Vous serez mes témoins
Nina Yargekov
POL, 2011
Mais cette fille est complètement barrée! Déjà avec le gros Double nationalité j'avais eu une idée favorable de cette auteur, là c'est plus court (250 pages) et complètement improbable.
Alors on dirait que se déroule un procès, celui d'une certaine Nina Y., accusée d'avoir voulu tirer parti d'un nébuleux statut de "meilleure amie d'Elodie", jeune femme s'étant suicidée le 14 juillet 2007. Connaissait-elle si bien que cela Elodie, son chagrin est-il simulé, etc., bref, le grand n'importe quoi est parfaitement assumé, le lecteur ne sait trop s'il faut rire ou pleurer, emporté qu'il est par un gros délire.
"Commandant GIGN
Concernant les affabulateurs qui prétendent faussement avoir eu des liens étroits avec des suicidés, nous les considérons au même titre que les imitateurs de tueurs en série et autres imposteurs du genre comme les guignols qui nous font perdre leur temps, passez-moi l'expression."
"Monsieur G., téléphonologue
Les téléphones portables sont de petits êtres sensibles qui peuvent être très affectés par le contenu des données vocales qui les traversent, surtout lorsqu'il concerne des personnes dont le numéro se trouve dans leur répertoire. Il n'est donc pas impossible que dans un moment de trouble, secoué par la triste nouvelle, le petit téléphone ait involontairement déformé les propos qu'il était en charge de transmettre."
vendredi 21 décembre 2018
mercredi 19 décembre 2018
Le reich de la lune
Le Reich de la lune
Iron sky - Renaten tarina
Johanna Sinisalo
Actes sud, 2018
Traduit par Anne Colin du Terrail
Bon, l'idéologie nazie, ce n'est pas ma tasse de thé, et il fallait bien Johanna Sinisalo et la promesse d'une "uchronie délicieusement barrée, joyeusement rocambolesque et délibérément grinçante" (dixit la quatrième de couverture) pour que je me lance là-dedans.
Accrochez-vous. Car figurez-vous qu'après la seconde guerre mondiale des nazis se sont réfugiés dans une base en Antarctique, et sont partis en fusée. Sur la face cachée de la lune. Ils se sont installés dans des souterrains, recréant une société bercée par l'idéologie national-socialiste et l'espoir de revanche sur la Terre.
En 2047 c'est une certaine Renate Richter qui dans son journal raconte son enfance (elle est née dans les années 1990) et particulièrement les événements suivant l'arrivée sur la lune de trois terriens en 2018. Elle sera amenée à se rendre elle-même sur la Terre!
Dès le début le lecteur découvre que son journal s'adresse à "Chère Kitty". Quoi? Johanna Sinisalo ne recule devant rien! "Ma fille saura-t-elle jamais pourquoi j'ai choisi ce nom? Il est juste, mes yeux, on ne peut plus pertinent, ironique à souhait."
Renate raconte comment se passe la vie des gens dans cette base enterrée (ou enlunée?), l'omniprésente propagande qui rappelle de mauvais souvenirs, mais n'est pas exempte de ridicule, j'ai apprécié les titres officiels tels Aufklärungsfluguntersturmführer ou Informationstechnikoberführer. Comment l'on se procure l'énergie et la nourriture. Rien de très technique, il s'agit de SF qui ne perd pas le lecteur avec de la physique chimie. En fait le chanvre y sert à tout, vêtements, nourriture, papier, carburant des véhicules. (Nan, pas d'usage récréatif). Tout ou presque est économisé et réutilisé. On ne mange pas de viande (nourrir les vaches avec ce qui conviendrait aux humains n'est pas raisonnable), l'eau n'est pas gaspillée, on utilise l'urée récupérée (je passe les détails) . Bref, une société obligatoirement écolo, mais pas très fun, et bien vissée. Et l'on apprend en cours de route un détail sur les Walhalla Garten qui fait froid dans le dos (mais un nazi reste un nazi, évidemment, ne pas l'oublier!).
Il y a même des travailleurs manuels, les Untermensch.
Alors bien sûr quand Renate arrive sur Terre, c'est le choc, auditif, olfactif, visuel! Et elle utilise son intelligence pour considérer la façon terrienne de bien gaspiller. Le papier, le pétrole, par exemple. "On fabriquait à partir d'une matière première précieuse, née au fil de millions d'années d’une accumulation de végétaux et d'animaux morts, extraite au prix d'énormes efforts des profondeurs de formations rocheuses ou du plancher océanique et péniblement raffinés au détriment de l'environnement, des produits qui n’étaient destinés qu'à être jetés."
"J'ai aussi supposé que l'eau de la chasse des WC avait déjà été utilisée au moins une fois, par exemple pour le ménage; sinon le gaspillage aurait été absolument délirant."
La télévision: "les capitalistes l’avaient transformée en un instrument de lavage de cerveau ayant pour seul but d'abêtir le peuple par des émissions de divertissement et d'enrichir les exploiteurs en vendant des biens et des produits inutiles." "Mais la télévision ne fait que jeter des contenus en pâture, sans réciprocité, et si certains, pour une raison ou une autre, sont enclins à la dissidence et refusent par exemple de croire à la supériorité du système national-socialiste, ou même d'en entendre parler, elel n'a aucune prise sur eux. Il leur suffit de l'éteindre.
Internet : "On dirait que lorsqu'on utilise ce canal de diffusion, il est plus important de répéter comme une vérité les propos de ses amis ou connaissances que de se renseigner réellement sur le fond des choses."
Au cas où vous en douteriez, ce genre de littérature permet, et souvent de façon jubilatoire, de critiquer notre Terre à nous!
Et si vous aimez l'action, soyez sans craindre, il y en a aussi dans ce roman.
Mais pas autant (et heureusement) que dans le film Iron sky (2012). Sinisalo a été créditée comme 'auteur de l'histoire originale' mais le roman serait la partie immergée de l'iceberg Iron sky (selon la note de fin). Et purée on dirait qu'il existe un numéro 2, ça a l'air du lourd côté nanard.
Iron sky - Renaten tarina
Johanna Sinisalo
Actes sud, 2018
Traduit par Anne Colin du Terrail
Bon, l'idéologie nazie, ce n'est pas ma tasse de thé, et il fallait bien Johanna Sinisalo et la promesse d'une "uchronie délicieusement barrée, joyeusement rocambolesque et délibérément grinçante" (dixit la quatrième de couverture) pour que je me lance là-dedans.
Accrochez-vous. Car figurez-vous qu'après la seconde guerre mondiale des nazis se sont réfugiés dans une base en Antarctique, et sont partis en fusée. Sur la face cachée de la lune. Ils se sont installés dans des souterrains, recréant une société bercée par l'idéologie national-socialiste et l'espoir de revanche sur la Terre.
En 2047 c'est une certaine Renate Richter qui dans son journal raconte son enfance (elle est née dans les années 1990) et particulièrement les événements suivant l'arrivée sur la lune de trois terriens en 2018. Elle sera amenée à se rendre elle-même sur la Terre!
Dès le début le lecteur découvre que son journal s'adresse à "Chère Kitty". Quoi? Johanna Sinisalo ne recule devant rien! "Ma fille saura-t-elle jamais pourquoi j'ai choisi ce nom? Il est juste, mes yeux, on ne peut plus pertinent, ironique à souhait."
Renate raconte comment se passe la vie des gens dans cette base enterrée (ou enlunée?), l'omniprésente propagande qui rappelle de mauvais souvenirs, mais n'est pas exempte de ridicule, j'ai apprécié les titres officiels tels Aufklärungsfluguntersturmführer ou Informationstechnikoberführer. Comment l'on se procure l'énergie et la nourriture. Rien de très technique, il s'agit de SF qui ne perd pas le lecteur avec de la physique chimie. En fait le chanvre y sert à tout, vêtements, nourriture, papier, carburant des véhicules. (Nan, pas d'usage récréatif). Tout ou presque est économisé et réutilisé. On ne mange pas de viande (nourrir les vaches avec ce qui conviendrait aux humains n'est pas raisonnable), l'eau n'est pas gaspillée, on utilise l'urée récupérée (je passe les détails) . Bref, une société obligatoirement écolo, mais pas très fun, et bien vissée. Et l'on apprend en cours de route un détail sur les Walhalla Garten qui fait froid dans le dos (mais un nazi reste un nazi, évidemment, ne pas l'oublier!).
Il y a même des travailleurs manuels, les Untermensch.
Alors bien sûr quand Renate arrive sur Terre, c'est le choc, auditif, olfactif, visuel! Et elle utilise son intelligence pour considérer la façon terrienne de bien gaspiller. Le papier, le pétrole, par exemple. "On fabriquait à partir d'une matière première précieuse, née au fil de millions d'années d’une accumulation de végétaux et d'animaux morts, extraite au prix d'énormes efforts des profondeurs de formations rocheuses ou du plancher océanique et péniblement raffinés au détriment de l'environnement, des produits qui n’étaient destinés qu'à être jetés."
"J'ai aussi supposé que l'eau de la chasse des WC avait déjà été utilisée au moins une fois, par exemple pour le ménage; sinon le gaspillage aurait été absolument délirant."
La télévision: "les capitalistes l’avaient transformée en un instrument de lavage de cerveau ayant pour seul but d'abêtir le peuple par des émissions de divertissement et d'enrichir les exploiteurs en vendant des biens et des produits inutiles." "Mais la télévision ne fait que jeter des contenus en pâture, sans réciprocité, et si certains, pour une raison ou une autre, sont enclins à la dissidence et refusent par exemple de croire à la supériorité du système national-socialiste, ou même d'en entendre parler, elel n'a aucune prise sur eux. Il leur suffit de l'éteindre.
Internet : "On dirait que lorsqu'on utilise ce canal de diffusion, il est plus important de répéter comme une vérité les propos de ses amis ou connaissances que de se renseigner réellement sur le fond des choses."
Au cas où vous en douteriez, ce genre de littérature permet, et souvent de façon jubilatoire, de critiquer notre Terre à nous!
Et si vous aimez l'action, soyez sans craindre, il y en a aussi dans ce roman.
Mais pas autant (et heureusement) que dans le film Iron sky (2012). Sinisalo a été créditée comme 'auteur de l'histoire originale' mais le roman serait la partie immergée de l'iceberg Iron sky (selon la note de fin). Et purée on dirait qu'il existe un numéro 2, ça a l'air du lourd côté nanard.
lundi 17 décembre 2018
Quatuor
Quatuor
Kwartet
Anna Enquist
Actes sud, 2016
Traduit par Emmanuelle Tardif
(remarque : Actes sud et Le cherche midi notent le nom du traducteur sur la couverture)
Après Contrepoint, lire encore Anna Enquist était tentant, et justement ce roman fait partie de la liste des 'coups de coeur des lecteurs de la médiathèque'. Un peu de Bach pour ce quatuor (peut-on s'en passer?) mais surtout Mozart avec son quatuor K 465 Les dissonances -quel titre!- et celui en ré mineur K 421, Schubert avec La jeune fille et la mort, et Dvorak. Un roman qui donne envie de se précipiter sur ces œuvres...
Mais parlons du roman, qui n'exige pas d'aimer la musique classique pour en apprécier la lecture, tellement il est riche. Quoique, ces moments où le quatuor répète et joue ensemble, où Jochem l'altiste exerce son art de luthier, c'est vraiment du bonheur.
Une ville, certainement Amsterdam, ses rivières, ses canaux, la péniche où loge Hugo (premier violon), ses déplacements à bicyclette... Mais un pays, où comme le suggère l’excellente image de couverture, rien ne va plus trop. Quelques détails donnent à penser que l'on n'est pas à notre époque, mis tout proche quand même, où corruption et incompétence règnent en maîtres. Caroline la violoncelliste, son collègue médecin Daniel, Heleen (deuxième violon) l'infirmière sont aux premières loges dans leur cabinet pour constater la déliquescence du système de santé, la façon dont les autorités promulguent des lois avec lesquelles pharmaciens et médecins doivent se débrouiller pour que les patients n'en pâtissent pas. Par ailleurs Reinier, ex soliste virtuose, professeur de violoncelle, vit dans la terreur d'être envoyé dans un établissement pour personnes âgées (les aides à domicile ne sont pas censées exister encore).
Caroline et Jochem ont vécu un drame dont les causes peuvent aussi être dues à la dégradation du système, chacun a réagi différemment, et le roman montre leur évolution.
Ajoutons à cela Hugo le premier violon, aux premières loges pour vivre l'inexorable destin de la culture, 'luxe inutile'.
Les services judiciaires ne sont pas en reste, dans ce portrait d'un monde pas si éloigné du nôtre, avec une affaire qui touchera de près les membres du quatuor.
Non, je n'ai pas tout raconté bien sûr, de ce roman dont le côté paisible camoufle bien des tiraillements, des incompréhensions, des chagrins, et de l'amour et de l'amitié. Une narration sans chichis, au présent (ce que je n'aime guère d'ordinaire, mais j'ai dévoré le livre!)
Les avis chez babelio,
Edit du 4 juin 2019
Ayant appris que ce roman a une 'suite', à savoir Car la nuit s'approche, même éditeur, traducteur, etc.il me fallait la lire. Exact, on reprend les mêmes personnages, surtout Caroline d'ailleurs (la quatrième de couverture en raconte bien trop). Conséquences d' l'attentat sur tous. Narration au présent. c'est doux, triste un peu. Lueur d'espoir à la (belle) fin.
Kwartet
Anna Enquist
Actes sud, 2016
Traduit par Emmanuelle Tardif
(remarque : Actes sud et Le cherche midi notent le nom du traducteur sur la couverture)
Après Contrepoint, lire encore Anna Enquist était tentant, et justement ce roman fait partie de la liste des 'coups de coeur des lecteurs de la médiathèque'. Un peu de Bach pour ce quatuor (peut-on s'en passer?) mais surtout Mozart avec son quatuor K 465 Les dissonances -quel titre!- et celui en ré mineur K 421, Schubert avec La jeune fille et la mort, et Dvorak. Un roman qui donne envie de se précipiter sur ces œuvres...
Mais parlons du roman, qui n'exige pas d'aimer la musique classique pour en apprécier la lecture, tellement il est riche. Quoique, ces moments où le quatuor répète et joue ensemble, où Jochem l'altiste exerce son art de luthier, c'est vraiment du bonheur.
Une ville, certainement Amsterdam, ses rivières, ses canaux, la péniche où loge Hugo (premier violon), ses déplacements à bicyclette... Mais un pays, où comme le suggère l’excellente image de couverture, rien ne va plus trop. Quelques détails donnent à penser que l'on n'est pas à notre époque, mis tout proche quand même, où corruption et incompétence règnent en maîtres. Caroline la violoncelliste, son collègue médecin Daniel, Heleen (deuxième violon) l'infirmière sont aux premières loges dans leur cabinet pour constater la déliquescence du système de santé, la façon dont les autorités promulguent des lois avec lesquelles pharmaciens et médecins doivent se débrouiller pour que les patients n'en pâtissent pas. Par ailleurs Reinier, ex soliste virtuose, professeur de violoncelle, vit dans la terreur d'être envoyé dans un établissement pour personnes âgées (les aides à domicile ne sont pas censées exister encore).
Caroline et Jochem ont vécu un drame dont les causes peuvent aussi être dues à la dégradation du système, chacun a réagi différemment, et le roman montre leur évolution.
Ajoutons à cela Hugo le premier violon, aux premières loges pour vivre l'inexorable destin de la culture, 'luxe inutile'.
Les services judiciaires ne sont pas en reste, dans ce portrait d'un monde pas si éloigné du nôtre, avec une affaire qui touchera de près les membres du quatuor.
Non, je n'ai pas tout raconté bien sûr, de ce roman dont le côté paisible camoufle bien des tiraillements, des incompréhensions, des chagrins, et de l'amour et de l'amitié. Une narration sans chichis, au présent (ce que je n'aime guère d'ordinaire, mais j'ai dévoré le livre!)
Les avis chez babelio,
Edit du 4 juin 2019
Ayant appris que ce roman a une 'suite', à savoir Car la nuit s'approche, même éditeur, traducteur, etc.il me fallait la lire. Exact, on reprend les mêmes personnages, surtout Caroline d'ailleurs (la quatrième de couverture en raconte bien trop). Conséquences d' l'attentat sur tous. Narration au présent. c'est doux, triste un peu. Lueur d'espoir à la (belle) fin.
jeudi 13 décembre 2018
Un portrait de femme
![]() |
Couverture de la première édition américaine. 1881 |
Henry James
Penguin classics, 1984
Bla bla qu'on peut sauter :
Dans la catégorie 'même pas peur', après L'excuse de Julie Wolkenstein qui reprenait brillamment l'intrigue du roman de James, et le récent billet de Dominique qui le place dans son top 10, je me suis lancée dans ce (gros) roman, disponible seulement en VO à la bibliothèque.
Me souvenant donc (vaguement) de l'histoire, le risque était d'y prendre moins d'intérêt : mais non, James fait partie des auteurs - et c'est sûrement à cela qu'on reconnaît leur qualité- passionnants -voire plus- quand on n'ignore pas tout de ses écrits. Au moins j'étais prévenue, la vie d'Isabel Archer ne sera pas un long fleuve tranquille.
Cependant j'ai prudemment lu la préface APRES. Julie Wolkenstein était beaucoup plus vague et a - si j'ose dire- transfiguré l'oeuvre de James- inventant une suite pour "Isabel" après le décès de "Ralph", et une vie amoureuse heureuse pour "Pansy". Alors que la préface raconte tout! Parfait pour les petites mémoires, mais après lecture.
L'histoire :
Isabel Archer est une jeune américaine de 23 ans environ, orpheline, intelligente et déterminée, de beauté et de richesse raisonnables, en tout cas assez pour attirer plein de prétendants et ne pas travailler. Elle est considérée comme très indépendante et va bien le démontrer en première partie du roman. (oui on sent qu'elle m'a un poil agacée, mais ensuite je l'ai plainte et admirée, la pauvre)
Invitée par sa tante Mrs Touchett, elle s'installe pour une période indéterminée dans la propriété des Touchett, près de la Tamise. Elle y fait connaissance de son oncle, et de son cousin Ralph, dont la maladie (tuberculose vraisemblablement) l'oblige à fuir parfois le climat anglais pour celui de l'Italie, et de Lord Warburton, aristocrate local qui a tout pour lui, physique, richesse, intelligence, sauf la capacité de se faire aimer d'Isabel. Arrive Caspar Goodwood, homme d'affaires américain, lui aussi amoureux d'Isabel, et dont la demande en mariage est aussi rejetée, Isabel affirmant haut et fort son désir d'indépendance.
Et Ralph? Ce n'est pas un secret pour le lecteur que lui aussi est amoureux d'Isabel.
Arrive Madame Merle, une veuve fort intelligente dont la vie semble se passer en des séjours chez ses multiples amis; Isabel se prendra d'amitié pour elle.
Le vieux Monsieur Touchett décède, non sans avoir laissé à Isabel , à la demande de Ralph, une belle fortune, désirant la voir vraiment indépendante.
Isabel va voyager durant deux ans, et on la retrouve en Italie, où Madame Merle la présente à Gilbert Osmond, veuf et père de la jeune Pansy, quinze ans. En dépit de quelques avertissements, Isabelle épouse Gilbert. Il faudra en gros la seconde partie du roman pour qu’elle soit désillusionnée par ce mariage.
Mes impressions (en vrac):
Un démarrage assez diesel, où James décortique en long et en large le caractère de ses personnages, mais les dialogues épatants m'ont fait prendre patience. Puis la mayonnaise prend, et j'ai dévoré le reste. James est très doué dans les dialogues, bourrés de sous-entendus et de non-dits, laissant parfois le lecteur impatient d'avoir le renseignement recherché, et souvent frustré quand il n'apprend pas tout. La tension monte, il lui reste à se contenter des regards, des petits gestes, pour deviner ou espérer deviner. D'après Julie Wolkenstein James lui-même n'avait pas toutes les réponses. Dans l'affaire avec Pansy, Isabel et Lord Warburton, difficile de savoir ce que ces deux derniers avaient réellement en tête (le savent-ils eux-mêmes consciemment, d'ailleurs?).
Ralph serait assez spectateur. "What's the use of being ill and disabled and restricted to mere spectatorship at the game of life if I really can't see the show when I've paid so much for my ticket?" Traduction à l'arrache " A quoi bon être malade et handicapé et réduit à être spectateur du jeu de la vie si réellement je ne peux voir le spectacle alors que j'ai payé mon ticket si cher?" Julie Wolkenstein, toujours elle, prétend qu'il est logique que le roman se termine peu après la mort de Ralph, qui n'est plus là pour connaître la suite.
Les demandes en mariage de Warburton et de Goodwood se succèdent dans le roman, et c'est intéressant de découvrir comment les deux hommes sont différents lors de cette demande.
Assez évident de penser que James oppose le vieux et le nouveau continent, avec un plus pour l'ancien. Allez-retours entre Angleterre et Italie (avec un séjour à Paris) pour ses personnages sans gros problèmes financiers semble-t-il. On est dans une bonne société, policée, respectant les usages et les conventions, et il est rare que les masques tombent, sauf un peu vers la fin, et il faut souvent être vigilant.
L'un des plus beaux passages (à mon goût) est celui où Isabel, quasi consciente du passé qu'on lui a caché, trouve consolation parmi les ruines de Rome. L'on sent d’ailleurs que James ne pouvait qu'aimer et connaître passionnément cette ville.
Et Madame Merle? Quel personnage! Les notes de fin de volume font la relation avec le nom de Madame de Merteuil, et c'est sûr que c'est aussi une comploteuse, et qu'à la fin elle quittera l'Europe (la fuite?)
Que ces considérations parfois tristounettes n'empêchent ps de lire ce fabuleux roman, qui se révèle -même si de moins en moins au fur et à mesure que l'histoire avance- plutôt drôle, en tout cas le tragique côtoie l'ironie. Et je m'aperçois que j'ai oublié de parler de Henrietta Stackpole, l'amie d'Isabel, journaliste au caractère bien trempé, parfois ridicule mais extrêmement sympathique, et contribuant souvent à relâcher la tension.
D'autres avis : lecture écriture, babelio,
lundi 10 décembre 2018
Ma vie en peintures
Ma vie en peintures
El nervio optico
Maria Gainza
Gallimard, 2018
Traduit par Gersende Camenen
"Je marchais dans le musée en évitant les grands tableaux, lassée de la peinture du vingtième siècle et de ses grands airs messianiques qui crient sur ton passage : 'je suis une oeuvre d'art!' comme s'il y avait de quoi en faire tout un plat, lorsqu'un tableau a capté mon attention. En approchant j'ai découvert son nom : Schiavoni. Un nom qui ne me disait rien du tout; tout au plus évoquait-il celui d'un garagiste ou d’une entreprise de déménagement, même si, dans ce cas, on aurait dû lire 'Schiavoni, père et fils.' Et puis il y avait la question de la ressemblance."
L'illustration de couverture, Jeune fille assise d'Augusto Schiavoni, appartient au Musée des Beaux Arts de Buenos Aires, et lors d'une visite Maria Gainza réalise la ressemblance entre la jeune fille représentée en 1929 et elle-même enfant. Là voilà ensuite rappelant la vie de Schiavoni, particulièrement à Venise, et évoquant sa vieille amitié (à elle) avec un certain Fabiolo. Le lien entre ces différents sujets existe, passer de l'un à l'autre peut ne pas paraître forcément fluide, mais on ne s'y perd pas et cela reste fort intéressant.
Voilà comment Maria Gainza, journaliste et critique d'art argentine, construit ses différents chapitres, chacun consacré sans trop de chronologie à un peintre et une partie de sa vie, avec l'Argentine en lointaine toile de fond. La quatrième de couverture appelle cela une fiction autobiographique et je préfère cela à roman.
"Parcourez du regard une salle de peinture argentine. Faites le lentement, en gardant une vision floue. Dès que vous sentirez une secousse (...) arrêtez-vous: il est fort probable que vous vous trouviez face à un Victorica."
Parlant de son incapacité (récente) à prendre l'avion
"Bien sûr, il y a des choses que tu rates en ne voyageant pas. Tu as dû renoncer à voir un jour Le Rêve, l'une des grandes peintures de Rousseau qui se trouve au MoMa de New York et qui, fit-on, fait trembler le sol sous les pieds. Tu ne verras pas non plus la Madonna del Parto de Piero Della Francesca, qui est à Monterchi et qui porte une tunique bleue capable d'émouvoir une institutrice allemande; le Baiser à la dérobée de Fragonard, qui est à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, ce sera pour une future réincarnation slave. Et, entre nous, il est temps de renoncer à l'idée saugrenue de contempler de tes propres yeux le hanami, la neige la plus exquise du monde, le moment précis où les cerisiers fleurissent au Japon."
L'avis (tentateur) de Maryline (avec plein d'illustrations) et Annie, bien illustré aussi.
El nervio optico
Maria Gainza
Gallimard, 2018
Traduit par Gersende Camenen
"Je marchais dans le musée en évitant les grands tableaux, lassée de la peinture du vingtième siècle et de ses grands airs messianiques qui crient sur ton passage : 'je suis une oeuvre d'art!' comme s'il y avait de quoi en faire tout un plat, lorsqu'un tableau a capté mon attention. En approchant j'ai découvert son nom : Schiavoni. Un nom qui ne me disait rien du tout; tout au plus évoquait-il celui d'un garagiste ou d’une entreprise de déménagement, même si, dans ce cas, on aurait dû lire 'Schiavoni, père et fils.' Et puis il y avait la question de la ressemblance."
L'illustration de couverture, Jeune fille assise d'Augusto Schiavoni, appartient au Musée des Beaux Arts de Buenos Aires, et lors d'une visite Maria Gainza réalise la ressemblance entre la jeune fille représentée en 1929 et elle-même enfant. Là voilà ensuite rappelant la vie de Schiavoni, particulièrement à Venise, et évoquant sa vieille amitié (à elle) avec un certain Fabiolo. Le lien entre ces différents sujets existe, passer de l'un à l'autre peut ne pas paraître forcément fluide, mais on ne s'y perd pas et cela reste fort intéressant.
Voilà comment Maria Gainza, journaliste et critique d'art argentine, construit ses différents chapitres, chacun consacré sans trop de chronologie à un peintre et une partie de sa vie, avec l'Argentine en lointaine toile de fond. La quatrième de couverture appelle cela une fiction autobiographique et je préfère cela à roman.
"Parcourez du regard une salle de peinture argentine. Faites le lentement, en gardant une vision floue. Dès que vous sentirez une secousse (...) arrêtez-vous: il est fort probable que vous vous trouviez face à un Victorica."
![]() |
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_R%C3%AAve_(Rousseau) |
"Bien sûr, il y a des choses que tu rates en ne voyageant pas. Tu as dû renoncer à voir un jour Le Rêve, l'une des grandes peintures de Rousseau qui se trouve au MoMa de New York et qui, fit-on, fait trembler le sol sous les pieds. Tu ne verras pas non plus la Madonna del Parto de Piero Della Francesca, qui est à Monterchi et qui porte une tunique bleue capable d'émouvoir une institutrice allemande; le Baiser à la dérobée de Fragonard, qui est à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, ce sera pour une future réincarnation slave. Et, entre nous, il est temps de renoncer à l'idée saugrenue de contempler de tes propres yeux le hanami, la neige la plus exquise du monde, le moment précis où les cerisiers fleurissent au Japon."
![]() |
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hanami |
vendredi 7 décembre 2018
Ma dévotion
Ma dévotion
Julia Kerninon
la brune au Rouergue, 2018
"Lorsque quelqu'un est aussi discret que moi, personne n'imagine qu'il puisse avoir un tempérament passionné. Les gens pensent que ma personnalité est un genre de bruit blanc, que le silence que je fais en société est l'écho de celui qui résonne, depuis toujours, dans l'espace clos de ma tête, sous les cheveux coiffés. Mais -je le sais mieux que personne- il ne faut pas juger un livre à sa couverture."
Est-ce l'explication du drame final? Peut-être. Après des décennies sans vagues, à protéger, soutenir Frank, à lui servir de secrétaire femme de ménage organisatrice amie et amante, quand ça pète, ça pète; et vingt-trois ans plus tard, quand ils se revoient par hasard sur un trottoir londonien, pour une fois Helen s'exprime, dans un long monologue.
Ils se sont connus à douze ans, chacun enfant de diplomate, à Rome, souffrants de leurs familles respectives (et Helen de ses frères harceleurs), et sont installés à Amsterdam, où à vingt-huit ans Frank a découvert sa passion pour la peinture et est devenu célèbre, reconnu. Helen a tenté le mariage mais en vain. Sa vie professionnelle, écriture et études littéraires, est une réussite.
Dévotion d'Helen à l'égard de Frank, parfois heureuse et toujours déséquilibrée. Frank, génie de la peinture, égoïste inconscient? Le détail de la 'soeur' est atroce.
Comme pour Buvard, j'ai dévoré ce roman, complètement happée et fascinée, plus pour l'écriture que par l'histoire.
Les avis de Motspourmots,
Julia Kerninon
la brune au Rouergue, 2018
"Lorsque quelqu'un est aussi discret que moi, personne n'imagine qu'il puisse avoir un tempérament passionné. Les gens pensent que ma personnalité est un genre de bruit blanc, que le silence que je fais en société est l'écho de celui qui résonne, depuis toujours, dans l'espace clos de ma tête, sous les cheveux coiffés. Mais -je le sais mieux que personne- il ne faut pas juger un livre à sa couverture."
Est-ce l'explication du drame final? Peut-être. Après des décennies sans vagues, à protéger, soutenir Frank, à lui servir de secrétaire femme de ménage organisatrice amie et amante, quand ça pète, ça pète; et vingt-trois ans plus tard, quand ils se revoient par hasard sur un trottoir londonien, pour une fois Helen s'exprime, dans un long monologue.
Ils se sont connus à douze ans, chacun enfant de diplomate, à Rome, souffrants de leurs familles respectives (et Helen de ses frères harceleurs), et sont installés à Amsterdam, où à vingt-huit ans Frank a découvert sa passion pour la peinture et est devenu célèbre, reconnu. Helen a tenté le mariage mais en vain. Sa vie professionnelle, écriture et études littéraires, est une réussite.
Dévotion d'Helen à l'égard de Frank, parfois heureuse et toujours déséquilibrée. Frank, génie de la peinture, égoïste inconscient? Le détail de la 'soeur' est atroce.
Comme pour Buvard, j'ai dévoré ce roman, complètement happée et fascinée, plus pour l'écriture que par l'histoire.
Les avis de Motspourmots,
mercredi 5 décembre 2018
Petites foulées au bord d'un canal
Petites foulées au bord d'un canal
Nouvelles
Luc-Michel Fouassier
Quadrature, 2018
Quatorze courts textes pour une soixantaine de pages, voilà qui se lit aisément, surtout que l'écriture est belle, et les impressions diverses, nostalgie, humour, tristesse, émotion. Jamais l'on ne s'ennuie, et pourtant tout se passe le long du canal de Briare (mais si, celui avec le pont-canal de Gustave Eiffel!).
Un sentier de halage pour les balades, ratées ou pas, les couples se formant ou se réconciliant, un pêcheur, un peintre, des bateaux, et une maison bien trop accueillante selon les épouses... Même Jean Rolin y est convié, avec un titre, Chemins d'eau.
Bref, j'ai beaucoup aimé ces tranches de vie (sans gros flaflas et drames sanglants), bourrés d'humanité et du sens de l'observation.
Merci à Patrick Dupuis, lui -même auteur de nouvelles, pour cet envoi.
Petites foulées au bord d'un canal, un titre auquel je ne pouvais résister! En effet depuis des années j'habite le long d'un canal, observant sans bouger de chez moi canards, hérons, ragondins, écureuils, pêcheurs, promeneurs... Puis, lorsque le temps le permet, pas trop chaud, pas trop froid, pas trop humide, chaussant de bonnes chaussures de sport pour justement un parcours à petites foulées le long du sentier de halage. Sans chercher le chrono, puisque de toute façon je n'hésite pas à papoter avec les promeneurs, touristes, pêcheurs, lecteurs, ramasseurs (cette année que de noix!) et héler les écureuils, ragondins, chevreuils et chiens, qui eux ne se donnent pas la peine de me répondre. Les coucous et piverts me snobent, les martins-pêcheurs aussi. On m'a signalé des castors dans le coin. Toujours le même parcours, avec un pont canal bien modeste, mais souvent des découvertes, selon les saisons tel arbre apparaît différent, la lumière change tout aussi.
Nouvelles
Luc-Michel Fouassier
Quadrature, 2018
Quatorze courts textes pour une soixantaine de pages, voilà qui se lit aisément, surtout que l'écriture est belle, et les impressions diverses, nostalgie, humour, tristesse, émotion. Jamais l'on ne s'ennuie, et pourtant tout se passe le long du canal de Briare (mais si, celui avec le pont-canal de Gustave Eiffel!).
Un sentier de halage pour les balades, ratées ou pas, les couples se formant ou se réconciliant, un pêcheur, un peintre, des bateaux, et une maison bien trop accueillante selon les épouses... Même Jean Rolin y est convié, avec un titre, Chemins d'eau.
Bref, j'ai beaucoup aimé ces tranches de vie (sans gros flaflas et drames sanglants), bourrés d'humanité et du sens de l'observation.
Merci à Patrick Dupuis, lui -même auteur de nouvelles, pour cet envoi.
Petites foulées au bord d'un canal, un titre auquel je ne pouvais résister! En effet depuis des années j'habite le long d'un canal, observant sans bouger de chez moi canards, hérons, ragondins, écureuils, pêcheurs, promeneurs... Puis, lorsque le temps le permet, pas trop chaud, pas trop froid, pas trop humide, chaussant de bonnes chaussures de sport pour justement un parcours à petites foulées le long du sentier de halage. Sans chercher le chrono, puisque de toute façon je n'hésite pas à papoter avec les promeneurs, touristes, pêcheurs, lecteurs, ramasseurs (cette année que de noix!) et héler les écureuils, ragondins, chevreuils et chiens, qui eux ne se donnent pas la peine de me répondre. Les coucous et piverts me snobent, les martins-pêcheurs aussi. On m'a signalé des castors dans le coin. Toujours le même parcours, avec un pont canal bien modeste, mais souvent des découvertes, selon les saisons tel arbre apparaît différent, la lumière change tout aussi.
"Il voudrait être une de ces libellules qui virevoltent autour de lui" |
lundi 3 décembre 2018
Si tout n'a pas péri avec mon innocence
Si tout n'a pas péri avec mon innocence
Emmanuelle Bayamack-Tam
P.O.L., 2013
Existe en folio
Quand un auteur me plait, et Arcadie était remarquable, je lis ses autres titres disponibles (d'où une LAL impossible à terrasser).
Tout d'abord le plaisir de retrouver une écriture de bonne facture, avec tout de même le petit plus moderne qui accroche et titille. Puis la fluidité du propos, avec analepses et prolepses (je me la pète un peu, là). Voilà donc l'histoire de Kimberley, issue d'une famille originale, drôle au premier regard, mais finalement tragiquement immature et peu sympathique. Car du tragique il y en aura, le lecteur est prévenu, tout le met sur la voie, et quand ça arrive, un peu avant la moitié du roman, son cœur est broyé quand même. Je m'étonne juste que les causes du drame n'aient pas donné lieu à questionnements et enquêtes. Mais dans cette famille, qui allait s'en occuper?
En tout cas, Kimberley, qui au cours de son enfance et adolescence prend diverses résolutions (la première étant d'être un garçon, mais son 90 C l'a vite fait changer d'avis), et fan absolue de Baudelaire, est une fonceuse qui ne se laisse pas abattre, prenant certains virages à 180 degrés, et une voie professionnelle étonnante (mais personne ne l'a reconnue?)(il faut dire que hors de sa famille qui la connaissait?)
En tout cas voilà (encore?) un roman d'apprentissage, une jeune adulte qui n'a pas froid aux yeux mais non sans sensibilité, pour une histoire quand même pleine de tendresse (et de sexualité, je préviens, mais mes lecteurs sont grands)
A neuf ans : "Finie la docilité à des lois édictées par d'autres. Finie la féminité programmée et inéluctable. Fini l'amour, qui conduit au pire." Programme pas forcément tenu.
Les avis chez babelio, clara,
Le début : ça percute!
Passage de la présentation de l'éditeur
Comme les précédents livres d’Emmanuelle Bayamack-Tam, celui-ci se propose d’illustrer quelques unes des lois ineptes de l’existence. Le titre est emprunté auxMétamorphoses d’Ovide : comme Philomèle, Kim survit aux outrages, mais contrairement à elle, on ne lui a pas coupé la langue, ce qui fait qu’elle raconte, dans une langue qu’Emmanuelle Bayamack-Tam a voulue à la fois triviale et sophistiquée, comment l’esprit vient aux filles. Or, on sait depuis longtemps qu’il leur vient par les chemins à la fois balisés et inextricables du désir charnel. Pour Kim, il empruntera aussi ceux de la poésie du XIXe, ce qui fait que Si tout n’a pas péri avec mon innocence se veut aussi récit d’une vocation d’écrivain.
Emmanuelle Bayamack-Tam
P.O.L., 2013
Existe en folio
Quand un auteur me plait, et Arcadie était remarquable, je lis ses autres titres disponibles (d'où une LAL impossible à terrasser).
Tout d'abord le plaisir de retrouver une écriture de bonne facture, avec tout de même le petit plus moderne qui accroche et titille. Puis la fluidité du propos, avec analepses et prolepses (je me la pète un peu, là). Voilà donc l'histoire de Kimberley, issue d'une famille originale, drôle au premier regard, mais finalement tragiquement immature et peu sympathique. Car du tragique il y en aura, le lecteur est prévenu, tout le met sur la voie, et quand ça arrive, un peu avant la moitié du roman, son cœur est broyé quand même. Je m'étonne juste que les causes du drame n'aient pas donné lieu à questionnements et enquêtes. Mais dans cette famille, qui allait s'en occuper?
En tout cas, Kimberley, qui au cours de son enfance et adolescence prend diverses résolutions (la première étant d'être un garçon, mais son 90 C l'a vite fait changer d'avis), et fan absolue de Baudelaire, est une fonceuse qui ne se laisse pas abattre, prenant certains virages à 180 degrés, et une voie professionnelle étonnante (mais personne ne l'a reconnue?)(il faut dire que hors de sa famille qui la connaissait?)
En tout cas voilà (encore?) un roman d'apprentissage, une jeune adulte qui n'a pas froid aux yeux mais non sans sensibilité, pour une histoire quand même pleine de tendresse (et de sexualité, je préviens, mais mes lecteurs sont grands)
A neuf ans : "Finie la docilité à des lois édictées par d'autres. Finie la féminité programmée et inéluctable. Fini l'amour, qui conduit au pire." Programme pas forcément tenu.
Les avis chez babelio, clara,
Le début : ça percute!
Passage de la présentation de l'éditeur
Comme les précédents livres d’Emmanuelle Bayamack-Tam, celui-ci se propose d’illustrer quelques unes des lois ineptes de l’existence. Le titre est emprunté auxMétamorphoses d’Ovide : comme Philomèle, Kim survit aux outrages, mais contrairement à elle, on ne lui a pas coupé la langue, ce qui fait qu’elle raconte, dans une langue qu’Emmanuelle Bayamack-Tam a voulue à la fois triviale et sophistiquée, comment l’esprit vient aux filles. Or, on sait depuis longtemps qu’il leur vient par les chemins à la fois balisés et inextricables du désir charnel. Pour Kim, il empruntera aussi ceux de la poésie du XIXe, ce qui fait que Si tout n’a pas péri avec mon innocence se veut aussi récit d’une vocation d’écrivain.
vendredi 30 novembre 2018
L'été des quatre rois
L'été des quatre rois
Camille Pascal
Plon, 2018
Allez, j'avoue parce que c'est rare, j'ai lu ce 'roman' sur la foi du prix. Mérité, disons-le d'emblée. Fichtre! j'en fais carrément un coup de coeur!
Pourtant, détailler sur plus de 600 pages les événements du 25 juillet au 16 août 1830, qui ont vu se succéder quatre rois en France, c'était a priori casse-cou. Pour le lecteur lambda, pas besoin de trop en connaître, juste se souvenir un poil de la Révolution Française, Louis XVI, Marie Antoinette, leur fille, puis de la succession, Napoléon, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, ce dernier succédant justement au précédent en 1830. Mais alors, qui sont ces deux autres rois? Deux, ce n'est pas quatre!
Finalement, par chance je n'en connaissais guère plus, et c'était absolument palpitant de découvrir quasiment minute après minute comment s'est déroulée la 'révolution' de 1830, avec les revirements, les rencontres ratées, les positions impossibles à quitter pour les plus obtus. Bref, les personnages sont bien campés, les dialogues vifs et le style, mais quel bonheur, je me suis régalée. Quelques moments émouvants, d'autres haletants, mais souvent fort drôlement racontés (belle ironie).
En dépit d'un ou deux coups de mou pour suivre ces titres de noblesse et ces grades de l'armée, je ne me suis jamais perdue. L'impression de coller aux basques des personnages les rend vivants, par exemple la fille de Louis XVI, épouse du fils de Charles X (son cousin, oui, faut suivre), traumatisée par les anciens événements de la Révolution de 1798 et suivantes, et on la comprend, et la duchesse de Berry, mère du petit fils de Charles X, dotée semble-t-il d'un bel appétit pour la gent masculine.
La Cour du roi, avec son étiquette rigide, mais on y est. Les émeutiers à Notre-Dame, aussi (comme Victor Hugo en spectateur!). On croise Stendhal, Balzac, Vigny, surtout Chateaubriand, pas flatté le pauvre, quant à Talleyrand, rien à redire, on connaît la souplesse de ses revirements.
L'auteur signale qu'il 'ne s'est interdit aucun des artifices de la littérature pour écrire de l'histoire, les faits rapportés dans ce récit sont rigoureusement exacts , et l'intégralité des dialogues est tirée des mémoires ou des témoignages du temps.'
Mémoires ou témoignages anonymes, ou bien des auteurs cités plus haut, auxquels j'ajouterai la comtesse de Boigne, vraiment aux premières loges, et dont les Mémoires figurent dans ma bibli, affaire à suivre? Où l'on apprend que l'ambassadeur de Russie se nommait Pozzo di Borgo, avec une vieille vendetta qui le fera refuser la nomination d'un ministre...
Et quel final! Je n'en dirai pas trop, mais le parallélisme est formidable.
Des avis chez Babelio, et eimelle (oups je l'ai retrouvé!, ève récemment, et aussi enthousiaste!;
Lire sous la contrainte,chez Philippe, avec le mot 'été'
Camille Pascal
Plon, 2018
Allez, j'avoue parce que c'est rare, j'ai lu ce 'roman' sur la foi du prix. Mérité, disons-le d'emblée. Fichtre! j'en fais carrément un coup de coeur!
Pourtant, détailler sur plus de 600 pages les événements du 25 juillet au 16 août 1830, qui ont vu se succéder quatre rois en France, c'était a priori casse-cou. Pour le lecteur lambda, pas besoin de trop en connaître, juste se souvenir un poil de la Révolution Française, Louis XVI, Marie Antoinette, leur fille, puis de la succession, Napoléon, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, ce dernier succédant justement au précédent en 1830. Mais alors, qui sont ces deux autres rois? Deux, ce n'est pas quatre!
Finalement, par chance je n'en connaissais guère plus, et c'était absolument palpitant de découvrir quasiment minute après minute comment s'est déroulée la 'révolution' de 1830, avec les revirements, les rencontres ratées, les positions impossibles à quitter pour les plus obtus. Bref, les personnages sont bien campés, les dialogues vifs et le style, mais quel bonheur, je me suis régalée. Quelques moments émouvants, d'autres haletants, mais souvent fort drôlement racontés (belle ironie).
En dépit d'un ou deux coups de mou pour suivre ces titres de noblesse et ces grades de l'armée, je ne me suis jamais perdue. L'impression de coller aux basques des personnages les rend vivants, par exemple la fille de Louis XVI, épouse du fils de Charles X (son cousin, oui, faut suivre), traumatisée par les anciens événements de la Révolution de 1798 et suivantes, et on la comprend, et la duchesse de Berry, mère du petit fils de Charles X, dotée semble-t-il d'un bel appétit pour la gent masculine.
L'auteur signale qu'il 'ne s'est interdit aucun des artifices de la littérature pour écrire de l'histoire, les faits rapportés dans ce récit sont rigoureusement exacts , et l'intégralité des dialogues est tirée des mémoires ou des témoignages du temps.'
Mémoires ou témoignages anonymes, ou bien des auteurs cités plus haut, auxquels j'ajouterai la comtesse de Boigne, vraiment aux premières loges, et dont les Mémoires figurent dans ma bibli, affaire à suivre? Où l'on apprend que l'ambassadeur de Russie se nommait Pozzo di Borgo, avec une vieille vendetta qui le fera refuser la nomination d'un ministre...
Et quel final! Je n'en dirai pas trop, mais le parallélisme est formidable.
Des avis chez Babelio, et eimelle (oups je l'ai retrouvé!, ève récemment, et aussi enthousiaste!;
Lire sous la contrainte,chez Philippe, avec le mot 'été'
mercredi 28 novembre 2018
La seule histoire
La seule histoire
The only story
Julian Barnes
Mercure de France, 2018
Traduit par Jean-Pierre Aoustin
"Mais n'oublie jamais, jeune master Paul : chacun a son histoire d'amour; chacun et chacune. Elle a pu être un fiasco, elle a pu tourner court, elle a même pu ne jamais commencer, elle a pu être entièrement dans la tête, ça ne la rend pas moins réelle. Parfois, ça la rend plus réelle. Parfois on voit un couple, et chacun semble assommer profondément l'autre, et on ne peut imaginer qu'ils aient quelque chose en commun, ou pourquoi ils vivent encore ensemble. Mais ce n'est pas seulement l'habitude, ou la complaisance envers soi-même, ou les conventions, no rien de tel. C'est parce qu'ils ont eu, à un moment, leur propre histoire d'amour. Comme tout un chacun. C'est la seule histoire."
Dans les années après la seconde guerre mondiale, Paul, 19 ans, rencontre au club de tennis de sa ville Susan, 48 ans, avec qui les parties en double vont continuer sur une histoire qui durera des années. Quand Susan connaîtra un grave problème, il essaiera de l'aider. En vain.
Voilà un roman que je ne qualifierais pas d'attachant par ses personnages, dont se dégage, après un démarrage plutôt drôle, beaucoup de mélancolie. On n'en sort pas avec du peps, autant le dire. Barnes est un auteur excessivement brillant, pour raconter et rendre crédible une telle histoire. Oh pas de détails graveleux, Paul est amoureux, cette passion est racontée par lui. Le mari et les filles de Susan restent à deux ou trois passages près, plutôt des ombres.
Mais l'écriture de Barnes demeure étincelante, d'une folle élégance, passant du je de Paul, au vous quand il se tient de côté, et même au il parfois. En rapport avec le bonheur ressenti? Son implication? Son désir de se protéger? Sa faiblesse?
Les avis de motspourmots, jostein, lilly,
The only story
Julian Barnes
Mercure de France, 2018
Traduit par Jean-Pierre Aoustin
"Mais n'oublie jamais, jeune master Paul : chacun a son histoire d'amour; chacun et chacune. Elle a pu être un fiasco, elle a pu tourner court, elle a même pu ne jamais commencer, elle a pu être entièrement dans la tête, ça ne la rend pas moins réelle. Parfois, ça la rend plus réelle. Parfois on voit un couple, et chacun semble assommer profondément l'autre, et on ne peut imaginer qu'ils aient quelque chose en commun, ou pourquoi ils vivent encore ensemble. Mais ce n'est pas seulement l'habitude, ou la complaisance envers soi-même, ou les conventions, no rien de tel. C'est parce qu'ils ont eu, à un moment, leur propre histoire d'amour. Comme tout un chacun. C'est la seule histoire."
Dans les années après la seconde guerre mondiale, Paul, 19 ans, rencontre au club de tennis de sa ville Susan, 48 ans, avec qui les parties en double vont continuer sur une histoire qui durera des années. Quand Susan connaîtra un grave problème, il essaiera de l'aider. En vain.
Voilà un roman que je ne qualifierais pas d'attachant par ses personnages, dont se dégage, après un démarrage plutôt drôle, beaucoup de mélancolie. On n'en sort pas avec du peps, autant le dire. Barnes est un auteur excessivement brillant, pour raconter et rendre crédible une telle histoire. Oh pas de détails graveleux, Paul est amoureux, cette passion est racontée par lui. Le mari et les filles de Susan restent à deux ou trois passages près, plutôt des ombres.
Mais l'écriture de Barnes demeure étincelante, d'une folle élégance, passant du je de Paul, au vous quand il se tient de côté, et même au il parfois. En rapport avec le bonheur ressenti? Son implication? Son désir de se protéger? Sa faiblesse?
Les avis de motspourmots, jostein, lilly,
lundi 26 novembre 2018
Avec joie et docilité
Avec joie et docilité
Auringon ydin, 2013
Johnna Sinasalo
Actes sud, 2016
Traduit par Anne Colin du Terrail
Avec tristesse je réalise que j'ai dévoré récemment trois romans de Johanna Sinisalo, et qu'il ne m'en reste plus de disponible! Mais quelles lectures!!!
Dans ce roman paru en 2013 et qui se déroule en 2016 et 2017, avec des retours en arrière dans le passé des héros et l'histoire - supposée- de la société finlandaise au cours d’une centaine d'années, s'exprime principalement Vanna (née Véra), addict à la capsaïcine, substance interdite (comme l'alcool, le tabac, etc.) et que l'on trouve dans les piments.
Vanna a connu une enfance plutôt libre et heureuse à la campagne, avec sa grand mère et sa soeur Manna / Mira. Libre surtout de s'instruire et de lire des livres destinés aux garçons (ou virilos). Elle n'est pas attirée par le comportement des autres fémines, qui après quelques générations de 'sélection' et 'dressage' ne s'intéressent qu'aux poupées et dînettes, rêvent du prince charmant, et n'étudient que "la cuisine, la budgétisation des achats, l'hygiène domestique, la puériculture, l'entretien du corps et l'agilité sexuelle."
Mais Vanna doit cacher soigneusement son intelligence et ses goûts, et se couler dans le moule, avec maquillage, robes froufroutantes, corsets, et entreprise de séduction à l'encontre des virilos. L'un d'eux, Jare, ne sera pas dupe, mais leur association leur permettra de s'en tirer.
Cette 'dystopie misogyne' (copyright Mes imaginaires à propos du roman de J. Melamed) est parfaitement ressentie de l'intérieur et aussi expliquée grâce à des documents, extraits de revues, de nouvelles sentimentales, textes de lois, dictionnaires... On sourit, mais jaune...
Lecture hautement recommandable, avec un titre et une couverture vraiment excellents!
Lecture commune avec A girl
D'autres avis: cathulu, Nathalie,
Auringon ydin, 2013
Johnna Sinasalo
Actes sud, 2016
Traduit par Anne Colin du Terrail
Avec tristesse je réalise que j'ai dévoré récemment trois romans de Johanna Sinisalo, et qu'il ne m'en reste plus de disponible! Mais quelles lectures!!!
Dans ce roman paru en 2013 et qui se déroule en 2016 et 2017, avec des retours en arrière dans le passé des héros et l'histoire - supposée- de la société finlandaise au cours d’une centaine d'années, s'exprime principalement Vanna (née Véra), addict à la capsaïcine, substance interdite (comme l'alcool, le tabac, etc.) et que l'on trouve dans les piments.
Vanna a connu une enfance plutôt libre et heureuse à la campagne, avec sa grand mère et sa soeur Manna / Mira. Libre surtout de s'instruire et de lire des livres destinés aux garçons (ou virilos). Elle n'est pas attirée par le comportement des autres fémines, qui après quelques générations de 'sélection' et 'dressage' ne s'intéressent qu'aux poupées et dînettes, rêvent du prince charmant, et n'étudient que "la cuisine, la budgétisation des achats, l'hygiène domestique, la puériculture, l'entretien du corps et l'agilité sexuelle."
Mais Vanna doit cacher soigneusement son intelligence et ses goûts, et se couler dans le moule, avec maquillage, robes froufroutantes, corsets, et entreprise de séduction à l'encontre des virilos. L'un d'eux, Jare, ne sera pas dupe, mais leur association leur permettra de s'en tirer.
Cette 'dystopie misogyne' (copyright Mes imaginaires à propos du roman de J. Melamed) est parfaitement ressentie de l'intérieur et aussi expliquée grâce à des documents, extraits de revues, de nouvelles sentimentales, textes de lois, dictionnaires... On sourit, mais jaune...
Lecture hautement recommandable, avec un titre et une couverture vraiment excellents!
Lecture commune avec A girl
D'autres avis: cathulu, Nathalie,
vendredi 23 novembre 2018
Comment parler des livres que l'on n'a pas lus?
Comment parler des livres que l'on n'a pas lus?
Pierre Bayard
Minuit, 2007
Si l'on connaît un peu Pierre Bayard et ses titres choc, l'on se doute qu'un peu de sérieux se cache sous un tel titre. "Entre un livre lu avec attention, et un livre que l'on n'a jamais eu entre les mains et dont on n'a même jamais entendu parler, de multiples degrés existent.""Qu'entend-on par "lecture"? Et un livre non lu ne peut-il pas exercer un grand effet sur nous? Qu'est-ce que la lecture et la non lecture?
Pierre Bayard est passionnant car il utilise de nombreux exemples tirés de (bons) romans. Par exemple le bibliothécaire de L’homme sans qualités, qui se refuse à lire les livres l'entourant, mais sachant parfaitement se repérer parmi eux (pas du repère spatial). Dans Le nom de la rose, l'enquêteur n'a pas lu le livre central de l'intrigue (et ça se comprend!) mais il est capable d'en saisir le contenu par déductions. Et, comme pour Montaigne, que de livres oubliés (au point que Montaigne prenait des notes en fin de livre). Citons Valery, parlant de façon vache (et floue) d'auteurs qu'il n'avait visiblement pas lus, de Balzac et la critique littéraire dans les journaux (Illusions perdues), de Lodge où un jeu finalement dangereux conduit un personnage prof d'université à déclarer n’avoir jamais lu Hamlet, en passant par le film Un jour sans fin.
Pierre Bayard abord même le cas d'un roman de Pierre Siniac dans lequel un auteur n'a même pas lu son propre livre!
Terminons avec Oscar Wilde
" Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique; on se laisse tellement influencer."
Avant de dire que Pierre Bayard n'est pas sérieux, lisez le, c'est brillant, intelligent, remet un peu en place quelques certitudes et amène à se grattouiller la tête.
En prime quelques façons intéressantes de considérer quelques romans (gare, il divulgâche un peu, cet homme, même s'il se réserve le droit de tromper son lecteur)
Parmi les livres présentés sur le blog, tous ont été lus dans le sens donné par tous à ce terme, mais à lire Bayard, peu demeurent 'lus' (pas de honte à avoir, Montaigne y est passé aussi!), combien sont oubliés assez vite? Et puis, avouons-le, que de livres qu'on n'a jamais parcourus en entier, voire jamais ouverts, et dont on peut parler! Tiens, l'Iliade ou l'Odyssée, ou Hamlet ou Roméo et Juliette. Je terminerai en citant Ulysse de Joyce, abandonné semble-t-il au tiers, mais dont je pourrai(s) parler.
Et je me demande même si j'ai lu ce livre de Pierre Bayard, mais j'en ai parlé. (je plaisante!)
Pierre Bayard
Minuit, 2007
Si l'on connaît un peu Pierre Bayard et ses titres choc, l'on se doute qu'un peu de sérieux se cache sous un tel titre. "Entre un livre lu avec attention, et un livre que l'on n'a jamais eu entre les mains et dont on n'a même jamais entendu parler, de multiples degrés existent.""Qu'entend-on par "lecture"? Et un livre non lu ne peut-il pas exercer un grand effet sur nous? Qu'est-ce que la lecture et la non lecture?
Pierre Bayard est passionnant car il utilise de nombreux exemples tirés de (bons) romans. Par exemple le bibliothécaire de L’homme sans qualités, qui se refuse à lire les livres l'entourant, mais sachant parfaitement se repérer parmi eux (pas du repère spatial). Dans Le nom de la rose, l'enquêteur n'a pas lu le livre central de l'intrigue (et ça se comprend!) mais il est capable d'en saisir le contenu par déductions. Et, comme pour Montaigne, que de livres oubliés (au point que Montaigne prenait des notes en fin de livre). Citons Valery, parlant de façon vache (et floue) d'auteurs qu'il n'avait visiblement pas lus, de Balzac et la critique littéraire dans les journaux (Illusions perdues), de Lodge où un jeu finalement dangereux conduit un personnage prof d'université à déclarer n’avoir jamais lu Hamlet, en passant par le film Un jour sans fin.
Pierre Bayard abord même le cas d'un roman de Pierre Siniac dans lequel un auteur n'a même pas lu son propre livre!
Terminons avec Oscar Wilde
" Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique; on se laisse tellement influencer."
Avant de dire que Pierre Bayard n'est pas sérieux, lisez le, c'est brillant, intelligent, remet un peu en place quelques certitudes et amène à se grattouiller la tête.
En prime quelques façons intéressantes de considérer quelques romans (gare, il divulgâche un peu, cet homme, même s'il se réserve le droit de tromper son lecteur)
Parmi les livres présentés sur le blog, tous ont été lus dans le sens donné par tous à ce terme, mais à lire Bayard, peu demeurent 'lus' (pas de honte à avoir, Montaigne y est passé aussi!), combien sont oubliés assez vite? Et puis, avouons-le, que de livres qu'on n'a jamais parcourus en entier, voire jamais ouverts, et dont on peut parler! Tiens, l'Iliade ou l'Odyssée, ou Hamlet ou Roméo et Juliette. Je terminerai en citant Ulysse de Joyce, abandonné semble-t-il au tiers, mais dont je pourrai(s) parler.
Et je me demande même si j'ai lu ce livre de Pierre Bayard, mais j'en ai parlé. (je plaisante!)
mercredi 21 novembre 2018
La somme de nos folies
La somme de nos folies
The sum of our follies
Shih-Li Kow
Zulma, 2018
Traduit par Frédéric Grellier
Un roman malais, une grande première pour moi! Qui plus est bourré de fraîcheur, de fantaisie et de mille détails sur la vie en village ou en capitale. Y compris de l'ironie à l'encontre des politiques et des touristes. Mais avec une certaine tendresse pour les divers personnages.
Car il y en a, des personnages! A Lubok Sayong, Beevi et ses histoires 'inconcevables', son poisson libéré emporté vers le lac de la quatrième épouse lors d'une des inondations; Auyong, l'un des narrateurs, directeur de l'usine de conserves de litchis; Mary Anne, l'autre narratrice, orpheline quasi adoptée par Beevi, rêvant de sa mère; Miss Boonsidik employée par Beevi dans son bed and breakfast sis dans une incroyable Grande Maison; des professeurs et élèves de l'école, etc.
Ne pas s'attendre à un suspense, à des happy end à la pelle, non, mais cela se lit d'un souffle, le sourire aux lèvres. Pas de temps morts (quelques belles et rares descriptions, des moments plus intimes pour connaître mieux un personnage) . Beaucoup aimé.
Les avis de Didi, Nicole, Yv, Antigone, Hélène, Bricabook, Kathel, Cosy Corner,
The sum of our follies
Shih-Li Kow
Zulma, 2018
Traduit par Frédéric Grellier
Un roman malais, une grande première pour moi! Qui plus est bourré de fraîcheur, de fantaisie et de mille détails sur la vie en village ou en capitale. Y compris de l'ironie à l'encontre des politiques et des touristes. Mais avec une certaine tendresse pour les divers personnages.
Car il y en a, des personnages! A Lubok Sayong, Beevi et ses histoires 'inconcevables', son poisson libéré emporté vers le lac de la quatrième épouse lors d'une des inondations; Auyong, l'un des narrateurs, directeur de l'usine de conserves de litchis; Mary Anne, l'autre narratrice, orpheline quasi adoptée par Beevi, rêvant de sa mère; Miss Boonsidik employée par Beevi dans son bed and breakfast sis dans une incroyable Grande Maison; des professeurs et élèves de l'école, etc.
Ne pas s'attendre à un suspense, à des happy end à la pelle, non, mais cela se lit d'un souffle, le sourire aux lèvres. Pas de temps morts (quelques belles et rares descriptions, des moments plus intimes pour connaître mieux un personnage) . Beaucoup aimé.
Les avis de Didi, Nicole, Yv, Antigone, Hélène, Bricabook, Kathel, Cosy Corner,
lundi 19 novembre 2018
Le libraire de Wigtown
Le libraire de Wigtown
The diary of a bookseller
Shaun Bythell
Autrement, 2018
Traduit par Séverine Weiss
Pour une fois il ne s'agit pas d'un roman feel good se déroulant dans une librairie (genre honorable ayant engendré d'excellents ouvrages ainsi que d'excellents films), mais du journal d'un libraire de Wigtown, petite ville du Galloway, au sud ouest de l'Ecosse et d'environ 1000 habitants. Sa librairie est la plus importante librairie de livres d'occasion de tout le pays. Il en est propriétaire depuis 2001 mais ce journal court sur une année, de février 2014 à février 2015.
Chaque mois est introduit par une citation de Quand j'étais libraire, de Georges Orwell, et d'un commentaire de Shaun Bythell sur le sujet abordé. Mis à part le Festival du livre de Wigtown, chaque année en octobre, la vie de la librairie est rythmée par des tâches récurrentes. Ranger les livres, accueillir les clients, pas toujours délicats, préparer les colis pour des abonnés à un envoi 'au choix du libraire'. Se battre avec les sites de vente en ligne (les conséquences d'Amazon sont présentes, mais la librairie met des livres en vente sur des sites). Aller trier de vieux livres chez des particuliers, faire une offre pour ce qui sort du lot. Constater que Nicky l'employée a un sens du rangement assez particulier et s’obstine à ramener une drôle de nourriture. Sorties pêche. Menues (ou pas) réparations. Revoir des clients fidèles.
Pour le lecteur : Découvrir des titres de bouquins complètement improbables. Et au final en apprendre pas mal sur le métier!
Cela peut paraître répétitif mais justement les gags qui reviennent contribuent à l'humour (british bien sûr) du livre. Jamais l'auteur n'en dit trop ou insiste, au lecteur d’avoir ses réactions face à des coups durs ou des attitudes limite.
Justement l'équipe a concocté une video (le livre en parle)
Envie d'y aller?
Une lecture commune avec A girl , en fait on a constaté sur Goodreads qu'on l'avait lu en gros en même temps...
The diary of a bookseller
Shaun Bythell
Autrement, 2018
Traduit par Séverine Weiss
Pour une fois il ne s'agit pas d'un roman feel good se déroulant dans une librairie (genre honorable ayant engendré d'excellents ouvrages ainsi que d'excellents films), mais du journal d'un libraire de Wigtown, petite ville du Galloway, au sud ouest de l'Ecosse et d'environ 1000 habitants. Sa librairie est la plus importante librairie de livres d'occasion de tout le pays. Il en est propriétaire depuis 2001 mais ce journal court sur une année, de février 2014 à février 2015.
Chaque mois est introduit par une citation de Quand j'étais libraire, de Georges Orwell, et d'un commentaire de Shaun Bythell sur le sujet abordé. Mis à part le Festival du livre de Wigtown, chaque année en octobre, la vie de la librairie est rythmée par des tâches récurrentes. Ranger les livres, accueillir les clients, pas toujours délicats, préparer les colis pour des abonnés à un envoi 'au choix du libraire'. Se battre avec les sites de vente en ligne (les conséquences d'Amazon sont présentes, mais la librairie met des livres en vente sur des sites). Aller trier de vieux livres chez des particuliers, faire une offre pour ce qui sort du lot. Constater que Nicky l'employée a un sens du rangement assez particulier et s’obstine à ramener une drôle de nourriture. Sorties pêche. Menues (ou pas) réparations. Revoir des clients fidèles.
Pour le lecteur : Découvrir des titres de bouquins complètement improbables. Et au final en apprendre pas mal sur le métier!
Cela peut paraître répétitif mais justement les gags qui reviennent contribuent à l'humour (british bien sûr) du livre. Jamais l'auteur n'en dit trop ou insiste, au lecteur d’avoir ses réactions face à des coups durs ou des attitudes limite.
Justement l'équipe a concocté une video (le livre en parle)
Une lecture commune avec A girl , en fait on a constaté sur Goodreads qu'on l'avait lu en gros en même temps...
vendredi 16 novembre 2018
Une double famille (suivi de ...)
Une double famille
Le contrat de mariage
L'interdiction
Honoré de Balzac
Folio, 1995
Préface (excellente) de Jean-Louis Bory
Parus dans les années 1830, ces trois courts romans se déroulant durant la Restauration, appartiendront aux Etudes de mœurs, Scènes de la vie privée.
Sans rien divulgâcher vu le titre, Une double famille raconte l'idylle entre Roger de Granville (mal marié à une bigote rigide) et Caroline la jolie brodeuse, qu'il installera dans un joli nid confortable, elle et leurs deux enfants.
Le contrat de mariage est celui de l'union entre Paul de Manerville, bien gentil et amoureux, et Natalie, bordelaise dépensière, fille de Madame Evangelista, la redoutable!
La marquise d'Espard, elle, veut faire 'interdire' son époux dont elle vit séparée, et cherche à manipuler l'honnête juge Popinot.
Autour des personnages principaux (que le lecteur peut parfois retrouver dans d'autres livres de Balzac) gravitent des personnages bien connus par ailleurs, Bianchon, Rastignac, etc. C'est le principe (addictif) de la comédie humaine selon Balzac.
Quid de ces trois romans? Hé bien on n'est pas du tout dans la romance! Le mariage, c'est sérieux et surtout une affaire de gros sous, même si certains sont réellement amoureux. Balzac présente le mariage sous un jour bien peu favorable (oui, les histoires ne se terminent pas bien pour les héros les plus sympathiques). J'avoue que les histoires de majorat, gros point de discussion entre les notaires du contrat de mariage, me sont un poil passées par dessus, et de manière générale, ne me rends pas vraiment compte du pouvoir d'achat des très très riches (ou des très très pauvres). Mais Balzac est incomparable dans les dialogues et les descriptions de maisons et d'intérieur, et de ses personnages.
Conclusion : un peu de Balzac de temps en temps, c'est à noter.
Le contrat de mariage
L'interdiction
Honoré de Balzac
Folio, 1995
Préface (excellente) de Jean-Louis Bory
Parus dans les années 1830, ces trois courts romans se déroulant durant la Restauration, appartiendront aux Etudes de mœurs, Scènes de la vie privée.
Sans rien divulgâcher vu le titre, Une double famille raconte l'idylle entre Roger de Granville (mal marié à une bigote rigide) et Caroline la jolie brodeuse, qu'il installera dans un joli nid confortable, elle et leurs deux enfants.
Le contrat de mariage est celui de l'union entre Paul de Manerville, bien gentil et amoureux, et Natalie, bordelaise dépensière, fille de Madame Evangelista, la redoutable!
La marquise d'Espard, elle, veut faire 'interdire' son époux dont elle vit séparée, et cherche à manipuler l'honnête juge Popinot.
Autour des personnages principaux (que le lecteur peut parfois retrouver dans d'autres livres de Balzac) gravitent des personnages bien connus par ailleurs, Bianchon, Rastignac, etc. C'est le principe (addictif) de la comédie humaine selon Balzac.
Quid de ces trois romans? Hé bien on n'est pas du tout dans la romance! Le mariage, c'est sérieux et surtout une affaire de gros sous, même si certains sont réellement amoureux. Balzac présente le mariage sous un jour bien peu favorable (oui, les histoires ne se terminent pas bien pour les héros les plus sympathiques). J'avoue que les histoires de majorat, gros point de discussion entre les notaires du contrat de mariage, me sont un poil passées par dessus, et de manière générale, ne me rends pas vraiment compte du pouvoir d'achat des très très riches (ou des très très pauvres). Mais Balzac est incomparable dans les dialogues et les descriptions de maisons et d'intérieur, et de ses personnages.
Conclusion : un peu de Balzac de temps en temps, c'est à noter.
mercredi 14 novembre 2018
L'excuse
L'excuse
Julie Wolkenstein
P.O.L., 2008
Utiliser le canevas d'un roman existant (un classique de préférence) , voilà qui n'est pas une grande première, que ce soit pour un roman ou un film. Si, comme dans les cas de L'excuse, c'est assumé et participe au ressort et aux péripéties du roman, alors quelle réussite! (j'en profite pour signaler le délicieux Betty et ses filles , lui aussi une réussite, mais là c'est au lecteur d'avoir du flair)
Au décès de sa tante Françoise, la narratrice Lise hérite d'une maison à Martha's Vineyard et d'un bateau (la famille est vraiment très très riche) et retrouve trois cartons pleins de documents, laissés par son cousin Nick. Contenant des photos, un jeu de tarot incomplet (il manque les trois bouts) et un écrit de Nick intitulé "Déjà-vu", dont les chapitres ponctueront la narration principale.
D'après Nick, la vie de Lise calque celle d'Isabel Archer, l'héroïne de Portrait de femme de Henry James. Roman qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu pour suivre L'excuse, car Julie Wolkenstein en rappelle habilement le contenu et insère des remarques à son sujet, jusqu'à "ce que nous vivons ensemble, (...) , ce n'est pas la transgression littéraire de Portrait de femme, ce n'est pas une victoire sur cette malédiction littéraire que j'ai vue organiser ton existence, c'est au contraire l'élucidation du véritable sens du roman. Ce que James ne dit pas, peut-être même ne sait pas, ses personnages l'ont fait."
J'ai adoré ce roman très subtil, bien sûr c'est Julie Wolkenstein qui mène la danse, décidant que Lise et les autres auront cette destinée, mais dans les années 80 et suivantes, avec assez de flou, de péripéties, et un découpage dans le temps permettant un suspense et un intérêt sans faille. En plus d'un attachement à Lise, devenue âgée mais qui grâce à Dick (et le petit du tarot) vivra encore quelques aventures.
De plus cela se termine en une sorte de "chasse au trésor bizarre", Lise devant découvrir le "21" (et des révélations) et surtout "l'excuse", qui la mènera à la fin d'une recherche palpitante (pour moi lectrice aussi!). Dernière remarque : pas besoin de savoir jouer au tarot.
Des romans comme cela, j'en redemande. J'ai trouvé le livre dans la "caisse aux dons" de la bibliothèque, où les usagers peuvent déposer ce qu'il veulent, j'y fouille systématiquement, et là, pépite!
L'avis de Papillon, qui mènera à d'autres, et sur lecture/écriture
Julie Wolkenstein
P.O.L., 2008
Utiliser le canevas d'un roman existant (un classique de préférence) , voilà qui n'est pas une grande première, que ce soit pour un roman ou un film. Si, comme dans les cas de L'excuse, c'est assumé et participe au ressort et aux péripéties du roman, alors quelle réussite! (j'en profite pour signaler le délicieux Betty et ses filles , lui aussi une réussite, mais là c'est au lecteur d'avoir du flair)
Au décès de sa tante Françoise, la narratrice Lise hérite d'une maison à Martha's Vineyard et d'un bateau (la famille est vraiment très très riche) et retrouve trois cartons pleins de documents, laissés par son cousin Nick. Contenant des photos, un jeu de tarot incomplet (il manque les trois bouts) et un écrit de Nick intitulé "Déjà-vu", dont les chapitres ponctueront la narration principale.
D'après Nick, la vie de Lise calque celle d'Isabel Archer, l'héroïne de Portrait de femme de Henry James. Roman qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu pour suivre L'excuse, car Julie Wolkenstein en rappelle habilement le contenu et insère des remarques à son sujet, jusqu'à "ce que nous vivons ensemble, (...) , ce n'est pas la transgression littéraire de Portrait de femme, ce n'est pas une victoire sur cette malédiction littéraire que j'ai vue organiser ton existence, c'est au contraire l'élucidation du véritable sens du roman. Ce que James ne dit pas, peut-être même ne sait pas, ses personnages l'ont fait."
J'ai adoré ce roman très subtil, bien sûr c'est Julie Wolkenstein qui mène la danse, décidant que Lise et les autres auront cette destinée, mais dans les années 80 et suivantes, avec assez de flou, de péripéties, et un découpage dans le temps permettant un suspense et un intérêt sans faille. En plus d'un attachement à Lise, devenue âgée mais qui grâce à Dick (et le petit du tarot) vivra encore quelques aventures.
De plus cela se termine en une sorte de "chasse au trésor bizarre", Lise devant découvrir le "21" (et des révélations) et surtout "l'excuse", qui la mènera à la fin d'une recherche palpitante (pour moi lectrice aussi!). Dernière remarque : pas besoin de savoir jouer au tarot.
Des romans comme cela, j'en redemande. J'ai trouvé le livre dans la "caisse aux dons" de la bibliothèque, où les usagers peuvent déposer ce qu'il veulent, j'y fouille systématiquement, et là, pépite!
L'avis de Papillon, qui mènera à d'autres, et sur lecture/écriture
lundi 12 novembre 2018
Le coeur converti
Le coeur converti
De Bekeerlinge
Stefan Hertmans
Gallimard, 2018
Traduit par Isabelle Rosselin
"Ce livre s'inspire d'une histoire vraie. Il est le fruit à la fois de recherches approfondies et d'une empathie créative."
Monieux, מניו ou MNYW, Vaucluse, 650 mètres d'altitude. De nos jours, Stefan Hertmans y réside et s'intéresse à l'histoire locale. Tout part d'un ancien document parlant d'une prosélyte de Monieux, et retrouvé dans la Gueniza d'une synagogue du Caire, document actuellement conservé à Cambridge. Mais contrairement à ce que j'attendais, il faudra du temps pour en savoir plus sur ce document.
A Rouen, à la fin du 11ème siècle, la jeune Vigdis, fille d'un riche Normand et d'une Flamande, tombe raide amoureuse d'un juif de Narbonne venu étudier à la yeshiva de sa ville. Tout les sépare, mais les deux jeunes gens fuient Rouen pour se réfugier à Narbonne, chez le père de David. Ils risquent gros, et le père de Vigdis envoie des cavaliers à leur poursuite.
Après quelques années heureuses du jeune couple à Montieux, le village subit un pogrom, et l'on saura comment ce fameux document sera écrit et arrivera au Caire.
Stefan Hertmans s'appuie sur des documents authentiques, et a refait le parcours de Vigdis à travers la France et plus loin, et c'est passionnant, voire émouvant par moments, quand il pense avoir vriament mis ses pas dans ceux de Vigdis. Magnifique reconstitution de cette période, la vie en campagne et au village, la navigation en Méditerranée, la vie en Egypte, les croisades et leurs conséquences, la reconquista et ses conséquences, et bien sûr la vie de la communauté juive. Evidemment certains passages doivent tout à l'imagination de l'auteur, mais il sait ne pas insister quand il ne sait pas, tout en rendant plausible l'histoire tragique de Vigdis.
Les avis de Jostein, Anne, Dominique, Nicole (juste aujourd'hui, sans se concerter; je te rappelle que le captcha m'empêche de commenter chez toi)
De Bekeerlinge
Stefan Hertmans
Gallimard, 2018
Traduit par Isabelle Rosselin
"Ce livre s'inspire d'une histoire vraie. Il est le fruit à la fois de recherches approfondies et d'une empathie créative."
Monieux, מניו ou MNYW, Vaucluse, 650 mètres d'altitude. De nos jours, Stefan Hertmans y réside et s'intéresse à l'histoire locale. Tout part d'un ancien document parlant d'une prosélyte de Monieux, et retrouvé dans la Gueniza d'une synagogue du Caire, document actuellement conservé à Cambridge. Mais contrairement à ce que j'attendais, il faudra du temps pour en savoir plus sur ce document.
A Rouen, à la fin du 11ème siècle, la jeune Vigdis, fille d'un riche Normand et d'une Flamande, tombe raide amoureuse d'un juif de Narbonne venu étudier à la yeshiva de sa ville. Tout les sépare, mais les deux jeunes gens fuient Rouen pour se réfugier à Narbonne, chez le père de David. Ils risquent gros, et le père de Vigdis envoie des cavaliers à leur poursuite.
Après quelques années heureuses du jeune couple à Montieux, le village subit un pogrom, et l'on saura comment ce fameux document sera écrit et arrivera au Caire.
Stefan Hertmans s'appuie sur des documents authentiques, et a refait le parcours de Vigdis à travers la France et plus loin, et c'est passionnant, voire émouvant par moments, quand il pense avoir vriament mis ses pas dans ceux de Vigdis. Magnifique reconstitution de cette période, la vie en campagne et au village, la navigation en Méditerranée, la vie en Egypte, les croisades et leurs conséquences, la reconquista et ses conséquences, et bien sûr la vie de la communauté juive. Evidemment certains passages doivent tout à l'imagination de l'auteur, mais il sait ne pas insister quand il ne sait pas, tout en rendant plausible l'histoire tragique de Vigdis.
Les avis de Jostein, Anne, Dominique, Nicole (juste aujourd'hui, sans se concerter; je te rappelle que le captcha m'empêche de commenter chez toi)
vendredi 9 novembre 2018
Jacques le fataliste
Jacques le fataliste
Denis Diderot
Paru en 1796
En guise de couverture du livre, l'incipit (célèbre je pense) de ce roman que je me décide à lire maintenant, ne me souvenant plus si je l'ai déjà lu (car je confonds avec Le neveu de Rameau...)
Bref, lecture plaisir, lecture non obligatoire, comme pour les classiques apparaissant dans ce blog.
L'histoire c'est simple, Jacques est le valet, et le maître, le maître. Et ils discutent au cours de leur voyage, dont on apprendra le motif vers la fin, après que le maître a conté l'histoire de ses amours. Mais auparavant Jacques aura narré celle des siennes, avec moult arrêts, incidents dans le voyage, rencontres, et racontars d'autres histoires.
Parmi ces histoires, celle qui a causé ma lecture (enfin j'y viens), à savoir la vengeance de Madame de La Pommeraye, fraîchement adapté au cinéma.
A lire les avis sur les blogs, par exemple ici chez dasola, au sujet de l'épilogue, je me demandais s'il n'avait pas été changé, mis je pense (sans avoir vu le film) que non, car j'ai eu à la lecture les mêmes réactions que les spectatrices du film.
Et le livre de Diderot, me demandez-vous, lecteur du blog? Hé bien ça va venir, mais vous commencez à vous sentir comme celui du livre, baladé de digressions en digressions, d'histoires en histoires, le tout émaillé de disputes entre les deux personnages principaux et de considérations sur le destin et ce qui advient d'ordinaire dans un vrai bon roman classique.
"Je me rappelai l'Harpagon de Molière.(...) Et je conçus qu'il ne s'agissait pas seulement d'être vrai, mais qu'il fallait encore être plaisant; et que c'était la raison pour laquelle on dirait à jamais : Qu'allait-il faire dans cette galère? et que le mot de mon paysan : Que faisait-elle à sa porte? ne passerait pas en proverbe."
Référence à Molière, à Goldoni plus loin.
Critique de l'histoire de Madame de la Pommeraye : "Si vous vouliez que cette jeune fille intéressât, il fallait lui donner de la franchise, et nous la montrer victime innocente et forcée de sa mère et de la Pommeraye, il fallait ..." etc.
Jacques et son maître sont liés, à se demander qui mène l'autre :
"Il est écrit là-haut que tant que Jacques vivra, que tant que son maître vivra, et même après qu'ils seront morts tous deux, on dira Jacques et son maître." Pas faux, n'est-ce pas?
"Toutes nos querelles ne sont venues jusqu'à présent que parce que nous ne nous étions pas encore bien dit, vous, que vous vous appelleriez mon maître, et que c'est moi qui serait le vôtre."
Bref, un livre plaisant à lire, parfois difficile pour les nerfs quand Diderot sursoit à une suite, et plutôt leste par moments (je m'interroge : c'est au programme du lycée?). Les religieux de l'époque ne prennent aussi pour leur grade, décrits comme faux jetons et libertins.
"Ici, Jacques fit halte à son récit, et donna une nouvelle atteinte à sa gourde. Les atteintes étaient d'autant plus fréquentes que les distances étaient courtes, ou comme disent les géomètres, en raison inverse des distances. Il était si précis dans ses mesures, que, pleine en partant, elle était toujours exactement vide en arrivant. Messieurs des ponts et chaussées en auraient fait un excellent odomètre, et chaque atteinte avait sa raison suffisante."
Deux avis chez lecture/écriture
Denis Diderot
Paru en 1796
En guise de couverture du livre, l'incipit (célèbre je pense) de ce roman que je me décide à lire maintenant, ne me souvenant plus si je l'ai déjà lu (car je confonds avec Le neveu de Rameau...)
Bref, lecture plaisir, lecture non obligatoire, comme pour les classiques apparaissant dans ce blog.
L'histoire c'est simple, Jacques est le valet, et le maître, le maître. Et ils discutent au cours de leur voyage, dont on apprendra le motif vers la fin, après que le maître a conté l'histoire de ses amours. Mais auparavant Jacques aura narré celle des siennes, avec moult arrêts, incidents dans le voyage, rencontres, et racontars d'autres histoires.
Parmi ces histoires, celle qui a causé ma lecture (enfin j'y viens), à savoir la vengeance de Madame de La Pommeraye, fraîchement adapté au cinéma.
A lire les avis sur les blogs, par exemple ici chez dasola, au sujet de l'épilogue, je me demandais s'il n'avait pas été changé, mis je pense (sans avoir vu le film) que non, car j'ai eu à la lecture les mêmes réactions que les spectatrices du film.
Et le livre de Diderot, me demandez-vous, lecteur du blog? Hé bien ça va venir, mais vous commencez à vous sentir comme celui du livre, baladé de digressions en digressions, d'histoires en histoires, le tout émaillé de disputes entre les deux personnages principaux et de considérations sur le destin et ce qui advient d'ordinaire dans un vrai bon roman classique.
"Je me rappelai l'Harpagon de Molière.(...) Et je conçus qu'il ne s'agissait pas seulement d'être vrai, mais qu'il fallait encore être plaisant; et que c'était la raison pour laquelle on dirait à jamais : Qu'allait-il faire dans cette galère? et que le mot de mon paysan : Que faisait-elle à sa porte? ne passerait pas en proverbe."
Référence à Molière, à Goldoni plus loin.
Critique de l'histoire de Madame de la Pommeraye : "Si vous vouliez que cette jeune fille intéressât, il fallait lui donner de la franchise, et nous la montrer victime innocente et forcée de sa mère et de la Pommeraye, il fallait ..." etc.
Jacques et son maître sont liés, à se demander qui mène l'autre :
"Il est écrit là-haut que tant que Jacques vivra, que tant que son maître vivra, et même après qu'ils seront morts tous deux, on dira Jacques et son maître." Pas faux, n'est-ce pas?
"Toutes nos querelles ne sont venues jusqu'à présent que parce que nous ne nous étions pas encore bien dit, vous, que vous vous appelleriez mon maître, et que c'est moi qui serait le vôtre."
Bref, un livre plaisant à lire, parfois difficile pour les nerfs quand Diderot sursoit à une suite, et plutôt leste par moments (je m'interroge : c'est au programme du lycée?). Les religieux de l'époque ne prennent aussi pour leur grade, décrits comme faux jetons et libertins.
"Ici, Jacques fit halte à son récit, et donna une nouvelle atteinte à sa gourde. Les atteintes étaient d'autant plus fréquentes que les distances étaient courtes, ou comme disent les géomètres, en raison inverse des distances. Il était si précis dans ses mesures, que, pleine en partant, elle était toujours exactement vide en arrivant. Messieurs des ponts et chaussées en auraient fait un excellent odomètre, et chaque atteinte avait sa raison suffisante."
Deux avis chez lecture/écriture
mercredi 7 novembre 2018
Invasion
Invasion
Luke Rhinehart
Aux forges de Vulcain, 2018
Traduit par Francis Guévremont
Billy Morton est un septuagénaire ancien du Vietnam et des mouvements contestataires des années 70, autant dire qu'il en a vu d'autres et n'aime pas qu'on lui marche sur les pieds, surtout face à un membre de l'autorité (mais il sait filer doux devant son épouse Carlita et ses talents d'avocate). Lorsqu'il découvre sur son bateau une boule poilue grosse comme un ballon de basket, qui se révèle être un être venu d'un univers parallèle, pas question d'en parler à qui que ce soit au départ. Nommé Louie par Billy, l'être se révèle être extrêmement intelligent et adorer s'amuser. Son jeu favori au départ consiste à craquer les sites de la sécurité nationale et des banques, se livrant à des transferts peu appréciés des propriétaires légaux.
En fait Louie n'est pas seul, et Billy fait connaissance de quelques uns de ses potes.
La vie de Billy va basculer, car les petits jeux de Louie et ses compatriotes ne peuvent passer inaperçus. Soutenus par quelques humains, ils n'ont quasiment pas de barrières. Les voilà rapidement sur la liste des terroristes.
Loin de n'être qu'une réjouissante histoire d'alien plutôt originale, ce roman est prétexte à Luke Rhinehart à dézinguer dans tous les coins. Pas grand chose ne lui échappe, le capitalisme en général, dans sa version US en particulier. Sa causticité frappe les paradis fiscaux (épisode aux Caïmans), la guerre en Irak et la politique étrangère, le racisme ambiant, les services secrets, la CIA, les êtres humains, et surtout surtout : le parti Républicain.
Ironie efficace et bienvenue, donc (sauf si on vote républicain), pour un roman qui se lit quasiment d'une traite, à la fin abrupte augurant peut-être d'une suite (?), un poil répétitif vers la fin peut-être (j'aurais préféré que ce soit Billy qui s'exprime plus souvent). Du barré plein de mauvais esprit, poussant à la réflexion. Louie et ses amis ont vraiment compris comment ça fonctionne ici...
Un passage qui m'a rappelé quelque chose:
La vase majorité des élus disent à leurs électeurs que les baisses des impôts des entreprises, des très riches, ou des actionnaires leur seront bénéfiques, que ces immenses fortunes ruisselleront miraculeusement jusqu'à eux et créeront de l'emploi, que cela profitera aux classes moyennes et pauvres. Bizarrement, ces élus ne proposent jamais de théories d'un ruissellement vers le haut - que l'Etat réduise les impôts des moins riches et leur accorde des allocations, afin que ceux-ci dépensent l'argent ainsi obtenu, ce qui créerait une demande, et donc de nouveaux emplois et par conséquent des profits pour les entreprises et donc plus d'argent pour les riches. Le ruissellement vers le haut, on dirait que ça n'intéresse jamais ces élites qui nous gouvernent.
Les Américains se font sans cesse répéter qu'il est nécessaire de dépenser des centaines de milliards pour des missiles, des avions de chasse encore un tout petit peu plus rapides, toujours plus de sous-marins nucléaires, toujours plus de bombes, de bases militaires, toujours plus de troupes à l'étranger, qu'il est nécessaire de bombarder toujours plus d'Arabes un peu partout dans le monde. En revanche, il n'y a pas d'argent pour un système de santé national qui permettrait de soigner tout le monde; pas d'argent pour un système éducatif qui soit entièrement gratuit pour tous, au lieu d'un système où les étudiants, après avoir obtenu leur diplôme, sont écrasés par les dettes. "
Des avis sur babelio, Le bouquineur,
Luke Rhinehart
Aux forges de Vulcain, 2018
Traduit par Francis Guévremont
Billy Morton est un septuagénaire ancien du Vietnam et des mouvements contestataires des années 70, autant dire qu'il en a vu d'autres et n'aime pas qu'on lui marche sur les pieds, surtout face à un membre de l'autorité (mais il sait filer doux devant son épouse Carlita et ses talents d'avocate). Lorsqu'il découvre sur son bateau une boule poilue grosse comme un ballon de basket, qui se révèle être un être venu d'un univers parallèle, pas question d'en parler à qui que ce soit au départ. Nommé Louie par Billy, l'être se révèle être extrêmement intelligent et adorer s'amuser. Son jeu favori au départ consiste à craquer les sites de la sécurité nationale et des banques, se livrant à des transferts peu appréciés des propriétaires légaux.
En fait Louie n'est pas seul, et Billy fait connaissance de quelques uns de ses potes.
La vie de Billy va basculer, car les petits jeux de Louie et ses compatriotes ne peuvent passer inaperçus. Soutenus par quelques humains, ils n'ont quasiment pas de barrières. Les voilà rapidement sur la liste des terroristes.
Loin de n'être qu'une réjouissante histoire d'alien plutôt originale, ce roman est prétexte à Luke Rhinehart à dézinguer dans tous les coins. Pas grand chose ne lui échappe, le capitalisme en général, dans sa version US en particulier. Sa causticité frappe les paradis fiscaux (épisode aux Caïmans), la guerre en Irak et la politique étrangère, le racisme ambiant, les services secrets, la CIA, les êtres humains, et surtout surtout : le parti Républicain.
Ironie efficace et bienvenue, donc (sauf si on vote républicain), pour un roman qui se lit quasiment d'une traite, à la fin abrupte augurant peut-être d'une suite (?), un poil répétitif vers la fin peut-être (j'aurais préféré que ce soit Billy qui s'exprime plus souvent). Du barré plein de mauvais esprit, poussant à la réflexion. Louie et ses amis ont vraiment compris comment ça fonctionne ici...
Un passage qui m'a rappelé quelque chose:
La vase majorité des élus disent à leurs électeurs que les baisses des impôts des entreprises, des très riches, ou des actionnaires leur seront bénéfiques, que ces immenses fortunes ruisselleront miraculeusement jusqu'à eux et créeront de l'emploi, que cela profitera aux classes moyennes et pauvres. Bizarrement, ces élus ne proposent jamais de théories d'un ruissellement vers le haut - que l'Etat réduise les impôts des moins riches et leur accorde des allocations, afin que ceux-ci dépensent l'argent ainsi obtenu, ce qui créerait une demande, et donc de nouveaux emplois et par conséquent des profits pour les entreprises et donc plus d'argent pour les riches. Le ruissellement vers le haut, on dirait que ça n'intéresse jamais ces élites qui nous gouvernent.
Les Américains se font sans cesse répéter qu'il est nécessaire de dépenser des centaines de milliards pour des missiles, des avions de chasse encore un tout petit peu plus rapides, toujours plus de sous-marins nucléaires, toujours plus de bombes, de bases militaires, toujours plus de troupes à l'étranger, qu'il est nécessaire de bombarder toujours plus d'Arabes un peu partout dans le monde. En revanche, il n'y a pas d'argent pour un système de santé national qui permettrait de soigner tout le monde; pas d'argent pour un système éducatif qui soit entièrement gratuit pour tous, au lieu d'un système où les étudiants, après avoir obtenu leur diplôme, sont écrasés par les dettes. "
Des avis sur babelio, Le bouquineur,
lundi 5 novembre 2018
Les bracassées
Les bracassées
Marie-Sabine Roger
La brune au Rouergue, 2018
Quand j'ai aperçu ce roman dans la liste des nouveautés de la bibli, j'ai noté, ne voulant pas me priver d'une occasion de se faire du bien, l'auteur étant coutumière de ce genre d'histoires sympathiques où tout finit bien (de plus lors de la lecture je sortais de nouvelles de Balzac, j'avais donc besoin de moins de causticité et de noirceur)
Harmonie est une jeune femme affligée de 'crises', lançant ses bras dans tous les sens, tapant, hululant, poussant des sortes d'aboiements... et jurant! Pas facile dans la vie de tous les jours. Son amoureux Freddie la couverait bien trop. Ses amis? Elvire, pas gâtée non plus, Tonton, sculptrice vendeuse de poisson, et Monsieur Poussin, le plus que centenaire photographe doué.
Fleur, elle, est une septuagénaire un peu beaucoup naïve, obèse, comme son chien Mylord qu’elle adule, angoissée, phobique sociale, bourrée de médicaments tels Noctisom, Zenocalm, Sérénix, Placidon aux noms évocateurs, et consultant régulièrement son bien-aimé Docteur Borodine.
Comment ces deux héroïnes là vont-elles se rencontrer? Comment va se former ce groupe des Bracassé(e)s? C'est ce qu'il faut découvrir dans ce livre tendre et non dénué d'humour, où Marie-Sabine Roger a encore une fois tapé dans le mille.
Bracassé(e)?
"Ce mot tourne et tourne dans ma tête il commence à changer mon regard je cherche mes congénères non mes compatriotes ceux qui vivent aussi en terre étrangère Jamais vraiment mêlés à la vie qui les cerne. Gouttes d'huile dans le verre d'eau. Petits cailloux gênants dans le plat de lentilles. Petits cailloux salvateurs qui m'ont parfois aidée à trouver mon chemin."
J'ai aussi beaucoup aimé les variations sur ce qu'évoque aux personnages le terme Bracassés, selon l'orthographe...
"Tonton a décidé que c'était un outil, et que ça s'écrivait e-t. Elle nous a donné comme exemple la phrase. 'File-moi le bracasset qui est sous la clé de seize.' Monsieur Poussin a pensé à une danse ancienne.."
"J'ai inventé des Bracassés pur beurre, une spécialité gourmande agrémentée de fruits confits, et le verbe transitif Se bracasser (je me bracasse, elle se bracasse, nous nous sommes bracassés, que tu te bracassasses) qui signifie 'se tracasser pour des critiques blessantes qui n'en valent pas la peine '. "
Les avis de cunéipage,
Marie-Sabine Roger
La brune au Rouergue, 2018
Quand j'ai aperçu ce roman dans la liste des nouveautés de la bibli, j'ai noté, ne voulant pas me priver d'une occasion de se faire du bien, l'auteur étant coutumière de ce genre d'histoires sympathiques où tout finit bien (de plus lors de la lecture je sortais de nouvelles de Balzac, j'avais donc besoin de moins de causticité et de noirceur)
Harmonie est une jeune femme affligée de 'crises', lançant ses bras dans tous les sens, tapant, hululant, poussant des sortes d'aboiements... et jurant! Pas facile dans la vie de tous les jours. Son amoureux Freddie la couverait bien trop. Ses amis? Elvire, pas gâtée non plus, Tonton, sculptrice vendeuse de poisson, et Monsieur Poussin, le plus que centenaire photographe doué.
Fleur, elle, est une septuagénaire un peu beaucoup naïve, obèse, comme son chien Mylord qu’elle adule, angoissée, phobique sociale, bourrée de médicaments tels Noctisom, Zenocalm, Sérénix, Placidon aux noms évocateurs, et consultant régulièrement son bien-aimé Docteur Borodine.
Comment ces deux héroïnes là vont-elles se rencontrer? Comment va se former ce groupe des Bracassé(e)s? C'est ce qu'il faut découvrir dans ce livre tendre et non dénué d'humour, où Marie-Sabine Roger a encore une fois tapé dans le mille.
Bracassé(e)?
"Ce mot tourne et tourne dans ma tête il commence à changer mon regard je cherche mes congénères non mes compatriotes ceux qui vivent aussi en terre étrangère Jamais vraiment mêlés à la vie qui les cerne. Gouttes d'huile dans le verre d'eau. Petits cailloux gênants dans le plat de lentilles. Petits cailloux salvateurs qui m'ont parfois aidée à trouver mon chemin."
J'ai aussi beaucoup aimé les variations sur ce qu'évoque aux personnages le terme Bracassés, selon l'orthographe...
"Tonton a décidé que c'était un outil, et que ça s'écrivait e-t. Elle nous a donné comme exemple la phrase. 'File-moi le bracasset qui est sous la clé de seize.' Monsieur Poussin a pensé à une danse ancienne.."
"J'ai inventé des Bracassés pur beurre, une spécialité gourmande agrémentée de fruits confits, et le verbe transitif Se bracasser (je me bracasse, elle se bracasse, nous nous sommes bracassés, que tu te bracassasses) qui signifie 'se tracasser pour des critiques blessantes qui n'en valent pas la peine '. "
Les avis de cunéipage,
vendredi 2 novembre 2018
Adieu Montaigne
Adieu Montaigne
Jean-Michel Delacomptée
fayard, 2015
D'accord, après Les Essais -la totale- et aussi A la recherche du temps perdu -la totale- il paraissait évident que je n'allais pas récidiver sur le blog, gardant d’éventuelles relectures pour la sphère privée. Mais jamais je n'avais promis de ne plus lire sur le sujet. De plus j'aime beaucoup Jean-Michel Delacomptée, et il m'a encore enchantée avec ce (court- moins de 200 pages) voyage avec Montaigne.
C'est à vingt ans que l'auteur a lu Les Essais pour la première fois. Il était amoureux, et sa belle l'avait quitté pour un autre. "En quête de remèdes, j'ai lu Les Essais: ils m'ont aidé. S'ils ne m'ont pas guéri, leur lecture m'a soulagé."
De quoi parle ce livre, passionnant, intelligent, bien écrit, agréable à lire? Hé bien, de Montaigne, sa vie, sa famille, son amitié avec La Boétie, ses opinions, sa vision des choses. Une belle présentation aux Essais, pas rasoir du tout.
En conclusion, l'auteur se désole que Montaigne soit quasiment ignoré au cours des études au lycée, craint qu'il ne soit plus lu, alors qu'il demeure moderne et finalement abordable.
Justement! "La langue pose des barrières faciles à surmonter: il suffit d’une édition en français de l'époque mais à l'orthographe et à la ponctuation rafraîchies, celle que pour ma part j’utilise, avec la traduction des expressions et des termes à présent hors d'usage."(Claude Pinganaud, Arléa, 1996) C'est "préférable aux conversions en français d'aujourd’hui où se perd la saveur du style." Comme "marchepied" ou "mise en bouche", elle peut être utile, mais "un Montaigne édulcoré, comme Pagnol sans l'accent, Wagner sans les cuivres, Paris sans Notre-Dame."
Après, vous faites ce que vous voulez. Mais quitte à patauger un peu, autant avoir la saveur originale. Vive le fromage au lait cru!
Une lecture qui entre finalement dans le nouveau Lire sous la contrainte (qui n'est pas franchement une contrainte pour moi)(je lis ce que je veux) de Philippe.
Jean-Michel Delacomptée
fayard, 2015
D'accord, après Les Essais -la totale- et aussi A la recherche du temps perdu -la totale- il paraissait évident que je n'allais pas récidiver sur le blog, gardant d’éventuelles relectures pour la sphère privée. Mais jamais je n'avais promis de ne plus lire sur le sujet. De plus j'aime beaucoup Jean-Michel Delacomptée, et il m'a encore enchantée avec ce (court- moins de 200 pages) voyage avec Montaigne.
C'est à vingt ans que l'auteur a lu Les Essais pour la première fois. Il était amoureux, et sa belle l'avait quitté pour un autre. "En quête de remèdes, j'ai lu Les Essais: ils m'ont aidé. S'ils ne m'ont pas guéri, leur lecture m'a soulagé."
De quoi parle ce livre, passionnant, intelligent, bien écrit, agréable à lire? Hé bien, de Montaigne, sa vie, sa famille, son amitié avec La Boétie, ses opinions, sa vision des choses. Une belle présentation aux Essais, pas rasoir du tout.
En conclusion, l'auteur se désole que Montaigne soit quasiment ignoré au cours des études au lycée, craint qu'il ne soit plus lu, alors qu'il demeure moderne et finalement abordable.
Justement! "La langue pose des barrières faciles à surmonter: il suffit d’une édition en français de l'époque mais à l'orthographe et à la ponctuation rafraîchies, celle que pour ma part j’utilise, avec la traduction des expressions et des termes à présent hors d'usage."(Claude Pinganaud, Arléa, 1996) C'est "préférable aux conversions en français d'aujourd’hui où se perd la saveur du style." Comme "marchepied" ou "mise en bouche", elle peut être utile, mais "un Montaigne édulcoré, comme Pagnol sans l'accent, Wagner sans les cuivres, Paris sans Notre-Dame."
Après, vous faites ce que vous voulez. Mais quitte à patauger un peu, autant avoir la saveur originale. Vive le fromage au lait cru!
Une lecture qui entre finalement dans le nouveau Lire sous la contrainte (qui n'est pas franchement une contrainte pour moi)(je lis ce que je veux) de Philippe.
mercredi 31 octobre 2018
Le sillon
Le sillon
Valérie Manteau
Le Tripode, 2018
"Que signifie le nom du journal, Agos. Jean fait le geste de semer des graines par poignées. Agos, c'est Le sillon. C'était un mot partagé par les Turcs et les Arméniens; en tout cas par les paysans, à l'époque où ils cohabitaient. Le sillon, comme dans la Marseillaise? Qu'un sang impur abreuve nos sillons, quelle ironie, pour quelqu'un assassiné par un nationaliste."
"Un homme qui baptise son journal Le sillon devait probablement avoir en tête la parabole du semeur."
Avec ce roman (?) Valérie Manteau (dont je découvre qu’elle a travaillé à Charlie Hebdo jusqu'en 2013) nous entraîne sur les traces de Krant Dink, journaliste et écrivain turc, fondateur du journal Agos, assassiné à Istanbul en 2007. Ne pas s'attendre à une biographie linéaire, car tout se mélange subtilement, au moyen d'une écriture qui n'a pas le temps de trier dans les dialogues, où apparaissent des inconnus et des connus, au lecteur de se débrouiller (références en fin de livre si on veut). Au fil des pages se dessine l'histoire de Hrant, donc, mais aussi celle de la Turquie d'hier (surtout la question arménienne, avec le g-word) et celle d'aujourd'hui, avec le putsch manqué, la répression, les procès (Asli Erdogan en particulier). Et puis la vie nocturne, la montée d'un l'islam intolérant, dans Istanbul où les quartiers ont changé, suite à l'arrivée de Syriens, où l'on passe d'Asie en Europe et réciproquement, Istanbul et ses chats toujours à l'arrière plan mais bien présents. Magnifique évocation de cette cité de plus en plus tentaculaire, dans un pays à l'ambiance de plus en plus difficile, mais qui ne mérite pas l'oubli.
C'est un billet (merci sylire) qui m'a incitée à lire ce court récit vers lequel je l'avoue je ne serais pas allée. Finalement j'ai beaucoup aimé la forme, et le fond. Je recommande!
Valérie Manteau
Le Tripode, 2018
"Que signifie le nom du journal, Agos. Jean fait le geste de semer des graines par poignées. Agos, c'est Le sillon. C'était un mot partagé par les Turcs et les Arméniens; en tout cas par les paysans, à l'époque où ils cohabitaient. Le sillon, comme dans la Marseillaise? Qu'un sang impur abreuve nos sillons, quelle ironie, pour quelqu'un assassiné par un nationaliste."
"Un homme qui baptise son journal Le sillon devait probablement avoir en tête la parabole du semeur."
Avec ce roman (?) Valérie Manteau (dont je découvre qu’elle a travaillé à Charlie Hebdo jusqu'en 2013) nous entraîne sur les traces de Krant Dink, journaliste et écrivain turc, fondateur du journal Agos, assassiné à Istanbul en 2007. Ne pas s'attendre à une biographie linéaire, car tout se mélange subtilement, au moyen d'une écriture qui n'a pas le temps de trier dans les dialogues, où apparaissent des inconnus et des connus, au lecteur de se débrouiller (références en fin de livre si on veut). Au fil des pages se dessine l'histoire de Hrant, donc, mais aussi celle de la Turquie d'hier (surtout la question arménienne, avec le g-word) et celle d'aujourd'hui, avec le putsch manqué, la répression, les procès (Asli Erdogan en particulier). Et puis la vie nocturne, la montée d'un l'islam intolérant, dans Istanbul où les quartiers ont changé, suite à l'arrivée de Syriens, où l'on passe d'Asie en Europe et réciproquement, Istanbul et ses chats toujours à l'arrière plan mais bien présents. Magnifique évocation de cette cité de plus en plus tentaculaire, dans un pays à l'ambiance de plus en plus difficile, mais qui ne mérite pas l'oubli.
C'est un billet (merci sylire) qui m'a incitée à lire ce court récit vers lequel je l'avoue je ne serais pas allée. Finalement j'ai beaucoup aimé la forme, et le fond. Je recommande!
lundi 29 octobre 2018
Rendez-vous avec le crime
Rendez-vous avec le crime
Une enquête de Samson et Delilah, les détectives du Yorkshire
Date with death
Julia Chapman
Robert Laffont, 2018
Traduit par Dominique Haas
Tout d'abord j'ai mal résisté à un couple de héros prénommés Samson et Delilah, et aux billets sur les blogs. Même si je craignais quand même que ça fasse pschitt comme la série Agatha Raisin à laquelle on pense forcément, dont le côté sûre d'elle 'je ne veux pas écouter les conseils' de l'héroïne et certaines péripéties répétitives m'ont fait lâcher la série.
Mais là, non, on est dans une intrigue classique, les héros sont humains et sympathiques, l'humour n'est pas forcé, et surtout on trouve une belle brochette de personnages secondaires. A la fin, on n'aura pas la réponse à toutes les questions sur le passé de Samson, on se demandera comment cela évoluera (même si on espère que...) et voilà une série bien lancée sur les rails.
Ha oui, de quoi ça parle? Dans un petit village du Yorkshire dont les paysages fabuleux sont bien évoqués, rien de bien secret ne peut tenir longtemps, avec les papotages aux pubs, maison de retraite et petites boutiques. Alors quand Samson O'Brien revient après 14 ans d'absence, les souvenirs refont surface, on lui bat froid. Le voilà qui ouvre une agence de détective privé, avec comme propriétaire (à l'insu de son plein gré au départ) Delilah Metcalfe, dont l'entreprise de site de rencontres a du mal à garder la tête hors de l'eau.
Quelques décès plus ou moins suspects (pas aux yeux de la police en tout cas) semblent avoir un lien avec les rencontres organisées par Delilah. S'ensuit une enquête classique, en fait, mais sans temps morts.
Juste une remarque : à la fin, pourquoi Delilah part-elle aux trousses de la personne coupable, dans un cul-de-sac de toute façon, au lieu d'aider Samson, en position dangereuse?
Les avis de cryssilda, babelio,
Merci à Masse critique
Une enquête de Samson et Delilah, les détectives du Yorkshire
Date with death
Julia Chapman
Robert Laffont, 2018
Traduit par Dominique Haas
Tout d'abord j'ai mal résisté à un couple de héros prénommés Samson et Delilah, et aux billets sur les blogs. Même si je craignais quand même que ça fasse pschitt comme la série Agatha Raisin à laquelle on pense forcément, dont le côté sûre d'elle 'je ne veux pas écouter les conseils' de l'héroïne et certaines péripéties répétitives m'ont fait lâcher la série.
Mais là, non, on est dans une intrigue classique, les héros sont humains et sympathiques, l'humour n'est pas forcé, et surtout on trouve une belle brochette de personnages secondaires. A la fin, on n'aura pas la réponse à toutes les questions sur le passé de Samson, on se demandera comment cela évoluera (même si on espère que...) et voilà une série bien lancée sur les rails.
Ha oui, de quoi ça parle? Dans un petit village du Yorkshire dont les paysages fabuleux sont bien évoqués, rien de bien secret ne peut tenir longtemps, avec les papotages aux pubs, maison de retraite et petites boutiques. Alors quand Samson O'Brien revient après 14 ans d'absence, les souvenirs refont surface, on lui bat froid. Le voilà qui ouvre une agence de détective privé, avec comme propriétaire (à l'insu de son plein gré au départ) Delilah Metcalfe, dont l'entreprise de site de rencontres a du mal à garder la tête hors de l'eau.
Quelques décès plus ou moins suspects (pas aux yeux de la police en tout cas) semblent avoir un lien avec les rencontres organisées par Delilah. S'ensuit une enquête classique, en fait, mais sans temps morts.
Juste une remarque : à la fin, pourquoi Delilah part-elle aux trousses de la personne coupable, dans un cul-de-sac de toute façon, au lieu d'aider Samson, en position dangereuse?
Les avis de cryssilda, babelio,
Merci à Masse critique
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vendredi 26 octobre 2018
Tour de France des villes incomprises
Tour de France des villes incomprises
Vincent Noyoux
Editions du trésor, 2016
Ami lecteur (et amie lectrice) ce tour de France a conduit (de son plein gré) Vincent Noyoux à la découverte, en deux trois jours chaque fois, de 12 villes françaises dont on peut dire sans être taxé de méchanceté que leur évocation à froid ne crée pas d'étincelles dans les yeux. Dans l'ordre : Mulhouse, Vesoul, Guéret, Cergy, Cholet, Vierzon (forcément, après Vesoul), Saint-Nazaire (la mer, oui, mais pas vraiment des plages connues), Verdun, Vallée de la Fensch, Chatelguyon (hors saison sinon ce n'est pas drôle) Draguignan (le midi, pourtant) et Maubeuge. Ah ça casse bien le rêve, non? Méfions nous cependant des a priori.
"Ce livre s'intéresse aux vilains petits canards du tourisme hexagonal, aux derniers de la classe, au ventre mou du pays. On n'y trouve pas de bars branchés ni d'abbayes classées. On n'y respire pas le vent du large à pleins poumons. On n'y croise aucune célébrité.
Qu'y trouve-t-on alors? Tel est justement le but de cet ouvrage : partir à la découverte de territoires méconnus, dont on ne sait rien ou presque. Si ce n'est pas de l'aventure, ça!"
Avec humour, tendresse, ténacité, Vincent Noyoux explore, rencontre les bons amoureux de leur ville, et est souvent "déçu en bien, comme on dit en Suisse." C'est son avis sur Vierzon en tout cas, seule ville du lot que je connaisse un peu, et qui mérite beaucoup mieux que sa réputation!
Alors oui,ça vaut la peine de sortir des sentiers battus, d'ouvrir les yeux, de changer de regard. "Il faut s'y rendre avec une âme de brocanteur, prêt à faire le tri, à voir beaucoup de médiocrité avant de dénicher la perle qui compensera tout le reste. Il faut être prêt à se salir les yeux, à perdre son temps, à s'énerver, à déprimer un peu, à se questionner beaucoup." Si on habite une ville grise, en déshérence, morne, ou paraissant telle, c'est le moment de dégoter la perle et la partager?
Un joli coup de coeur pour moi.
Vincent Noyoux
Editions du trésor, 2016
Ami lecteur (et amie lectrice) ce tour de France a conduit (de son plein gré) Vincent Noyoux à la découverte, en deux trois jours chaque fois, de 12 villes françaises dont on peut dire sans être taxé de méchanceté que leur évocation à froid ne crée pas d'étincelles dans les yeux. Dans l'ordre : Mulhouse, Vesoul, Guéret, Cergy, Cholet, Vierzon (forcément, après Vesoul), Saint-Nazaire (la mer, oui, mais pas vraiment des plages connues), Verdun, Vallée de la Fensch, Chatelguyon (hors saison sinon ce n'est pas drôle) Draguignan (le midi, pourtant) et Maubeuge. Ah ça casse bien le rêve, non? Méfions nous cependant des a priori.
"Ce livre s'intéresse aux vilains petits canards du tourisme hexagonal, aux derniers de la classe, au ventre mou du pays. On n'y trouve pas de bars branchés ni d'abbayes classées. On n'y respire pas le vent du large à pleins poumons. On n'y croise aucune célébrité.
Qu'y trouve-t-on alors? Tel est justement le but de cet ouvrage : partir à la découverte de territoires méconnus, dont on ne sait rien ou presque. Si ce n'est pas de l'aventure, ça!"
Avec humour, tendresse, ténacité, Vincent Noyoux explore, rencontre les bons amoureux de leur ville, et est souvent "déçu en bien, comme on dit en Suisse." C'est son avis sur Vierzon en tout cas, seule ville du lot que je connaisse un peu, et qui mérite beaucoup mieux que sa réputation!
Alors oui,ça vaut la peine de sortir des sentiers battus, d'ouvrir les yeux, de changer de regard. "Il faut s'y rendre avec une âme de brocanteur, prêt à faire le tri, à voir beaucoup de médiocrité avant de dénicher la perle qui compensera tout le reste. Il faut être prêt à se salir les yeux, à perdre son temps, à s'énerver, à déprimer un peu, à se questionner beaucoup." Si on habite une ville grise, en déshérence, morne, ou paraissant telle, c'est le moment de dégoter la perle et la partager?
Un joli coup de coeur pour moi.
mercredi 24 octobre 2018
Trois fois la fin du monde
Trois fois la fin du monde
Sophie Divry
Notabilia, 2018
Sur ce blog, après La condition pavillonnaire La cote 400 Rouvrir le roman Quand le diable sortit de la salle de bains je ne pouvais passer à côté du dernier opus de Sophie Divry. Le moins que l'on puisse dire est qu’elle se renouvelle!
Juste pour aider son frère auquel il est attaché, le jeune Joseph Kamal participe à un braquage à l'issue duquel Tonio est abattu et Joseph jeté en prison. Âmes sensibles s'abstenir, cet univers de violence est décrit sans complaisance, univers qui va transformer complètement Joseph et sa vision de la vie. Ainsi que sa façon de s'exprimer, ce qui expliquerait la différence de style dans la suite , après que Joseph se soit évadé, profitant d'une catastrophe nucléaire.
Dans la plus longue partie de ce roman en trois parties d'inégales longueurs (trois fins du monde?) Joseph est réfugié, solitaire, dans la 'zone interdite', vivant dans les villages abandonnés, finalement se débrouillant petit à petit, et découvrant les bienfaits de la nature. Ses compagnons : un mouton et une chatte.
Passer du carcéral à la solitude quasi totale (un mouton, une chatte, ce n'est pas rien!) va changer Joseph. Alors, nature writing en partie trois? Un poil, oui, et réflexion sur la place de l'homme qui ne peut s'empêcher de reprendre la main sur les animaux (mouton enclôturé, lapins en cage)(pourtant joli passage page 104 où justement il coupait les grillages pour circuler librement). Mais la végétation a tendance à reprendre sa place!
Il y a un côté Le mur invisible, forcément.
Les avis de kathel, antigone, ève, babelio, lecture/écriture (Antigone), chinouk, jérôme,
Sophie Divry
Notabilia, 2018
Sur ce blog, après La condition pavillonnaire La cote 400 Rouvrir le roman Quand le diable sortit de la salle de bains je ne pouvais passer à côté du dernier opus de Sophie Divry. Le moins que l'on puisse dire est qu’elle se renouvelle!
Juste pour aider son frère auquel il est attaché, le jeune Joseph Kamal participe à un braquage à l'issue duquel Tonio est abattu et Joseph jeté en prison. Âmes sensibles s'abstenir, cet univers de violence est décrit sans complaisance, univers qui va transformer complètement Joseph et sa vision de la vie. Ainsi que sa façon de s'exprimer, ce qui expliquerait la différence de style dans la suite , après que Joseph se soit évadé, profitant d'une catastrophe nucléaire.
Dans la plus longue partie de ce roman en trois parties d'inégales longueurs (trois fins du monde?) Joseph est réfugié, solitaire, dans la 'zone interdite', vivant dans les villages abandonnés, finalement se débrouillant petit à petit, et découvrant les bienfaits de la nature. Ses compagnons : un mouton et une chatte.
Passer du carcéral à la solitude quasi totale (un mouton, une chatte, ce n'est pas rien!) va changer Joseph. Alors, nature writing en partie trois? Un poil, oui, et réflexion sur la place de l'homme qui ne peut s'empêcher de reprendre la main sur les animaux (mouton enclôturé, lapins en cage)(pourtant joli passage page 104 où justement il coupait les grillages pour circuler librement). Mais la végétation a tendance à reprendre sa place!
Il y a un côté Le mur invisible, forcément.
Les avis de kathel, antigone, ève, babelio, lecture/écriture (Antigone), chinouk, jérôme,
lundi 22 octobre 2018
L'invitation
L'invitation
The party
Elisabeth Day
Belfond, 2018
Traduit par Maxime Berrée
Mais que s'est-il passé lors de cette soirée donnée pour l'anniversaire de Ben Fitzmaurice? Parmi les centaines d'invités (dont le premier ministre) dans sa superbe demeure à la décoration clinquante (la façade, classée, a échappé au relooking), se trouvaient Martin Gilmour, ami de longue date de Ben auquel il est plus que dévoué, et sa femme Lucy. Martin, issu d'une famille modeste, orphelin de père, élevé par une mère froide et écrasante, s'est retrouvé dès le lycée plein d'une fascination assez malsaine pour Ben, pourri de charme, venant d'un milieu aristocratique, riche, puissant, ayant les bons codes et relations. Quelques semaines après cette invitation, le voilà sommé de répondre aux questions de deux agents dans un commissariat.
Retour sur le passé, vu par différents protagonistes, pour une histoire où les détails sont distillés avec art, et le malaise plutôt présent. On en ressort bousculé, épaté par le talent d'Elisabeth Day. J'ai juste trouvé que Lucy, réputée fade, bébête, dévouée à Martin, gentillette, quoi, avait des remarques caustiques (et marrantes) qui détonnent parfois avec ce qu'on attendait d'elle justement (mais c'est du bonheur, ses remarques). On peut aussi regretter (mais il n'y a pas de solution!) que l'anglais The party ait tellement de sens impossibles à rendre en français en un seul mot.
Les avis de Motspourmots,
The party
Elisabeth Day
Belfond, 2018
Traduit par Maxime Berrée
Mais que s'est-il passé lors de cette soirée donnée pour l'anniversaire de Ben Fitzmaurice? Parmi les centaines d'invités (dont le premier ministre) dans sa superbe demeure à la décoration clinquante (la façade, classée, a échappé au relooking), se trouvaient Martin Gilmour, ami de longue date de Ben auquel il est plus que dévoué, et sa femme Lucy. Martin, issu d'une famille modeste, orphelin de père, élevé par une mère froide et écrasante, s'est retrouvé dès le lycée plein d'une fascination assez malsaine pour Ben, pourri de charme, venant d'un milieu aristocratique, riche, puissant, ayant les bons codes et relations. Quelques semaines après cette invitation, le voilà sommé de répondre aux questions de deux agents dans un commissariat.
Retour sur le passé, vu par différents protagonistes, pour une histoire où les détails sont distillés avec art, et le malaise plutôt présent. On en ressort bousculé, épaté par le talent d'Elisabeth Day. J'ai juste trouvé que Lucy, réputée fade, bébête, dévouée à Martin, gentillette, quoi, avait des remarques caustiques (et marrantes) qui détonnent parfois avec ce qu'on attendait d'elle justement (mais c'est du bonheur, ses remarques). On peut aussi regretter (mais il n'y a pas de solution!) que l'anglais The party ait tellement de sens impossibles à rendre en français en un seul mot.
Les avis de Motspourmots,
jeudi 18 octobre 2018
Jamais avant le coucher du soleil
Jamais avant le coucher du soleil
Ennen päivänlaskua ei voi
Johanna Sinisalo
Actes sud, 2003
Traduit par Anne Colin du Terrail
Surnommé Ange, le personnage principal est trentenaire, blond et beau gosse. Il gagne sa vie comme photographe de pub, plutôt doué. Un soir il sauve d'une bande d'ados un petit être abandonné qui se révèle être un enfant ou bébé troll. Oui. Grande question pour lui : 'mais ça mange quoi un troll?' (réponse dans le roman, mais je préviens, scènes très dures ^_^). Il a en effet ramené la bestiole dans son appartement. Une étrange cohabitation commence, qu'il essaie de cacher à tous, mais ça se révèle impossible. Son ex, vétérinaire, alerté par ses questions, se doute de la vérité. D'autres se risquent à s'approcher d'un animal de plus en plus possessif et incontrôlable. Les relations Ange/troll évoluent vers du difficilement imaginable (et du parfois polémique ai-je appris).
Improbable, non? Là je suis bien sortie de ma zone de sécurité et de confort, ça bouscule pas mal. Mais l'auteur est habile, les chapitres sont courts et donnent la parole à divers personnages (je me demande juste pourquoi la voisine devait être une femme achetée dans un pays exotique et cloîtrée chez elle par un type violent), et surtout ils sont entrecoupés par des récits, des contes, des légendes voire des articles scientifiques autour des trolls. Cela aurait pu paraître inutile mais justement ils permettent de donner au lecteur une idée de ce qui pourrait arriver, et même une explication à des faits, disons, un poil durs à accepter.
J'ignore que penser de ce drôle de roman (haletant, je ne l'ai pas lâché). Original. Des détails franchement dérangeants. Mais sachez que je me suis jetée juste après sur un autre roman de l'auteur!
Avis très divers sur goodreads, des avis sur babelio, charybde, daphné, mark et marcel, et Mes imaginaires (en 2004!) j'aurais dû penser à fouiller par là!
Ennen päivänlaskua ei voi
Johanna Sinisalo
Actes sud, 2003
Traduit par Anne Colin du Terrail
Surnommé Ange, le personnage principal est trentenaire, blond et beau gosse. Il gagne sa vie comme photographe de pub, plutôt doué. Un soir il sauve d'une bande d'ados un petit être abandonné qui se révèle être un enfant ou bébé troll. Oui. Grande question pour lui : 'mais ça mange quoi un troll?' (réponse dans le roman, mais je préviens, scènes très dures ^_^). Il a en effet ramené la bestiole dans son appartement. Une étrange cohabitation commence, qu'il essaie de cacher à tous, mais ça se révèle impossible. Son ex, vétérinaire, alerté par ses questions, se doute de la vérité. D'autres se risquent à s'approcher d'un animal de plus en plus possessif et incontrôlable. Les relations Ange/troll évoluent vers du difficilement imaginable (et du parfois polémique ai-je appris).
Improbable, non? Là je suis bien sortie de ma zone de sécurité et de confort, ça bouscule pas mal. Mais l'auteur est habile, les chapitres sont courts et donnent la parole à divers personnages (je me demande juste pourquoi la voisine devait être une femme achetée dans un pays exotique et cloîtrée chez elle par un type violent), et surtout ils sont entrecoupés par des récits, des contes, des légendes voire des articles scientifiques autour des trolls. Cela aurait pu paraître inutile mais justement ils permettent de donner au lecteur une idée de ce qui pourrait arriver, et même une explication à des faits, disons, un poil durs à accepter.
J'ignore que penser de ce drôle de roman (haletant, je ne l'ai pas lâché). Original. Des détails franchement dérangeants. Mais sachez que je me suis jetée juste après sur un autre roman de l'auteur!
Avis très divers sur goodreads, des avis sur babelio, charybde, daphné, mark et marcel, et Mes imaginaires (en 2004!) j'aurais dû penser à fouiller par là!
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