lundi 23 décembre 2019

Noël et préjugés

Noël et préjugés
Histoires drôles et romantiques
Six auteures différentes
Charleston poche, 2019


La comédie romantique à la française? Pourquoi pas, me dis-je en découvrant ce livre dans ma boîte aux lettres! Idéal d'ailleurs pour un voyage en train (j'ai voyagé le 1er décembre).

Forcément je savais ce que j'allais y trouver, c'est d'ailleurs le côté attendu de ce genre d'histoires qui en fait le charme. On sait que mademoiselle et monsieur vont se rencontrer - ou se revoir- et que la fin sera satisfaisante pour les petits cœurs romantiques. Forcément ce n'est pas de la 'haute littérature', d'ailleurs elle ne le prétend pas, c'est comme les friandises chocolatées, ça fait du bien, mais point trop n'en faut.

Donc, sans revenir sur le genre de ces nouvelles, voyons ce qu'elles valent à mes yeux. Le point commun, c'est Noël, et Orgueil et préjugés, ce qui est attirant a priori. Cinq héroïnes (dont quatre ont un prénom se terminant pas a) et un héros. Quatre histoires dans un milieu fermé, cause géographique ou météorologique (la neige!). De l'humour, oui, et pas trop de nunucheries. Ni de détails trop précis. Le format est celui de la nouvelle et finalement, surtout quand des personnages secondaires sont bien croqués, quand l'art de l'ellipse est maîtrisé, cela donne des réussites certaines. Un livre à glisser sous le sapin?

A part ça, bonnes fêtes et à l'année prochaine, j'ai besoin de lever le pied!

jeudi 19 décembre 2019

Opus 77

Opus 77
Alexis Ragougneau
Viviane Hamy, 2019


Dans la famille Claessens, vous avez le père, pianiste virtuose, puis chef d'orchestre en charge de l'orchestre de la suisse Romande. La mère, soprano prometteuse à la carrière stoppée. Le fils, David, violoniste virtuose en opposition avec son père (déjà, il a choisi le violon plutôt que le piano...). La fille Ariane, elle, pianiste virtuose internationale, la narratrice de l'histoire, commençant lors de l'enterrement de son père puis déroulant le fil (ha ha, le fil d'Ariane) du passé, enfin, celui dont elle se souvient.

J'ai l'air badine, mais il le faut pour vivre dans l'air étouffant de cette histoire où les crises sont fréquentes, la tension présente. On respire peu, pas d'éclaircies. j'avoue avoir lu ce roman surtout pour le côté musical, et là, oui, c'est formidable, la façon dont Alexis Ragougneau décrit l'art de jouer piano ou violon, voire diriger un orchestre, les pressions des concours, les répétitions vers la perfection.

Et surtout l'opus 77 de Dmitri Chostakovitch, compositeur dont la vie n'a pas été jonchée de roses, il faut déjà le dire. Cet opus 77 jouera à plusieurs reprises un rôle essentiel dans la vie des personnages, particulièrement quand David se présente au concours Reine Elisabeth (connu des blogueurs aussi grâce à Anne qui en parle chaque année, oui?). Bref, cet opus 77 est magnifiquement expliqué en détail!

La narration est parfaitement maîtrisée, mais j'avoue avoir lu une partie du roman en mode presto, par manque d'empathie avec les personnages (la mère demeure une ombre) et l'impression qu'on n'évolue pas trop, après un début en fanfare.

lundi 16 décembre 2019

Le temps de la haine

Le temps de la haine
Rosa Montero
Metailié, 2019
Traduit par Myriam Chirousse


Au départ, ce troisième volume des aventures de la réplicante Bruna Husky, dans ce Madrid du 22ème siècle, ne m'attirait pas trop. Et puis je me suis laissée happer rapidement.

On retrouve avec plaisir le petit groupe de ses amis et connaissances des tomes précédents; pour les nouveaux lecteurs, pas de souci, le rappel est rapide. Cette fois, Lizard, l'inspecteur avec lequel finalement elle a une relation amoureuse, a disparu, enlevé par une association terroriste assez floue, dont les objectifs ne sont pas forcément mauvais, dans ce monde où eau et air sont payants et où un petit nombre d'entreprises tirent toutes les ficelles, mais dont les méthodes sont radicales (on assassine un otage chaque soir)

Des passages inoubliables, quand Bruna flotte dans le cosmos, admirant le paysage. Quand elle découvre une communauté indépendante de l'énergie, lors d'une gigantesque panne. Quand elle complète un puzzle, découvrant qu'infiniment grand et infiniment petit se rejoignent. Quand des informations exactes sont distillées. Bref, j'étais scotchée.
Et la fin, wahou!

Il serait dommage de se priver de cette lecture sous prétexte que c'est SF, parce que franchement c'est de l'excellente littérature. Un regard intelligent sur notre monde, qui pousse à réfléchir, et du suspense. Mais que demander de plus?

Voir les avis de Actu du noir,

jeudi 12 décembre 2019

Une révolution sexuelle?

Une révolution sexuelle?
Réflexions sur l'après-Weinstein
Laure Murat
Stock, Puissance des femmes, 2018



Dès le départ, j'étais décidée, si on tombe dans le pamphlet, le féminisme pur et dur, le style abscons et l'écriture inclusive à chaque coin de page, j'abandonne!
Hé bien non, dès le premier chapitre et tout du long, Laure Murat, dont j'ai apprécié les deux livres déjà lus, opte pour un ton mesuré, informatif, engagé bien sûr, mais laissant place à des questionnements et des ouvertures. J'ai lu les 150 pages (suivies de notes si on veut) avec intérêt et sans fatigue.

"Ces réflexions sont davantage des pistes que des développements fouillés. C'est un texte plein de raccourcis inévitables, écrit au galop, où je lance des hypothèses comme des cailloux sur le chemin. Je m'interroge tout haut. Je pose des questions auxquelles, souvent, je n'ai pas de réponse. J'invite au dialogue et à la contradiction.
Ce n'est pas un livre sur l'affaire Weinstein, mais bien sur l'après-Weinstein, ses retombées, et ce que nous sommes libres d'en faire aujourd'hui (ou pas). Je mesure très bien, en tant qu'historienne, les risques d'écrire un livre d'intervention en pleine actualité. Je les assume parce que je crois que contribuer à la conversation démocratique vaut mieux que de rester dans son coin."

L'avantage de Laure Murat, c'est qu’elle habite aux Etats-Unis la plupart du temps, et en France. Elle connaît donc les différences dans les lois, la justice, les mentalités. Par exemple pour le harcèlement en entreprise, normalement mieux prévenu en Amérique. Mais à l'arrivée les plaintes et les résultats sont similaires en pourcentages.

Elle évoque l'affaire Weinstein, bien sûr, mais aussi Polanski (son livre a été terminé en 2018) et Woody Allen (pages intéressantes sur le monde du cinéma) ainsi que le domaine de la chanson, avec Orelsan et Cantat. Toujours des interrogations sur différencier l'auteur et son oeuvre, bref, un livre d'actualité.

Des avis sur babelio,

lundi 9 décembre 2019

Un monstre et un chaos

Un monstre et un chaos
Hubert Haddad
Zulma, 2019



Le titre vient d'une citation de Blaise Pascal et le roman propose en exergue une autre de Primo Levi. Tout démarre avec un gamin, Alter, qui a vu toute sa famille assassinée lors de l'attaque de son shetl par l'armée allemande en 1939. Dans sa fuite, il finit par arriver à Lodz, plus précisément dans le ghetto où vivent (survivent) au départ plus de 200 000 personnes. Le responsable de la communauté, Chaïm Rumkovski (personnage historique) a promis aux allemands de faire du ghetto un endroit rentable, où les juifs travailleraient dans des usines. Au fil du temps les habitants disparaissent, emmenés dans des camps, mais Rumkovski tient ferme, et dans un célèbre discours demande aux parents de donner leurs enfants... Une lecture forcément difficile, illuminée par Alter, devenu un talentueux marionnettiste.

L'auteur a vraiment bien reconstitué la vie dans les villes et villages habités en majorité par une communauté juive, puis celle dans ce ghetto ayant perduré jusqu'en 1944. Son écriture parfois précise et factuelle, voire ironique, parfois plus imagée et imaginaire peut utiliser des mots yiddish sans que cela gêne la compréhension globale.

A découvrir pour la dimension historique. Après ma lecture, j'ai recherché des informations sur Rumkovski et surtout le photographe Henryk Ross, qui sous couvert de travail officiel a laissé plein de photographies accusatrices sur le ghetto (fouinez sur internet).

Les avis de Lyvres, jostein, alex,

jeudi 5 décembre 2019

La panthère des neiges

La panthère des neiges
Sylvain Tesson
Gallimard, 2019



En 2018, Sylvain Tesson accompagne Vincent Munier, photographe animalier, dans des zones arides et glacées du Tibet, avec comme objectif : voir la fabuleuse panthère des neiges, quasi disparue! Il a eu plus de chance que Peter Matthiesen au Népal en 1973, puisque lui, Tesson, l'a vue à diverses reprises, mais pour cela il lui  a fallu découvrir les vertus de l'affût et de la patience.

A vous de découvrir ce récit qui vous entraînera loin bien loin. Mis à part la panthère, on trouve des loups (une conversation complètement azimutée de Munier avec un loup!), des yacks, des sortes de chèvres, des chirous (antilopes) et une famille s’occupant de son troupeau!

"Les yacks viennent des époques immémoriales: ce sont les totems de la vie sauvage, ils étaient sur les murs paléolithiques, ils n'ont pas varié, on dirait qu'ils s’ébrouent d'une caverne." (Munier) ('Il avait l'air aussi peu inquiet qu'une hôtesse d'Air France dans les turbulences')

En plus de détails sur la panthère (qui a un côté gros félin feignasse, quand même), et de considérations sur les chasseurs (pas nos copains), les chinois envahisseurs avec leur technologie (pareil), le Tao et autres, la vie sauvage en général, une ex de Tesson, j'ai appris que 'Tesson signifiait blaireau en vieux français' (un animal de nos contrées, méchamment chassé et tué).

Mon avis est assez mitigé, des pages sublimes, d'autres lassantes (non, ce ne sont pas celles des descriptions et de l'affût, ça j'aime) et le gros choc de la photo page 123, où les petits tibétains ont tout de suite vu la panthère (moi j'ai cherché)

Si vous voulez baver sur des photos de panthère des neiges, vous avez Tibet minéral animal (Munier) ou le dernier numéro de Terre sauvage, je dis ça je dis rien.

Des avis sur babelio (beaucoup de citations), les fanas de livres,

Un blaireau
Allez, je suis sympa, j'ai une vidéo scotchante (OK le commentaire audio y va un poil fort)(mais purée comment font-ils pour filmer des trucs pareils, j'en suis baba!) et surtout, dans les commentaires, quelqu'un parle de rencontres au cours de treks, à lire! Perso je n'oublie pas les fois où j'ai vu du 'sauvage'  à moins de 40 km de chez moi, l'inattendu, c'est le meilleur, n'en déplaise à Tesson (et puis on n'a pas à se rendre au bout du monde par moins 30 degrés).
Les avis de Athalie, et je découvre ce matin le billet tout récent de D'autres vies que la mienne.

lundi 2 décembre 2019

L'envers du temps

L'envers du temps
Recapitulation; 1979
Wallace Stegner
Gallmeister, 2017
Traduit par Eric Chédaille



Et voila, le charme de Wallace Stegner a encore une fois agi! Pourtant il s'agissait là de reprendre les personnages de La montagne en sucre, particulièrement le jeune fils, Bruce Mason, qui, des décennies plus tard revient à Salt Lake City, après une carrière de diplomate, pas vraiment terminée, l'ayant emmené surtout au moyen orient.

A Salt Lake City, plus rien ne le retenait, ses parents et son frère y étant enterrés depuis longtemps, laissant des souvenirs douloureux et compliqués, comme ceux restant de Nola, son premier amour, qui l'a laissé tomber pour un autre.
Lui reste un ami de toujours, Joe, et une tante peu connue qui vient de décéder, d'où son retour obligé dans la ville de son adolescence.

Le voilà qui déambule dans une ville ayant bien sûr changé, à la recherche (ou l'évitement) de lieux connus.
"Toutes ses impressions souffraient de distorsion et d'ambiguïté. Regardant les bâtiments, il n'aurait su dire s'il s'en souvenait ou si sa mémoire meublait la rue d'objets qu’elle voulait familiers. Quoique vaguement préparé à observer des changements, il n'avait pas prévu à quel point le connu et l'inconnu pouvaient fusionner. Il connaissait cette rue, mais celle-ci le mettait mal à l'aise. Cela tenait-il à ce que, bien que pourvu des mêmes yeux, celui qui voyait et celui qui se souvenaient n'étaient pas les mêmes?" (p31)

Oui mais
"Dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d'y remettre le dentifrice. Le risque était qu'il finisse par verser dans la confusion. Car les côtés sombres qu'il ne pouvait manquer de se remémorer concernant cette ville étaient au moins aussi nombreux que les aspects sentimentaux et plaisants, et le seul fait de chercher à s'y soustraire les faisait remonter à la surface. S'il leur donnait libre cours, ils pouvaient revenir en masse comme des mouches d'automne contre la fenêtre du grenier." (p 42)

Un livre sur la mémoire, son manque de chronologie, ses évitements (et leur impossibilité)? Oui, mais ne pas s'imaginer du systématique, Wallace Stegner renouvelle les façons dont il se remémore le passé, y compris avec une caméra imaginaire. Et c'est passionnant, on a une 'vraie' histoire, dont on connaît bien sûr la fin, mais peu importe, les péripéties se découvrent avec avidité. Ajoutons une merveilleuse façon de décrire les paysages (nature writing bien sûr!), un art de la comparaison et de l'image, visible dans les passages cités plus haut, beaucoup de tendresse, un poil de drôlerie et autant de tragique.

La fin peut étonner, mais découle logiquement de ce qui précède.

Un passage lors de l'enterrement de sa tante, décédée fort âgée, avec un orage qui gronde, et où assistent seulement des dames de sa maison de retraite.
"Ces dames, qui avaient probablement savouré à l'avance cet enterrement comme une occasion de sortir, observaient Mason avec intérêt, le ciel avec inquiétude, le cercueil avec l'empathie chiffonnée de la prémonition." Franchement, quel génie de la concision!

Coup de coeur, forcément. De toute façon c'est (encore) un auteur chouchou.

Des avis lecture écriture, avec l'avis du Bouquineur, que j'enjoins de continuer à lire l'auteur! et chinouk,