delecroix, et narrateur de cette histoire légèrement foutraque tout de même.

Les futurs passagers de la navette, sous la houlette du commandant Harold Pointdexter, s’exprimant parfois en langage hollywoodien "Houston on a un problème", et il aura hélas l'occasion de sortir cette réplique, ressemblent à ceux d'une histoire drôle : Chaïm, donc, juif, écrivain, travaillant dans un pressing parisien, Beth, américaine dont on ne saura pas grand chose, Antonio, mexicain, Sergueï, russe amateur d'icônes. Mais tous, sauf Chaïm, blindés de diplômes d'astrophysique.
Andrei Roublev : l'Ascension du christ
(J'ajouterais bien pour Fanja que parfois une hyène hilare se mêle à la lecture.)

Chaïm, on se demande pourquoi il est là, et ses compagnons aussi. Compagnons parfois bien givrés, et là il dépare un peu moins. Son idée était de "partir", en quoi il est le digne descendant de Meir Heschel ben Josef, ancêtre ayant vécu du 17ème au 20ème siècle (oui, oui), dont il conte longuement l'histoire chaque fois qu'il peut profiter de la faiblesse de ses compagnons.

La navette part rejoindre la station spatiale, et là, découverte d'un passager clandestin.

Plus de 600 pages, très denses dans la première moitié, aérées ensuite grâce aux dialogues. Des passages époustouflants, qui ne font pas forcément avancer l'intrigue (vous êtes prévenus), par exemple les vêtements dans le pressing, la description de ce Paris aux alentours désertiques et à l'immense file d'attente près du pressing, et bien sûr l'histoire de l'aïeul. Beaucoup de références philosophico-religieuses, et l'on termine plutôt sonné, et, pour ma part, pas déprimée mais presque, en lisant ce portrait de notre monde, sans guère d'espoir, où même le personnage inattendu a baissé les bras. On connaîtra le sort de Meir, on réalisera que le commandant Pointdexter n'est pas qu'un militaire, et ça flanque encore plus le moral dans les chaussettes. Sergueï est fan de Dostoeïvsky, ce qui n'arrange rien, on va dire.

Heureusement l'auteur durant la plus grande partie du récit s'amuse, quitte à nous suggérer de sauter des passages et se rendre à telle page (ce que je n'ai pas fait). Quelques mises en abyme, de l'autodérision, ça me va.

Comme je sens que j'ai plombé l'atmosphère dans l'avant dernier paragraphe (alors que j'ai pas mal rigolé pendant 90% de ma lecture), voici quelques passages :
"Il s'est éjecté.
MOI : Dans l'espace?
ANTONIO : Evidemment, dans l'espace. Où veux-tu qu'il s'éjecte, depuis une station spatiale?"

"C'est un peu pour ça qu'on a monté la mission: pour ne pas laisser la Station spatiale complètement vide pendant trop longtemps.
MOI: Pourquoi, vous craignez les cambriolages?"

Les avis de Valérie,

vendredi 15 décembre 2017

Les passeurs de livres de Daraya

Les passeurs de livres de Daraya
Une bibliothèque secrète en Syrie
Delphine Minoui
Seuil, 2017


Au départ je savais juste qu'il s'agissait d'une bibliothèque cachée, à Daraya. Puis j'ai appris que Daraya est un gros quartier situé près de Damas, régulièrement attaqué au baril d'explosifs, voire au gaz, au napalm, affamé, encerclé, durant des années. Avec des habitants survivant dans ces conditions relatées aussi par ce document.

Vous trouvez aisément des photos des immeubles détruits, des décombres, des habitants...

Delphine Minoui vit à Istambul et n'a pas mis les pieds à Daraya. En 2015, elle apprend l'existence d'une bibliothèque dans une cave, bibliothèque regroupant tous les livres récupérés de ci de là dans la ville. Par skype, WhatsApp, elle entre en contact avec Ahmad, l'un des responsables, puis d'autres 'usagers'. Elle raconte la vie quotidienne de ces Syriens ayant espéré plus de démocratie dans leur pays, de ces lecteurs avides de connaissances et de discussions. Elle rappelle leur vie depuis 2012, puis ensuite quasiment de jour en jour.

Nous apprenons quelles sont les lectures préférées, des classiques, du développement personnel, des ouvrages sur le siège de Sarajevo... Les livres circulent jusqu'au front, les hommes les apportent à leurs épouses. Chaque recueil est numéroté, le nom du propriétaire y est inscrit. Pour qu'il puissent les récupérer éventuellement 'après'.

"Le symbole d'une ville insoumise, où l'on bâtit quelque chose quand tout s'effondre" "Notre révolution s'est faite pour construire, pas pour détruire." (Ahmad)

Une histoire vraie, une histoire forte, une histoire à lire.

Les avis de myriam, leiloona,

L'auteur dans une video

mercredi 13 décembre 2017

Aurais-je été résistant ou bourreau?

Aurais-je été résistant ou bourreau?
Pierre Bayard
Les Editions de Minuit, 2013


Pierre Bayard a le chic pour proposer des titres tels Qui a tué Roger Ackroyd?, Comment améliorer les oeuvres ratées?, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus?, Comment parler des lieux où l'on n'a pas été?, qui à première vue ne font pas très sérieux, on sent la plaisanterie voire le canular et les lecteurs raisonnables vont filer.
Si l'on se penche sur les quatrièmes de couverture (où l'on apprend que l'auteur est professeur de littérature française à l'Université Paris 8 et psychanalyste), l'on découvre des sujets sérieux, approfondis et peu attirants, et, pareil, le lecteur raisonnable prend peur.

Quel dommage!

En effet, Pierre Bayard n'est pas un plaisantin, ses livres sont bourrés d'intelligence et de réflexion ET ils se lisent avec une aisance inattendue et un plaisir étonnant.

En exergue de cet opus, une citation de Primo Levi
"Il nous arrive souvent, à nous qui sommes revenus et qui racontons notre histoire, que l'interlocuteur nous dise : 'Moi, à ta place, je n'aurais pas résisté un seul jours." Cette affirmation n'a pas de sens rigoureux : on n'est jamais à la place d'un autre. Chaque individu est un sujet tellement complexe qu'il est vain d'en prévoir le comportement, davantage encore dans des situations d'exception, et il n'est même pas possible de prévoir son propre comportement."

L'auteur va, à chaque fin de chapitre, essayer d'appliquer sa réflexion à son cas personnel, en toute honnêteté, et en imaginant qu'il soit né comme son père, en 1922. A partir de là, quelle aurait été son attitude?

Mais chaque chapitre est abondamment illustré par des exemples (connus ou moins). Lacombe Lucien, dont la personnalité potentielle aurait peut-être pu le faire basculer d'un autre côté que la collaboration; les conflits éthiques, l'expérience de Milgram (où l'on envoie des décharges électriques à des êtres humains). Alors que les sujets de cette expérience n'avaient pas 'officiellement' le choix (on les sommait de continuer), autre fut le cas des hommes du 101è bataillon de réserve de la police allemande, qui se sont vus (au début) accorder le droit de refuser de participer à des massacres de civils.(Relaté dans Des hommes ordinaires, de Christopher Browning). Pierre Bayard parle de bifurcation.
"Chaque vie est ainsi une succession de bifurcations, plus ou moins nettement visibles, qui dessinent devant nous une multitude d'itinéraires virtuels conduisant à des existences parallèles que nous ne connaôtrons pas, où nous aurions vécu d'autres expériences, fait d'autres rencontres, aimé ou haï d'autres gens. Et où se seraient révélées peut-être d'autres personnalités potentielles que nous portons en nous et qui nous demeurent à jamais dissimulées."

Après Cordier (secrétaire de Jean Moulin), Gary, Pierre Bayard s'intéresse aux Justes (en particulier ceux du Chambon sur Lignon)

N'oublions pas aussi l'existence de la peur, pas forcément physique, mais aussi celle de perdre une situation confortable. Parfois aussi il est nécessaire de sortir de son cadre de pensée, de faire appel à la créativité. Exemples de Sousa Mendes (incroyable, ce type!) et Milena Jesenska à Ravensück)
Terminant avec les conflits plus récents au Cambodge, en Bosnie et au Rwanda, il ajoute, 'à la force puisée en soi-même et à celle puisée dans le regard des autres', celle 'puisée dans leur croyance en dieu' (même si peu orthodoxe)

Quel aurait été le choix de Pierre Bayard? Le vôtre? Je m'interroge parfois sur le choix d'un oncle engagé dans les années 40 (et mort en 1944) qui au départ avait exactement le même arrière plan que ses frères...

Idée de lecture trouvée chez Marque pages

Je participe au Challenge Lire sous la contrainte chez Philippe ou ici


lundi 11 décembre 2017

La fonte des glaces

La fonte des glaces
Joël Baqué
P.O.L, 2017



Quatrième de couverture (chez POL, on n'en sait jamais beaucoup de toute façon)
"Un homme traverse une brocante.
Il se laisse tenter.
On emballe son achat dans de vieux journaux.
Les choses s'enchaînent.
Il devient une icône de la cause écologique."

On aurait pu choisir:
Louis, retraité de la charcuterie, veuf sans enfants, légèrement dépressif, n'attend plus rien de la vie, jusqu'à tomber face à face avec un animal empaillé. Sa vie va changer.

De toute façon, les premières pages se déroulant sur la banquise, avec un Inuit en Antarctique (mais ça s'explique) on peut parler plus librement.

Drôle de roman, drôle d'histoire (qui démarre lentement, il faut attendre la venue d'Alice pour que les événements s'accélèrent un peu) qui se lit cependant plaisamment, surtout grâce à l'écriture de l'auteur: humour discret mais omniprésent, tournures frôlant souvent le jeu de mots, légers décalages, métaphores (l'adolescence et les aliens par exemple), mises au service d'une belle imagination.

"Déporté en Australie, le manchot empereur  regarderait passer les boomerangs, pas plus troublé que ça, on connaît sa stabilité émotionnelle.  Cohabiter avec le paisible koala lui conviendrait, mais où trouver du poisson  en attendant d'aimer les feuilles d'eucalyptus? Où trouver un courant d'air frais?"

"Il se levait, le soleil, mais sans enthousiasme, étouffé par un brouillard réticent à valider les prévisions météo."

Dossier sur l'auteur dans Le matricule des anges de septembre 2017

Les avis de Sandrine,

vendredi 8 décembre 2017

Ceci n'est pas une ville

Ceci n'est pas une ville
Laure Murat
Flammarion, 2016


Laure Murat n'est pas une petite nouvelle sur ce blog, j'avais repéré le titre, et voilà le challenge Lire sous la contrainte qui me rappelle de le lire!
chez Philippe ou ici

Depuis 10 ans, l'auteur habite à Los Angeles, où elle enseigne. Parfois elle repart en France, mais l'essentiel de sa vie se déroule là-bas. Alors je dois avouer qu'elle m'a vraiment fait changer d'avis sur Los Angeles qui n'est pas ma ville préférée aux Etats Unis. D'abord elle est tombée amoureuse de la ville, et elle sait en parler!

"On emploie souvent le terme postmoderne pour désigner une ville qui s'affranchit des structures urbaines traditionnelles (centre, monuments, hiérarchie, etc.), brouille les catégories binaire (culture élitaire/culture populaire, distinction/vulgarité, etc.) au profit de l'hétéroclite et de l'éclectique. Et à ce terme est souvent attaché celui de déconstruction. Or Los Angeles est la ville de la déconstruction par excellence. Y marcher (ou y rouler, le plus souvent), c'est parcourir un texte qui n'a pas d'explication définitive, univoque et transcendantale, c'est explorer une longue chaîne de signifiants dont le sens n'en finit pas de proliférer. Je vois dans la définition de cette ville un des secrets de son charme bizarre."

Un texte court (moins de 200 pages), qui se dévore, où Laure Murat se révèle convaincante et informative. Ajoutons que cela se lit avec beaucoup de plaisir et qu'à la fin on a l'impression d'avoir vécu dans la ville.

Des portions de son journal sont aussi reproduites. Là j'ai détecté à deux reprises cette fameuse écriture qui fait couler beaucoup d'encre semble-t-il.
p 130 "comme à trois autres historien-ne-s, ..." ou p 164 "faute de candidat-e-s." Alors que p 165 on lit "les étudiants en littérature." Pourquoi là et pas ici? Heureusement je n'ai trouvé que ces deux occurrences.

mercredi 6 décembre 2017

Au pied!

Au pied!
Carole Mijeon
Daphnis et Chloé, 2017


Etudiante en géographie, Mathilde, quoique se nourrissant à bas coût et se logeant dans un sous-sol humide, ne peut vivre de sa bourse et cherche des 'petits boulots'. Elle est engagée (sans contrat!) par Geneviève Arcand, belle, élégante, ayant hérité une grande demeure de son riche mari. Elle découvre avec naïveté un monde différent du sien. Au départ elle doit promener le chien, utiliser l'ordinateur, bref des tâches que sa patronne blessée à la main ne peut accomplir. Petit à petit, ses missions évoluent, jusqu'à carrément seconder Myriam, la femme de ménage officielle.

Mathide se révèle tout de même un peu nunuche et incapable de se rebeller, face aux desiderata de Geneviève qui la fait tourner en bourrique. Ladite Geneviève tourne pas mal au champagne, d'ailleurs...

Léa, la colocataire de Mathilde, est bien différente, elle sort beaucoup, poursuit ses études de psycho en pointillés. Mathilde, elle, ne sort pas, bosse ses cours, se prive de tout ou presque. Les deux jeunes filles, issues de milieux peu argentés, sont en parfait contrepoint de Geneviève Arcand, souvent odieuse.

Cela peut sembler assez caricatural, mais on finit par s'attacher aux deux étudiantes et à leur évolution. Léa par exemple devient de plus en plus 'aimable', et Mathilde de moins en moins 'bien brave', même si sa nature est celle d'une bosseuse honnête et gentille. Je ne vais rien révéler, surtout que la fin peut donner lieu à diverses interprétations, à mon avis.

Des avis chez babélio,

lundi 4 décembre 2017

Une heure de ténèbres

Une heure de ténèbres
Une enquête de Percy Jonas
Hour of Darkness
Michèle Rowe
Albin Michel, 2017 (ce serait sympa que je puisse prendre l'image de la couverture sur le site, non?)
Traduit par Esther Ménévis


Éteindre ses lumières pendant une heure, dans le cadre de "Une heure pour la planète", d'accord, mais dans une résidence ultra sécurisée du Cap, avec gardiens, caméras, serrures, barbelés électrifiés,  mieux vaut ne pas oublier de fermer une porte ou d'enclencher l'alarme. Ce soir là, Annette Petroussis et son bébé Calloum, 8 mois, sont enlevés.
L'inspectrice Persy Jonas est chargée de l'enquête.
Dès le début l'affaire promet de multiples ramifications, parmi les hommes politiques, les affairistes, les petits voyous et les hommes de main du Cap.

Après beaucoup de temps sans lire de polar, j'ai retrouvé avec plaisir le genre. Pas de détails difficiles, pas de faux suspenses. Les informations sont données au fil du récit, qui ne s'endort jamais. Au travers de multiples personnages, liés ou pas, se dévoile l'ambiance de la ville et de l'Afrique du sud, en tout cas c'est ce que j'ai ressenti. Différentes classes sociales, différentes ethnies,différents quartiers. Persy est métisse, son passé la rejoint parfois, on sent que l'on en apprendra plus au fil des tomes (c'est le deuxième) et elle "était souvent confrontée à la dérision ou à la rancœur de collègues qui pensaient qu’elle n'était rien d'autre que la bénéficiaire des quotas de race ou de genre."

Je retrouverais avec plaisir cette enquêtrice! Les enfants du Cap est le premier, le deuxième peut se lire indépendamment.

Note : j'ai bien aimé l'incursion des crapauds et de l'hippopotame dans l'histoire.

vendredi 1 décembre 2017

Afrique australe 5 : oui, c'est la fin!

Jamais je n'aurais pensé à avoir matière avec tant de billets, mais là c'est décidé, j'arrête. Pourtant il ne s'agit pas de rogatons, mais de temps très très forts du voyage, à savoir les dunes de Namibie (le Pilat n'a qu'à se rhabiller, la plus haute fait dans les 350 mètres) et les chutes Victoria.

Les dunes, donc. Une grande première pour moi.
Au coucher du soleil

Au lever du soleil, la dune 45
Puis une balade de 5 km


Traces d'oryx

Hop, on descend!
Le voyage s'est terminé au Zimbabwe, avec les chutes Victoria (sur le fleuve Zambèze). Comme c'est la fin de la saison sèche il n'y a pas beaucoup d'eau (j'ai vu les photos prises par ceux les ayant survolées en hélicoptère), mais quand on se promène le long des chutes c'est franchement impressionnant!
On ne peut voir ces chutes d'en bas (pas comme celles du Niagara), l'eau du fleuve se jetant dans une faille. On longe donc les chutes d'en haut et en face sur environ 1,7 km, la profondeur pouvant dépasser 100 mètres. De multiples points de vue sont offerts, différents et toujours impressionnants.




Normalement il devrait y avoir de l'eau tombant partout, mais c'est encore plus impressionnant de voir ce corridor.
Statue de Livingstone, le premier européen à observer les chutes, en 1855
Vues du ciel (merci wikipedia)

J'ajouterai que la nuit, de notre camping situé à deux trois km, on les entendait très bien. 

Voilà, fin du voyage, que je recommande aux amateurs de grands espaces et de nature.

mercredi 29 novembre 2017

Me voici

Me voici
Here I am
Jonathan Safran Foer
Editions de l'Olivier, 2017
Traduit par Stéphane Roques



En abordant ce pavé de 740 pages, le lecteur qui connaît (un peu) l'auteur se doute qu'il y aura du copieux et du non linéaire, et que l'effort demandé sera récompensé.

Pour aller vite, disons qu'il s'agit d'une histoire de famille. Celle de Jacob et Julia Bloch, avec leurs trois fils Sam, Max et Benjy (sans oublier le chien Argos, l'Odyssée me poursuit!), les parents de Jacob, et son grand père Isaac, dont le passé est résumé dans l'éblouissante première page du roman. Passé, présent (Sam doit faire sa bar-mitsva mais il y a un petit hic) et futur (oui, l'histoire se déroule de nos jours, avec un événement imaginaire, et courtes ouvertures sur vingt ans après). Le tout avec une extraordinaire fluidité.

Le couple Julia-Jacob est en train d'exploser, en dépit de la famille qu'ils ont formée. Le lecteur omniscient ou presque se dit qu'il suffirait de si peu pour que... Les deux sont (ou essaient d'être) de bons parents et de superbes passages sur l'amour parsèment le roman.
J'ai parlé de bar-mitswa, la religion juive et Israël forment un arrière plan (voire premier plan à certains moments) incontournable. C'est absolument intéressant et intelligent, et même émouvant (j'ai aimé le discours du rabbin à l'enterrement). D'ailleurs le titre 'Me voici' reprend la réponse d'Abraham à trois reprises quand il se prépare à sacrifier son fils Isaac (là c'est un passage de la Genèse)(page 144 dans le roman).

Ajoutons des cousins israéliens en visite, un Second Life ou même genre (au fait, ça existe encore, Second Life?), des pages inénarrables sur IKEA (vers page 714), et plein plein de passages qui font mouche. Je ne dis pas qu'on ne ressente pas le besoin de souffler parfois, mais un dialogue vif (oui il y a beaucoup de dialogues, ça aide!), une réflexion percutante arrivent, et on est repris...

"Nous vivons dans le monde, songea Jacob. Cette pensée semblait toujours s'imposer en général en contrepoids du mot idéalement. Idéalement, nous ferions des sandwichs dans des foyers pour sans-abri chaque week-end, nous apprendrions à jouer d'un instrument à un âge avancé, et cesserions de considérer qu'être parvenu à la moitié de sa vie, c'est avoir un âge avance, et nous utiliserions d'autres ressources mentales que Google, et d'autres ressources physique qu'Amazon, et supprimerions définitivement les macaronis au cheddar de notre régime alimentaire, et consacrerions au moins un quart du temps et de l'attention qu'ils méritent à nos proches vieillissants, et ne mettrions jamais un enfant devant un écran. Mais nous vivons dans le monde, et dans le monde il y a l'entraînement de foot, l'orthophoniste, les courses, les devoirs, le maintien d'une maison dans un état à peu près propre, l'argent, les humeurs, la fatigue,et puis nous ne sommes que des êtres humains, et les êtres humains non seulement ont besoin de petits moments où ils lisent le journal en buvant leur café, voient leurs amis, font une pause, mais ils les méritent, ces petits moments, également, si bien que aussi belle que osit cette idée, nous n'avons aucune chance de la mettre en pratique. C'est nécessaire, mais nous n'en avons pas la capacité."

En cherchant pour cet article, j'ai découvert que l'auteur est séparé de son épouse Nicole Krauss. Non mais quoi!

L'avis de cuné ( passé hors de mes radars, mais je me rattrape)

lundi 27 novembre 2017

La course

La course
The race
Nina Allan
Tristram, 2017
Traduit par Bernard Sigaud


Après Complications je me suis jetée sur cette Course, annoncée comme étant enfin un roman de Nina Allan, après des nouvelles remarquables et remarquées.

Bienvenue à Sapphire, ex station balnéaire du sud de l'Angleterre. Les marais ont été asséchés, l'industrie s'est installée (extraction de gaz de schiste?), bref, c'est désormais ruines industrielles, pollution, et misère.
Le coin est désormais connu pour ses élevages et ses courses de lévriers, mais attention, des lévriers transgéniques, capables de performances incroyables, surtout lorsqu'ils sont bien coachés par un 'pisteur', un humain doté d'une puce lui permettant de 'communiquer' avec son animal.
Del, le frère de Jenna, n'a pu devenir pisteur, mais il fera concourir Lim dans une course qu'il doit absolument gagner, le gain servant à payer la rançon de Maree, sa toute petite fille enlevée pour des raisons obscures (quoique). La narratrice Jenna confectionne de magnifiques gants pour les pisteurs.

130 pages, et puis brusquement l'on passe à Christy, l'on bascule dans une autre histoire. Pourtant les mères de Jenna et Christy ont toutes deux disparu du domicile familial, les deux jeunes filles ont un frère. Un lien semble apparaître, Christy deviendrait-elle l'auteur de la première partie?
En tout cas en troisième partie, en gros vingt ans plus tard, elle est écrivain. Puis la dernière partie nous apprend ce qu'est devenue Maree. Pour achever de déboussoler le lecteur, le livre de Nina Allan se termine par une nouvelle de Christy Peller, avec toujours Maree comme héroïne.

Le lecteur se doit donc de demeurer attentif et de guetter les multiples détails parsemés dans ces histoires à première vue indépendantes, des histoires 'en miroir' (et je n'utilise pas ce mot par hasard).

"C'était une idée qui ne m'était jamais venue à l'esprit - que vous pouviez écrire un livre sur un lieu réel, un lieu que vous connaissiez bien,et pouviez, rien qu'en modifiant et en ajoutant de menus détails, le changer en quelque chose de complètement différent. Un lieu où il se passait de belles choses, ou des choses affreuses."

Ladite science fiction peut consister tout simplement en de légers décalages du réel, tout en subtilité. Nina Allan est extrêmement douée dans ce domaine. Ses histoires sont parfaitement 'normales', avec ce petit pas de côté que l'on finit par quasiment oublier, jusqu'à ce que...

Les avis de Charybde,

Tristram est l'éditeur du mois chez Tête de lecture.

vendredi 24 novembre 2017

Afrique australe 4 : des habitants!

Lors du voyage tout de même il y eut des rencontres avec les habitants (mais je me retiens toujours un peu de prendre des photos)

A Swakopmund, grande ville de Namibie, l'on nous a proposé une visite dans les townships. Pourquoi pas, donc, même si cela fait un peu trop 'pour touriste'.
Visite au marché (pas de photos des vendeuses, des produits, des gamins, etc.) et arrêt dans une maison pour rencontrer deux dames Herrero dans leurs habits traditionnels.

Pour en avoir aperçu d'autres en pleine ville (ailleurs) l'on peut suggérer que même si c'est un peu 'mis en scène' ici, l'habit traditionnel est encore porté de façon usuelle.

Le quartier lui-même est comme un quartier de ville africaine, dorénavant chacun peut habiter où il le désire, mais du temps de l'apartheid (existant aussi en Namibie puisque le pays, après avoir été une colonie allemande, est passé sous protectorat sud africain, et est indépendant depuis 1990), selon ton ethnie, tu habitais tel ou tel quartier.
Petit tour dans un quartier à la périphérie, où habitent des nouveaux arrivants, enregistrés, mais dans des habitations précaires (pas destinées à durer-quoique)
Comme un bidonville?
Retour dans le township précédent pour découvrir des spécialités
Galette de céréales pour attraper les autres aliments -pas de couverts
Fruits, haricots

Poulet, chenilles (testé), épinards
 Plus au nord, arrêt dans un village Himba. Les hommes gardent les troupeaux quelque part, les femmes et les enfants sont là.



 Terminons avec des gens que l'on ne verra pas, mais qui ont laissé voici des siècles des traces sur les parois. Les Bushmen habitaient ici (on dit les San, ils sont actuellement peu nombreux, dans une autre partie du pays, oui, ils parlent une langue avec des clics, on a eu une démonstration)


 Une idée du coin reculé, et quelques dessins.


mercredi 22 novembre 2017

Une odyssée

Une odyssée
un père, un fils, une épopée
Daniel Mendelsohn
Flammarion, 2017
Traduit par Clotilde Meyer et Isabelle D. Taudière



Daniel Mendelsohn est l'auteur des Disparus, à lire absolument, et le voici de retour avec Une odyssée, recensé par Dominique, et forcément noté derechef comme indispensable.

Qui a lu l'Odyssée? Je ne dis pas forcément en VO, mais en version intégrale? On croit connaître, en tout cas (Ulysse, le retour de Troie, Pénélope, tout ça) et quel meilleur professeur pourrait-on choisir que Daniel Mendelsohn? Lors d'un semestre à l'université consacré à l'Odyssée, voilà que son père Jay, 81 ans, scientifique à la base, demande à assister à ses cours. Promettant de ne pas intervenir, promesse bien sûr non tenue, mettant parfois son fils dans l'embarras. En effet Ulysse ne lui plait guère.

Voilà donc le lecteur assister aux cours, aux débats, aux explications éclairantes de Daniel Mendelsohn, et ce n'est que du bonheur! Avec parfois quelques surprises pour l'auteur, poussé dans ses retranchements.
"Non, vraiment, quand vous enseignez, vous ne savez jamais quelles surprises vous attendent: qui vous écoutera ni même, dans certains cas, qui délivrera l'enseignement."

S'il n'y avait que la recension de ce cours, ce serait déjà admirable. Mais "Un fils en quête de son père. Ainsi commence l'Odyssée, et ainsi finit-elle." Trois générations : Télémaque, Ulysse, Laerte. Daniel Mendelsohn évoque la personnalité de son père, à ses yeux en tout cas, un homme assez rigide et peu expansif. L'oeuvre d'Homère révèle des résonances dans leur histoire personnelle, Dominique parle par exemple des lits (fabriqués par Ulysse, et par Jay), je parlerai juste d'une certaine honte de Daniel à l'égard de Jay, et de son choix de mentors ou 'pères choisis'. Une remarque de Jay au sujet de Télémaque et Eumée, "ça a dû être dur pour lui -Ulysse- d'être obligé de rester là, imperturbable, à regarder son fils se comporter avec l'autre comme si c'était son vrai père", remarque que Daniel Mendelsohn ne commente pas dans le livre, n'en est que plus forte.
Le livre est plein de ces échos entre passé homérique et passé/présent du père et du fils Mendelsohn.

Mais ce n'est pas tout: père et fils s'inscrivent à une croisière en Méditerranée, "Sur les traces d'Ulysse" et le compte rendu de cette 'odyssée' s'inscrit dans le livre.

En conclusion : c'est forcément érudit, mais ça se lit sans peine, c'est passionnant, riche, dense et donne à réfléchir.

Le récent billet de myriam (Aifelle, tu attends quoi?) et d'autres vies que la mienne, papillon, galéa,

Pour faire court, je dirai de même de la BD suivante, lue en parallèle
Ulysse les chants du retour
Jean Harambat
Actes sud, 2014



La parole est donnée à Homère, bien sûr, mais aussi des personnes spécialistes ou non. Le graphisme évoque souvent celui retrouvé sur les vases grecs par exemple.

Les premières pages ici.

lundi 20 novembre 2017

Fukushima Dans la zone interdite

Fukushima
Dans la zone interdite
William T. Vollmann
Tristram, 2012
Traduit par Jean-Paul Mourlon



Journaliste résidant à Sacramento, William Vollmann s'est rendu peu de temps après le tremblement de terre/tsunami/accident nucléaire au Japon et particulièrement dans la région de Fukushima.

Muni d'un dosimètre qui pour ce que j'en ai compris n'indiquera que les relevés cumulés (et donc pas à un instant T)(de plus je m'y suis rapidement perdue dans les millirems et millisieverts -sans parler des roentgens obsolètes), et ayant prévu de vieux vêtements destinés à finir dans une poubelle des zones contaminées, le voilà qui part, accompagné d'une traductrice, et de divers chauffeurs de taxi. Il a très officiellement le droit d'interviewer les gens, mais se contentera plutôt de conversations avec des japonais certes matériellement ruinés, mais -à part un- n'ayant pas perdu de proches.
Décrivant les paysages, les dégâts, l'oeil sur son dosimètre (fiable?), il va jusqu'à un périmètre interdit, et son voyage se termine à Hiroshima et son Musée mémorial.
Photo prise par l'auteur

L'on ressent son respect pour les Japonais soumis à la catastrophe, calmes et quasi fatalistes. Son ton est assez particulier, retenu, assez peu informatif finalement, en tout cas pas de conclusions définitives, c'est comme un cliché pris à un instant donné.
Souvent, une certaine ironie (ou autodérision) est perceptible.
"La sidérante capacité de l'officiel japonais à ne dire absolument rien n'a d'égal que l'absurde degré de confiance que le grand public place en lui; tandis que la suspicion cynique de l'électorat américain trouve son parfait complice dans la malhonnêteté complaisante et parfois même fanfaronne de nos officiels."

Photo prise par l'auteur


Les avis de charybde, (titré Une rareté : un Vollmann décevant, mais qui fait pourtant subtilement effet.)

Lu dans le cadre de Un mois, un éditeur.

vendredi 17 novembre 2017

Afrique australe 3 : du lourd!

Les trois derniers des Big five sont le buffle, le rhinocéros et l'éléphant. On ne les voit pas sur commande, mais pour l'éléphant ce fut un festival!


Tu me cherches, là?

Sans oublier les hippopotames

Un pépère bien peinard, ses cicatrices prouvent qu'il a su défendre son coin face aux congénères
 Sauf que...
Arrivée de l'éléphant pas content


Oui, barre-toi!

OK j'ai compris!


M'enfin, c'est qui le chef?
Quoi de plus enthousiasmant qu'un éléphant? Oui, un éléphanteau. Choyés, couvés par leurs mamans.
Le petit tète avec sa gueule les tétines situées entre les pattes avant.

Le spectacle le plus fort ce fut la traversée d'éléphants lors d'une balade en bateau sur le Zambèze.


Oui, faut penser à respirer...

Elle est pas belle la vie?
C'est sûr!
N'oublions pas plein d'animaux au fort capital sympathie
Oryx


Gnou

Coucou!



Springboks
 et un autre moins bien coté
On rigole moins, là!