Opération Sweet Tooth
Ian McEwan
Gallimard, 2014
Traduit par France Camus-Pichon
Au bout de quatre pages en compagnie de Serena Frome, "une erreur de la nature : une fille douée en maths", fille d'évêque (ça se passe en Angleterre), je suis allée vérifier le nombre de pages (plus de 400) et ai poussé un soupir d'aise : de longues heures de bonheur s'annonçaient.
Le lendemain, j'ai refermé le roman, terminé, pensant "sont vraiment forts ces (écrivains) anglais".
Une histoire de services secrets comme justement les anglais savent les écrire, Serena étant recrutée par le MI5 (mais à un échelon subalterne, c'est une femme). Une plongée dans les années 1970, les attentats (j'avais déjà oublié ça!) et la crise du pétrole (il y a vraiment eu cette histoire de semaine de trois jours?). Des nouvelles dans le roman, y compris l'intervention de probabilités, grâce à Serena. Très intéressant de réaliser comment Serena réagit à ces nouvelles écrites par Tom Haley, l'auteur qu'elle doit recruter à son insu, et dont elle tombe amoureuse. De l'amour, donc, une interrogation sur le travail de fiction, et un final superbe.
Les avis de clara, nathalie, dasola, kathel, reading in the rain,
vendredi 28 février 2014
mercredi 26 février 2014
Dora (tome 2) et Mauvais genre (de la BD, bien sûr)
Dora
L'année suivante à Bobigny
Minaverry
l'agrume, 2013
L'Algérie vient de devenir indépendante, en banlieue parisienne les terrains vagues ont laissé place aux barres d'immeubles, les Citroën modèles début années 60 sillonnent les routes. Après sa collecte de documents sur les nazis (en Allemagne) et ses recherches non abouties en Argentine (premier volume, peut se lire à part, finalement), Dora revient en France. Elle retrouve Odile, amoureuse de son copain d'enfance Didouche, qui ne pense qu'à Djamila. Une idylle se noue entre Dora et Geneviève, seule rescapée de sa famille tzigane après la guerre. Dora continue à œuvrer pour la collecte de témoignages sur les nazis (et sur les exactions policières en France en 1961), en collaboration avec Béatrice (avocate).
Dora, Odile et Geneviève racontent à tour de rôle leur histoire, de façon très intimiste. Mises à part quelques pages très colorées, aux moments très forts (première fois entre Dora et Geneviève, et lors d'un avortement), Minaverry utilise le noir et blanc avec la même splendeur que dans le premier volume. Maîtrisant parfaitement l'art de l'ellipse, il préfère souvent le dessin aux dialogues, quitte à représenter ce qui est dans la tête d'un personnage.Ce qui demande un peu d'attention au départ, mais en vaut la peine.
Rien n'est indiqué, mais tout laisse à penser qu'il y aura une suite. Par exemple pour la quête des ex-nazis.
Comme dit Béatrice
"Tu vois, Dora, il y a deux façons de chasser les nazis: l'amusante et la fastidieuse. L'amusante, c'est de les séquestrer avec un commandant du Mossad... La fastidieuse, c'est de chercher des témoins de leurs crimes pour qu'ils comparaissent devant la justice en Allemagne fédérale. Ma méthode, c'est la fastidieuse."
A découvrir.
Mauvais genre
Chloé Cruchaudet
Delcourt/Mirages, 2013
Sauf si vous revenez directement du Turkménistan (et encore...) vous connaissez l'histoire de Louise et Paul, tout jeune couple vite séparé par la mobilisation de Paul en 1914. Paul craque, il se mutile, déserte, et pour sortir de sa chambre où il se sent prisonnier, prend l'extérieur d'une femme.
L'extérieur, mais pas que. Il y prend plaisir, devient couturière, s'éclate au Bois de Boulogne. Alcool, folie, violence, souvenirs des tranchées... Il craque. Jusqu'au drame final.
Tout a été dit ou presque sur cette excellente BD, l'ambiguïté latente, la condition féminine (les conseils de la mère de Louise et de ses amies pour le bal, très éclairants), l'évolution de Paul (comme il se sent libre, habillé en femme!Comme il aime séduire!), le regard de la population sur les déserteurs (amnistiés dix ans après la fin de la guerre...) ; graphiquement, les gris, beiges, noirs, avec des taches de couleur rouge.
Je ne parlerai que de la page 3, qui m'a frappée en feuilletant à nouveau l'album: le président du tribunal quitte veste, chapeau masculins, pour enfiler sa robe de magistrat... Ironie de la situation. Finalement, cette BD mérite plusieurs lectures.
L'année suivante à Bobigny
Minaverry
l'agrume, 2013
L'Algérie vient de devenir indépendante, en banlieue parisienne les terrains vagues ont laissé place aux barres d'immeubles, les Citroën modèles début années 60 sillonnent les routes. Après sa collecte de documents sur les nazis (en Allemagne) et ses recherches non abouties en Argentine (premier volume, peut se lire à part, finalement), Dora revient en France. Elle retrouve Odile, amoureuse de son copain d'enfance Didouche, qui ne pense qu'à Djamila. Une idylle se noue entre Dora et Geneviève, seule rescapée de sa famille tzigane après la guerre. Dora continue à œuvrer pour la collecte de témoignages sur les nazis (et sur les exactions policières en France en 1961), en collaboration avec Béatrice (avocate).
Dora, Odile et Geneviève racontent à tour de rôle leur histoire, de façon très intimiste. Mises à part quelques pages très colorées, aux moments très forts (première fois entre Dora et Geneviève, et lors d'un avortement), Minaverry utilise le noir et blanc avec la même splendeur que dans le premier volume. Maîtrisant parfaitement l'art de l'ellipse, il préfère souvent le dessin aux dialogues, quitte à représenter ce qui est dans la tête d'un personnage.Ce qui demande un peu d'attention au départ, mais en vaut la peine.
Rien n'est indiqué, mais tout laisse à penser qu'il y aura une suite. Par exemple pour la quête des ex-nazis.
Comme dit Béatrice
"Tu vois, Dora, il y a deux façons de chasser les nazis: l'amusante et la fastidieuse. L'amusante, c'est de les séquestrer avec un commandant du Mossad... La fastidieuse, c'est de chercher des témoins de leurs crimes pour qu'ils comparaissent devant la justice en Allemagne fédérale. Ma méthode, c'est la fastidieuse."
A découvrir.
Mauvais genre
Chloé Cruchaudet
Delcourt/Mirages, 2013
Sauf si vous revenez directement du Turkménistan (et encore...) vous connaissez l'histoire de Louise et Paul, tout jeune couple vite séparé par la mobilisation de Paul en 1914. Paul craque, il se mutile, déserte, et pour sortir de sa chambre où il se sent prisonnier, prend l'extérieur d'une femme.
L'extérieur, mais pas que. Il y prend plaisir, devient couturière, s'éclate au Bois de Boulogne. Alcool, folie, violence, souvenirs des tranchées... Il craque. Jusqu'au drame final.
Tout a été dit ou presque sur cette excellente BD, l'ambiguïté latente, la condition féminine (les conseils de la mère de Louise et de ses amies pour le bal, très éclairants), l'évolution de Paul (comme il se sent libre, habillé en femme!Comme il aime séduire!), le regard de la population sur les déserteurs (amnistiés dix ans après la fin de la guerre...) ; graphiquement, les gris, beiges, noirs, avec des taches de couleur rouge.
Je ne parlerai que de la page 3, qui m'a frappée en feuilletant à nouveau l'album: le président du tribunal quitte veste, chapeau masculins, pour enfiler sa robe de magistrat... Ironie de la situation. Finalement, cette BD mérite plusieurs lectures.
lundi 24 février 2014
La langue d'Altmann
La langue d'Altmann
Altman's tongue, 1994
Brian Evenson
le cherche midi, Lot49, 2014
Traduit par Claro
Après Père des mensonges (à découvrir, c'est sûr), Baby Leg (perplexe je suis), j'ai découvert le nouvel opus de Brian Evenson, en fait son premier publié. Je dirais qu'il s'agit de nouvelles, des textes courts (de une à 15 pages, en gros), et quelques uns plus longs, tels La fenêtre de Munich, à l'ambiguïté réussie, Elle : ses autres corps : un récit de voyage, où un serial killer laisse les cadavres féminins derrière lui, au fil des Etats, et surtout la réjouissante Affaire Sanza, une enquête policière un peu dingue, policiers ripoux, vrai et faux témoignages se mêlant.
Certains textes m'ont laissée dubitative, mais jamais indifférente. Détails affreux, cruels, sordides, protégeons-nous me disais-je. Une écriture incroyablement prenante, c'est certain. Un écrivain prometteur, dès le début. Pour sortir des sentiers battus...
L'avis du traducteur, de Unwalkers,
Mois de la nouvelle, chez Flo.
Merci à l'éditeur et Solène P.
Altman's tongue, 1994
Brian Evenson
le cherche midi, Lot49, 2014
Traduit par Claro
Après Père des mensonges (à découvrir, c'est sûr), Baby Leg (perplexe je suis), j'ai découvert le nouvel opus de Brian Evenson, en fait son premier publié. Je dirais qu'il s'agit de nouvelles, des textes courts (de une à 15 pages, en gros), et quelques uns plus longs, tels La fenêtre de Munich, à l'ambiguïté réussie, Elle : ses autres corps : un récit de voyage, où un serial killer laisse les cadavres féminins derrière lui, au fil des Etats, et surtout la réjouissante Affaire Sanza, une enquête policière un peu dingue, policiers ripoux, vrai et faux témoignages se mêlant.
Certains textes m'ont laissée dubitative, mais jamais indifférente. Détails affreux, cruels, sordides, protégeons-nous me disais-je. Une écriture incroyablement prenante, c'est certain. Un écrivain prometteur, dès le début. Pour sortir des sentiers battus...
L'avis du traducteur, de Unwalkers,
Mois de la nouvelle, chez Flo.
Merci à l'éditeur et Solène P.
vendredi 21 février 2014
Lu, mais sans plus, quoi.
Deux lectures qui m'ont laissée de côté, mais dont je parle tout de même (le vieux débat, doit-on parler de ce qui n'a pas vraiment plu). Deux envois (non demandés) de différentes maisons d'édition, des parutions récentes. Des auteurs français (ceux qui me connaissent savent que déjà il peut y avoir un os).
Bien évidemment ces deux romans ne sont pas mauvais, chacun a des qualités (que je pointe, d'ailleurs), ils ont demandé temps et énergie à leurs auteurs, le premier surtout a toutes les qualités pour plaire à des lecteurs moins compliqués que moi.
Sans oublier
Ariane Bois
Belfond, 2014
La narratrice (mais quel est son prénom? En écrivant ce billet je réalise qu'il m'a échappé) travaille dans une agence de pub parisienne, elle est mariée avec l'Homme. Deux enfants de six et trois ans. Rien à signaler, à part une belle-mère pestissime (et réussie).
Jusqu'au moment où sa mère décède dans un accident d'hélicoptère. Ce deuil la terrasse, remontent les souvenirs du suicide de son frère. Bref, elle est à ramasser à la petite cuillère, tentative de suicide, hospitalisation. Peur de nuire à ses propres enfants. Son couple vacille. Elle fuit.
Au Chambon-sur-Lignon, où son père a passé quelques moments de vacances (famille protestante), elle noue une relation avec Sylvain, et découvre les liens entre Jeanne, la mère de Sylvain, et sa propre mère, qui lui avait caché une partie de son passé.
Pendant le premier quart du roman, j'ai eu envie de laisser tomber. Sarkozy passe même en fond de décor (l'histoire de la maternelle de Neuilly, en 1993). Je me suis souvenue de connaissances ayant vécu bien pire comme deuils (mais y-a-t-il une échelle, après tout?). La narratrice, centrée sur elle-même, ne rendait pas son histoire un peu universelle, et je restais de marbre.
Puis le déclic s'est fait, l'intérêt est venu, et j'ai terminé ma lecture (ce qui est à l'honneur du roman!).
Même si les relations avec Sylvain m'ont paru inutiles et que les secrets de famille ou les trucs cachés ne sont toujours pas ma tasse de thé, et, hélas, entravent l'objectivité de mes avis. J'ai aussi du mal à comprendre qu'elle ait laissé son mari trois jours sans nouvelles, le laissant avec les commissariats, les hôpitaux... Q'elle veuille prendre du recul, d'accord, protéger ses enfants, d'accord, mais le laisser plongé dans l'inquiétude, quand même...
Si vous ne connaissez pas l'histoire du Chambon pendant la seconde guerre mondiale, c'est à découvrir, bien sûr.
Conclusion : comme je le savais déjà, ce genre de fiction intimiste n'est pas vraiment pour moi.
Comédie romantique
André Bessy
Flammarion, 2014
Là nous frôlons la chick lit, avec Victoire, éditrice trentenaire en quête du grand amour (sans cracher sur des relations concrètes et menées tambour battant) et sentant son horloge biologique s'accélérer. Contrairement je suppose à la majorité des femmes, elle a du choix (et du bon): Guillaume Béranger, romancier dans son écurie, Louis Karkoël, mannequin à ses heures (donc sûrement bien regardable) et Stéphane Constantini, footballeur au PSG (noooooooon? si!).
Alors, qui va la conquérir? Suspense plutôt bien mené.
L'histoire ma foi, si on aime - et c'est mon cas- un peu de légèreté dans ses choix de lecture, n'est pas plus mal trouvée que bien d'autres. Les dialogues sont de type ping pong, badinage assez spirituel.
Mais cependant j'ai terminé en diagonale, pas fichue de m'intéresser à ces gens, au hasard, Stéphane et Victoire dans le chalet en Suisse, ou Victoire et les compagnes de footballeurs, Louis et son ego, etc...
D'ordinaire je ne suis pas regardante, mais là:
page 19 : "Cette dernière [Laure] ramena à elle ses jambes interminables"
page 21 : Laure, encore elle, possède une "chevelure interminable"
L'écriture manque de fluidité:
"Après une série de zigzags où elle évita avec soin de se faire alpaguer, elle atteignit son but et se planta bien en face du jeune homme dont le regard interrogateur alla du visage de sa voisine à celui de l'intruse. Ce dernier, qui n'avait pas d'autre choix que d'entamer la conversation, tergiversa un peu avant de trouver ses mots."
Je n'ai rien contre les imparfaits du subjonctif, et là j'étais comblée, mais évidemment je tique en lisant "combien de fois j'ai pu affirmer" au lieu de, pour être en phase avec le reste, ai-je pu.
Pour m'achever, il y a aussi une sombre histoire de maraboutage qui m'a laissée ... les yeux ronds!
Conclusion : du léger, je veux bien, mais du pétillant moins sirupeux.
mamantitou n'a pas adhéré non plus.
Bien évidemment ces deux romans ne sont pas mauvais, chacun a des qualités (que je pointe, d'ailleurs), ils ont demandé temps et énergie à leurs auteurs, le premier surtout a toutes les qualités pour plaire à des lecteurs moins compliqués que moi.
Sans oublier
Ariane Bois
Belfond, 2014
La narratrice (mais quel est son prénom? En écrivant ce billet je réalise qu'il m'a échappé) travaille dans une agence de pub parisienne, elle est mariée avec l'Homme. Deux enfants de six et trois ans. Rien à signaler, à part une belle-mère pestissime (et réussie).
Jusqu'au moment où sa mère décède dans un accident d'hélicoptère. Ce deuil la terrasse, remontent les souvenirs du suicide de son frère. Bref, elle est à ramasser à la petite cuillère, tentative de suicide, hospitalisation. Peur de nuire à ses propres enfants. Son couple vacille. Elle fuit.
Au Chambon-sur-Lignon, où son père a passé quelques moments de vacances (famille protestante), elle noue une relation avec Sylvain, et découvre les liens entre Jeanne, la mère de Sylvain, et sa propre mère, qui lui avait caché une partie de son passé.
Pendant le premier quart du roman, j'ai eu envie de laisser tomber. Sarkozy passe même en fond de décor (l'histoire de la maternelle de Neuilly, en 1993). Je me suis souvenue de connaissances ayant vécu bien pire comme deuils (mais y-a-t-il une échelle, après tout?). La narratrice, centrée sur elle-même, ne rendait pas son histoire un peu universelle, et je restais de marbre.
Puis le déclic s'est fait, l'intérêt est venu, et j'ai terminé ma lecture (ce qui est à l'honneur du roman!).
Même si les relations avec Sylvain m'ont paru inutiles et que les secrets de famille ou les trucs cachés ne sont toujours pas ma tasse de thé, et, hélas, entravent l'objectivité de mes avis. J'ai aussi du mal à comprendre qu'elle ait laissé son mari trois jours sans nouvelles, le laissant avec les commissariats, les hôpitaux... Q'elle veuille prendre du recul, d'accord, protéger ses enfants, d'accord, mais le laisser plongé dans l'inquiétude, quand même...
Si vous ne connaissez pas l'histoire du Chambon pendant la seconde guerre mondiale, c'est à découvrir, bien sûr.
Conclusion : comme je le savais déjà, ce genre de fiction intimiste n'est pas vraiment pour moi.
Comédie romantique
André Bessy
Flammarion, 2014
Là nous frôlons la chick lit, avec Victoire, éditrice trentenaire en quête du grand amour (sans cracher sur des relations concrètes et menées tambour battant) et sentant son horloge biologique s'accélérer. Contrairement je suppose à la majorité des femmes, elle a du choix (et du bon): Guillaume Béranger, romancier dans son écurie, Louis Karkoël, mannequin à ses heures (donc sûrement bien regardable) et Stéphane Constantini, footballeur au PSG (noooooooon? si!).
Alors, qui va la conquérir? Suspense plutôt bien mené.
L'histoire ma foi, si on aime - et c'est mon cas- un peu de légèreté dans ses choix de lecture, n'est pas plus mal trouvée que bien d'autres. Les dialogues sont de type ping pong, badinage assez spirituel.
Mais cependant j'ai terminé en diagonale, pas fichue de m'intéresser à ces gens, au hasard, Stéphane et Victoire dans le chalet en Suisse, ou Victoire et les compagnes de footballeurs, Louis et son ego, etc...
D'ordinaire je ne suis pas regardante, mais là:
page 19 : "Cette dernière [Laure] ramena à elle ses jambes interminables"
page 21 : Laure, encore elle, possède une "chevelure interminable"
L'écriture manque de fluidité:
"Après une série de zigzags où elle évita avec soin de se faire alpaguer, elle atteignit son but et se planta bien en face du jeune homme dont le regard interrogateur alla du visage de sa voisine à celui de l'intruse. Ce dernier, qui n'avait pas d'autre choix que d'entamer la conversation, tergiversa un peu avant de trouver ses mots."
Je n'ai rien contre les imparfaits du subjonctif, et là j'étais comblée, mais évidemment je tique en lisant "combien de fois j'ai pu affirmer" au lieu de, pour être en phase avec le reste, ai-je pu.
Pour m'achever, il y a aussi une sombre histoire de maraboutage qui m'a laissée ... les yeux ronds!
Conclusion : du léger, je veux bien, mais du pétillant moins sirupeux.
mamantitou n'a pas adhéré non plus.
mercredi 19 février 2014
Charles Juliet : Lambeaux- Attente en automne-Journal-DVD
Lambeaux
Charles Juliet
folio, 2006
Ce livre qui me faisait peur, je l'ai finalement avalé quasiment d'un souffle. Une biographie/autobiographie indispensable à qui veut lire l'oeuvre de Charles Juliet, en particulier ses Journaux. En première partie, il évoque sa mère, avec le "tu", sa mère qu'il n'a jamais connue, puisqu'atteignant le fond de l'épuisement après quatre naissances rapprochées, elle a dû être hospitalisée et est morte en hôpital psychiatrique à l'époque où se pratiquait L'extermination douce sur les patients (années 40 en France). L'auteur a été placé dans une famille dont la mère est devenue son autre mère, à qui il a voulu rendre hommage. Dans cette seconde partie, le "tu" s'adresse à lui-même, racontant ses années d'enfant de troupe, puis d’écrivain.
Après avoir rédigé une vingtaine de pages de ce récit (1983), il doit abandonner. "Il remue en toi trop de choses pour que tu puisses le poursuivre. Si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie." Après avoir écrit L'année de l'éveil, il reprend Lambeaux et le termine (1995).
Charles Juliet use d'une écriture sobre; les faits, terribles, parlent d'eux-mêmes. Je ne raconte pas tout, histoire de laisser à découvrir, attention ça peut secouer tout de même. Les dernières pages seraient toutes à citer. Ouvrant vers l'espoir, la vie, la lumière, l'apaisement. Un récit formidable, qui marque.
Attente en automne
Charles Juliet
Nouvelles
POL, 1999
Trois nouvelles de 50 à 80 pages, narrées par un homme chez qui l'on reconnaît le goût de la sincérité, de la lucidité de l'auteur. Chaque fois l'amour arrive par surprise, est combattu dans Attente en automne où un trentenaire appelé à l'écriture, encore en recherche, n'ose penser à la jeune fille de ses hôtes paysans. Un âpre hiver pourra-t-il changer la donne? Combattu encore dans Maria, cette fois un jeune peintre est fasciné par Maria, en couple, se donnant au théâtre. Il préférera s'éloigner, mais sa vie demeure vide, il ne peint plus.
Le dernière et plus longue, Turbulences, met en lumière le parcours d'un chef d'entreprise voué à son travail, éloigné de sa famille. L'on découvrira sa blessure d'enfance. Au cours d'un voyage dans le Hoggar, il fait connaissance d'une photographe, il en tombe amoureux. Ses tentatives d'approche tombent à l'eau. Pour lui écrire, il fait appelle à un écrivain public. Une femme, un beau personnage, parlant avec chaleur et sensibilité de son métier.
Je voulais découvrir Charles Juliet auteur de nouvelles (fiction, en tout cas), j'y ai retrouvé son style direct, efficace, pesé. Et aussi beaucoup de lui-même dans ses héros entiers, à la croisée de chemins, désireux ou pas de faire bouger les choses, de se connaître mieux.
Je participe ainsi au Mois de la nouvelle, chez Flo.
Histoire de ne pas perdre la main, j'ai lu aussi la moitié du Journal II 1965-1968, intitulé Traversée de nuit , POL, 1997
Toujours le travail intérieur.
Juste quelques passages:
"Ce que mes yeux découvrent, dévorent, je cherche à le pénétrer, le comprendre; Ainsi à propos de tout et de rien, je poursuis en permanence une réflexion qui me permet de m'incorporer ce que mon regard me livre. Ensuite le processus créateur, alimenté par l'imaginaire et le discours intérieur, puisera dans ces matériaux amassés pour octroyer visage et pesanteur à ce qui en est dépourvu."
"En dehors de l'écriture, ce sont les contacts humains qui me procurent les joies les plus profondes. C'est pourquoi je vis chaque rencontre, chaque échange, avec le maximum de transparence, d'intensité."
Pour terminer, un DVD recommandé par le bibliothécaire,
Libre le chemin
Rencontre avec Charles Juliet
Un film de Rodolphe Barry
Abacaris films, 2002, 53 minutes passionnantes et indispensables
Charles Juliet
folio, 2006
Ce livre qui me faisait peur, je l'ai finalement avalé quasiment d'un souffle. Une biographie/autobiographie indispensable à qui veut lire l'oeuvre de Charles Juliet, en particulier ses Journaux. En première partie, il évoque sa mère, avec le "tu", sa mère qu'il n'a jamais connue, puisqu'atteignant le fond de l'épuisement après quatre naissances rapprochées, elle a dû être hospitalisée et est morte en hôpital psychiatrique à l'époque où se pratiquait L'extermination douce sur les patients (années 40 en France). L'auteur a été placé dans une famille dont la mère est devenue son autre mère, à qui il a voulu rendre hommage. Dans cette seconde partie, le "tu" s'adresse à lui-même, racontant ses années d'enfant de troupe, puis d’écrivain.
Après avoir rédigé une vingtaine de pages de ce récit (1983), il doit abandonner. "Il remue en toi trop de choses pour que tu puisses le poursuivre. Si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie." Après avoir écrit L'année de l'éveil, il reprend Lambeaux et le termine (1995).
Charles Juliet use d'une écriture sobre; les faits, terribles, parlent d'eux-mêmes. Je ne raconte pas tout, histoire de laisser à découvrir, attention ça peut secouer tout de même. Les dernières pages seraient toutes à citer. Ouvrant vers l'espoir, la vie, la lumière, l'apaisement. Un récit formidable, qui marque.
Attente en automne
Charles Juliet
Nouvelles
POL, 1999
Trois nouvelles de 50 à 80 pages, narrées par un homme chez qui l'on reconnaît le goût de la sincérité, de la lucidité de l'auteur. Chaque fois l'amour arrive par surprise, est combattu dans Attente en automne où un trentenaire appelé à l'écriture, encore en recherche, n'ose penser à la jeune fille de ses hôtes paysans. Un âpre hiver pourra-t-il changer la donne? Combattu encore dans Maria, cette fois un jeune peintre est fasciné par Maria, en couple, se donnant au théâtre. Il préférera s'éloigner, mais sa vie demeure vide, il ne peint plus.
Le dernière et plus longue, Turbulences, met en lumière le parcours d'un chef d'entreprise voué à son travail, éloigné de sa famille. L'on découvrira sa blessure d'enfance. Au cours d'un voyage dans le Hoggar, il fait connaissance d'une photographe, il en tombe amoureux. Ses tentatives d'approche tombent à l'eau. Pour lui écrire, il fait appelle à un écrivain public. Une femme, un beau personnage, parlant avec chaleur et sensibilité de son métier.
Je voulais découvrir Charles Juliet auteur de nouvelles (fiction, en tout cas), j'y ai retrouvé son style direct, efficace, pesé. Et aussi beaucoup de lui-même dans ses héros entiers, à la croisée de chemins, désireux ou pas de faire bouger les choses, de se connaître mieux.
Je participe ainsi au Mois de la nouvelle, chez Flo.
Histoire de ne pas perdre la main, j'ai lu aussi la moitié du Journal II 1965-1968, intitulé Traversée de nuit , POL, 1997
Toujours le travail intérieur.
Juste quelques passages:
"Ce que mes yeux découvrent, dévorent, je cherche à le pénétrer, le comprendre; Ainsi à propos de tout et de rien, je poursuis en permanence une réflexion qui me permet de m'incorporer ce que mon regard me livre. Ensuite le processus créateur, alimenté par l'imaginaire et le discours intérieur, puisera dans ces matériaux amassés pour octroyer visage et pesanteur à ce qui en est dépourvu."
"En dehors de l'écriture, ce sont les contacts humains qui me procurent les joies les plus profondes. C'est pourquoi je vis chaque rencontre, chaque échange, avec le maximum de transparence, d'intensité."
Pour terminer, un DVD recommandé par le bibliothécaire,
Libre le chemin
Rencontre avec Charles Juliet
Un film de Rodolphe Barry
Abacaris films, 2002, 53 minutes passionnantes et indispensables
lundi 17 février 2014
Mortels lundis
Mortels lundis
Mord ved Runddelen
Dan Turell
Ginkgo éditeur, 2004
Traduit par Sophie Grimal et Frédéric Gervais
"Un sombre pressentiment m'envahit. Chez les journalistes, c'est le métier qui vous rend parano ou c'est la parano qui vous fait choisir ce métier."
Plus qu'un polar, un roman noir, avec Copenhague en toile de fond. L'hiver, la pluie, le froid, et surtout la nuit. Le journaliste narrateur tombe sur le corps étranglé d'une jeune fille, un lundi soir, et suit l'enquête de son ami l'inspecteur Elhers.. Le meurtrier récidive le lundi suivant.
Une intrigue avec quelques moments plus palpitants, de l'humour souvent désabusé, mais surtout l'occasion de découvrir les quartiers populaires de la ville, des destins tristounets, les oiseaux de nuit, et deux personnages principaux un peu philosophes, attachants dans leurs facettes si humaines et leur façon de s'accrocher à leurs valeurs.
La fin : "Je frissonnai, songeant que l'équation humaine comportait bien des inconnues, et je me dis : mon pauvre, voilà que tu philosophes à cent sous de l'heure."
A découvrir!
L'auteur (site)
Mord ved Runddelen
Dan Turell
Ginkgo éditeur, 2004
Traduit par Sophie Grimal et Frédéric Gervais
"Un sombre pressentiment m'envahit. Chez les journalistes, c'est le métier qui vous rend parano ou c'est la parano qui vous fait choisir ce métier."
Plus qu'un polar, un roman noir, avec Copenhague en toile de fond. L'hiver, la pluie, le froid, et surtout la nuit. Le journaliste narrateur tombe sur le corps étranglé d'une jeune fille, un lundi soir, et suit l'enquête de son ami l'inspecteur Elhers.. Le meurtrier récidive le lundi suivant.
Une intrigue avec quelques moments plus palpitants, de l'humour souvent désabusé, mais surtout l'occasion de découvrir les quartiers populaires de la ville, des destins tristounets, les oiseaux de nuit, et deux personnages principaux un peu philosophes, attachants dans leurs facettes si humaines et leur façon de s'accrocher à leurs valeurs.
La fin : "Je frissonnai, songeant que l'équation humaine comportait bien des inconnues, et je me dis : mon pauvre, voilà que tu philosophes à cent sous de l'heure."
A découvrir!
L'auteur (site)
vendredi 14 février 2014
Shirley
Shirley
Paru en 1849
Charlotte Brontë
Archipoche, 2014
Traduit par Joseph Vilar
Préface d'isabelle Viéville Degeorges
Certains attachés de presse dégainent sans prévenir (je leur ai pourtant dit "n'envoyez pas sans savoir!")(en vain) mais quand il s'agit d'un nouvel opus de la collection Archipoche qui sort de l'oubli des titres d'auteurs victoriens (pour une somme modique!), je ne vais pas me plaindre.
Après Jane Eyre (1847) et avant Villette (1853), Charlotte Brontë a évoqué le Yorkshire du début du 19ème siècle, encore rural, mais dont les filatures ne pouvaient écouler leurs produits à cause des guerres napoléoniennes. De plus les propriétaires, installant des machines coûteuses, étaient proches de la ruine, tandis que les ouvriers, devenus sans travail, survivaient à peine à leur misère, et se révoltaient.
Dans ce contexte historique, l'auteur se focalise sur quelques héros : la douce Caroline, nièce d'un pasteur, amoureuse (en secret) de Robert Moore, propriétaire désargenté d'une filature. Shirley, qui apparaît au tiers du roman, est une orpheline financièrement indépendante, aux idées bien arrêtées, qui nouera avec Caroline une amitié indéfectible. Vers la fin apparaît Louis Moore, frère de Robert.
A l'époque, Shirley était un prénom masculin (ses parents étaient déçus de ne pas avoir de fils), mais de nos jours ce choix de l'auteur a perdu évidemment de sa force. Si j'en crois wikimachin, c'est suite au succès du roman que le prénom est devenu féminin...
Autour de ces personnages principaux, évoluent des membres du clergé, croqués parfois avec causticité, des couples, les inévitables femmes non mariées et vouées à une vie étriquée à l'époque. Charlotte Brontë plaide pour qu'elles aient le droit d'avoir des occupations plus intéressantes et profitables que celles acceptées à l'époque.Mais sans trop révolutionner non plus. ^_^
J'ai trouvé ce roman intéressant à découvrir, le thème ouvrier est assez vite en toile de fond, sans plus, pour se consacrer à de jolies histoires amoureuses, sans grande surprise, le lecteur ayant une longueur d'avance... Pareil pour l'identité de la mère de Caroline, vite devinée. J'ai trouvé aussi que Charlotte Brontë va vite en besogne pour tirer défauts et qualités à partir d'un portrait physique, et que les enfants Yorke sont étonnamment (pour l'époque) discoureurs et critiques à propos des adultes présents. Pas mal de références religieuses (expliquées en notes) car notre auteur est bien fille de pasteur! Aussi le contexte entre différentes "chapelles" protestantes peut demeurer obscur.
Un indispensable pour les fans de romans victoriens, pour les autres, je ne sais pas. De beaux passages, quelques longueurs.
Paru en 1849
Charlotte Brontë
Archipoche, 2014
Traduit par Joseph Vilar
Préface d'isabelle Viéville Degeorges
Certains attachés de presse dégainent sans prévenir (je leur ai pourtant dit "n'envoyez pas sans savoir!")(en vain) mais quand il s'agit d'un nouvel opus de la collection Archipoche qui sort de l'oubli des titres d'auteurs victoriens (pour une somme modique!), je ne vais pas me plaindre.
Après Jane Eyre (1847) et avant Villette (1853), Charlotte Brontë a évoqué le Yorkshire du début du 19ème siècle, encore rural, mais dont les filatures ne pouvaient écouler leurs produits à cause des guerres napoléoniennes. De plus les propriétaires, installant des machines coûteuses, étaient proches de la ruine, tandis que les ouvriers, devenus sans travail, survivaient à peine à leur misère, et se révoltaient.
Dans ce contexte historique, l'auteur se focalise sur quelques héros : la douce Caroline, nièce d'un pasteur, amoureuse (en secret) de Robert Moore, propriétaire désargenté d'une filature. Shirley, qui apparaît au tiers du roman, est une orpheline financièrement indépendante, aux idées bien arrêtées, qui nouera avec Caroline une amitié indéfectible. Vers la fin apparaît Louis Moore, frère de Robert.
A l'époque, Shirley était un prénom masculin (ses parents étaient déçus de ne pas avoir de fils), mais de nos jours ce choix de l'auteur a perdu évidemment de sa force. Si j'en crois wikimachin, c'est suite au succès du roman que le prénom est devenu féminin...
Autour de ces personnages principaux, évoluent des membres du clergé, croqués parfois avec causticité, des couples, les inévitables femmes non mariées et vouées à une vie étriquée à l'époque. Charlotte Brontë plaide pour qu'elles aient le droit d'avoir des occupations plus intéressantes et profitables que celles acceptées à l'époque.Mais sans trop révolutionner non plus. ^_^
J'ai trouvé ce roman intéressant à découvrir, le thème ouvrier est assez vite en toile de fond, sans plus, pour se consacrer à de jolies histoires amoureuses, sans grande surprise, le lecteur ayant une longueur d'avance... Pareil pour l'identité de la mère de Caroline, vite devinée. J'ai trouvé aussi que Charlotte Brontë va vite en besogne pour tirer défauts et qualités à partir d'un portrait physique, et que les enfants Yorke sont étonnamment (pour l'époque) discoureurs et critiques à propos des adultes présents. Pas mal de références religieuses (expliquées en notes) car notre auteur est bien fille de pasteur! Aussi le contexte entre différentes "chapelles" protestantes peut demeurer obscur.
Un indispensable pour les fans de romans victoriens, pour les autres, je ne sais pas. De beaux passages, quelques longueurs.
mercredi 12 février 2014
De l'art de mal s'habiller sans le savoir
De l'art de mal s'habiller sans le savoir
Marc Baugé
Illustrations Bob London
hoëbeke, 2012
Bien évidemment c'est encore grâce à une pioche au hasard de la médiathèque que je découvre ce chroniqueur du Monde. (Je vis parfois sur une autre planète).En tout cas, ses chroniques rassemblées ici sous le titre commun "est-ce bien raisonnable de ...?", quoique frappant (juste) à 99% les messieurs, pourront faire le bonheur d'un lectrice amateur de portraits drôles et incisifs.
Il ne dédaigne pas un petit retour en arrière, voire dans l'histoire non contemporaine. Le lacet sous Louis XIII, par exemple, dans "Est-ce bien raisonnable de porter des lacets de couleur vive?".
Pour les dames, porter son sac à main au pli du coude n'a guère de sens, car vestige d'une époque où la femme n'avait pas à être mobile, efficace et transportant la moitié de sa vie avec elle. Pensez à la reine d'Angleterre... "Car s'il est envisageable, ainsi lesté, de gambader place Vendôme, il s'avère plus difficile de manœuvrer une poussette dans les couloirs du RER à Châtelet-Les Halles un samedi après-midi. Faites le test.
Lecture rapide, plaisante, moins futile qu’elle ne le paraît. A tester.
Marc Baugé
Illustrations Bob London
hoëbeke, 2012
Bien évidemment c'est encore grâce à une pioche au hasard de la médiathèque que je découvre ce chroniqueur du Monde. (Je vis parfois sur une autre planète).En tout cas, ses chroniques rassemblées ici sous le titre commun "est-ce bien raisonnable de ...?", quoique frappant (juste) à 99% les messieurs, pourront faire le bonheur d'un lectrice amateur de portraits drôles et incisifs.
Il ne dédaigne pas un petit retour en arrière, voire dans l'histoire non contemporaine. Le lacet sous Louis XIII, par exemple, dans "Est-ce bien raisonnable de porter des lacets de couleur vive?".
(En Angleterre) Dans les années 1970, couplé à une paire de Doc Martens, un lacet peut en effet, en fonction de sa couleur, tout dire et son contraire. Blancs sur Docs noires, vous êtes un facho. Rouges, vous êtes un communiste. Bleus, vous avez frappé, voire tué, un policier. Jaunes, vous avez passé du temps en prison. Violets, vous êtes lesbienne. Noirs et blancs, vous êtes ska à fond. A priori. Car, d'une ville à l'autre et d'une année sur l'autre, le sens des couleurs varie. Ainsi, des lacets verts permettent ici d'établir que vous avez des origines irlandaises, et, là, que vous êtes gay. Ce qui n'est évidemment pas la même chose.
Si les lacets de couleur, notamment rouges, ont toujours eu un sens réel sur les chaussures de montagne, en permettant de distinguer celles-ci dans la neige, ils paraissent, en ville, inadéquats, forcés et maniérés. Au vrai, l'homme aux lacets de couleur semble surtout espérer se faire remarquer d'autrui, ce qui n'est pas une intention louable.Car, comme le disait Beau Brummel, le dandy originel, 'si l'on se retourne sur vous dans la rue, c’est que vous êtes mal habillé'.Après cette lecture, un homme adulte raisonnable ne pourra plus avoir recours au gel, rentrer son ventre à la plage, porter un pull à col roulé, une doudoune, et j'en passe. Souvent derrière chaque usage il y a une raison, pratique en général, mais détournée cela devient plus ridicule qu'autre chose. Garder sa capuche en classe, n'est plus le moyen d'antan de rester anonyme, mais au contraire d'attirer sur soi le regard du professeur... Ne parlons des des moines cisterciens, hors sujet.
Pour les dames, porter son sac à main au pli du coude n'a guère de sens, car vestige d'une époque où la femme n'avait pas à être mobile, efficace et transportant la moitié de sa vie avec elle. Pensez à la reine d'Angleterre... "Car s'il est envisageable, ainsi lesté, de gambader place Vendôme, il s'avère plus difficile de manœuvrer une poussette dans les couloirs du RER à Châtelet-Les Halles un samedi après-midi. Faites le test.
Lecture rapide, plaisante, moins futile qu’elle ne le paraît. A tester.
lundi 10 février 2014
Du sang sur Abbey Road
Du sang sur Abbey Road
A Song From Dead Lips
William Shaw
Les escales noires, 2014
Traduit par Paul Benita
Cette fois encore, un polar qui fait voyager, pas en Laponie hivernale, pas dans les steppes de l'Asie Centrale, mais dans le temps, chez nos voisins anglais (" Un thé?"). 1968, en pleine Beatlesmania, autour d'Abbey Road se pressent les fans.
Justement, n'en fait-elle pas partie, la toute jeune fille retrouvée étranglée sous un matelas, dans une ruelle toute proche? L'enquête va donner du fil à retordre au sergent Cathal "Paddy" Breen et sa co-équipière Helen.
Cette histoire policière, bien menée et haletante spécialement dans les 100 dernières pages, est l'occasion délectable d'une balade fort agréable et amusante dans le Londres de ces années là, où rien ne manque à la reconstitution. Disques vinyles, tourne disques, machines à écrire, hippies, cheveux longs, expériences vestimentaires colorées...Racisme, drogue, guerre du Biafra en toile de fond. Machisme. Cigarettes omniprésentes...
J'ai aimé les petits détails récurrents croquant les personnages sans appuyer, par exemple Helen et son appétit incroyable, Breen se lançant sans réfléchir dans le sauvetage d'un chat perdu en haut d'un arbre....
Les dialogues sont pétants (faut suivre!), l'humour présent tout du long, un poil d'émotion sait se glisser. Je me suis surprise à ralentir ma lecture pour ne pas terminer trop vite (sauf les fameuses 100 dernières pages, évidemment), c'est un signe qui ne trompe pas. Une réussite!
Merci à Anaïs de son envoi!
Le billet de Valérie
A Song From Dead Lips
William Shaw
Les escales noires, 2014
Traduit par Paul Benita
Cette fois encore, un polar qui fait voyager, pas en Laponie hivernale, pas dans les steppes de l'Asie Centrale, mais dans le temps, chez nos voisins anglais (" Un thé?"). 1968, en pleine Beatlesmania, autour d'Abbey Road se pressent les fans.
Justement, n'en fait-elle pas partie, la toute jeune fille retrouvée étranglée sous un matelas, dans une ruelle toute proche? L'enquête va donner du fil à retordre au sergent Cathal "Paddy" Breen et sa co-équipière Helen.
Cette histoire policière, bien menée et haletante spécialement dans les 100 dernières pages, est l'occasion délectable d'une balade fort agréable et amusante dans le Londres de ces années là, où rien ne manque à la reconstitution. Disques vinyles, tourne disques, machines à écrire, hippies, cheveux longs, expériences vestimentaires colorées...Racisme, drogue, guerre du Biafra en toile de fond. Machisme. Cigarettes omniprésentes...
J'ai aimé les petits détails récurrents croquant les personnages sans appuyer, par exemple Helen et son appétit incroyable, Breen se lançant sans réfléchir dans le sauvetage d'un chat perdu en haut d'un arbre....
Les dialogues sont pétants (faut suivre!), l'humour présent tout du long, un poil d'émotion sait se glisser. Je me suis surprise à ralentir ma lecture pour ne pas terminer trop vite (sauf les fameuses 100 dernières pages, évidemment), c'est un signe qui ne trompe pas. Une réussite!
Le billet de Valérie
vendredi 7 février 2014
Charles Juliet : Deux journaux
Si vous dites "Charles Juliet c'est qui?", je vous dénonce à Flo, car c'est son auteur chouchou absolu (wikimachin, si vous hésitez). Elle m'a convaincue de le lire. Le bibliothécaire, consulté avec "par quoi commencer?" a, façon joueur de cartes, carrément sorti le grand jeu, et déballé tous les volumes présents. Laissant de côté les poèmes (courageuse mais pas téméraire), L'année de l'éveil (déjà lu)(mais à relire?) et Lambeaux (lu depuis), j'emprunte donc le Journal I, 1957-1964. On commence par le début, non?
Le titre, en fait, c'est Ténèbres en terre froide. POL, 2000. Avec préface datée de 1977. Nouvelle parution en 2000, avec complément en postface.
En pleine lecture, je retourne à la médiathèque, le même bibliothécaire place dans mes mains le dernier tome paru, intitulé Apaisement. POL, 2013. Il s'agit du Journal VII, 1997-2003. Comment refuser? J'abandonne l'idée de lire dans l'ordre, et finalement ce n'est pas plus mal.
Savoir que l'auteur est toujours vivant (il est né en 1934) et a choisi Apaisement comme dernier titre m'a vraiment aidée à affronter le volume I puisque je n'ignorais pas ainsi qu'il avait survécu à des moments intérieurs terribles. Ténèbres en terre froide, avec ses entrées brèves (contrairement à Apaisement), c'est la grande claque pour le lecteur. Tentation permanente du suicide, souffrance, épuisement, horreur de vivre, ennui. De plus (ou alors ce sera son salut?) "il te faut écrire, écrire, c'est-à-dire t'épier, te ronger, demeurer aux aguets, toujours exiger de toi le maximum et le meilleur."
"Parfois, je cède à mon sens de la vanité de toute création, et je décide de m'arrêter d'écrire. Mais alors l'existence m'apparaît tellement insupportable, que je n'ai plus rien à quoi me raccrocher. Ne reste plus que la solution du suicide. Mais l'effroi qu'il m'inspire m'assure que je n'aurai jamais le courage de l'accomplir. Et je suis renvoyé à la vie, donc à l'écriture, à cette drogue qu'est l'abrutissement quotidien de longues heures de travail."
"J'appartiens à cette catégorie d’écrivains pour qui écrire est toujours plus ardu, car pour eux, écrire est un moyen de s'explorer, se connaître, progresser vers toujours plus de lucidité et de conscience."
Il écrit donc. Romans, nouvelles, poèmes.
"Le poète a pour rôle de s'offrir à l'inconnu, de conduire à la lumière de la conscience ce qui gît dans les ténèbres du non-connu, du non-défriché. Il doit donc obéir à une volonté de clarifier, d'éclairer. Pourtant, la plupart des poètes semblent obéir à une volonté contraire."
Et le fameux Journal:
"J'aime écrire dans ce Journal. C'est pour moi un espace de liberté. Je ne me fixe aucune règle, sinon celle d'être totalement simple et sincère. Mais cette règle je n'ai pas à me l'imposer. Depuis longtemps elle est inscrite en moi et il m'est facile de m'y soumettre." (Journal VII)
De 1957 à 1964, une certaine évolution se fait jour, bien sûr, mais la tonalité demeure noire. Ce journal est paru beaucoup plus tard, sans retouches. Charles Juliet y parle aussi d'écrivains, peintres, sculpteurs, de rencontres, d'événements de son passé. Il lui faudra bien du temps pour être reconnu.
Franchissons pas mal d'années, et voyons cet "Apaisement". Rencontres de hasard ou pas, conférences, discussions avec jeunes ou détenus, voyages, contacts avec d'autres artistes appréciés, voilà en gros le quotidien de l'auteur. Ecriture, lecture, toujours. Exigence et lucidité. Connaissance de soi.
Le voilà qui se révèle le meilleur critique du Journal I (12 février 2000)
"Je viens de corriger les épreuves de ce Journal I qui va bientôt reparaître et je ressens le besoin d'ajouter ce commentaire.
Sauf obligation, je ne relis jamais ce que j'ai publié. J'avais donc en partie oublié ce que contenait ce volume. Je viens de le découvrir et je dois avouer que cette lecture m'a rempli de confusion.
Il m'a été désagréable de revenir à ces années où je ne pouvais que ressasser mon mal-être. Mais ce qui m'a été le plus pénible, ce fut de tomber sur ces notes où j'affirme, tranche, décrète, jette l'anathème. L'attitude intérieur dont elle procède est à l'opposé de celle qui m'est habituelle, et c'est sans doute pourquoi elles m'ont à ce point navré.
Pendant ces années où j'ai commencé à tenir mon journal, j'étais désemparé, perclus d'angoisse, d'une inimaginable ignorance. Je suppose qu'en réaction aux difficultés que je rencontrais, il m'a fallu me fixer des jalons et des points d'ancrage. En outre, je n'écrivais ces notes que pour moi seul, n'avais pas la moindre idée de les publier un jour.
(...)(hélas je dois couper un peu)
J'ai toutefois la consolation de savoir que j'ai toujours voulu être vrai."
Existent même des études sur ce Journal I. On parle d'"Écritures du ressassement". (17-18 mars 2000)
Après lecture de Charles Juliet, bien des proses relâchées ou boursouflées ne vont plus passer. En effet:
"Quand j'écris, je me préoccupe désormais:
- d'être sobre, direct, concis
- de trouver le mot juste, l'expression juste, la structure de phrase adéquate. De trouver la justesse de ton. De n'être ni au-dessus ni au-dessous de ce qui est à exprimer
- de ne pas résoudre un difficile problème d'écriture par un artifice
- de ne dire que ce que je veux dire
- de n'employer qu'après examen les mots qui ont une histoire, un passé
- (...)" (25 juin 1997)
Doté du "besoin irrépressible de se connaître", "épuisante et douloureuse aventure". "Quand au terme de ce dur travail on est devenu soi-même, alors on accède à un état qui est à la fois lucidité, vigueur, bonté, simplicité, sérénité, sagesse, contentement de soi et adhésion à la vie." (22 février 1998)
Oui, nous sommes loin du Journal I. Mais il s'agit de décennies de travail...
Parfois des poèmes lui sont "offerts" (c'est son expression)(ainsi que "se balbutie en moi" ou "me sont venus")
"Pour le première fois de l'année, alors que le printemps approche, j'ai entendu gazouiller les oiseaux. Alors j'ai noté:
Bref, je sens que je vais encore cheminer avec lui:
"Souvent j'ai l'impression que par bien des côtés, je suis resté un adolescent. J'ai une certaine insouciance, je garde un fond de vulnérabilité, je me laisse parfois emporter par mes engouements et je ne suis nullement blasé. L'intérêt que je porte aux êtres et à la vie ne s'est pas émoussé,( ...)(25 juin 2003)
Le titre, en fait, c'est Ténèbres en terre froide. POL, 2000. Avec préface datée de 1977. Nouvelle parution en 2000, avec complément en postface.
En pleine lecture, je retourne à la médiathèque, le même bibliothécaire place dans mes mains le dernier tome paru, intitulé Apaisement. POL, 2013. Il s'agit du Journal VII, 1997-2003. Comment refuser? J'abandonne l'idée de lire dans l'ordre, et finalement ce n'est pas plus mal.
Savoir que l'auteur est toujours vivant (il est né en 1934) et a choisi Apaisement comme dernier titre m'a vraiment aidée à affronter le volume I puisque je n'ignorais pas ainsi qu'il avait survécu à des moments intérieurs terribles. Ténèbres en terre froide, avec ses entrées brèves (contrairement à Apaisement), c'est la grande claque pour le lecteur. Tentation permanente du suicide, souffrance, épuisement, horreur de vivre, ennui. De plus (ou alors ce sera son salut?) "il te faut écrire, écrire, c'est-à-dire t'épier, te ronger, demeurer aux aguets, toujours exiger de toi le maximum et le meilleur."
"Parfois, je cède à mon sens de la vanité de toute création, et je décide de m'arrêter d'écrire. Mais alors l'existence m'apparaît tellement insupportable, que je n'ai plus rien à quoi me raccrocher. Ne reste plus que la solution du suicide. Mais l'effroi qu'il m'inspire m'assure que je n'aurai jamais le courage de l'accomplir. Et je suis renvoyé à la vie, donc à l'écriture, à cette drogue qu'est l'abrutissement quotidien de longues heures de travail."
"J'appartiens à cette catégorie d’écrivains pour qui écrire est toujours plus ardu, car pour eux, écrire est un moyen de s'explorer, se connaître, progresser vers toujours plus de lucidité et de conscience."
Il écrit donc. Romans, nouvelles, poèmes.
"Le poète a pour rôle de s'offrir à l'inconnu, de conduire à la lumière de la conscience ce qui gît dans les ténèbres du non-connu, du non-défriché. Il doit donc obéir à une volonté de clarifier, d'éclairer. Pourtant, la plupart des poètes semblent obéir à une volonté contraire."
Et le fameux Journal:
"J'aime écrire dans ce Journal. C'est pour moi un espace de liberté. Je ne me fixe aucune règle, sinon celle d'être totalement simple et sincère. Mais cette règle je n'ai pas à me l'imposer. Depuis longtemps elle est inscrite en moi et il m'est facile de m'y soumettre." (Journal VII)
Franchissons pas mal d'années, et voyons cet "Apaisement". Rencontres de hasard ou pas, conférences, discussions avec jeunes ou détenus, voyages, contacts avec d'autres artistes appréciés, voilà en gros le quotidien de l'auteur. Ecriture, lecture, toujours. Exigence et lucidité. Connaissance de soi.
Le voilà qui se révèle le meilleur critique du Journal I (12 février 2000)
"Je viens de corriger les épreuves de ce Journal I qui va bientôt reparaître et je ressens le besoin d'ajouter ce commentaire.
Sauf obligation, je ne relis jamais ce que j'ai publié. J'avais donc en partie oublié ce que contenait ce volume. Je viens de le découvrir et je dois avouer que cette lecture m'a rempli de confusion.
Il m'a été désagréable de revenir à ces années où je ne pouvais que ressasser mon mal-être. Mais ce qui m'a été le plus pénible, ce fut de tomber sur ces notes où j'affirme, tranche, décrète, jette l'anathème. L'attitude intérieur dont elle procède est à l'opposé de celle qui m'est habituelle, et c'est sans doute pourquoi elles m'ont à ce point navré.
Pendant ces années où j'ai commencé à tenir mon journal, j'étais désemparé, perclus d'angoisse, d'une inimaginable ignorance. Je suppose qu'en réaction aux difficultés que je rencontrais, il m'a fallu me fixer des jalons et des points d'ancrage. En outre, je n'écrivais ces notes que pour moi seul, n'avais pas la moindre idée de les publier un jour.
(...)(hélas je dois couper un peu)
J'ai toutefois la consolation de savoir que j'ai toujours voulu être vrai."
Existent même des études sur ce Journal I. On parle d'"Écritures du ressassement". (17-18 mars 2000)
Après lecture de Charles Juliet, bien des proses relâchées ou boursouflées ne vont plus passer. En effet:
"Quand j'écris, je me préoccupe désormais:
- d'être sobre, direct, concis
- de trouver le mot juste, l'expression juste, la structure de phrase adéquate. De trouver la justesse de ton. De n'être ni au-dessus ni au-dessous de ce qui est à exprimer
- de ne pas résoudre un difficile problème d'écriture par un artifice
- de ne dire que ce que je veux dire
- de n'employer qu'après examen les mots qui ont une histoire, un passé
- (...)" (25 juin 1997)
Doté du "besoin irrépressible de se connaître", "épuisante et douloureuse aventure". "Quand au terme de ce dur travail on est devenu soi-même, alors on accède à un état qui est à la fois lucidité, vigueur, bonté, simplicité, sérénité, sagesse, contentement de soi et adhésion à la vie." (22 février 1998)
Oui, nous sommes loin du Journal I. Mais il s'agit de décennies de travail...
Parfois des poèmes lui sont "offerts" (c'est son expression)(ainsi que "se balbutie en moi" ou "me sont venus")
"Pour le première fois de l'année, alors que le printemps approche, j'ai entendu gazouiller les oiseaux. Alors j'ai noté:
ces chants d'oiseauxContrairement à ce qu'on pourrait craindre, cheminer avec Charles Juliet ne lasse pas. Il est toujours intéressant. Il a l'art de parler de ses rencontres, de cerner l'essentiel des individus. Bien des personnes ayant vécu des enfances ou des vies dures se confient (lui-même sait ce qu'il en est). Il demeure attentif au monde qui l'entoure, retient certains événements ou faits divers l'ayant frappé. Sans s'étaler. Il sait rester discret (initiales, ou "une femme", peu de noms).
au petit matin
en ce jour de printemps
la vie qui exulte
soudain
traversé
soulevé
par cette allégresse
(6 mars 2002)
Bref, je sens que je vais encore cheminer avec lui:
"Souvent j'ai l'impression que par bien des côtés, je suis resté un adolescent. J'ai une certaine insouciance, je garde un fond de vulnérabilité, je me laisse parfois emporter par mes engouements et je ne suis nullement blasé. L'intérêt que je porte aux êtres et à la vie ne s'est pas émoussé,( ...)(25 juin 2003)
mercredi 5 février 2014
Le chien qui louche
Le chien qui louche
Etienne Davodeau
Futuropolis, Louvre Editions, 2013
Ma bibliothèque acceptant gentiment de commander les BD dont j'ai envie (sans complexes!), j'ai enfin pu lire ce dernier album d'Etienne Davodeau.
Tous les blogs (ou presque) en ayant parlé, je vais essayer de faire court.
Fabrice Fabien est agent d'accueil et de surveillance au musée du Louvre. sa copine Mathilde le présente à sa famille, des meubles Benion. Le grand père du papy, peintre à ses heures, a produit un tableau intitulé "le chien qui louche", au style disons, euh... pas convaincant artistiquement parlant. Comme Davodeau l'indique dans un dialogue, "on dirait un dessin de BD... - n'exagérons rien. Mais c'est vrai que c'est assez maladroit." [Étienne, j'adore votre humour!]
La famille de Mathilde, un clan de gros balourds, exprime le désir de voir entrer au Louvre la croûte familiale... Fabien qui aime fort Mathilde (les rapports entre ces deux là sont rendus avec une sympathie manifeste) s'engage dans une drôle d'aventure, qui le conduira à rencontrer un groupe assez particulier...
Nous sommes dans une histoire bourrée d'humour, de fantaisie, d'inventivité, et d'un poil d'émotion quand même. J'ai aimé quand le clan Benion visitent le Louvre avec leurs gros sabots, et craquent sur le mobilier national... Après tout, chacun a une œuvre d'art qui va lui parler personnellement, non? Soyons patients!
Qui décide qu'une oeuvre va avoir droit au Louvre? Pourquoi pas Le chien qui louche et ses frères? Notez que la réponse (sérieuse) est donnée en fin d'album.
En prime, une visite au Louvre, bien agréable, bien rendue, et un aperçu du quotidien du gardien, à la fois enthousiasmant (être parmi des chefs d’œuvre!) et lassant (ah ces touristes! ^_^)
Bravo Davodeau, encore un album recommandable qui peut entrer dans les bonnes biblis, à défaut des musées (quoique, vérifier s'il n'est pas à la librairie du Musée, tiens)
Etienne Davodeau
Futuropolis, Louvre Editions, 2013
Ma bibliothèque acceptant gentiment de commander les BD dont j'ai envie (sans complexes!), j'ai enfin pu lire ce dernier album d'Etienne Davodeau.
Tous les blogs (ou presque) en ayant parlé, je vais essayer de faire court.
La famille de Mathilde, un clan de gros balourds, exprime le désir de voir entrer au Louvre la croûte familiale... Fabien qui aime fort Mathilde (les rapports entre ces deux là sont rendus avec une sympathie manifeste) s'engage dans une drôle d'aventure, qui le conduira à rencontrer un groupe assez particulier...
Nous sommes dans une histoire bourrée d'humour, de fantaisie, d'inventivité, et d'un poil d'émotion quand même. J'ai aimé quand le clan Benion visitent le Louvre avec leurs gros sabots, et craquent sur le mobilier national... Après tout, chacun a une œuvre d'art qui va lui parler personnellement, non? Soyons patients!
Qui décide qu'une oeuvre va avoir droit au Louvre? Pourquoi pas Le chien qui louche et ses frères? Notez que la réponse (sérieuse) est donnée en fin d'album.
En prime, une visite au Louvre, bien agréable, bien rendue, et un aperçu du quotidien du gardien, à la fois enthousiasmant (être parmi des chefs d’œuvre!) et lassant (ah ces touristes! ^_^)
Bravo Davodeau, encore un album recommandable qui peut entrer dans les bonnes biblis, à défaut des musées (quoique, vérifier s'il n'est pas à la librairie du Musée, tiens)
lundi 3 février 2014
Ailleurs
Ailleurs
Elsewhere
Richard Russo
Quai Voltaire, 2013
Traduit par Jean Esch
Coup de coeur...
"C'est plus l'histoire de ma mère que la mienne, mais c'est aussi la mienne car, jusqu'à il y a quelques années encore, ma mère était rarement absente de ma vie. Il est question de sa personnalité, mais aussi de l'endroit où elle a grandi, d'où elle s'est enfuie, et où elle est revenue, à maintes reprises; des contradictions qu’elle n'a pas su résoudre et m'a donc transmises, en sachant fort bien que je les rongerais comme un chien ronge un os, allant les enterrer pour les déterrer ensuite et les ronger de nouveau."
Fils unique d'une mère tôt divorcée, ayant grandi à Gloversville, toute petite ville de l'état de New York vivotant après le déclin des industries du cuir (aux conditions de travail épouvantables!), Richard Russo choisit d'étudier dans l'Arizona, où il se mariera et aura deux filles, puis partira dans le Maine, une fois son succès d'écrivain bien établi. Mais toujours dans ses bagages, par périodes de plus en plus longues : sa mère! Spécialiste des "coups de fil hystériques dans lesquels [elle] exigeait de savoir pourquoi elle ne méritait pas d'avoir une vraie vie comme tout le monde, et combien de temps encore elle devrait rester en cage." Quand elle est à Gloversville, c'est "minuscule, isolé, fruste, borné", dès qu'elle le quitte, elle a la nostalgie de ce "vrai foyer".
Lorsqu'elle approche des quatre-vingt ans, ses critères de choix d'une résidence deviennent quasi inaccessibles, et les déménagements se succèdent (l'on ne peut que féliciter la patiente épouse de Richard Russo). Jusqu'à son décès.
Mais ce qui pourrait n'être que la vie tragi-comique d'une mère usant et abusant de l'amour filial prend une toute autre dimension... L'état dépressif, les crises de nerfs, tout cela était révélateur d'une maladie réelle, hélas jamais diagnostiquée de son vivant, et qui l'a positivement dévorée. Essayant de ne pas balayer un sentiment de culpabilité et de remords de n'avoir pas su gérer les problèmes de sa mère comme il avait l'habitude de le faire ordinairement, Russo cherche à comprendre, dans un final honnête et triste, "car je suis le fils de ma mère", mère à laquelle il ressemble plus qu'il ne le croyait, reconnaissant être lui aussi parfois "obsessionnel, obstiné et rigide."
En même temps, il reconnaît ce qu'il lui doit. Sa mère possédait ce qu'on pouvait considérer comme une véritable petite bibliothèque, reflétant ses goûts et sa personnalité. "Elle lisait. Tous les soirs. (...) C'est grâce à ma mère que j'ai appris que lire n'était pas un devoir, mais une récompense, grâce à elle que j'ai eu l'intuition d'un vérité essentielle : la plupart des gens sont enfermés dans une existence solitaire, une vie restreinte par le manque et l'absence d'imagination; des limites que ne connaissent pas les lecteurs. Vous ne pouvez pas créer un écrivain sans créer d'abord un lecteur, et c'est ce que ma mère a fait de moi. En outre, même si je n'avais plus l'âge de m'intéresser à ses livres, ceux-ci participèrent à la fabrication de l’écrivain que je deviendrais plus tard, un écrivain qui, contrairement à beaucoup d'autres formés à l'Université, ne considérait pas le mot "intrigue" comme un gros mot, qui faisait attention au public et au rythme, et qui se montrait peu tolérant vis-à-vis des prétentions littéraires."
Par la découverte du salut que lui-même a trouvé dans l'écriture, même inconsciemment, et la fine analyse de sa ressemblance avec sa mère et des liens avec sa ville d'origine ayant influencé ses romans, ce récit va bien au-delà d'une banale "histoire de ma mère". Passionnant, pas follement hilarant, bien sûr, mais sonnant juste.
Les avis de ...
Elsewhere
Richard Russo
Quai Voltaire, 2013
Traduit par Jean Esch
Coup de coeur...
"C'est plus l'histoire de ma mère que la mienne, mais c'est aussi la mienne car, jusqu'à il y a quelques années encore, ma mère était rarement absente de ma vie. Il est question de sa personnalité, mais aussi de l'endroit où elle a grandi, d'où elle s'est enfuie, et où elle est revenue, à maintes reprises; des contradictions qu’elle n'a pas su résoudre et m'a donc transmises, en sachant fort bien que je les rongerais comme un chien ronge un os, allant les enterrer pour les déterrer ensuite et les ronger de nouveau."
Fils unique d'une mère tôt divorcée, ayant grandi à Gloversville, toute petite ville de l'état de New York vivotant après le déclin des industries du cuir (aux conditions de travail épouvantables!), Richard Russo choisit d'étudier dans l'Arizona, où il se mariera et aura deux filles, puis partira dans le Maine, une fois son succès d'écrivain bien établi. Mais toujours dans ses bagages, par périodes de plus en plus longues : sa mère! Spécialiste des "coups de fil hystériques dans lesquels [elle] exigeait de savoir pourquoi elle ne méritait pas d'avoir une vraie vie comme tout le monde, et combien de temps encore elle devrait rester en cage." Quand elle est à Gloversville, c'est "minuscule, isolé, fruste, borné", dès qu'elle le quitte, elle a la nostalgie de ce "vrai foyer".
Lorsqu'elle approche des quatre-vingt ans, ses critères de choix d'une résidence deviennent quasi inaccessibles, et les déménagements se succèdent (l'on ne peut que féliciter la patiente épouse de Richard Russo). Jusqu'à son décès.
Mais ce qui pourrait n'être que la vie tragi-comique d'une mère usant et abusant de l'amour filial prend une toute autre dimension... L'état dépressif, les crises de nerfs, tout cela était révélateur d'une maladie réelle, hélas jamais diagnostiquée de son vivant, et qui l'a positivement dévorée. Essayant de ne pas balayer un sentiment de culpabilité et de remords de n'avoir pas su gérer les problèmes de sa mère comme il avait l'habitude de le faire ordinairement, Russo cherche à comprendre, dans un final honnête et triste, "car je suis le fils de ma mère", mère à laquelle il ressemble plus qu'il ne le croyait, reconnaissant être lui aussi parfois "obsessionnel, obstiné et rigide."
En même temps, il reconnaît ce qu'il lui doit. Sa mère possédait ce qu'on pouvait considérer comme une véritable petite bibliothèque, reflétant ses goûts et sa personnalité. "Elle lisait. Tous les soirs. (...) C'est grâce à ma mère que j'ai appris que lire n'était pas un devoir, mais une récompense, grâce à elle que j'ai eu l'intuition d'un vérité essentielle : la plupart des gens sont enfermés dans une existence solitaire, une vie restreinte par le manque et l'absence d'imagination; des limites que ne connaissent pas les lecteurs. Vous ne pouvez pas créer un écrivain sans créer d'abord un lecteur, et c'est ce que ma mère a fait de moi. En outre, même si je n'avais plus l'âge de m'intéresser à ses livres, ceux-ci participèrent à la fabrication de l’écrivain que je deviendrais plus tard, un écrivain qui, contrairement à beaucoup d'autres formés à l'Université, ne considérait pas le mot "intrigue" comme un gros mot, qui faisait attention au public et au rythme, et qui se montrait peu tolérant vis-à-vis des prétentions littéraires."
Par la découverte du salut que lui-même a trouvé dans l'écriture, même inconsciemment, et la fine analyse de sa ressemblance avec sa mère et des liens avec sa ville d'origine ayant influencé ses romans, ce récit va bien au-delà d'une banale "histoire de ma mère". Passionnant, pas follement hilarant, bien sûr, mais sonnant juste.
Les avis de ...
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