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Affichage des articles du mai, 2022

Café sans filtre

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  Café sans filtre Jean-Philippe Blondel L'iconoclaste, 2022 Il m'attendait sur le présentoir de la médiathèque, au milieu de nouveautés plus policières, brutales et noires, alors j'ai craqué sur un espoir de douceur. L'envie qu'on me raconte des histoires, tout simplement. 2021, c'est l'été, le bar est enfin ouvert. Salle, terrasse. A la manœuvre, José et Fabrice, deux potes d'enfance, finalement. Jocelyne, l'ancienne propriétaire, va passer le bout de son nez et prendre chaise; les clients, Chloé observant, revenue de Finlande, une mère et son fils, une femme solitaire, deux hommes dans la cinquantaine. Le lecteur pénètre dans leurs pensées et là les histoires se déroulent comme je le désirais, doucement. Des drames tout de même dans le passé, mais aussi un envol vers le futur pour la plupart.  J'ai beaucoup aimé ces tranches de vie narrées avec fluidité, vivacité, ces petites remarques au fil du texte sur notre époque, et j'aurais bien pri

Les marches de l'Amérique

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 Les marches de l'Amérique American Marchlands Lance Weller Gallmeister, 2017 Traduit par François Happe "Les étoiles avaient fini de faire leur entrée et maintenant toutes étaient accrochées à la place qui était la leur, sauf l'extravagante que le vieil homme indiquait avec sa pipe. - La comète de Biela, c'est comme ça qu'ils l'appellent." Chez Lance Weller, on lève souvent la tête vers le ciel, j'aime ce souci du détail qui date le récit. L'on suit les errances de Tom et Pigsmeat , ensuite rejoints par Flora . Encore une fois dans ce roman, des personnages inoubliables, forts. Dans cette première moitié du 19ème siècle, les Etats-Unis sont, disons, en croissance, les Indiens vont hélas s'en apercevoir encore. La violence est présente, l'esclavage pas encore aboli. Lance Weller a l'art de plonger ses personnages dans des situations lourdes de tension, et aussi de les amener à des réflexions profondes. Sa maîtrise de la narration, ses s

Partis sans laisser d'adresse

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  Partis sans laisser d'adresse Susin Nielsen hélium, 2019 Traduit par Valérie Le Plouhinec Allez, j'avoue, mais en bibli je fréquente (aussi) le rayon jeunesse, terminant (enfin!) la série Chi, une vie de chat, ses 12 tomes pleins de mignonnitude (mieux vaut aimer les chats) et vérifiant si un nouvel opus de Susin Nielsen ne serait pas apparu. Voici donc le quatrième sur cet écran! Pas grand chose de plus à ajouter à mes avis précédents : un roman jeunesse qui passe très bien quand on est adulte, un humour plutôt léger, de l'émotion, des sujets plus graves. Félix Knutson, suite aux soucis financiers de sa mère, doit vivre avec elle ('mais c'est provisoire!') dans un Combi VolksWagen. L'été à Vancouver, ça peut passer, mais l'automne arrive... Félix, lui, continue vaille que vaille à fréquenter le collègue, cachant sa situation à ses copains. Il rêve de participer à un jeu télé. Un côté gosse tout frais et sympathique, mais mature quand à la vie de sa mè

W ou le souvenir d'enfance

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W ou le souvenir d'enfance Georges Perec L'imaginaire Gallimard Denoël, 1975 (?)  "J'écris: j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur ombre indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir en est l'écriture; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie." Souvenirs d'abord, oui,  mais flous, parfois recréés, imprécis, revus des années après. Le jeune Georges Perec (pas d'accent, cela vient de Peretz, apprends-je) est né à Paris en 1936 de parents venus de Pologne. Le père sera blessé au début de la guerre et la maman, veuve de guerre, sera plus tard arrêtée, envoyée à Drancy, puis vers l'est, d'où elle ne reviendra pas. Le gamin, lui, sera à l'abri du côté de Villard de Lans, veillé par différentes tantes, réelles ou pas. Les chapitres de ce tex

555

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  555 Hélène Gestern arléa, 2022 1685 fut une année faste chère aux amoureux du baroque, car sont nés Bach, Haendel, et Scarlatti, ce dernier sans doute moins connu, mais c'est lui, Domenico, qu'évoque ce roman. 555 ? Figurez-vous que ledit Scarlatti a composé 555 sonates pour clavecin . Helène Gestern imagine que Grégoire Coblence, restaurant un étui de violoncelle, découvre dans la doublure ce qui pourrait être une 556ème sonate de Scarlatti. Son associé luthier Giancarlo Albizon est sceptique, mais Grégoire montre la partition à la claveciniste Manig Terzian, qui l'interprète et tombe sous le charme.  Qu'en faire? Cette partition ne leur appartient pas. L'affaire se corse quand l'atelier de Giancarlo est cambriolé, deux violons et la fameuse partition disparaissent. Mais le petit monde des spécialistes de Scarlatti, tels le musicologue Rodolphe Luzin-Farge et le richissime collectionneur Joris De Jonghe, a eu vent de l'événement, et les protagonistes du

Vis-à-vis

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 Vis-à-vis Before she knew him Peter Swanson Gallmeister, 2020 Traduit par Christophe Cuq Il y a une dizaine d'années de cela, Hen s'est crue menacée par une étudiante, et a tenté de l'agresser; depuis, diagnostiquée bipolaire, et bénéficiant d'un bon traitement, elle peut mener à bien son métier d'illustratrice, ayant trouvé l'atelier parfait non loin de la nouvelle maison qu'elle partage avec son mari Lloyd . Parmi les voisins, des liens semblent se créer avec Mira et Matthew , jusqu'à ce que lors d'un dîner chez eux, elle remarque dans le bureau de Matthew un objet relié à un meurtre. Objet que Matthew fait disparaître ensuite. Hen est certaine de connaître le coupable de ce meurtre non élucidé, mais elle sait que Matthew sait qu'elle sait. Pire, vu son passé, la police ne la croira pas. La tension monte, surtout grâce à l'évolution des rapports entre Hen et Matthew. La narration passe de l'un à l'autre. Jusqu'à la fin. Comme

Du temps où les pingouins étaient nombreux...

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  Du temps où les pingouins étaient nombreux... Jean-Jacques Audubon (1785-1851) Henri Gourdin Le Pommier, 2022 Audubon? Mais oui, Les oiseaux d'Amérique! Peut-être avez-vous en mémoire une de ces illustrations absolument bluffantes? Mais quant à Audubon, en France, on en sait quoi? Henri Gourdin, absolument fasciné par Audubon, et on le comprend, a consacré des années de sa vie à le connaître et le faire connaître par ses écrits, et là je suis ravie d'avoir reçu ce livre (merci à l'éditeur qui a flairé que j'étais la lectrice idéale pour cet ouvrage) (quoique, Géraldine, tu devrais aimer), que j'hésite à réduire sous les terme de biographie, ce qu'il est, mais bien plus encore. L'auteur s'implique entre les lignes, sa passion pour Audubon, les oiseaux, bref il y a une fibre écologique chez lui. De plus l'écriture fait que cela se lit avec bonheur. Ecologie, le mot est lâché! Audubon est considéré comme un des précurseurs, disons qu'il est de son

La guerre des mondes

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 La guerre des mondes War of the worlds, 1898 H.G. Wells folio, 2020 Traduit par Henry D. Davray Préface de Norman Spinrad (très intéressante mais qui raconte la fin, donc à lire après) Tout le monde (ou presque) a entendu parler de cette œuvre, et je pensais l'avoir déjà lue. Finalement, non, rien ne m'est revenu en mémoire au cours de ma lecture. Bien sûr, les Martiens, dotés d'une technologie leur permettant d'arriver sur Terre, ont pour projet de la conquérir, commençant par le sud est de l'Angleterre victorienne. Au début, les habitants sont intrigués, puis rapidement affolés, et fuient. L'armée ne peut rien contre les Martiens, qui emploient fumées toxiques et rayons incendiaires.  J'ai littéralement avalé ce roman, absolument fascinant de bout en bout. Le narrateur réside dans un petit village et se révèle, parfois sans le désirer, un témoin privilégié du désastre. Son domaine est la 'philosophie spéculative' et ses réflexions au fil du texte,

Les années sans soleil

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 Les années sans soleil Vincent Message Seuil, 2022 Depuis Les veilleurs, (un pavé à découvrir!), je considère Vincent Message comme un auteur à suivre, et ce ne sont pas ces 'années sans soleil' qui me feront changer d'avis. Tout démarre par les passagers d'un avion rembarqués fissa dans leur avion d 'arrivée, une impression de bizarrerie face à des autorités américaines rétives au dialogue, que se passe-t-il? Une anomalie?  Non, même si le flouté demeure quand Elias Torres le toulousain retrouve famille, amis et collègues. Les rues de Toulouse se vident, la plupart des commerces ferment, les déplacements sont restreints. Une guerre, un bug, un événement climatique? Non, le premier confinement évoqué sans insistance particulière. "Les années sans soleil, ce serait notre histoire à nous, celle de notre famille et de la bande qui l'entoure, et avant tout, peut-être, le récit incertain de mon histoire à moi." Ecrivain talentueux sans doute, mais assez co