jeudi 27 septembre 2012

Avenue des géants

Avenue des géants
Marc Dugain
Gallimard, 2012







22 novembre 1963, Texas : John Kennedy est assassiné.
Même jour, Californie : Al Kenner, 15 ans, 2,20 mètres, 130 kilos,  tue ses deux grand-parents à la Winchester.

Il explique que sa grand-mère lui donnait l'impression d'étouffer, et qu'ensuite il ne pouvait laisser son grand-père avec le chagrin. Quant à ses parents, ils sont séparés, mère dans le Montana, père en Californie l'ayant mis à la porte. Petit à petit on en apprendra sur ces parents et l'enfance d'Al Kenner... Plutôt terrible.

Il se rend à la police, passe un bout de temps en hôpital psychiatrique, est libéré.

Le roman se présente comme une autobiographie d'Al Kenner, écrite quand il est en prison, des décennies plus tard, et que son seul visiteur est Susan, qui lui apporte des livres à lire et enregistrer, pour les aveugles.

Autant dire que dès le départ le lecteur est dans la tête d'Al Kenner, personnage difficile à cerner, froid, intelligent, logique dans son système. Le risque de sympathiser avec lui est minime mais il n'y aura pas une multitude de détails atroces. Aucune complaisance.
L'histoire est aussi bien ancrée dans les années 60, guerre du Vietnam, communautés hippies.

Marc Dugain s'est inspiré de l'histoire réelle d'Ed Kemper. "Romancer un personnage, c'est le trahir pour mieux servir ce que l'on pressent de sa réalité. Du fond de sa prison de Vacaville, Ed Kemper pourra peut-être comprendre que je me sois approprié sa vie."

Un conseil : ne pas chercher d'informations sur Ed Kemper avant lecture, sinon vous en sauriez trop! Je me suis lancée dans ce roman sans rien savoir, et j'ai été scotchée! Par l'histoire bien sûr, par l'écriture au cordeau, par le découpage qui ménage les rebondissements. Excellent!

Remarque : Duigan, le policier (fictif) du roman, et Dugain, l'auteur : un hasard? Je ne crois pas.

Les avis chez babelio

mardi 25 septembre 2012

Pourquoi les filles sont si bonnes en maths

Pourquoi les filles sont si bonnes en maths
et 40 autres histoires sur le cerveau de l'homme
Laurent Cohen
Odile Jacob, 2012



Sous ce titre disons-le un peu racoleur se cache un bouquin extrêmement calé dû à Laurent Cohen, professeur de neurologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Calé, oui, parce qu'il y a de vrais morceaux de neurosciences à l'intérieur, mais surtout plein d'humour et de pédagogie grâce à une présentation sous forme de dialogue donnant beaucoup de peps à l'ensemble.

Bon, d'accord, j'ai beaucoup d'attraction pour ces sujets là, à savoir comment notre cerveau fonctionne ou -hélas- dysfonctionne. Je suis toujours fascinée par l'imagination des chercheurs pour inventer des expériences sur des êtres humains (et donc des bébés ne parlant pas), ceci évidemment sans abîmer le cerveau des "cobayes".
Qu'est-ce que l'effet McGurk, à quelle heure vaut-il mieux passer devant un juge, comment le cerveau se débrouille pour mener deux tâches à la fois, les jeux video sont-ils utiles, bref, que de découvertes plaisantes et vivifiantes.
Et les filles et les maths, là dedans? Juste un chapitre intitulé Les filles (ne) sont pas (pas) nulles en maths, décortiqué dans le billet du cercle psy ci-dessous, où l'on apprend, en gros, que tout dépend de l'accès à l'éducation scientifique (on s'en doutait), mais que, quand même, tout ne se passe pas de la même manière dans les cerveaux (là ça m'intéresse, mais il aurait fallu développer un peu! A condition bien sûr que plus de recherches là dessus existent)...
Gloups aussi, quand j'ai découvert un chapitre dédié à une de mes maladies. Qui ne m'a pas appris grand chose, bien sûr, mais à vous sûrement que si. Bref, chacun trouvera son miel dans ce livre.


Avec cette lecture je participe au challenge de PhilippeD, Lire sous la contrainte, dont évidemment l'intitulé un peu barré ne pouvait que m'attirer. Ce mois ci le thème était

Avis sur Babelio
Un billet précis du Cercle psy
Interview de l'auteur

lundi 24 septembre 2012

L'arbre aux haricots / Les cochons au paradis

L'arbre aux haricots
Barbara Kingsolver
Rivages poche, 2005

coup de coeur


Un billet enthousiaste de Theoma m'a rappelé que oui, depuis des années, je dois lire ce roman (il faut avouer que j'avais déjà vraiment aimé Les cochons au paradis, qui est une suite)(et que je devais relire, bien évidemment)(mais ce ne fut que du plaisir)(quoique finalement je me demande lequel j'avais lu)(bref).

Taylor Greer est la fille d'une maman extraordinaire qui a insufflé en elle de la confiance en soi et l'envie de ne pas connaître le même destin que les autres filles du coin paumé du Kentucky où elles vivent. Voilà donc Taylor en route vers l'ouest, au volant d'une vieille guimbarde qui demande à être poussée pour démarrer...
Dans l'Oklahoma, une femme dépose dans sa voiture une toute petite fille indienne, et disparaît! Taylor comprend assez vite que cette femme voulait la soustraire à une vie vraiment mal démarrée, car la petite est en piteux état, et il faudra du temps pour que la petite qu'elle a prénommée Turtle devienne moins mutique et s'éveille.
Pendant ce temps là, à Tucson, Arizona, Lou Ann vient à la fois d'avoir un bébé et de voir partir son mari Angel. Lou Ann est une fille pas trop bien dans sa peau et se dévalorisant facilement.

Là je ne raconte vraiment que le début, évidemment Taylor et Lou Ann vont devenir de super copines, et interviendront dans l'histoire d'autres personnages, y compris des réfugiés guatémaltèques.

Mais l'essentiel est que ce soit une vraiment chouette roman qu'on ne lâche pas, où on se sent bien, un livre doudou, un livre "feel good". Beaucoup d'humour, des dialogues pétants, de l'émotion, et plus de profondeur qu'il n'y paraît. J'ai adoré!

Les avis chez Babelio,

Les cochons au paradis
Barbara Kingsolver
Rivages poche

Formidable! Cette suite (qui pourrait d'ailleurs se lire tout à fait à part) se découvre avec le même bonheur. Toujours beaucoup de fantaisie, de tendresse, d'humour, des remarques qui touchent le coeur, de jolies expressions et des personnages hauts en couleur (ah Barbie...)...

Mais de la gravité aussi, puisque trois ans environ après L'arbre aux haricots Turtle est réclamée par la nation Cherokee à laquelle elle appartient. Cruel dilemme pour Taylor, car tout n'est pas si clair. Taylor et Turtle sont liées comme mère et fille, mais la petite ne devrait-elle pas être proche de sa nation et de ses coutumes? Dans ce roman on en apprend vraiment pas mal sur les Cherokee, ne serait ce que leur histoire et leur conception de la famille. D'où la participation au challenge Red power de Folfaerie.

jeudi 20 septembre 2012

Quelques notions sur l'isle de Ceylan

Quelques notions sur l'isle de Ceylan
Eudelin de Jonville
Présentation de Marie-Hélène Estève et Philippe Fabry
Ginkgo éditeur, 2012




Connaissais-je Joseph Marie Eudelin Mervé de Jonville? Absolument pas. Né au Caire en 1756, mort à Londres en 1837, après une vie qui le conduisit à Smyrne où son père était consul, à Rosette (oui, la pierre!) comme vice-consul, et finalement à Ceylan, en tant que naturaliste auprès du gouverneur North. Gouverneur et ami d'ailleurs. C'est Marie-Hélène Estève, quelque temps attachée culturelle à l'ambassade de France au Sri Lanka, qui présente une biographie fort intéressante et élégamment écrite, étayée par de nombreux documents.

Mais la majorité du livre consiste en l'essentiel des manuscrits d'Eudelin de Jonville, qui furent longtemps oubliés à la British Library. Manuscrits agrémentés de dessins, cartes, dont certains sont reproduits ici.
Eudelin de Jonville est d'entrée un homme sympathique, modeste, curieux de tout, sachant être discret, et polyglotte. Il s'intéresse à l’histoire de l'ile, sa religion, sa géologie, avec de multiples détails (que j'ai parfois lus en diagonale) prouvant qu'il a passé du temps à se documenter. Il narre un voyage à l’intérieur de l'ile, pour présenter des lettres de créance au roi de Kandy, non sans un humour pince sans rire. Sa description des côtes de l'ile donne envie de s'y rendre, visiblement il est tombé sous le charme de cet endroit; cependant j'aurais sans doute mieux apprécié ma lecture si j'avais personnellement visité cette ile et donc été à même de visualiser les lieux.

Les documents annexes  (en français et en anglais) ne sont pas à négliger,  permettant d'admirer au passage l'art épistolaire de Jonville et de ses correspondants. Ah quelle époque où l'on savait trousser une lettre...

Une sorte de curiosité, donc, que ce récit, dans une typographie et présentation impeccables.
Merci à l'éditeur.

Challenge de Géraldine et sur son blog un vrai compte rendu de son voyage là-bas : Ceylan au 21ème siècle!
Challenge de Catherine

lundi 17 septembre 2012

La guerre des salamandres

La guerre des salamandres
Karel Capek
Messidor, 1990
Traduit du tchèque par Claudia Ancelot

Se trouve aux éditions La Baconnière, 2012

Ce roman difficilement catégorisable (aka OLNI) est paru en feuilleton dans les années 30 vraisemblablement, il est paru assez récemment chez Cambourakis (11 euros), et même s'il n'est pas LE chef d'oeuvre absolu, il mérite amplement lecture et n'a absolument pas vieilli!

Première partie, au parfum de livre d'aventures, où comment l'on découvrit dans les îles du fin fond du Pacifique des salamandres de bonne taille, dociles, pacifiques, bosseuses, apprenant vite, pourquoi elles essaimèrent dans le monde entier suite à un appât du gain fort capitaliste de la part des hommes.
Beaucoup d'humour, d'action, c'est pas mal barré.

Deuxième partie, quasi consacrée à l'histoire des salamandres, offrant des notes de bas de page et différents points de vue, là c'est bourré d'ironie et d'humour noir. On ne peut s'empêcher de penser, au vu du traitement infligé aux salamandres, à la traite des noirs et aux mouvements anti esclavagistes.

Dernière partie, plus sombre, plus philosophique, où la situation se dégrade, les salamandres se révélant obligées de lutter pour un espace vital suffisant, au grand dam des hommes n'ayant pas vu venir grand chose en dépit de mises en garde de certains intellectuels.

Ce qui frappe en premier lieu dans ce roman, c'est avec quelle facilité, en dépit d'un thème sérieux, il se lit avec aisance et plaisir, grâce aux changements de genre, roman classique, dialogues, compte-rendus, essais, etc..., le tout assaisonné d'ironie.

En plus des références à la traite des noirs, on peut y voir aussi des préoccupations écologistes, une réflexion sur la démocratie, et bien sûr chercher les clins d'oeil à la situation en Europe dans les années 30. Capek égratigne avec humour les caractéristiques (supposées) des anglais, français, et surtout on ne peut s'empêcher de penser à l'Allemagne de l'époque:
"Sur ce, la presse allemande commença à faire beaucoup de bruit autour de la salamandre balte. On soulignait surtout que c'était grâce au milieu allemand que cette salamandre avait évolué vers un type racial différent et supérieur, qu'il convenait de placer au-dessus de toutes les salamandres. On parlait avec mépris des salamandres dégénérées de la Méditerranée, au corps et à l'esprit atrophié, des salamandres sauvages des tropiques et en général des salamandres inférieures, barbares et animales, des autres nations.Une formule fit fortune à l'époque 'de la Grande Salamandre à la Sursalamandre allemande!' "
Un mot sur l'auteur (merci wikipedia)
Karel Čapek, né en 1890 en Bohême  et mort à Prague en 1938, est l'un des plus importants écrivains tchécoslovaques du 20ème siècle. Le mot robot, qui apparaît pour la première fois dans sa pièce de théâtre de science-fiction R. U. R. (Rossum's Universal Robots), sous-titre en anglais du titre tchèque "Rossumovi univerzální robotia", a été inventé par son frère Josef  et signifie "travailleur dévoué, esclave".

Les avis de Babelio, et surtout celui de Cachou, qui a entraîné mon emprunt à la bibli!

Challenge de Géraldine, c'est bourré d'îles là-dedans...

samedi 15 septembre 2012

Tribulations d'un précaire

Tribulations d'un précaire
Iain Levinson
Liana Levi, 2007


Pour ceux qui en douteraient encore, les Etats-Unis ne sont pas l'Eldorado, et le héros de Iain Levinson, en dépit de ses diplômes, connaît bien des galères. Épluchant les offres d'emploi tout en décryptant leurs sous-entendus et tentant d'éviter les arnaques, il travaille en poissonnerie, dans la restauration, livre du fuel, s'occupe de déménagements et surtout participe aux activités de pêche en Alaska. Petits boulots précaires, mal payés, ne donnant pas droit à une couverture d'assurance, éreintants voire dangereux. On sent bien que toute une frange de la population vivote ainsi. Les riches existent, mais complètement sur une autre planète.

Une histoire sans fin, inquiétante, racontée avec un humour désespéré et ironique qui fait mouche.

Le début : "C'est dimanche matin et j'épluche les offres d'emploi. J'y trouve deux catégories de boulots: ceux pour lesquels je ne suis pas qualifié, et ceux dont je ne veux pas. J'étudie les deux."

L'auteur : Né en Écosse, a grandi aux États-Unis. A la fin de ses études universitaires, a lui aussi exercé toutes sortes de métiers précaires...

Retrouvez mes avis sur Trois hommes, deux chiens et une langouste  et Arrêtez-moi là! 

Une lecture commune avec Aifelle et Manu

Les avis de Hélène, dasola, chez babelio,

jeudi 13 septembre 2012

Blood Hollow

Blood Hollow
W. Kent Krueger
le cherche midi, 2012



Bonne nouvelle! Corcoran "Cork" O'Connor, mon shérif préféré du Minnesota, est de retour! Le mélange trois quarts irlandais, un quart Ojibwe fait toujours merveille, sa vie familiale est sereine ("touche pas à mes gosses" et "j'aime ma femme"), il a décroché son étoile de shérif et a repris le stand de restauration rapide légué par son ami, Sam, vieil indien rencontré dans le tome précédent, Aurora, Minnesota.

Lors d'une fête donnée la nuit de la Saint Sylvestre, la jeune Charlotte Kane disparait. A la fonte des neiges, on retrouve son corps, près de sa motoneige. Le shérif a un coupable tout trouvé, et que tous les indices semblent accuser : Solemn Winter Moon, jeune Ojibwe un peu forte tête. Cork pense que Solemn est innocent, et se lance dans sa propre enquête, après que sa femme Jo ait été chargée de la défense de Solemn.

De multiples rebondissements et des découvertes surprenantes sur les secrets de bien des habitants de la petite ville vont ponctuer ses recherches. Les croyances religieuses des catholiques et des indiens vont intervenir de façon inattendue, Cork lui-même devant suivre un certain itinéraire spirituel et se remettre en cause.

Bref, un excellent polar, bien rythmé, avec des héros sympathiques qui prennent vie, le tout dans une petite communauté pas toujours exempte de sentiments anti indiens et où sont scrutés les moindres faits et gestes.

L'avis de Jacques Tessier,

Merci à Solène P. qui connaît elle aussi mon addiction pour les shérifs au grand cœur; je regrette seulement que quelques tomes entre Aurora, Minnesota et Blood Hollow ne soient pas disponibles, pour ce que j'en sais, en tout cas. 

Encore un pour le challenge de liliba

mardi 11 septembre 2012

Le poisson et le bananier

Le poisson et le bananier
Une fabuleuse histoire de la traduction 
Is that a fish in your ear?
David Bellos
Flammarion,2012








Encore une fois c'est A Girl from earth qui m'a aiguillée sur une pépite!

"Que font réellement les traducteurs? Combien y a-t'il de modes différents du traduire? (phrase assez  incompréhensible, j'ai dû mal recopier, mais n'ai plus l'exemplaire) Qu'est-ce que les emplois de cette mystérieuse capacité nous apprennent sur les sociétés humaines d'hier et d'aujourd'hui? Comment les faits de la traduction sont-ils liés à l'usage de la langue en général - et à nos conceptions de ce qu'est une langue?"

Avec un menu pareil, autant dire que je me suis régalée, que j'ai parfois écarquillé les yeux, que j'ai beaucoup appris, que je me suis interrogée...

La traduction, ce n'est pas seulement réservé à mes chouchous anglais, mais aussi aux titres et dialogues de films, aux journaux, aux lois, aux procès (en 2011, traduire une conversation téléphonique du fulani?), aux conférences internationales, aux recettes de cuisine, à l'humour, etc... La traduction existe depuis aussi longtemps que les hommes ont voulu communiquer et l'histoire de la traduction est évoquée par petites touches.

L'auteur, professeur de littérature française et traducteur de Perec, Kadaré, .. sait de quoi il parle et a mûrement réfléchi sur son art. Bien sûr, il défend avec passion son métier et s'élève contre les critiques habituelles sur la traduction de la poésie, la "bonne" traduction prétendue impossible,  la fidélité à la source, l'équivalence, le sens...
Je signale cependant à l'auteur qu'il existe des traductions de Guerre et Paix en français où le passages en français dans l'original sont en italique ( d'accord, ce n'est pas un moyen purement linguistique de distinction de ces phrases, mais typographique, cependant fort satisfaisant à mon goût) (p 216)

350 pages assez denses, c'est sûr, mais toujours émaillées d'exemples passionnants. Je n'ai pas tout compris sur la traduction simultanée, mais ai découvert comment fonctionne Google Translate! (trop fort!). En prime j'ai fait une révision sur le langage humain, forcément la base de presque tout! Et saviez-vous que le latin a droit chaque jour à une demi-heure de nouvelles diffusées depuis Helsinki?

Au final, je suis frustrée de ne pouvoir rendre compte de la richesse de ce livre, qui doit évidemment être découvert!

Des avis sur Babelio,

lundi 10 septembre 2012

La fille du capitaine

La fille du capitaine
Alexandre Pouchkine
Bibliothèque Lattès, 1990


Pouchkine (Moscou, 1799- Saint-Petersbourg, 1837, dont j'ai aperçu le portrait à la galerie Tretiakov, les demeures dans ces deux villes, des statues par ci par là, et même son lycée à Tsarkoie Selo, renommé Pouchkine), m'a poursuivie durant mon voyage, et il n'est que normal que je présente un de ses romans. Court, le roman, si! Cela change agréablement des pavés de ses collègues ... (J'exagère, je me relirais bien Guerre et paix, tiens)
Au moment de sa fin prématurée lors d'un duel, il était considéré comme le plus grand écrivain russe. Lire une biographie de Pouchkine devrait d'ailleurs être passionnant, vu sa vie !


Alors, le roman?
A moins de vingt ans, le jeune Piotr Andreitch rêve de connaître la vie de fêtes de Saint-Petersbourg, hélas il sera envoyé en garnison dans un coin perdu près d'Orenbourg (trèèèès loin de Moscou, sur le fleuve Oural), accompagné d'un vieux serviteur fidèle, Savéliitch. Bien sûr cette garnison est sous les ordres d'un capitaine, et une jolie idylle va se nouer entre Piotr et Macha, la fille du capitaine... Amours contrariées, dans un contexte de guerres avec les Cosaques, de duels, de rebondissements, et aussi de cruautés dans cet empire tsariste, où les criminels étaient punis sévèrement. Tout se terminera bien pour nos tourtereaux, grâce à une rencontre dans le jardin impérial de Tsarkoïe Selo (et j'utilise une photo de vacances!)
Au travers d'une belle histoire d'amour pure et romantique, se dévoile aussi toute une ambiance russe fin 18ème siècle, où l'autorité du tsar tout puissant pouvait (déjà!) être remise en question par des révoltés, la vie humaine n'avait guère de prix, et les classes sociales étaient rigides. J'ai aussi savouré les proverbes et formules de politesse ou honorifiques désuètes qui émaillent les conversations.

Les avis de L'animal lecteur

Je termine avec quelques photos prises dans un musée de plein air, où sont présentés des bâtiments anciens, qui peuvent donner une idée de ce que connaissaient nos héros.
isba ancienne

traineau

chaussures tressées

isba plus vaste

vendredi 7 septembre 2012

Petit traité sur l'immensité du monde

Petit traité sur l'immensité du monde
Sylvain Tesson
Editions de Equateurs, 2005





Voulant découvrir Dans les forêts de Sibérie, j'ai opté pour Petit traité sur l'immensité du monde. C'est comme ça. Quand on choisit ses lectures, comme quand on vagabonde, on ne prend pas toujours le chemin prévu.

Sylvain Tesson voyage. A pied principalement, à cheval, à bicyclette. Rarement autrement que by fair means.

Qu'est ce qui le pousse?
"C'est pour contempler le monde, boire à sa coupe et m'en gorger que je le sillonne."

Géographe de formation, "la géographie, la plus belle des disciplines", il explique pourquoi la géomorphologie devint pourtant sa discipline préférée.

Comme en Ouzbékistan, la déception est possible:
"L'une des vertus du bon wanderer est de ne rien attendre du chemin qu'il emprunte. A chaque pas il cueille les émotions, il se gorge de nouveautés, mais il n'essaie pas de trouver des correspondances entre ce qu'il découvre et ce qu'il espérait trouver. (...) Le monde qu'on a sous les yeux sera toujours moins beau qu'une photo sépia ou que sa description dans une chronique ancienne.(...) Mieux vaut dans ce cas s'interdire, au moment de prendre la route, d'emporter avec soi ce que l'on sait déjà de l'endroit où on va. Un esprit vierge est la meilleure longue-vue pour balayer les horizons."

Découvrant au fil de ses voyages l'oppression de la femme par l'homme, "le wanderer que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle", il a appris à rester seul et vivre plus densément.

Bivouacs, hamacs dans les arbres, mais aussi escalades nocturnes et nuits dans les cathédrales, voilà ce qu'il évoque, avant de terminer par la rencontre d'habitants de cabanes au bord du Baïkal, qui sans doute font pressentir son séjour de six mois dans cette même région. La boucle est bouclée!

"Vivre, c'est faire de son rêve un souvenir."

Victor, occupant d'une cabane, ne possède que trois choses : "une hache pour n'avoir pas froid, un fusil pour n'avoir pas faim et une Bible pour n'avoir pas peur."

Une lecture hautement recommandable, une bouffée de liberté. Le début m'a donné l'impression que l'auteur a la bougeotte, mais ensuite j'ai été fascinée par ses expériences... L'écriture est belle, ce qui ne gâte rien!

 Les avis de WODKA, bookophiles, et sur babelio

Interview rapide ici

Bientôt sur cet écran, fort logiquement : Dans les forêts de Sibérie!

mercredi 5 septembre 2012

Twisted Tree

Twisted Tree
Kent Meyers
Mariner Books, 2009

coup de coeur


Ouverture (magistrale) dans la tête d'un serial-killer, choisissant ses victimes sur les sites internet de jeunes filles anorexiques. La prochaine : Hayley Jo. Où l'on découvre comment le prédateur prend la petite mouche dans sa toile...

(Pff encore un serial killer, me dis-je, espérons qu'il n'y aura pas trop de détails, et voyons l'enquête...)
Tout faux!

Au fil des chapitres, personnages et narrateurs changent, mais tout reste centré sur Twisted Tree, petite ville du Dakota du sud d'où était originaire Hayley Jo. Tous la connaissaient, bien sûr. Le puzzle s'établit, morceau par morceau, des fils se nouent, des questions ont leur réponse plus loin, et apparaît, une fois le tableau terminé, tout un pan d'histoire sur des décennies, au travers de personnages complexes et attachants. Couples en difficulté, enfance difficile, culpabilité, vengeance, enfants désirés ou pas, amours impossibles, impossible d'évoquer le contenu de ce roman, disons qu'il se termine par l'humour (un peu barré) de deux potes indiens.

Mais quelle lecture! J'ai retenu mon souffle, j'ai ri, j'ai été remuée, j'ai eu le cœur serré. Kent Meyers a le don de plonger son lecteur directement dans des histoires si intenses qu'on ne peut les lâcher. Mes émotions ne m'ont pas empêchée d'admirer la totale maîtrise narrative, surtout qu'en VO il fallait s'accrocher pour ne rater aucun détail.

A lire absolument!

L'avis de Lou sur lecture-écriture,




aussi chez Gallmeister, 2012.
(précision : ce roman n'est pas du nature writing, non mais!)

lundi 3 septembre 2012

Alexis Zorba

Alexis Zorba
Nikos Kayantzaki
Première publication, 1946




Il y a environ un siècle, mais après la révolution soviétique, débarquent en Crète le narrateur, qui espère terminer un livre sur Bouddha et exploiter une mine dans le sud de l'île, et Alexis Zorba, sexagénaire ayant pas mal roulé sa bosse.

Les deux s'installent chez Hortense -ou Bouboulina, ancienne prostituée que Zorba saura réveiller à une vie amoureuse, à force d'attentions et de flatteries. On croise aussi une veuve fascinante que le narrateur refusera de fréquenter en dépit de son désir, des popes, des moines, des villageois, et pas mal de personnages évoqués par Zorba au fil des histoires narrées à son patron. Ce Zorba a eu une vie amoureuse fertile, et il a tué, détruit lors de guerres passées.

Avouons-le. J'ai lu une bonne partie de l'histoire en diagonale, accrochée par les descriptions sensibles des paysages grecs et du village crétois, endormie par les vagabondages philosophico-déprimés du narrateur, réveillée par la boule d'énergie qu'est Zorba, perdue dans des histoires assez baroques, amusée par le talent de conteur et le langage de Zorba, médusée devant ses opinions sur les femmes. Sans deux blogueuses* avec qui c'était une lecture commune et les échanges un peu barrés sur F**k, j'aurais jeté l'éponge...

Au final : ma foi, j'ai découvert un roman assez particulier, je pense qu'il me manquait des clés pour l'apprécier pleinement, ou alors de me laisser aller, comme Zorba dansant sur la plage...

Quelques passages

"Je savais que Zorba avait raison, je le savais, mais je manquais de courage. Ma vie avait fait fausse route et mon contact avec les hommes n'était plus qu'un monologue intérieur. J'étais descendu si bas que si j'avais eu à choisir entre tomber amoureux d’une femme et lire un bon livre sur l'amour, j'aurais choisi le livre.
- Ne calcule donc pas, patron, poursuivit Zorba, laisse tomber les chiffres, démolis la foutue balance, ferme la boutique, je te dis."

La femme:
"C'est un être humain elle aussi, un être humain comme nous autres - et pire! Quand elle voit ton porte-monnaie, elle a le vertige, elle se colle à toi, elle perd sa liberté et elle est ravie de la perdre, parce que, tu vois, derrière, il y a le porte-monnaie qui brille."
"La femme, c'est une créature faible, délicate, combien de fois faut-il te le dire? Un vase en porcelaine, ça se manie avec précaution."

Expressions zorbaïesques
"Te bile pas! 'Le pâté est entier et le chien rassasié' "

*Les avis de A girl et Cryssilda.

Et pile poil dans le challenge des livres et des îles, chez Géraldine, avec la Crète.

samedi 1 septembre 2012

Les petits succès sont un désastre

Les petits succès sont un désastre
Sonia David
Robert Laffont, 2012


Le Papillon, café-restaurant montmartrois, est le point de ralliement de toute une bande d'amis d'âges, métiers et arrière plans familiaux variés. Rose, la quarantaine, traductrice, décrit ces rencontres à bâtons rompus, les amours, les amitiés. Jusqu'au jour où elle a l'occasion d'écrire un roman et choisit de s'inspirer de ses amis, allant jusqu'à les interviewer.

Le roman de Rose? "Disons que c'est un mélange de vrai et de faux, de faux dans le vrai, et de vrai dans le faux." Au point d'être influencée par son imagination. "J'ai commencé d'aller vraiment à la piscine à cause de mon roman. De la décrire l'avait soudain rendue très réelle, tentante même.(...) Dès le premier jour, tout m'y avait semblé familier, ce qui me confortait sur la crédibilité de mon livre."

Plus concentrée sur [ses] personnages que sur [ses] amis, Rose est en grand danger de voir voler en éclats le point d'ancrage qu'est le Papillon.

Avec Rose parfois on ne sait plus trop ce qui est de son vécu et de son œuvre. Le roman s'écrit sous nos yeux, en quelque sorte, c'est à à nous de corriger les erreurs de la réalité.

J'ai beaucoup aimé ce joli jeu de miroir sans fin (pouvant s'appliquer à Sonia David romancière?), l'écriture robuste et fluide. Chacun aura ses personnages préférés, sans doute Léo en premier?

Les avis chez babelio,
Voici ce que j'écrivais dans mon billet sur le salon de Chateauroux 2012:
 "A gauche, Sonia David (mon seul craquage du salon fut pour son roman  Les petits succès sont un grand désastre qui a rejoint ma PAL pour un temps restant à déterminer*) et à droite Eloïse Lièvre, auteur de La biche ne se montre pas au chasseur. Deux auteurs avec qui j'ai pu discuter longuement et avec plaisir. Pas vraiment de leurs premiers romans, mais de livres! Sonia David adore elle aussi la littérature anglo-saxonne (quelqu'un qui aime Dickens ne saurait être mauvais) et m'a bien vendu Dawn Powell."

* Pas si mal comme délai, finalement!