lundi 23 décembre 2019

Noël et préjugés

Noël et préjugés
Histoires drôles et romantiques
Six auteures différentes
Charleston poche, 2019


La comédie romantique à la française? Pourquoi pas, me dis-je en découvrant ce livre dans ma boîte aux lettres! Idéal d'ailleurs pour un voyage en train (j'ai voyagé le 1er décembre).

Forcément je savais ce que j'allais y trouver, c'est d'ailleurs le côté attendu de ce genre d'histoires qui en fait le charme. On sait que mademoiselle et monsieur vont se rencontrer - ou se revoir- et que la fin sera satisfaisante pour les petits cœurs romantiques. Forcément ce n'est pas de la 'haute littérature', d'ailleurs elle ne le prétend pas, c'est comme les friandises chocolatées, ça fait du bien, mais point trop n'en faut.

Donc, sans revenir sur le genre de ces nouvelles, voyons ce qu'elles valent à mes yeux. Le point commun, c'est Noël, et Orgueil et préjugés, ce qui est attirant a priori. Cinq héroïnes (dont quatre ont un prénom se terminant pas a) et un héros. Quatre histoires dans un milieu fermé, cause géographique ou météorologique (la neige!). De l'humour, oui, et pas trop de nunucheries. Ni de détails trop précis. Le format est celui de la nouvelle et finalement, surtout quand des personnages secondaires sont bien croqués, quand l'art de l'ellipse est maîtrisé, cela donne des réussites certaines. Un livre à glisser sous le sapin?

A part ça, bonnes fêtes et à l'année prochaine, j'ai besoin de lever le pied!

jeudi 19 décembre 2019

Opus 77

Opus 77
Alexis Ragougneau
Viviane Hamy, 2019


Dans la famille Claessens, vous avez le père, pianiste virtuose, puis chef d'orchestre en charge de l'orchestre de la suisse Romande. La mère, soprano prometteuse à la carrière stoppée. Le fils, David, violoniste virtuose en opposition avec son père (déjà, il a choisi le violon plutôt que le piano...). La fille Ariane, elle, pianiste virtuose internationale, la narratrice de l'histoire, commençant lors de l'enterrement de son père puis déroulant le fil (ha ha, le fil d'Ariane) du passé, enfin, celui dont elle se souvient.

J'ai l'air badine, mais il le faut pour vivre dans l'air étouffant de cette histoire où les crises sont fréquentes, la tension présente. On respire peu, pas d'éclaircies. j'avoue avoir lu ce roman surtout pour le côté musical, et là, oui, c'est formidable, la façon dont Alexis Ragougneau décrit l'art de jouer piano ou violon, voire diriger un orchestre, les pressions des concours, les répétitions vers la perfection.

Et surtout l'opus 77 de Dmitri Chostakovitch, compositeur dont la vie n'a pas été jonchée de roses, il faut déjà le dire. Cet opus 77 jouera à plusieurs reprises un rôle essentiel dans la vie des personnages, particulièrement quand David se présente au concours Reine Elisabeth (connu des blogueurs aussi grâce à Anne qui en parle chaque année, oui?). Bref, cet opus 77 est magnifiquement expliqué en détail!

La narration est parfaitement maîtrisée, mais j'avoue avoir lu une partie du roman en mode presto, par manque d'empathie avec les personnages (la mère demeure une ombre) et l'impression qu'on n'évolue pas trop, après un début en fanfare.

lundi 16 décembre 2019

Le temps de la haine

Le temps de la haine
Rosa Montero
Metailié, 2019
Traduit par Myriam Chirousse


Au départ, ce troisième volume des aventures de la réplicante Bruna Husky, dans ce Madrid du 22ème siècle, ne m'attirait pas trop. Et puis je me suis laissée happer rapidement.

On retrouve avec plaisir le petit groupe de ses amis et connaissances des tomes précédents; pour les nouveaux lecteurs, pas de souci, le rappel est rapide. Cette fois, Lizard, l'inspecteur avec lequel finalement elle a une relation amoureuse, a disparu, enlevé par une association terroriste assez floue, dont les objectifs ne sont pas forcément mauvais, dans ce monde où eau et air sont payants et où un petit nombre d'entreprises tirent toutes les ficelles, mais dont les méthodes sont radicales (on assassine un otage chaque soir)

Des passages inoubliables, quand Bruna flotte dans le cosmos, admirant le paysage. Quand elle découvre une communauté indépendante de l'énergie, lors d'une gigantesque panne. Quand elle complète un puzzle, découvrant qu'infiniment grand et infiniment petit se rejoignent. Quand des informations exactes sont distillées. Bref, j'étais scotchée.
Et la fin, wahou!

Il serait dommage de se priver de cette lecture sous prétexte que c'est SF, parce que franchement c'est de l'excellente littérature. Un regard intelligent sur notre monde, qui pousse à réfléchir, et du suspense. Mais que demander de plus?

Voir les avis de Actu du noir,

jeudi 12 décembre 2019

Une révolution sexuelle?

Une révolution sexuelle?
Réflexions sur l'après-Weinstein
Laure Murat
Stock, Puissance des femmes, 2018



Dès le départ, j'étais décidée, si on tombe dans le pamphlet, le féminisme pur et dur, le style abscons et l'écriture inclusive à chaque coin de page, j'abandonne!
Hé bien non, dès le premier chapitre et tout du long, Laure Murat, dont j'ai apprécié les deux livres déjà lus, opte pour un ton mesuré, informatif, engagé bien sûr, mais laissant place à des questionnements et des ouvertures. J'ai lu les 150 pages (suivies de notes si on veut) avec intérêt et sans fatigue.

"Ces réflexions sont davantage des pistes que des développements fouillés. C'est un texte plein de raccourcis inévitables, écrit au galop, où je lance des hypothèses comme des cailloux sur le chemin. Je m'interroge tout haut. Je pose des questions auxquelles, souvent, je n'ai pas de réponse. J'invite au dialogue et à la contradiction.
Ce n'est pas un livre sur l'affaire Weinstein, mais bien sur l'après-Weinstein, ses retombées, et ce que nous sommes libres d'en faire aujourd'hui (ou pas). Je mesure très bien, en tant qu'historienne, les risques d'écrire un livre d'intervention en pleine actualité. Je les assume parce que je crois que contribuer à la conversation démocratique vaut mieux que de rester dans son coin."

L'avantage de Laure Murat, c'est qu’elle habite aux Etats-Unis la plupart du temps, et en France. Elle connaît donc les différences dans les lois, la justice, les mentalités. Par exemple pour le harcèlement en entreprise, normalement mieux prévenu en Amérique. Mais à l'arrivée les plaintes et les résultats sont similaires en pourcentages.

Elle évoque l'affaire Weinstein, bien sûr, mais aussi Polanski (son livre a été terminé en 2018) et Woody Allen (pages intéressantes sur le monde du cinéma) ainsi que le domaine de la chanson, avec Orelsan et Cantat. Toujours des interrogations sur différencier l'auteur et son oeuvre, bref, un livre d'actualité.

Des avis sur babelio,

lundi 9 décembre 2019

Un monstre et un chaos

Un monstre et un chaos
Hubert Haddad
Zulma, 2019



Le titre vient d'une citation de Blaise Pascal et le roman propose en exergue une autre de Primo Levi. Tout démarre avec un gamin, Alter, qui a vu toute sa famille assassinée lors de l'attaque de son shetl par l'armée allemande en 1939. Dans sa fuite, il finit par arriver à Lodz, plus précisément dans le ghetto où vivent (survivent) au départ plus de 200 000 personnes. Le responsable de la communauté, Chaïm Rumkovski (personnage historique) a promis aux allemands de faire du ghetto un endroit rentable, où les juifs travailleraient dans des usines. Au fil du temps les habitants disparaissent, emmenés dans des camps, mais Rumkovski tient ferme, et dans un célèbre discours demande aux parents de donner leurs enfants... Une lecture forcément difficile, illuminée par Alter, devenu un talentueux marionnettiste.

L'auteur a vraiment bien reconstitué la vie dans les villes et villages habités en majorité par une communauté juive, puis celle dans ce ghetto ayant perduré jusqu'en 1944. Son écriture parfois précise et factuelle, voire ironique, parfois plus imagée et imaginaire peut utiliser des mots yiddish sans que cela gêne la compréhension globale.

A découvrir pour la dimension historique. Après ma lecture, j'ai recherché des informations sur Rumkovski et surtout le photographe Henryk Ross, qui sous couvert de travail officiel a laissé plein de photographies accusatrices sur le ghetto (fouinez sur internet).

Les avis de Lyvres, jostein, alex,

jeudi 5 décembre 2019

La panthère des neiges

La panthère des neiges
Sylvain Tesson
Gallimard, 2019



En 2018, Sylvain Tesson accompagne Vincent Munier, photographe animalier, dans des zones arides et glacées du Tibet, avec comme objectif : voir la fabuleuse panthère des neiges, quasi disparue! Il a eu plus de chance que Peter Matthiesen au Népal en 1973, puisque lui, Tesson, l'a vue à diverses reprises, mais pour cela il lui  a fallu découvrir les vertus de l'affût et de la patience.

A vous de découvrir ce récit qui vous entraînera loin bien loin. Mis à part la panthère, on trouve des loups (une conversation complètement azimutée de Munier avec un loup!), des yacks, des sortes de chèvres, des chirous (antilopes) et une famille s’occupant de son troupeau!

"Les yacks viennent des époques immémoriales: ce sont les totems de la vie sauvage, ils étaient sur les murs paléolithiques, ils n'ont pas varié, on dirait qu'ils s’ébrouent d'une caverne." (Munier) ('Il avait l'air aussi peu inquiet qu'une hôtesse d'Air France dans les turbulences')

En plus de détails sur la panthère (qui a un côté gros félin feignasse, quand même), et de considérations sur les chasseurs (pas nos copains), les chinois envahisseurs avec leur technologie (pareil), le Tao et autres, la vie sauvage en général, une ex de Tesson, j'ai appris que 'Tesson signifiait blaireau en vieux français' (un animal de nos contrées, méchamment chassé et tué).

Mon avis est assez mitigé, des pages sublimes, d'autres lassantes (non, ce ne sont pas celles des descriptions et de l'affût, ça j'aime) et le gros choc de la photo page 123, où les petits tibétains ont tout de suite vu la panthère (moi j'ai cherché)

Si vous voulez baver sur des photos de panthère des neiges, vous avez Tibet minéral animal (Munier) ou le dernier numéro de Terre sauvage, je dis ça je dis rien.

Des avis sur babelio (beaucoup de citations), les fanas de livres,

Un blaireau
Allez, je suis sympa, j'ai une vidéo scotchante (OK le commentaire audio y va un poil fort)(mais purée comment font-ils pour filmer des trucs pareils, j'en suis baba!) et surtout, dans les commentaires, quelqu'un parle de rencontres au cours de treks, à lire! Perso je n'oublie pas les fois où j'ai vu du 'sauvage'  à moins de 40 km de chez moi, l'inattendu, c'est le meilleur, n'en déplaise à Tesson (et puis on n'a pas à se rendre au bout du monde par moins 30 degrés).
Les avis de Athalie, et je découvre ce matin le billet tout récent de D'autres vies que la mienne.

lundi 2 décembre 2019

L'envers du temps

L'envers du temps
Recapitulation; 1979
Wallace Stegner
Gallmeister, 2017
Traduit par Eric Chédaille



Et voila, le charme de Wallace Stegner a encore une fois agi! Pourtant il s'agissait là de reprendre les personnages de La montagne en sucre, particulièrement le jeune fils, Bruce Mason, qui, des décennies plus tard revient à Salt Lake City, après une carrière de diplomate, pas vraiment terminée, l'ayant emmené surtout au moyen orient.

A Salt Lake City, plus rien ne le retenait, ses parents et son frère y étant enterrés depuis longtemps, laissant des souvenirs douloureux et compliqués, comme ceux restant de Nola, son premier amour, qui l'a laissé tomber pour un autre.
Lui reste un ami de toujours, Joe, et une tante peu connue qui vient de décéder, d'où son retour obligé dans la ville de son adolescence.

Le voilà qui déambule dans une ville ayant bien sûr changé, à la recherche (ou l'évitement) de lieux connus.
"Toutes ses impressions souffraient de distorsion et d'ambiguïté. Regardant les bâtiments, il n'aurait su dire s'il s'en souvenait ou si sa mémoire meublait la rue d'objets qu’elle voulait familiers. Quoique vaguement préparé à observer des changements, il n'avait pas prévu à quel point le connu et l'inconnu pouvaient fusionner. Il connaissait cette rue, mais celle-ci le mettait mal à l'aise. Cela tenait-il à ce que, bien que pourvu des mêmes yeux, celui qui voyait et celui qui se souvenaient n'étaient pas les mêmes?" (p31)

Oui mais
"Dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d'y remettre le dentifrice. Le risque était qu'il finisse par verser dans la confusion. Car les côtés sombres qu'il ne pouvait manquer de se remémorer concernant cette ville étaient au moins aussi nombreux que les aspects sentimentaux et plaisants, et le seul fait de chercher à s'y soustraire les faisait remonter à la surface. S'il leur donnait libre cours, ils pouvaient revenir en masse comme des mouches d'automne contre la fenêtre du grenier." (p 42)

Un livre sur la mémoire, son manque de chronologie, ses évitements (et leur impossibilité)? Oui, mais ne pas s'imaginer du systématique, Wallace Stegner renouvelle les façons dont il se remémore le passé, y compris avec une caméra imaginaire. Et c'est passionnant, on a une 'vraie' histoire, dont on connaît bien sûr la fin, mais peu importe, les péripéties se découvrent avec avidité. Ajoutons une merveilleuse façon de décrire les paysages (nature writing bien sûr!), un art de la comparaison et de l'image, visible dans les passages cités plus haut, beaucoup de tendresse, un poil de drôlerie et autant de tragique.

La fin peut étonner, mais découle logiquement de ce qui précède.

Un passage lors de l'enterrement de sa tante, décédée fort âgée, avec un orage qui gronde, et où assistent seulement des dames de sa maison de retraite.
"Ces dames, qui avaient probablement savouré à l'avance cet enterrement comme une occasion de sortir, observaient Mason avec intérêt, le ciel avec inquiétude, le cercueil avec l'empathie chiffonnée de la prémonition." Franchement, quel génie de la concision!

Coup de coeur, forcément. De toute façon c'est (encore) un auteur chouchou.

Des avis lecture écriture, avec l'avis du Bouquineur, que j'enjoins de continuer à lire l'auteur! et chinouk,

jeudi 28 novembre 2019

Les testaments

Les testaments
Margaret Atwood
Robert Laffont, 2019
Traduit par Michèle Albaret-Maatsch


Attention, ce billet risque de contenir des traces de spoilers.

Alors, alors, cette 'suite' de La servante écarlate? Ceux qui ont lu la toute fin de La servante savent que des décennies plus tard un colloque étudie le régime de Gilead, tombé en ruines depuis longtemps. Le document écrit par la servante (décédée depuis longtemps, bien sûr), est passé au crible. Donc aucun suspense sur le devenir de Galaad (c'est le nom choisi dorénavant).

Trois narratrices interviennent. A Galaad, Agnès, une jeune fille élevée dans la famille d'un Commandant, bien éduquée dans les croyances locales, mais dont la vie est perturbée par un décès et surtout l'annonce de son mariage précoce. Par ses yeux, l'on voit l'existence de ceux n'ayant rien connu d'autre.
Au Canada, Daisy mène une vie presque normale, mais elle est à son goût trop couvée par ses parents, qui, on l'apprend vite, ne sont pas ses vrais parents. Un drame l'amènera à vivre des aventures dangereuses.
A Galaad, la fameuse Tante Lydia s'épanche sans retenue mais secrètement, et c'est l'occasion de connaître les dessous du fonctionnement de la société, il y a quelque chose de pourri au royaume de Galaad, c'est sûr. Justement comment cette République s'est-elle installée? La vie de Tante Lydia donne des réponses, avant elle était juge et indépendante, et elle a été amenée à faire des choix (genre la vie ou la mort) et avec trois autres Tantes a mis sur pied les règles pour la plupart des femmes (les Commandants restant décisionnaires). Au fil du temps Lydia a manipulé, engrangé des données sur les dirigeants et ses collègues, et ça risque de sauter à la figure un jour ou l'autre.

Alors mon avis?
Je me félicite d'avoir relu avant La servante écarlate, comme cela la lecture a été facilitée, ce monde m'était connu. Un monde pas agréable pour y vivre, et des détails sont difficiles à supporter.
Au fil du roman, Atwood laisse pressentir des découvertes relatives aux personnages, disons plutôt faciles à deviner, mais cela n'enlève rien à l'intérêt de la lecture.
Avec Agnès et Daisy on est parfois dans la lecture ado, ont remarqué d'autres lecteurs, et je ne leur donne pas tort;  j'avoue que Tante Lydia est une réussite, sa maîtrise de soi et son ironie font mouche et parfois froid dans le dos.

Comme dans le roman précédent, Atwood termine par un colloque...

On l'aura compris, j'ai dévoré ce roman, mais je recommande plutôt l'incontournable Servante écarlate.

Des avis chez jostein, le maki, mélissa, détaillé sans trop en dire, babelio, Eimelle pile poil le même jour!,

lundi 25 novembre 2019

Cadavre exquis

Cadavre exquis
Agustina Bazterrica
Flammarion, 2019
Traduit par Margot Nguyen Béraud


La quasi totalité des animaux de la terre ayant été atteinte d'un virus dangereux pour eux et surtout pour l'homme (enfin, est-ce vrai, certains se le demandent), une nouvelle race a été élaborée 'à partir de génomes humains' ('les PGP, têtes nées et élevées en captivité, qui n'ont subi aucune modification génétique et ne reçoivent pas d'hormones de croissance'); ainsi les mangeurs de viande pourront-ils continuer à en consommer, le fin du fin étant la consommation de non PGP, obtenus de différentes façons (je laisse imaginer ces façons, mais sachez que mieux vaut surveiller vos défunts, par exemple)(et certains sont volontaires, il existe une secte pour eux)

Un jour un collège 'offre' au héros du roman une 'femelle', à charge pour lui de s'en occuper, la vendre, etc. Mais pas question de ce que vous pensez, ça c'est interdit! Le héros, non mangeur de viande, travaille en abattoir, histoire de payer une maison de retraite correcte pour son père, est à couteaux tirés avec sa sœur et ses neveu et nièce, et sa femme est partie après le décès de leur bébé.

Lecteur sensible, attention! Certains détails sont épouvantables! Par Tejo, que l'auteur rend sensible et sympathique, l'on découvre les dérives du système, ou plutôt la logique qui conduit aux mêmes activités qu'avec des animaux, mais comme il n'y en a plus... Abattoirs, chasse, laboratoires... Bon, j'arrête!

Ce roman pourrait faire penser à celui de Vincent Message, il y a similarité. Dans Défaite des maîtres et possesseurs, des extra-terrestres considèrent les humains comme nous considérons les animaux, que l'on consomme ou comme compagnie. Mais dans Cadavre exquis on est dans le cannibalisme, même si, comme pour les animaux maintenant, le vocabulaire cache presque la réalité (allez faire un tour au rayon boucherie charcuterie). Et bien sûr des trafics s'organisent, il existe des pauvres réduits au bas de gamme et des riches friands du meilleur (on l'ignore), mais du rare en tout cas.

Ma bibliothécaire a posé le bandeau 'envie de devenir végétarien?' sur la couverture. Heu... Quand il n'y a plus de viande, comme dans cette histoire, doit-on vraiment en produire de cette façon (et les dérives!)? N'est-il pas plus aisé de s'en passer, carrément?
Je pense que le roman de Vincent Message (qui possède une belle écriture ) est plus convaincant, puisqu'il n'y a pas de brouillage avec le cannibalisme. Cadavre exquis, lui aussi, fait montre d'une bonne imagination et explore bien son thème. Mais laisse au cours de lecture une grosse impression de dégoût et de malaise (au point que j'ai évité de le lire avant d'aller dormir -petite nature)

Les sans peur qui sont arrivés à bout de la lecture: Jérôme, zazymut, babelio

J'en profite pour faire mon coming out végétarien, l'affaire durant depuis pas mal de mois, donc aucun rapport avec ma dernière lecture, précisant que je demeure fréquentable si on partage un repas avec moi.

jeudi 21 novembre 2019

Snob extrême (précis de fuite arctique et antarctique)

Snob extrême
Précis de fuite arctique et antarctique
Antonius Moonen
Paulsen, 2008



En fouinant dans le rayon Récits de voyage de la médiathèque, cette pépite m'est apparue. Pas de quatrième de couverture, pas de préface, aucune indication. Juste l'éditeur à qui j'ai tendance à accorder ma confiance, et la possibilité de feuilleter, pour découvrir des illustrations vintage et un texte bien écrit, dans un emballage discret et chic, parfaitement adapté au sujet.

Le sujet? Sauf si vous vivez dans une grotte (mieux, un igloo), il ne vous aura pas échappé que les destinations arctiques, voire antarctiques, sont dans le vent (glacé) et à la portée de tous ou presque, et se développent à grande vitesse, au grand dam de certains manchots et ours blancs, bref, c'est le moment pour le snob (dont l'auteur semble être spécialiste) de se démarquer et de rendre son voyage différent, à moins qu'il ne décide de l'annuler car trop couru. Difficile d'être snob...

Avec ce petit précis, aucune faute de goût! Choix du trajet, des compagnons (peu nombreux, aristocrates si possible), des moyens de locomotion, de l'alimentation, tout est prévu. Vous connaîtrez ce qui est vraiment 'pourri de chic', et ce qu'il faut éviter à tout prix.

Délicieusement givré, pour les amateurs de 12ème degré (en dessous de zéro), cet opus ravira les snobs et les autres, et fournira en plus sans encombres une masse d'informations sur ces contrées fort au nord ou fort au sud et l'histoire de leur découverte et exploration. Gouleyant, digeste. Inutile de dire que je me suis amusée et régalée tout du long.

lundi 18 novembre 2019

Semiosis

Semiosis
Sue Burke
Albin Michel, 2019, Imaginaire
Traduit par







Non, ne fuyez pas, ce roman qui se déroule sur une autre planète est formidable!

Fuyant la Terre, polluée, violente, une cinquantaine d'Humains se sont portés volontaires pour un long voyage dans l'espace vers une planète habitable, avec assez de matériel technologique pour s'adapter. La planète est baptisée Pax, ce qui en dit long sur leur degré d'utopie et leur volonté de fonder un monde nouveau. La faune et la flore sont à découvrir, pas de 'petits hommes verts' autochtones du tout, mais il y aura de la découverte pour le lecteur!

Le roman s'étale sur une centaine d'années, avec des narrateurs différents, bien différents de ton et de style, ainsi qu'un non humain, à savoir un bambou arc-en-ciel (si!). Dès le début j'ai aimé les précisions de biologie et de botanique irriguant leur aventure, cela m'a rappelé le fabuleux livre de Stefano Mancuso et Alessandra Viola, L'intelligence des plantes.

A découvrir: si vous êtes rétifs à ce genre de lectures, ça devrait changer! Personnellement, j'ai apprécié l'originalité de ce roman.

Le billet de cuneipage  qui m'a convaincue de lire ce roman. Un seul bémol : une suite vient de paraître, en VO! Il me la faut.

Note pour A girl : tu vas adorer, mais il te faudra passer la description page 76 de limaces géantes rose vif!

jeudi 14 novembre 2019

Un livre de martyrs américains

Un livre de martyrs américains
Joyce Carol Oates
Philippe Rey, 2019
Traduit par Claude Seban


Avec Joyce Carol Oates, j'ai des rapports ambigus, et je m'étais dit : 'on arrête!'. Mais c'est comme ces cacahuètes enrobées de chocolat, une fois dedans on se dit, encore une (page). Et puis après Une étincelle de vie, je voulais voir comment JCO parlait des attaques des cliniques d'avortement aux Etats Unis.
Voilà comment j'ai fini par me lancer dans ces 860 pages!

Page 9, ça démarre, 2 novembre 1999, à Muskegee Falls, Ohio, Luther Amos Dunphy abat deux personnes devant une clinique pratiquant des avortements : le docteur Gus Voorhees et son accompagnateur.
Retour en arrière (belle construction!) ensuite sur l'histoire de la famille Dunphy, qui a connu son lot de tragédies.
Une partie ensuite avec les Voorhees, qui, suite à des menaces sur la vie du père de famille, avaient dû vivre dans des endroits séparés, Gus ne voulant pas arrêter ses activités.
Après les faits, vient l'emprisonnement, le procès, les conséquences pour les deux familles, particulièrement Naomi Voorhees et Dawn Dunphy, qui finiront par se rencontrer.

Comme Jodi Picoult, Oates reste très mesurée, elle raconte, laisse ses personnages agir selon leurs convictions, et ne les rend pas antipathiques.

J'avoue cependant avoir trouvé cela un poil bien longuet parfois... Si vous vous intéressez aux injections létales ou à la boxe féminine, ça va, et c'est bien raconté. Mais on est finalement loin du débat sur l'avortement, Oates désirant sans doute examiner les conséquences d'un acte initial sur les personnages au long des années? Il m'a fallu aussi du temps pour ne plus être agacée par les mots entre parenthèses et ceux en italique. Mais les autres avis sont plutôt enthousiastes et apprécient mieux que moi le talent de JCO (désolée)

Des avis chez babelio, mimipinson, choup',

lundi 11 novembre 2019

Les réfugiés sont notre avenir

Les réfugiés sont notre avenir
Les causes profondes
La position de l'Etat
L'accueil citoyen
Ouvrage collectif
Ginkgo, 2019


Je sais, le titre est gonflé, et le sujet va peut-être lasser, tant pis, quoique l'actualité récente prouve que rien n'est figé. Mais ce livre m'est véritablement arrivé dans les mains sans crier gare. J'errais aux Rendez-vous de l'Histoire (Blois), plus précisément au salon du livre, encore plus précisément vers les éditeurs de littérature de voyage, Transboréal et Ginkgo (et leurs associés) histoire de me faire du mal me laisser tenter, et de saluer éventuellement Reynald Mongne, un des responsables de Ginkgo. J'ai tout de suite repéré ce titre, et figurez-vous que les droits d'auteurs sont reversés aux associations d'aide, notamment Tous Migrants, à Briançon. Bon, sur 10 € (et en plus c'est vraiment cadeau comme prix!) j'ignore combien ça fait, mais c'est pour le principe.

J'ai payé ce livre, donc, avec plaisir, livre qui s'est révélé clair, récent, complet, concret. OK, le propos des auteurs n'est pas neutre (et alors?), surtout quand il  rappelle quelques vérités sur la politique économique des pays occidentaux, dont la France, en Afrique depuis des décennies.
Des tableaux, des chiffres, des pourcentages (mais pas trop) remettent les pendules à l'heure.

Bien sûr on retrouve des exemples bien connus, particulièrement sur la frontière italo-française, et en dernier des initiatives citoyennes, avec des pistes, compliquées comme souvent par l'administration.

Pour terminer, d'utiles adresses, et un lexique pour tenter de s'y retrouver dans le maquis des sigles où moi-même je me perds (alors, imaginer quand on ne parle pas trop le français).

jeudi 7 novembre 2019

Un monde sans rivage

Un monde sans rivage
Hélène Gaudy
Actes sud, 2019


Franchement où les jurés des prix ont-ils la tête, ils tenaient là un roman ou presque roman bourré de qualités. Mais les deux années précédentes le Goncourt était allé à Actes sud, alors ç'aurait fait désordre, une troisième fois? Mais on aurait eu une femme  lauréate, sans se forcer.

Hélène Gaudy m'avait déjà émerveillée avec Une île, une forteresse, sur un sujet difficile mais quel livre! Je luis ai fait confiance une nouvelle fois, surtout que ça rentrait dans une lubie 'Arctique'.

Bon, de quoi ça parle, au fait?

En 1926, l'italien Umberto Nobile fut le premier (avec ses accompagnateurs) à survoler le pôle nord (et le retour ne s'est pas très bien passé, on va dire). On se doute alors que l'expédition Andrée, partie en 1897 d'une île du Svalbard, en ballon, n'a pas réussi alors que son objectif était en gros le même : survoler le pôle. Incroyable de penser qu'il y a en gros un siècle il restait des zones où la main de l'homme n'avait pas mis le pied, et où l'on risquait la mort lors d'expéditions risquées. Quoique, même maintenant, la mer, par exemple, a des mystères, et la montagne des dangers...

Hélène Gaudy d'ailleurs n'hésite pas à parler de Shackleton et Léonie d'Aunet (quelle femme!) mais on s'éloigne du sujet, qui est l'expédition de Salomon August Andrée, Knut Fraenkel et Nils Strinberg, partis dans en ballon en juin 1897, et dont on n'eut plus de nouvelles jusqu'en 1930, quand on retrouva fortuitement les restes d'un campement, des ossements, le journal d'Andrée et des photos, dont celle de la couverture.

Fascinant, non? A partir de là, Hélène Gaudy raconte, imagine. Les trois hommes se sont rapidement retrouvés à marcher sur la banquise durant des semaines. S'ils ont perdus espoir, on l'ignore, le journal et les photos donnent (volontairement?) l'impression qu'ils tiennent bon. Ils continuent à observer, bien manger, en dépit d'une impréparation et d'un dilettantisme incroyables. On fête les anniversaires, on a emporté les drapeaux du pays, ah toute une époque. Nils est attendu par une fiancée, qui aura une demande incroyable après sa mort, des décennies plus tard.

J'aurais aimé avoir dans ce livre plus de photos, évoquées avec talent par l'auteur (sans doute une histoire de droits) et une carte, mais de nos jours chacun peut fouiner sur internet. Alors que nos trois explorateurs sont partis avec des pigeons voyageurs...

Il faut lire cette formidable ode à la force de l'esprit humain, son envie d'aller toujours plus loin, de découvrir l'inconnu, de tenir vaillamment.

Un lien vers cartes et photos, si on tape Expédition Andrée.

Les avis de l'Or des livres, Dominique, Maryline,

lundi 4 novembre 2019

La servante écarlate

La servante écarlate
The handmaid's tale
Margaret Atwood
Pavillons poche, R Laffont, 2015
Postface de l'auteur



Evidemment (presque) tout le monde a lu La servante écarlate (et peut-être vu la série), il semble que j'arrive après la bataille; mais on annonce une 'suite' , que j'espère lire, donc il fallait bien que je me plonge dans ce roman paru en 1985. Les 'Notes historiques' à la fin du roman semblaient pourtant clôturer l'histoire, même si le sort de Defred n'était pas si clair.

Ceci étant, il s'agit d'une relecture, sans que je puisse me souvenir de la date, bien avant internet c'est quasiment sûr. Bien avant la série, donc j'avais mes propres images en tête, et maintenant, c'est impossible...

Alors? Hé bien c'est encore une grosse claque! J'ai été épatée par la construction impeccable, ces informations, ces explications distillées peu à peu, et qui font vraiment froid dans le dos. Comment tout a basculé pour se retrouver dans ce monde oppressant...

Quelqu'un ignore-t-il encore le sujet? Si oui, lisez donc l'histoire de Defred, j'ai la flemme d'être la n-ième à la raconter.

Une lecture commune avec A girl

Pour un petit rappel aussi, voici deux photos
http://hommelibre.blog.tdg.ch/archive/2016/05/03/femmes-de-kaboul-avant-et-apres-275891.html

jeudi 31 octobre 2019

Mur Méditerranée

Mur Méditerranée
Louis-Philippe Dalembert
Sabien Wespieser, 2019



En 2014, après avoir embarqué sur un chalutier au large de la côte libyenne, trois femmes vont connaître, avec des centaines de passagers, une traversée périlleuse de la Méditerranée. Une histoire inspirée de la tragédie d'un bateau sauvé par le pétrolier danois Torm Lotte cette année là.

Dima la syrienne a fui avec sa famille Alep et ses bombardements, puis Damas, et son voyage ne s'effectue pas tout à fait dans les mêmes conditions que celui de Chochana, nigériane issue d'une communauté juive Ibo, et Semhar, chrétienne orthodoxe érythréenne, toutes deux en fond de cale. Et auparavant Chochana, quittant son village à cause d'une sécheresse persistante, et Semhar, fuyant un service militaire à durée illimitée, ont dû se plier comme les autres au bon vouloir de passeurs avides et violents.

Le roman démarre par l'embarquement, et, par des retours en arrière, raconte l'histoire de chacune de ces femmes. Bien écrit, bien découpé, vivant, clair, un poil pédagogique avec ces trois cas distincts, ces trois religions, qui parfois se rejoignent dans les textes, les chants ou les prières, mais pas trop démonstratif et larmoyant. Sur l'écriture, un langage un peu familier s'insinue sans crier gare (pourquoi piges au lieu de ans, par exemple) et Dima mère louve, une fois suffisait. Mais je chipote. Après lecture, on a compris, si ce n'est déjà fait, que derrière chaque migrant anonyme il y a une histoire et des souffrances.

Les avis de Bibliza, jostein, babelio,

lundi 28 octobre 2019

Le bonheur est dans le peu

Le bonheur est dans le peu
Ranger, trier, s'alléger, vivre autrement
Francine Jay
First Editions, 2016
Traduit par Frédérique Corre-Montagu




La Marie Kondo américaine? Ou plutôt, Miss Minimalist? Là j'ai un peu peur a priori, mais quand j'ai vu ce livre dans la boîte à livres de la bibli, je n'ai pas résisté au jeu de mots du titre. En anglais, The Joy of less, c'est moins fun, c'est sûr.

Qu'on se rassure, pas de boîtes de rangements, pas d'adieux déchirants à vos moindres possessions (ouf!) mais un poil de bon sens. L'auteur propose sa méthode Streamline, intraduisible bien sûr, et j'ai vite oublié à quoi correspondaient les S, T, etc. en français. Pour en savoir plus, là c'est expliqué http://www.seveilleretsepanouirdemaniereraisonnee.com/2016/09/biblio-le-bonheur-est-dans-le-peu-francine-jay-le-minimalisme-mis-a-l-honneur.html)(ne pas s'inquiéter de la citation-pissenlit, le livre n'en surabonde pas, ouf)

Mais comme depuis quelque temps, et sans Francine Jay, je me parle à moi-même, du genre 'as-tu vraiment besoin d'acheter ça?' ou 'vas-tu vraiment avoir besoin de ce truc qui est chez toi sans servir depuis 10 ans?' , ce livre a confirmé ma décision de ne pas me laisser envahir (heu, on me souffle dans l'oreillette que pour les livres ce n'est pas gagné) et de RANGER! J'ai (re) découvert que les surfaces planes ont horreur du vide et au cours de ma lecture j'ai commencé à leur redonner la respiration (mais ça revient). J'ai plein de projets pour nettoyer et Jeter/ Garder/ Donner, en tout cas continuer sur ma lancée (avant cette lecture). Je confirme que ça fait du bien!

L'auteur sait qu'on ne va pas y arriver d'un coup (les objets sont malins...) et surtout ne donne pas de conseils trop précis sur ce qu'on doit garder, à chacun de prendre une décision.

Alors, un livre qui fonctionne avec les déjà convaincus? Peut-être. Il se termine sur une chapitre 'mode de vie' bon pour la planète, qui confirme aussi, un poil bien optimiste mais mieux que rien (je continue à consommer agrumes, mangues et avocats)(mais fruits et légumes très locaux aussi)

Et bien sûr, ce livre va retourner dans la boîte à livres où je l'ai pris!

Des avis sur babelio

mardi 22 octobre 2019

Berta Isla

Berta Isla
Javier Marias
Gallimard, 2019
traduit par Marie-Odile Fortier-Masek


Attention auteur chouchou, même si je reconnais en toute objectivité qu'il est du genre 'ça passe ou ça casse'. Si vous n'aimez que les phrases courtes qui vous font haleter, vous aurez du mal. Si vous préférez vous perdre un peu dans des phrases tourbillonnantes, si vous aimez que l'auteur décide du rythme, qu'il vous enveloppe parfois de rappels, cet auteur est pour vous.

Avant de dévoiler (un peu, bien sûr) de quoi ça parle, j'ajouterai que Javier Marias sait toujours jouer avec les nerfs de ses lecteurs, lui laissant entrevoir une rencontre, une révélation, lui faisant deviner un événement, mais c'est lui qui décide de l'instant de la révélation, au bout de quelques pages que l'on tourne patiemment parce que c'est le jeu entre lui et nous.

Bon, de quoi ça parle?

Une histoire d'amour, entre Berta Isla la madrilène et son mari Tomas Nevinson, dont la double nationalité anglaise et espagnole ainsi que son don pour les langues et les imitations seront repérés à Oxford où il est étudiant. Ce qui amènera sur la scène les Wheeler et Tupra déjà connus des lecteurs de Marias, et Tomas se verra obligé de travailler pour des services secrets (oui, obligé, et l'on découvrira pourquoi). D'où aussi une histoire d'espionnage, mais dont on ne saura pas grand chose, le secret étant essentiel, n'est-ce pas? Berta et Tomas connaîtront de très longues périodes sans se rencontrer. Tomas risque de ne plus savoir qui il est, Berta de ne plus connaître qui est son mari.
Tout est vu par les yeux de Berta et Tomas, et se déroule surtout des années 70 à 90, sur fond de problème irlandais et guerre des Malouines.
Ne pas s'attendre à beaucoup d'action, je préviens, mais comme d'habitude avec Marias, certaines scènes mettent les nerfs à vif, par exemple celle du briquet...

Un passage 
"C'est le narrateur qui décide et qui compte, mais on ne peut ni l'interpeller ni le questionner. Il n'a pas de nom et ce n'est pas non plus un personnage, à l'inverse de celui qui raconte à la première personne; on le croit, et donc on ne se méfie pas de lui; on ne sait pas pourquoi il sait ce qu'il ait ni pourquoi il omet et tait ce qu'il tait, ni pourquoi il est habilité à déterminer le sort de chacune de ses créatures, sans que jamais on le remette en cause. Il est clair qu'il existe et n'existe pas, tout à la fois, ou qu'il existe tout en étant introuvable. Il est même indétectable. Attention, je parle ici du narrateur et non pas de l'auteur, bien tranquille chez lui et qui n'est pas responsable de ce à quoi se réfère son narrateur et et serait même en mal d'expliquer pourquoi ce dernier en sait aussi long. Autrement dit, le narrateur à la troisième personne, omniscient, est une convention que l'on accepte et, d'une façon générale, celui qui ouvre un roman ne se demande ni pour quelle raison ni à quelle fin il prend la parole et garde jalousement durant des centaines de pages cette voix d'homme invisible, cette voix autonome et extérieur venue de nulle part."

Mes autres lectures de l'auteur
Le roman d'Oxford   Dans le dos noir du temps     Comme les amours    Demain dans la bataille pense à moi   Ton visage demain I et II et III    Si rude soit le début

vendredi 18 octobre 2019

Un petit tour dans l'Hindou Kouch

Un petit tour dans l'Hindou Kouch
A short walk in the Hindou Kush
Eric Newby
Petite bibliothèque Payot, 2019
(la couverture est celle de la vieille édition
mais la récente n'est pas disponible sur le site de l'éditeur...)
Traduit par Marianne Véron



L'auteur étant un de ces incontournables voyageurs anglais du 20ème siècle, il faut s'attendre à de l'understatement bien british, de l'autodérision, décelable dès le titre car cette short walk, ce petit tour, correspondent tout de même à des zones montagneuses dépassant facilement les 6 000 mètres, qui plus est au nord est de l'Afghanistan, au Nuristan, chez les ex-kafirs convertis à l'islam fin 19ème siècle.

Tout démarre en 1956, Eric Newby est cadre commercial de haute couture, à Londres, et le voilà qui envoie un câble à son ami Hugh Carless, diplomate en poste à Rio de Janeiro : "peux-tu aller Nuristan juin?"
Bingo, c'est parti pour escalader le mont Samir (finalement atteint en 1959 et rétrogradé sous les 6 000 mètres), alors que ni l'un ni l'autre ne s'y connaît en escalade, alpinisme ou autre. Quelques jours d'entraînement dans les montagnes galloises, et les voilà partis avec l'épouse d'Eric Newby (prudemment laissée ensuite à Téhéran, le Nuristan n'étant vraiment pas un coin où emmener une occidentale)(d'ailleurs les femmes du coin travaillent aux champs ou à la maison, et se cachent ou se voilent dès qu'un étranger est détecté).
En dépit de l'impréparation, ils reviendront vivants, amaigris mais contents. La vie dans cette magnifique région est rude et leurs guides pas toujours coopératifs.

Inutile de dire que j'ai apprécié ce voyage sans bouger de chez soi, toujours admirative de ces gens un poil inconscients que rien n'arrête.

https://en.wikipedia.org/wiki/Eric_Newby
En entraînement au pays de Galles
"Un troupeau de moutons nous suivait des yeux, en faisant des bruits qui ressemblaient beaucoup à des rires."
Lors d'une panne de de voiture en Iran
"C'était le genre d'endroit où l'on démonte les  moteurs sans jamais les remonter."

lundi 14 octobre 2019

Une étincelle de vie

Une étincelle de vie
A spark of light
Jodi Picoult
Actes sud, 2019
Traduit par Marie Chabin



Le jour de ses 40 ans, Hugh McElroy, policier et négociateur, doit gérer une prise d'otages dans un centre d'IVG, le seul du Mississipi. Un homme armé a déjà tué et blessé, de plus parmi les otages se trouvent sa fille et sa soeur. Théoriquement il devrait passer la main, mais...

Cette fois Jodi Picoult s'intéresse à l'IVG et nous fait profiter de sa documentation tous azimuts de façon fluide et - on ne peut dire agréable, vu le sujet- parfaitement abordable et passionnante. Elle sait donner la parole à tous les bords, de façon assez subtile, privilégiant l'empathie avec les femmes qui souffrent de telle ou telle situation.
Elle permet une connaissance intéressante du problème aux Etats Unis, particulièrement dans le Mississipi, un état du sud strict quant aux durées des grossesse en cours.
Côté littéraire, c'est efficacement écrit, sans chichis et pathos, et j'ai fortement apprécié sa virtuosité dans la narration, heure après heure (rien d'original là) mais à rebours.

(Dès le début j'ai deviné qui était Beth, mais je n'ai rien vu venir pour Izzy)

lundi 7 octobre 2019

Le coeur de l'Angleterre

Le coeur de l'Angleterre
Middle England
Jonathan Coe
Gallimard, 2019


Après un repas avec son père Colin dans une jardinerie aux multiples ramifications, Benjamin déclare
"J'aime bien cet endroit. C'est toujours une aventure, on en sait jamais ce qu'on va trouver. Parfois c'est sympa, parfois c'est désagréable, et le plus souvent c'est ce qu'il y a de plus bizarre. Mais voilà, c'est l'Angleterre. Elle nous colle aux semelles."

De 2010 à 2018, de Londres à Birmingham, en passant par Marseille et une croisière dans la Baltique, j'ai retrouvé avec plaisir certains des personnages de Bienvenue au club et Le cercle fermé. Qu'on se rassure, les avoir lus n'est pas indispensable pour suivre, et j'ai juste développé une furieuse envie de les relire...

Ces années pré-Brexit sont donc vues par le prisme de la famille Trotter et ses amis, Jonathan Coe usant comme d'habitude d'une ironie bristish bienvenue. Les craintes de certains vis à vis des 'minorités' m'ont rappelé ce qui peut exister de notre côté du Channel. Ainsi que la langue de bois de quelques politiques (ah, Nigel, j'ai aimé son pétage de plombs final). Certains événements, ignorés ou oubliés, sont juste évoqués, mais parfois je voyais un peu les 'coutures' du vêtement. Ceci étant, j'ai dévoré avec un immense plaisir parfois jubilatoire les plus de 500 pages du roman et quitté avec regret les personnages principaux, c'est un signe, non?

jeudi 3 octobre 2019

Le désert des Tartares

Le désert des Tartares
Il deserto dei Tartari
Dino Buzzati
Poche, 1966
Traduit par Michel Arnaud


(paragraphe qu'on peut sauter)
Il y a plus de 20 ans j'habitais au fin fond du fin fond (et ça l'est resté), selon une bonne vieille habitude j'ai demandé à un collègue de lettres quelles lectures il me recommandait. Dans sa réponse, avec Splendeurs et misères des courtisanes, il y avait Belle du Seigneur, et, pour donner une idée de l'ambiance de la ville où nous habitions : "Le désert des Tartares et Le rivage des Syrtes". 
Quand Ellettres a suggéré une lecture commune du désert des Tartares, j'ai bondi sur l'occasion. Souvenirs flous mais positifs.
Et alors là, j'ai dévoré le roman : grosse claque! On est dans la catégorie 

Coup de coeur Incontournable Ne se lâche pas.

"Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation."

Tout jeune homme sorti de l'Académie militaire, Drogo s'en va sur sa monture vers ce fort, lui aussi au fin fond du fin fond, perdu dans les montagnes. Au nord du fort, le fameux désert des Tartares, l'ennemi historique semble-t-il, qui pourrait attaquer de ce côté.
Dès le début, le lecteur sent subtilement que ce fort aux pierres jaunes, sous des nuages passant au dessus, et avec peu d'aperçus sur le désert mystérieux, va à la fois donner à Drogo le désir de vite filer, retour vers une autre garnison, et d'en découvrir plus. Allez, on reste quatre mois, on n'a pas peur. Avec le risque de s'engluer dans le quotidien militaire, ponctué de relève de gardes montantes et descendantes, avec mots de passe, et parfois une rigidité criminelle et obtuse. On le devine, Drogo sera pris au piège, même si toujours il peut partir.

Drogo est un militaire, toujours espérant qu'un jour un jour l'ennemi surviendra, que son temps à Bastiani ne sera pas vain, qu'il aura l'occasion de briller...

Comme Drogo, le lecteur ne peut quitter librement ce fort, il est fasciné, il vaut en savoir plus, il espère.

"Drogo s'obstine dans l'illusion que ce qui est important n'est pas encore commencé. Giovanni attend, patiemment, son heure qui n'est jamais venue, il ne pense pas que le futur s'est terriblement raccourci, que ce n'est plus comme jadis, quand le temps à venir pouvait lui sembler une immense période, une richesse inépuisable que l'on ne risquait rien à gaspiller."

Je dirais que c'est le roman parfait dans sa narration et sa construction. Rien que les rencontres en écho d'un officier ancien et d’une jeune recrue, au début, et vers la fin. Rien n'est appuyé, ni les relations entre ces militaires, leurs pensées, ni le temps qui finalement passe.

L'on s'interroge forcément sur sa vie, à quoi a-t-elle servi, où s'est-elle embourbée dans l'inutile, dans l'attente? Cependant le roman se termine sur une note absolument magnifique, au moment où Drogo livre enfin -et je crois, avec succès- sa plus belle bataille.

Une lecture commune avec Ellettres.

Les avis de nathalie, le bouquineur,

jeudi 26 septembre 2019

Protocole gouvernante

Protocole gouvernante
Guillaume Lavenant
Rivages, 2019


Un premier roman narré comme un protocole justement, élaboré par Lewis, s'adressant avec 'vous' et au futur à la protagoniste principale, qui vient d'être engagée comme gouvernante dans une famille bourgeoise aisée. Que cherche-t-elle au juste? Pourquoi certains agissements à la maison ou avec la petite Elena? Quel est ce mystérieux groupe qui la guide? D'emblée c'est fascinant, le lecteur veut savoir, et quand l'écriture n'a guère d'aspérités il file vite sur les pages, captant les informations. J'ai  lu en diagonale les passages relatifs à la série télé visionnée par les deux femmes (ai-je vraiment raté quelque chose?) et foncé vers la fin, oscillant entre le 'pas mal, original, bien goupillé' et le 'tout ça pour ça?', entre 'tiens un peu d'imaginaire?' et 'un zeste de gilets jaunes?'.

Une fin rapide, ai-je lu dans un avis Goodreads, exact, mais un roman à découvrir, histoire de pouvoir en discuter, y compris proposer des hypothèses, en tout cas il ne laisse pas indifférent. Une bonne pioche de la rentrée.

Les avis du bouquineur,

jeudi 19 septembre 2019

Francis Rissin

Francis Rissin
Martin Mongin
Tusitala, 2019


Ce (premier) roman fut repéré sur le blog de Nicole puis celui de Papillon, et cela suffisait à me tenter. Surtout qu’elles n'en disaient pas trop, se contentant de tenter avec des histoires de neurones grésillant de plaisir ou pétillant (et je confirme que les miens furent aussi à la fête), et de donner comme références Antoine Bello ou le Binet de La septième fonction du langage. Me voici encore bien d'accord, si l'on considère l'originalité de la forme, le côté jubilatoire, l'écriture fluide, l'imagination sans faille, le sujet sans autofiction aucune (ouf!), l'ambiance 'tu tourneras les pages'. J'ajouterai juste que ça m'a aussi fait penser, dans le genre bluffant, à Roman fleuve d'Antoine Piazza.

Mais qui est donc ce Francis Rissin, dont le nom apparaît subitement sur des affiches collées nuitamment dans les moindres villages français? Un candidat à quelque chose? Un homme providentiel? Onze chapitres vont en dévoiler un peu, sans trop de chronologie, laissant parler différentes voix pas forcément en accord, pour un tout vertigineux. Rien que le premier texte, une conférence de séminaire dont l'auteur narre sa recherche frustrée d'un livre n'existant probablement pas, est déjà un grand moment de lecture! Ensuite, hé bien, le lecteur est bien baladé, de textes fascinants en textes quasi hallucinés. Une fête au centre Pompidou, une prison de haute sécurité et sa guillotine, voilà des moments inoubliables. Mais faut-il prendre pour argent comptant les récits autour de Francis Rissin? L'on peut y détecter une quasi hagiographie, voire des tournures des Évangiles ou de l'Ecclésiaste... L'on flirte parfois avec l'imaginaire.
Le tout -le début du moins- se déroule dans une monde qui ressemble fortement au notre, avec ses imperfections, ses privilégiés, ses attentes frustrées. Faut-il un homme fort à la Napoléon ou De Gaulle? Voire un dictateur?

Bref, jetez-vous sur ce roman ! Je ne dirais pas Votez Francis Rissin, parce que, comme vous le découvrirez  au cours de la lecture, (mais chut).

(je continue à lever le pied côté blog, mais quand on a des chouettes lectures, difficile de laisser passer)

jeudi 29 août 2019

En attendant le jour / Sur un mauvais adieu / Dark sacred night

En attendant le jour
The late show
Michael Connelly
Calmann Levy, 2019
Traduit par Robert Pépin


L'inspecteur Renée Ballard s'est fait éjecter de son poste d'enquêtrice au LAPD et se retrouve reléguée dans le quasi placard d'une place de nuit, où elle peut prendre les premières constatations, mais pas enquêter. Frustrant, mais la jeune femme décide de poursuivre trois affaires, l'une de cambriolage et vol de carte bleue, entre autres, la deuxième, une agression particulièrement sordide et violente, et la troisième, une fusillade dans un night-club. Il lui est clairement fait comprendre qu’elle n'a pas à fourrer ses pattes dans la dernière.
Tenace, elle fouine, se retrouve dans une situation fort dangereuse, et à la fin les mystères sont éclaircis.
Du classique, donc, pour cette nouvelle série (enfin, j'espère que ce sera une série) de Connelly, avec une héroïne talentueuse et qui en veut, un peu 'cavalier seul'. Comme d'habitude avec Connelly on a plein de détails sur le fonctionnement de la police et de la justice, mais juste ce qu'il faut, avec une utilisation des dernières technologies.
Sans surprise, j'ai beaucoup aimé, il n'était pas question de rater ce nouvel opus!

Les avis de maggie,

Sur un mauvais adieu
Michael Connelly
Poche, 2019
Traduit par Robert Pépin
Existe en poche!

Vu en librairie, et hop, acheté sans trop tergiverser. Harry Bosch est toujours là, mais à la brigade de San Fernando, assez libre de son temps pour s'adonner à des recherches plus privées. Un très très riche industriel l'approche si l'on ose dire (maison blindée!) pour lui demander de rechercher une descendance éventuelle. Des milliards sont en jeu, on ne rit plus! Par ailleurs à San Fernando sévit depuis quelques années un violeur (n'hésitant pas à laisser des traces, tellement il est sûr de lui) et tout indique qu'il pourrait passer au meurtre.
Deux enquêtes, donc, palpitantes bien sûr, que les fans ne doivent pas rater, et ce peut être une occasion d'enfin connaître Harry Bosch, n'est-ce pas? On s'y retrouve très bien.

Dark sacred night
Michael Connelly
Orionbooks, 2018 ou 2019 (poche)(pas traduit)



Ah voilà ce que tout fan attendait! La rencontre Ballard/Bosch! Plutôt amusante pour le lecteur qui pour une fois en sait plus. Ils vont travailler sur une vieille affaire jamais élucidée où il faudra éplucher pas mal de documents, beaucoup téléphoner, etc. Par ailleurs chacun mène ses enquêtes relatives à son département. Le lecteur a donc plusieurs histoires, certaines bouclées rapidement, d'autres rejaillissant plus tard.

Comme d'habitude, c'est plaisant à lire, et vu du côté enquêteurs. Donc (ouf!) pas de plongée dans les cerveaux de serial killer au long du roman, et pas de plongée dans les cerveaux des victimes (en italique en général, je n'en peux plus!). De plus pas de descriptions gore, même si bien sûr il y a des morts... Des enquêtes bien épluchées, réalistes, où on ne prend pas le lecteur pour un idiot, ça me va!

Encore une fois,  le challenge de Philippe

lundi 26 août 2019

Pourquoi les hommes fuient?

Pourquoi les hommes fuient?
Erwan Larher
Quidam, 2019


Jane a 21 ans et pas froid aux yeux (ni ailleurs d'ailleurs), vivant sa vie à 200 à l'heure. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et a le sens de la répartie cinglante (pour le plus grand plaisir du lecteur). Côté famille? Des grands parents peu attractifs qui se révéleront moins moches qu'attendu, une mère décédée et un père en pointillés finalement disparu on ne sait où. Seul indice lâché par sa mère : c'est un musicien. De fil en aiguille Jane enquête, rencontre, découvre le milieu rock des années 80, les petits groupes qui percent, disparaissent, un milieu où l'on se marche sur les pieds et lutte pour sa part de lumière.

Que l'on ne s'y trompe pas, ce roman ne se résume pas à la quête du père, il est beaucoup plus dense et riche que cela! Le monde du rock comme si vous y étiez,  la fuite en autarcie dans une campagne reculée, les portables qui buguent mystérieusement, des grèves, manifestations, de la violence policière, des auras ou manques d'auras, mais dans quel monde sommes-nous? Le retour de Billie, mère de Marguerite (celle qui n'aime pas ses fesses), des scènes gouleyantes, Jane n'appréciant pas qu'on lui pique sa place de train, le type aviné dans le bistrot, les colocataires de Jane, une journaliste locale, un plan à trois, un personnage ne comprenant pas la signification de 'non'. Des retours vers le passé, éclairant le présent, un suspense bien mené. J'ai dévoré le tout.

As de Trêfle au Bateau Ivre (https://www.leprog.com/186-la-petite-histoire-du-bateau-ivre.html)
Quelques extraits

Jane utilise pas mal de vocabulaire et tournures 'jeune', mais on suit (j'ai quand même dû chercher MMORPG et yolo, shame on me)
-  Si on a inventé un mot, c'est parce qu'il n'y en avait pas pour dire ça.
- On dit ce qu'on veut, surtout!"

Avec le colocataire, Greg
"- Neuf heures?! Bordel, Greg, je me suis padgée à cinq dum, et puis on n'entre pas dans la chambre des gens à neuf heures un dimanche matin!
Ce taré de petit bourge confit dans ses habitudes, je parie qu'il préférerait une dictature militaire à une pénurie de lait bio."
(et peu après on a une description d'un magasin bio par Jane, ça vaut son pesant de quinoa.)

A feuilleter je retrouve pleiiiiiiiin de passages réjouissants.

Mais aussi

"L'hiver t'est merveille à présent. Lactescence pureté tavelée de crissements, de craquements, ponctuée de diamants givrés, le rien réverbère le rien à perte de vue, un aperçu des origines, ou de l'éternité. les larmes nivéales aux branches pendues disent le chagrin de la forêt, affirment qu’elle était là avant la matrice qui la rase et survivra à l'implosion de celle-ci.
Découvrir que le silence de la solitude n'en est pas un non plus."

"Tu plantes, cueilles, chasses sans te poser de questions. S'en posaient-ils, tes ancêtres berrichons au XVIIème siècle? La culture, l’éducation, les livres ont enherbé les esprits, lents vénéfices qui ont accouché d’ego monstrueux. Et de questions. Trop de questions. Heureusement, on a inventé la télévision."

Erwan Larher fait partie du club très fermé des auteurs dont je veux tout lire, et arrivée au 7ème opus j'ai tenté de comprendre pourquoi. Une belle imagination flirtant parfois avec l'imaginaire, un regard acéré sur notre monde et éventuellement des pistes de solutions, des personnages parfois brut de pomme sur lesquels l'on sent le regard bienveillant du créateur, et cette écriture dense et drue qui paraît couler de source, pourtant on sent que la barre est haute et pas question d'à peu près.

Les avis de Cunéipage,

lundi 19 août 2019

Washington Square

Washington Square
Henry James
Paru en 1880
Lu avec la version Omnibus, 2013
Traduit par Camille Dutourd


Poursuivons notre lecture des œuvres de James. De toute façon certaines blogueuses n'hésitent pas à proposer des piqûres de rappel. Après Portrait de femme, voici Washington Square, New York, du temps où la ville était en pleine expansion (vers le nord, ai-je appris), pour une histoire démarrant vers 1850.

Cette fois, peu de personnages. Catherine est la fille du docteur Sloper. A 20 ans passés, elle n'a pas grand chose pour attirer les prétendants. Ni belle ni laide, timide, obéissant  à son père, d'intelligence moyenne. Mais elle est plutôt riche et le sera encore plus. Autant dire que son père n'apprécie pas du tout la cour que lui fait Morris Townsend, d'après lui plus attiré par l'argent de Catherine que par ses qualités. Lavinia Penniman, tante de Catherine, prend fait et cause pour le jeune couple, jusqu'à franchement pousser le bouchon un peu loin. Le temps passe, père et fille effectuent le classique voyage en Europe (une année entière!), les lignes ont-elles bougé?

Subtilité ironique, voilà une des marques de James, très fort pour explorer l'intérieur de ses personnages, en gardant un flou cependant. Je m'interroge encore sur ce que ressentaient réellement les héros, sur leurs motivations profondes, en tout cas des zones d'ombre demeurent, à chacun de picorer les indices. A chacun aussi de se satisfaire ou pas de la fin.

Les avis de cléanthe, une vie à lire, nathalie,


jeudi 15 août 2019

La France (chroniques)

La France
Chroniques
Aurélien Bellanger
Gallimard / France culture, 2019





Simplissime en apparence : des chroniques quotidiennes sur France Culture, d'août 2017 à décembre 2018, on imprime et voilà. Mais Aurélien Bellanger, que je découvre ici, est un type qui sait appâter le lecteur par des accroches souvent autobiographiques et pleines d'humour, pour le conduire mine de rien à des réflexions fichtrement intelligentes et fines sur la France en général, mâtinées souvent de philosophie.

"J'aime beaucoup les timbres, les images d'Epinal et BFM sans le son." conduira à Macron et Charlemagne.
"J'ai commencé cet été les Mémoires de Saint-Simon. Moitié par curiosité, c'est un monument de notre littérature, moitié par masochisme. Non pas que cela soit difficile à lire - Les Mémoires de Saint-Simon, c'est une excellente lecture de plage, c'est Voici à la cour du Roi-Soleil, c'est la vie intime des célébrités d l'époque, c'est cruel comme une photo zoomée sur la cellulite d’une célébrité, c'est méchant comme un paparazzi dans un tunnel."
Son papier sur Houellebecq (qu'il admire) mériterait d'être cité in extenso.

Un (seul) avis sur Babelio, mais je le partage dans les deux sens du terme.

jeudi 8 août 2019

Dans le faisceau des vivants

Dans le faisceau des vivants
Valérie Zénatti
Editions de l'Olivier, 2019

Aharon Appelfeld est mort le 4 janvier 2018 et Valérie Zenatti l'apprend dans le taxi qui l'emmène à Orly, en route pour le retrouver - trop tard- à l'hôpital. Elle évoque longuement sa découverte de l'auteur, ses rencontres avec lui, son travail de traductrice, de ses romans, ou en interview. Elle visionne des vidéos. Elle est en deuil, comme pour un père, et dans la seconde partie du livre elle se rend à Czernowitz (Tchernivtsi aujourd'hui, en Ukraine), le jour anniversaire de la naissance d'Appelfeld, près de cette ville, le 16 février 1932). Se laissant porter par le hasard, puis choisissant de se rendre au bord du fleuve, non sans avoir vécu la veille une drôle d'expérience de sidération.

Un livre qui permet de mieux connaître Aharon Appelfeld (avoir lu au moins un de ses livres -c'est mon cas- ça aide quand même) et Valérie Zenatti.

Des passages permettant de saisir en partie la belle richesse de cet essai:

"Lorsque j'écris mes propres livres, je vis pendant plusieurs mois avec ceux que l'on appelle mes personnages, ils accomplissent leur travail de transformation intérieure, ils cherchent en moi une raison de vivre en éclairant quelques zones d'ombre sur leur passage et quand le livre est achevé, laissant derrière eux un sillage d'espoir fragile - d'autres les aimeront peu-être. Tandis que lorsque je traduis ses livres, ses personnages entrent en moi, pas à pas, et une fois la traduction terminée, ils ne me quittent plus, ils font partie de moi." VZ

"Avant de partager la même langue, avant que l'hébreu soit conquis au terme d'un combat où chaque mot introuvable était un désarroi amer et chaque mot correctement employé un soulagement, avant cela nous avons partagé le silence hébété des 'nouveaux immigrants'. Puis nous nous sommes mis à parler cette langue dans laquelle nous n'avions pas vécu, c'est-à-dire une langue dans laquelle nous n'avions pas découvert le monde ni été aimés, dans laquelle nous n’avions pas souffert non plus, et surtout dans laquelle n'étaient pas inscrits les silences de l'enfance. Nous nous sommes glissés dans l'hébreu comme dans des draps rugueux, dans une hospitalité qui créait grossièrement mais sûrement un espace inviolable par le passé, dont on pouvait se donner l'illusion qu'il n'avait pas eu lieu. Le merveilleux oubli avait aussi permis la renaissance." VZ

"Je me sens chez moi en Europe. Mes parents parlaient français et ils seraient malheureux aujourd'hui de voir que je ne le parle pas. C'étaient des gens laïcs, ils n'allaient jamais à la synagogue mais le jour de Kippour ils fermaient les volets et lisaient A la recherche du temps perdu." AA

Les avis de Aifelle, Sylire, Laure,

lundi 5 août 2019

Long island

Long Island
Orient
Christopher Bollen
Calmann-Lévy, 2017
Traduit par Nathalie Peronny


Ballotté durant son enfance dans des familles d’accueil en Californie, le jeune Mills file à l'est, commence à s'enfoncer dans une vie précaire à New York, puis est repêché par Paul, un quadragénaire originaire d'Orient, petite bourgade à l'est de Long Island, qui l'engage pour des travaux dans sa maison.

Décès plus ou moins suspects, incendie criminel, découverte de créatures étranges sur la plage, se succèdent à Orient, quasiment dès l'arrivée de Mills, et le voilà pris dans un filet car tout concourt à le désigner comme coupable. Paul le défend, ainsi que Beth, son amie avec laquelle ils vont démarrer une enquête.

Ce gros roman n'est pourtant pas qu'un bon suspense bien mené, c'est aussi une vision non dénuée d'humour de ce petit monde où se côtoient, s'épient, se fréquentent les nouveaux arrivés à Orient, souvent artistes, riches parfois, se lançant alors dans des travaux de rénovation, et les anciennes familles, attachées à leurs habitudes, mais même parmi eux des scissions se font jour. Par exemple Paul et Beth ont été élevés à Orient, mais sont partis  à Manhattan et sont revenus. Beth, artiste n'ayant pas connu le succès, s'interroge sur son désir d'avoir un enfant avec Gavril, son époux originaire de Roumanie,qui lui vend bien ses œuvres.

Des avis, Babelio,

Un gros pavé qu'on ne lâche pas, idéal pour le challenge de Brize. En fait j'avais lu les dernières pages, mais l'intérêt était toujours là, au contraire : bon point pour ce roman!

lundi 29 juillet 2019

Dans la lumière

Dans la lumière
Flight Behavior
Barbara Kingsolver
Rivages, 2013



Après Un jardin dans les Appalaches (non fiction), Barbara Kingsolver propose à son lecteur un roman se déroulant dans ce même coin des Etats-Unis. Y être né n'est pas forcément un cadeau, et bien des personnages, à commencer par Dellarobia, font partie des petits blancs pauvres, comptant chaque dollar, même dans les magasins de seconde main ou à bas prix. Deux passages fort dialogués racontent ces courses, c'est parlant; sinon, le mari et la belle-famille de Dellarobia sont de petits exploitants agricoles et élèvent des moutons. Elle a fréquenté le lycée (mais les professeurs n'étaient pas tous bons), renoncé à poursuivre des études (bien des difficultés, surtout tomber enceinte à 17 ans). Son mari n'est pas parfait mais gentil, cependant Dellarobia rêve toujours...

Un jour elle découvre dans les collines derrière sa maison une colonie de millions de papillons monarques venus là lors de leur migration.
"Les gens, elle et les autres, étaient des rocs humains dans le courant d'insectes. Ils avaient pénétré dans une rivière de papillons et le flot, indifférent, se ruait en direction de la vallée, n'obéissant à rien sinon à sa propre force. Les papillons traversaient continuellement son champ de vision, flocons noir orange qui la faisaient cligner des yeux, et se fondaient au loin en une masse confuse et chaotique, et elle trouvait franchement impossible de croire ce que ses yeux lui révélaient. Ou ses oreilles : le bruissement sans fin, comme une robe de taffetas."
https://www.monnuage.fr/photos/point-d-interet/251106#
Les médias s'en mêlent, arrive le professeur Ovid Byron, spécialiste des ces lépidoptères, ainsi que son équipe.

Deux fils dans ce roman, la vie de cette petite communauté d’américains ne bougeant pas de leur coin, et le changement environnemental vu à travers le papillon monarque. C'est très bien fait, les idées sont bien amenées, on conçoit le choc de deux mondes, et on s'attache aux personnages.

"ça la sciait , de faire partie des gens qui voyaient le monde tel qu'il était avant. Tandis que les gosses faisaient leur chemin." Quand elle se rend compte que sa fille joue avec un vieux modèle de téléphone (" boîtier massif, cordon, combiné, cadran"), sans savoir que cela servait à téléphoner, car pour elel un ténéphone est dans la poche, on le fait glisser pour l'ouvrir..

Des avis : Brize, assez mitigée, mais aussi Dominique (et comme d'habitude des photos superbes), clara, papillon,