mercredi 31 octobre 2012

L'ange du matin

L'ange du matin
Arni Thorarinsson
Métailié, 2012


Direction l'Islande qui, si l'on en croit Thorarinson (et Indridason aussi d'ailleurs) a quelque chose de pourri : problèmes d'alcool, de drogue, de petite délinquance, mais aussi de grosse délinquance financière. Olver justement est un de ces "nouveaux Vikings" ayant sucé "jusqu'à la moelle" les entreprises avant de les "abandonner après faillite ou couvertes de plaies béantes". Couvert finalement de dettes lui aussi, au bord du divorce, Il apprend que sa fille a été enlevée et que les ravisseurs demandent une somme qu'il ne peut payer. La police piétine.

Einar, le journaliste des aventures précédentes, fouine de son côté, tout en continuant à s'intéresser à la mort d'une postière dans une autre ville du pays. Petit pays où les liens se distendent mais beaucoup se connaissent, où il est aisé de trouver numéro de téléphone et adresse d'une personne, ce qui permet à Einar de foncer sur un "suspect". Plusieurs enquêtes en même temps pour Einar, qui se trouve souvent au cœur de l'action, et tanne la police et les témoins pour récolter des renseignements.

Comme Yv, j'ai déploré une certaine lenteur, surtout à cause de discussions sur la situation financière et l'écroulement financier, qu'on avait vite saisi pourtant. Einar est sympathique en journaliste et en père de famille, il se fait balader aussi...Mais mon attention s'éparpillait pas mal, j'ai même eu du mal à me passionner pour l'enlèvement de la gamine.
Cependant, mis à part ce coup de faiblesse pour la part centrale du roman, je reconnais qu'en fin de parcours cela s'améliore, prend du rythme, et que le dénouement était imprévisible. Un roman noir, avec cependant quelques éclaircies.

Les avis de Jostein, actu du noir, enthousiastes!

Merci à Valérie G. et l'éditeur.
Et dans le challenge de Liliba, polars et thrillers

  Gloups, l'Islande est une île, donc Challenge des îles, de Géraldine!


lundi 29 octobre 2012

Orlando

Orlando
A biography
Virginia Woolf
Penguin moderns classics, 2000
Couverture de la première édition chez Hogarth Press en 1928




En 1927, To the Lighhouse (Voyage au phare) venait de paraître, Virginia Woolf aspirait à une coupure, et s'embarqua dans ce qu'elle nomma "writer's holiday". A savoir se lancer dans une biographie fantaisiste de son amie Vita Sackville-West, pour laquelle elle éprouvait à l'époque des sentiments très forts.
Knole House, la demeure de la famille de Vita, en 1880

Jeune noble anglais né au 16ème siècle, Orlando s'essaie à l'écriture de pièces et poèmes, tombe désespérément amoureux, et évolue jusqu'en 1928, après une ambassade en Turquie, un séjour chez les Bohémiens où elle se retrouve devenue femme, la fréquentation de salons littéraires au 18ème siècle, et le succès grâce à la parution d'un poème.

Inutile donc de chercher de la vraisemblance dans cette biographie même si la demeure d'Orlando est inspirée de celle de la famille de Vita, et que celle-ci était une poétesse prisée. Woolf s'amuse visiblement beaucoup, intervenant comme biographe et menant l'affaire à son idée. Elle égratigne les milieux littéraires. Avec son héros/héroïne elle en profite pour analyser le rôle des sexes, avec beaucoup d'esprit.

Quand la plume de Woolf est en vacances, il ne faut pas s'attendre à du relâché et du médiocre! C'est toujours un vrai plaisir de la lire. Elle se joue des époques et des durées, allant jusqu'à proposer l'instant exact d'un changement de siècle, et n'hésite pas à entrechoquer les souvenirs d'Orlando dans un fabuleux chapitre final où Orlando fait les courses à Londres.

Conclusion : Après un début de lecture un peu difficile, pour manque d'empathie avec Orlando et "mais où veut-elle en venir?", la beauté de l'écriture m'a conquise (à nouveau) durant la débâcle sur la Tamise, et ensuite j'ai fortement apprécié l'esprit et l'humour de Woolf. Lu en VO, et c'est un vrai bonheur!

Les avis de Plaisirs à cultiver, Lou, Del, Babelio,
C'est ce titre qui était prévu au départ dans le challenge de Philippe

samedi 27 octobre 2012

American Dream

American Dream
Dictionnaire rock, historique et politique de l'Amérique
Guillemette Faure
Don Quichotte, 2012


L'auteur a passé des années outre Atlantique, et déclare en introduction "j'ai écrit ce dictionnaire rock, historique et politique de l'Amérique tel que j'aurais aimé l'avoir dans ma poche en m'envolant pour les États-Unis", voulant partager trois Amériques : "celle qui nous est étrangère, celle qui n'est pas encore arrivée jusqu'à nous et, la plus inconnue, celle que l'on croit connaître."
L'éditeur propose ou va proposer le même type de dictionnaire sur le football, les drogues, la gastronomie, le sexe et les sciences. Pour des raisons qui n'étonneront sans doute pas grand monde, j'ai choisi l'Amérique!

Dictionnaire, donc, mais loin de l'idée poussiéreuse et repoussante que l'on s'en fait parfois. Des entrées variées, de ABC (American Born Chinese) à Zip code, de longueur variable, une demi page à plusieurs pages. Des renvois, par exemple Election Day amène à lire aussi I.D., Latino, Gay, Swing state et Winner takes all. Très agréable à lire, sans tomber dans le travers du purement anecdotique. Une belle part est dédiée, élections obligent, à la vie politique, avec des entrées sur les Obama, les Romney, Clinton et autres. Je me suis amusée par exemple d'apprendre l'existence de la Raw Milk Freedom Ride, où il s'agit de défier la loi fédérale en allant du Wisconsin en Illinois avec 100 gallons de lait cru. Études, banlieues, système de santé, immigration, peine de mort, impossible de tout signaler.

Le bouquin idéal pour s'informer intelligemment sans s'ennuyer du tout.

Un grand merci à Babelio ( Masse critique) et l'éditeur.
tous les livres sur Babelio.com

mercredi 24 octobre 2012

Désaccords mineurs

Désaccords mineurs
The other family
Joanna Trollope
Éditions des des deux terres, 2012



Même si Joanna est une petite (petite) nièce du victorien Anthony Trollope, je n'aurai pas le culot de prétendre insérer cette lecture dans le challenge Trollope. Mais cette dame a de qui tenir. Pour ceux qui ne connaissent pas, sa spécialité est de proposer de bons gros (mais pas trop) romans confortables et agréables tournant autour de problèmes de société assez courants, au travers d'histoires de familles.

Richie Rossiter, auteur compositeur interprète, a quitté son épouse Margaret, son fils Scott, et Newcastle plus de deux décennies auparavant pour fonder à Londres avec Chrissie une deuxième famille, mais sans jamais se décider à divorcer de Margaret.

Quand il décède brusquement, en plus du choc affectif, Chrissie doit affronter des soucis financiers et professionnels. En effet elle ne bénéficie pas des avantages successoraux des épouses, même après plus de vingt ans de vie commune.

Un découpage au cordeau, peu de flash backs, permettent de suivre les différents personnages, Margaret, Scott, Chrissie et ses trois filles, Tamsin, Dilly et Amy, et leurs réactions au bouleversement de leurs vies. Amy, qui déclare être "du côté de tout le monde", saura tendre la main à Scott et faire bouger les choses vers une issue plus apaisée.

C'est avec plaisir que l'on suit ces deux "demi-familles", l'humour n'est pas absent, c'est finement observé, et les personnages plus secondaires sont vraiment bien brossés, quelques pages pour Marc Riverton et son épouse, un peu plus pour l'inénarrable Sue, amie de Chrissie (et son compagnon Kevin), sans oublier Dawson, qui récolte l'oscar du chat le plus marrant et excellemment décrit!

Les avis de cathulu,

lundi 22 octobre 2012

La Survivance

La Survivance
Claudie Hunzinger
Grasset, 2012



Quarante ans plus tôt, Jenny et Sils ont acquis une vieille bâtisse dans les Vosges, n'y passant que quelques mois. Mais maintenant, à l'approche de la soixantaine, ils doivent fermer leur librairie, et se replient dans cette maison sans eau ni électricité, avec trou dans le toit, accompagnés de chien, volaille et âne. Sans oublier des caisses de livres...

"C'était la montagne, et c'était toujours autrement, un jour l'Ecosse, un jour la Transylvanie. Presque jamais les Vosges, ce qui nous plaisait assez, étant dans l'âme de grands voyageurs. Il arrivait ainsi qu'à l'horizon, de gros nuages jaune vif et jaune d'or, gris argent, ou roses, et même vermillon brillant, du cinabre d’après Sils, des nuages immenses, s'élèvent à toute allure jusqu'à nous surplomber de dix mille mètres, pareils à des sommets enneigés. On était transportés dans l'Himalaya, à la Grande Lamasserie. Et aussi, il arrivait, selon les apparitions nuageuses, qu'on se réveille dans une peinture de lettré chinois, au seuil de notre minuscule abri coiffé d'un pin sylvestre, la brume noyant le monde à nos pieds. Et aussi qu'on se retrouve dans le Montana pas loin de Jim Harrison. Il arrivait encore que se forme dans le ciel une sorte de champignon d'un gris maléfique, boursouflé, délirant, là-bas du côté de Fessenheim."
Jenny s'échine dans le jardin, Sils se passionne pour les pigments utilisés par Grünewald dans ses tableaux (en particulier son retable). Les deux lisent, discutent, bricolent. Prennent le temps mais le futur n'est pas assuré.
"En fait, nous étions façonnés de lectures et de rêves (et d'expériences plus poétiques que stratégiques), ce qui pouvait ne pas sembler malin alors que les temps nous demandaient de nous montrer dynamiques, électroniques, immédiats et vifs, hypermodernes, ne sachant même plus ce qu'était un roman."
Ils partagent cette forêt avec un troupeau de cerfs, que Jenny  observe avec respect, fascinée. D'où de nombreuses pages à la Sue Hubbell, vraiment pleines de beauté.

Art, nature, livres forment le quotidien de ce couple peu ordinaire, pour un livre assez inclassable, baigné d'une certaine tristesse, à cause notamment d'un futur esquissé sans trop de précision. Très beau. Dévoré, bien sûr.
Le retable d'Issenheim
Les avis de clara, cathulu,Dominique,
Video où l'auteur parle de son livre

vendredi 19 octobre 2012

De cape et de crocs

De cape et de crocs
Ayroles et Masbou
Delcourt

coup de coeur


Il existe deux catégories de personnes, ceux qui ont lu la série De cape et de crocs et l'ont adorée, et ceux qui ne l'ont pas lue et vont la lire. Une troisième catégorie existe, ceux qui n'aiment pas les BD, mais là n'est point mon propos. Cependant ils pourraient passer en seconde catégorie, je ne dis que ça!

Vous en connaissez, des BD où fleurissent des alexandrins? Où abondent les allusions à la littérature, la philosophie? Où l'imagination de l'auteur promène le lecteur de Venise à la lune, en passant par Malte, les mers déchainées, les îles au trésor, avec de chouettes héros, de vrais méchants souvent ridicules, des pirates parfois azimutés, de l'amour, de la cruauté, de nobles sentiments, une totale inventivité, beaucoup beaucoup d'humour, un suspense sans faille, et surtout surtout Eusèbe, adorable lapin, ancien garde du cardinal et galérien... (mais qu'allait-il faire dans cette , etc...)
Il y en a pour tous les goûts, lire au premier degré sans saisir tous les clins d’œil et références n'est pas un problème, ma foi, il est toujours possible de relire plus tard.

Relire, justement, ce fut le cas des 9 premiers tomes, avec un plaisir intact, en vue de la découverte du tome 10 et dernier tant attendu!
Tome 10 où nos héros retrouvent leur terre natale, et où l'on doit les quitter avec un petit pincement au cœur de nostalgie... Sans doute la seule BD au monde où l'on rencontre les verbes choir et chaloir...

Pour parler du graphisme: rien de révolutionnaire pour ce que j'en sais, mais du classique bien maîtrisé, avec des angles de vue et découpages assez cinématographiques, et surtout une chouette utilisation des couleurs.

Quelques avis sur Babelio, rien que pour ce tome 10

mercredi 17 octobre 2012

C'est qui Catherine Deneuve?

C'est qui Catherine Deneuve?
Dominique Resch
Autrement, 2012




C'est qui Dominique Resch?
Ben moi, M'sieur, je sais, c'est celui qui a écrit Mots de tête, le type là qui enseigne depuis plus de vingt ans dans un lycée professionnel des quartiers nord de Marseille.

Il a eu le temps de s'initier au vocabulaire très très local
"Sauf pour la question des ouaiche-ouaiche. Pas certain de bien comprendre ce qu'est, au fond, une ouiache-ouaiche : si on me demandait, par je ne sais quel miracle, d'expliquer à un revenant du siècle dernier que des pages Facebook anti-ouaiche-ouiache cumulent des faux-amis sur le Net, je ne sais pas comment je m'y prendrais."
De l'humour, donc, et il en faut, ainsi que de l'empathie pour ces jeunes attachants mais à l'attention zappant vite. Une année scolaire avec Dominique Resch, c'est vite passé, et j'ai retrouvé son petit monde avec plaisir.

Les avis d'Hélène, Solenn, L'ivre de lire (des bémols sérieux), Liliba, (merci pour ce LV!!!), cathulu (ravies)

Tiens, je peux le faire dans le challenge de Philippe

lundi 15 octobre 2012

Hopper / Les chefs d'oeuvre

Hopper
Les chefs d'oeuvre
Laurence Debecque-Michel
Hazan, 1992


Non, la Hoppermania ne vient pas de me saisir, en fait il y a un bout de temps que je suis tombée dans la marmite. Après le livre de Kranzfelder, présenté sur mon ancien blog fin 2010 (avec mon avatar...), j'ai décidé de me faire un petit plaisir en relisant cet autre livre.

Après une première partie d'une quarantaine de pages pour présenter Hopper (tableaux mais aussi affiches et gravures, quelques études aussi), ses influences et ses contemporains, suivent les reproductions de 48 œuvres en grand format, avec un commentaire en face situant le contexte de création et analysant le tableau sans trop d'intellectualisme, citant parfois Hopper lui-même, tout de même le meilleur juge sur ses intentions.
Office at Night 1940
Walker Art Center, Minneapolis, Minnesota
"Ce tableau me fut probablement suggéré par mes nombreux voyages, la nuit tombée, dans le métro aérien de New York et la vision si brève des intérieurs de bureaux que j'en gardais un souvenir très net et très vif. J'ai essayé de donner la sensation d'un bureau isolé à un étage assez élevé, avec un mobilier très spécifiquement significatif pour moi."

Cape Cod Morning,1950

 Smithsonian American Art Museum
"Jo Hopper écrivait à propos de cette silhouette féminine qu'elle regarde à la fenêtre afin de savoir s'il fait assez beau pour pendre son linge à l'extérieur et Hopper aurait protesté en affirmant qu'il n'était pas Norman Rockwell et qu'elle regardait par la fenêtre tout simplement."
Second story sunlight, 1960, collection privée
 "C'est la tentative de peindre la lumière du soleil aussi blanche que possible, avec pratiquement aucun pigment jaune dans le blanc. Quant aux significations psychologiques, je laisse le spectateur les fournir. Mais peindre la lumière ne fut pas mon impulsion initiale. Je suis un réaliste et je réagis aux phénomènes naturels. Enfant, je sentais déjà que la lumière sur la partie haute d'une maison avait une qualité différente de celle qui éclaire la partie inférieure. Sur la partie supérieure, la lumière solaire est comme exaltée. Un tableau ne se nourrit pas d'une seule pensée ou impulsion, mais de plusieurs."
 
Etude pour Morning sun, 1952   Prise sur ce site






"Les croquis préparatoires montrent toute l'attention qu'il a portée au jeu de lumière sur le corps de la femme. Ils sont couverts d'annotations très précises qui décrivent la relation du corps pris dans la lumière. : les bras se détachent en clair sur le mur sombre (light against wall shadow) avec le dos en contre-jour restant dans l'ombre et contrastant sur la lumière qui vient illuminer le mur (dark against wall). Hopper distingue des variations de tonalités froides ou chaudes très sensibles au niveau des oreilles (warm shadows in ears), des bras et des jambes (legs cooler than arms, warm against cool, warm reflection, cool halftone), et il va jusqu'à soigneusement noter la lumière réfléchie en plusieurs endroits."

Voilà voilà... Il ne me reste plus qu'à lire le Hors série Telerama du mois d'octobre, espérer que la SNCF sera fiable, pour en novembre affronter la foule au Grand Palais... Prête, Lystig

Edit : j'ajoute un lien vers un blog dédié à cette expo. A découvrir.
Et j'ajoute le billet d'A propos de livres avec tableaux et couvertures de livres : épatant!

vendredi 12 octobre 2012

Petite philosophie du voyage saison 2

Après la saison 1 de Petite philosophie du voyage,  sur des idées lecture glissées en commentaires par Minou et Flo, voici une autre floraison de ces opuscules à consommer sans modération.

L'écriture de l'ailleurs
Petits propos sur la littérature nomade
Albéric d'Hardivilliers
Transboréal, 2009








Voyageur et lecteur, l'auteur écrit des articles et carnets de voyage. Il est l'auteur du texte de "Nationale 7, Un road-trip à la française", avec des photographies de Mathieu Raffard, justement!(voir billet de Chinouk)
 Tout voyageur (même à petite échelle) et tout lecteur glissant des livres dans ses bagages, s'y retrouvera... Le livre que l'on lit durant un voyage n'est pas anodin et fera partie des souvenirs. (Personnellement je lis toujours en décalé quand je voyage, Orgueil et sentiments dans le Transibérien, Mes années grizzli en Russie, etc...)
Laissons parler l'auteur, il le fait avec talent!
"Comme les livres, certaines destinations s'imposent sans raison apparente alors que d'autres, longtemps attendues, sont toujours à ce jour inconnues."
" Les voyages, comme les livres, demandent un temps d'adaptation: un temps pour laisser l'oreille se faire aux nouvelles sonorités et à la musicalité propres à chaque auteur, la mémoire aux noms des personnages. De même, le voyageur se fait peu à peu à son nouvel environnement, en apprend les limites et les codes, le vocabulaire, s'adapte à un nouveau rythme, une syntaxe. En ce sens, la littérature et le voyage évoluent sur la même fréquence, captent les mêmes ondes. Il n'y a pour s'en persuader qu'à voir le nombre de livres dont la trame narrative même s'organise autour d'un voyage."
"Commence alors le temps de l'écriture, la suite d'un voyage qu'aucun vol de retour ne semble plus pouvoir arrêter. Mais que dire et comment?"
"Les livres lus et les voyages faits préparent chaque jour ceux qui restent encore à accomplir, mais la destination, géographique du moins, apparaît de moins en moins comme une motivation. D'une certaine manière, l'intériorité est devenue elle-même le lieu d'un voyage que la littérature saura rendre visible."
L'avis de Flo, Delphine Book's,et minou juste maintenant!


La soif d'images
Petites révélations sur la lumière et la photographie
Mathieu Raffard
Transboréal, 2009









 L'auteur parle évidemment de son métier, ses méthodes, et de son évolution. Rien de technique, mais beaucoup de sensibilité.Je choisirai deux mots, regard et lumière; la vue qui paraîtrait le seul sens en jeu, doit pourtant être associée au corps entier, ouïe, odorat, sensation de chaleur.

 J'ai eu bien sûr l'envie d'aller voir son travail : ici

Les avis de Delphine Book'sMinou a lu,

Mon avis express : les deux sont intéressants, intelligents et bien écrits, mais le premier m'a forcément plus parlé. Après, c'est selon les centres d'intérêt de chacun, dans cette collection chacun peut faire son miel.

mercredi 10 octobre 2012

Le dernier lapon

Le dernier lapon
Olivier Truc
Métailié noir, 2012



"Demain, entre 11h14 et 11h 41, Klemet allait redevenir un homme, avec une ombre."

Le 11 janvier, enfin, après 40 jours de nuit polaire, le soleil sera au rendez-vous, attendu par toute la population de Kautokeino (Norvège). Température entre -30° et - 20° quand même, il vaut mieux garder sa chapka. Dans les grands espaces enneigés, les rennes cherchent leur nourriture, indifférents aux frontières des hommes, le pays sami s'étendant sur plusieurs pays.

Un tambour chaman est volé au centre culturel, un éleveur de rennes est assassiné dans son gumpi. Klemet et sa coéquipière Nina, appartenant à la police des rennes, vont mener l'enquête. L'affaire est plus sensible et compliquée qu'il n'y paraît, le passé refait surface. Petit à petit les fils vont se dénouer et une incroyable histoire se faire jour.

En plus d'une histoire policière habilement menée, avec un final haletant, l'auteur, qui connaît bien le coin, offre un panorama attachant de la vie dans ce grand nord. Aslak est un éleveur traditionnel, circulant à ski et vivant sous tente, les autres éleveurs utilisent la motoneige, mais bénéficier du progrès et d'un peu plus de confort de vie les oblige à augmenter la taille de leur troupeau. Ce coin est resté assez fidèle aux traditions, mais il a fallu lutter pour préserver la langue sami (interdite à l'école, à une époque). L’histoire de ce peuple est aussi évoquée, mais sans lourdeur et sans ralentir la narration.

Bref, un bon roman noir comme je les aime, avec une histoire bien menée qu'on ne lâche pas, et un fond intéressant et instructif. Y aura-t'il une suite?
A lire, vraiment, ce "polar nordique" qui au moins n'a pas eu besoin de traduction...

Les avis de Dominique, le sang noir,   actu du noiryv,
Challenge Polars Thrillers chez Liliba


Merci à Valérie G et à l'éditeur.

lundi 8 octobre 2012

Telex de Cuba

Telex de Cuba
Rachel Kushner
Le cherche midi, 2012
Traduit par Julie Sibony






Cuba, années 50. Fidel Castro et sont frère Raul sont de jeunes révolutionnaires ambitieux, encore en arrière plan dans des forêts tropicales fort humides. Début 1959, ils réussissent à renverser le président Batista, et depuis, ils sont toujours là...

Canne à sucre, nickel, le pays est riche, mais bien des hectares sont aux mains de compagnies américaines. Les expats vivent en cercle fermé, "chacun restait entre soi. Les Américains avec les Américains, les Cubains avec les Cubains, les Jamaïcains avec les Jamaïcains." Aux uns les cases insalubres, aux autres les superbes villas. Une poudrière.

Ce roman superbement construit fait la part belle aux personnages, sans s’appesantir à donner une leçon d'histoire. Par les yeux des jeunes Everly ou KC, des Américains aux épouses oisives tentées par l'alcoolisme, et de l'aventurier Maurel insensiblement épris de la danseuse "zazoue" Rachel K., se déroule une décennie capitale pour Cuba. Forcément, cela se terminera par l'évacuation des Américains et l'histoire laissera un goût certain de nostalgie.

Maurel sert de conseiller aux rebelles
"Il n'avait rien contre le culte de la nature, le fait d'enraciner une cause politique dans la factualité de la terre. Mais les habitudes rurales des rebelles étaient la paresse et l'oisiveté en lieu et place de la discipline. Personne n'était jamais volontaire pour des marches de nuit, comme adoraient faire les Allemands au camp de Wildflecken. Personne n'était partant pour une baignade vivifiante à l'aube dans un torrent de montagne glacé. Ils avaient peu de goût pour la discipline en elle-même et la transcendance qu’elle promettait. "

 L'humour a donc aussi sa place dans ce roman, surtout aux dépends des Américains, d'ailleurs, y compris dans leurs différences de milieux, avec les familles Sites et Allain.

Au final, un roman au charme certain, à lire à son rythme, laissant parler les diverses voix.

Merci à Solène P et à l'éditeur.

Questionnement perso : Rachel K et l'auteur? Un hasard?

Et j'allais oublier le challenge de Géraldine!

jeudi 4 octobre 2012

Tous ensemble, mais sans plus

Tous ensemble, mais sans plus
Georges Flipo
Anne Carrière, 2012





Sous une couverture au titre assez gavaldéen, illustrée de manchots éparpillés sur la banquise, des nouvelles qui tiennent la promesse de la quatrième de couverture. "Tous ensemble, bien sûr, mais sans plus. Sans les trop vieux, les trop pauvres, les trop colorés, les trop moches. Les trop autres."

Dans les groupes soudés par le milieu social, la culture, les études ou l'âge, le vilain petit canard (ou manchot, ou même pingouin si l'on préfère), en dépit de ses qualités, va avoir du mal à survivre. Parfois il met en œuvre une stratégie étonnante mais sans réussite obligée (dans Tous ensemble, mais sans plus, très politiquement incorrecte, La vache et le tigre, Compassion, La maîtrise de la langue).

L'ironie caustique fait mouche, bien que l'on sente que l'auteur les aime, ses personnages, et qu'il suffirait de peu pour que change leur sort. Sainte Pauline des Tandas, qui fait la part belle au tango, L'heure du bain, et La montée vers le ciel, offrent des échappées vers un Ensemble c'est tout...

Certains craignent de se lancer dans des nouvelles : "il faut entrer encore dans une nouvelle histoire" et "on n'a pas le temps de bien s'immerger, c'est frustrant". Sans parler de l'éternel débat Chute/Pas chute. Ma foi, ici, pas de souci. Aucun long corridor d'entrée, tout de suite le salon, juste au moment où tout se noue. L'avant est brièvement présenté, souvent au détour d'une phrase. A la fin, une ouverture permet souvent au lecteur de rêver, imaginer la suite, piétiner de désolation de ne pouvoir intervenir.

Le blog de l'auteur, une vraie mine !
Le billet de cathulu


mercredi 3 octobre 2012

La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi...

La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi...
Rachel Joyce
XO Editions, 2012
Traduit par Marie-France Girod


Kingsbridge, South Hams. Ce fameux mardi d'avril, donc, Harold Fry, sexagénaire à la retraite, reçoit une lettre de son ex-collègue Queenie Hennessy, en train de mourir d'un cancer à Berwick, huit cent kilomètres plus au nord. Vingt ans qu'elle a brusquement quitté la région. Vingt ans aussi qu'Harold et sa femme Maureen sont des étrangers l'un pour l'autre.

Sous l’œil indifférent de Maureen, Harold répond à Queenie et part poster la lettre. Sauf qu'une fois parti, il continue, voulant marcher jusqu'à Berwick.

Au fil des journées, entre deux rencontres, reviennent les souvenirs de sa vie, pas toujours bien gais. Son fils David, leur incompréhension mutuelle, son épouse Maureen, leur rencontre, l'amour qui les liait, devenu juste une cohabitation de l'habitude.
"Il n'en revenait pas de se souvenir de tout cela. Peut-être cela venait-il de la marche. Peut-être voyait-on autre chose que le paysage quand on descendait de sa voiture et qu'on se servait de ses pieds." "En marchant, il libérait le passé qu'il cherchait à éviter depuis vingt ans."

Voilà un bien joli roman décrivant avec délicatesse le retour à la vie d'Harold (et Maureen). J'aurai du mal à oublier certaines rencontres de Harold, ainsi que son voisin Rex. Des gens comme tout le monde. Bien sûr, ce livre ne révolutionnera pas la littérature mondiale, mais je l'ai lu le cœur parfois serré et c'est vraiment le genre qui fait du bien, comme un doudou.

Les avis de Mya,
Merci à Babelio, les avis chez lui : ici

(Je serais curieuse de savoir ce qui dans le texte (p 189) permet de savoir que Harold et Queenie sont passés au tutoiement.)

lundi 1 octobre 2012

Cinq ciels

Cinq ciels
Ron Carlson
Gallmeister, 2012



Faisant confiance à Aifelle, Ron Carlson et Gallmeister (un trio de valeurs sûres), j'ai plongé dans les 258 pages d'une histoire d'amitié virile, au plein cœur de l'Idaho. Au bord d'un canyon vertigineux, trois hommes doivent venir à bout d'un chantier, au cours de l'été. Darwin Gallegos vient de perdre sa femme, Arthur Key a quitté la Californie après le décès de son frère, et Ronnie Panelli fuit un destin trop bien tracé de petit voleur. Trois générations, qui vont être soudées dans un boulot commun, physique, unis par un même amour du travail bien fait et fignolé.

Il ne semble pas se passer grand chose, là, au milieu de la sauge et des lapins, à engloutir de pantagruéliques petits déjeuners et sandwiches, mais l'amitié se crée puis grandit entre ces trois types, le taciturne Arthur se raconte un peu, Ronnie acquiert de la confiance en soi et de la fierté. Quelques sorties "en ville" (enfin, si on peut appeler ça une ville...) seront l'occasion de quitter un chantier dont l'avancée est décrite minutieusement, comme une image du côté perfectionniste du trio. Même si tout visualiser m'a paru difficile.

Ron Carlson impose son rythme, insidieusement ces trois là deviennent fort attachants, et on espère qu'à la fin du chantier chacun sera "prêt pour l'étape suivante".
Un beau roman que je recommande chaudement!

Les avis de Aifelle (merciiiii!!!!), unwalkers, 4èmedecouv,