jeudi 27 novembre 2014

Drôle de karma!

Drôle de karma!
Sophie Henrionnet
City, 2014



Bon, compte tenu du net ralentissement dans ma vie de lectrice et de blogueuse, j'avais dit "plus de SP" et "évitons le direct avec l'auteur". Bien évidemment j'ai donc dit oui à l'auteur quand elle m'a proposé son premier roman. Un coup d'oeil à son blog sixinthecity (oui, quatre enfants pour cette chirurgien-dentiste, dixit la quatrième de couverture, ça doit faire 6 à la maison?) a fait pencher la balance en sa faveur (mais cette expression doit dater de la Roberval, non?), sans parler d'une envie tenace de lecture plus légère.

Joséphine a trente ans, elle habite à Paris, est vendeuse- plus pour longtemps-  dans un salon de parfumerie et quasi fiancée - unilatéralement va-t-elle le découvrir. Sa réaction quand elle réalisera la situation est fort jouissive, je ne dis que ça!
Donc une fille "moyenne" qui dès le début du roman accumule les mauvaises surprises;  sa vie change lorsque décède sa voisine Astrid (la blonde parfaite à qui tout réussit, grrr).
Là voilà en Angleterre à donner des cours de français aux enfants d'un couple charmant, dans une de ces grandes demeures anglaises à vaste parc, avec petit personnel, sans oublier l'aïeule et les frères du propriétaire (oui, vous le sentez, il y aura de la romance...).

Soyons réalistes, je n'ai grillé aucun neurone au cours de ma lecture, et je ne m'y attendais pas, mais le cahier des charges est bien rempli : une héroïne sympathique et pétillante, une histoire qui se tient, de la romance (on a un cœur), de l'humour, un poil de mystère,  des personnages secondaires bien campés, des dialogues vifs, pas de longueurs, que demande le peuple?

En prime, j'ai lu ce roman après un séjour à Londres et ai été ravie de me retrouver dans cette ville. Quand au Royal Scotsman, mais c'est le rêve! Prévoir tenues de soirées...

Ah oui, j'ajoute qu'il n'y a pas de scènes trop explicites, et pas de langage vulgaire. Ce qui gâte souvent le plaisir des romans de chick lit (surtout les anglo-saxons, est-ce un problème de traduction?)

lundi 24 novembre 2014

We are all completely beside ourselves

We are all completely besides ourselves
Karen Joy Fowler
Serpent's Tail, 2014
Pas encore traduit, désolée, mais ça viendra sûrement


Plus qu'attirée par les mystérieux billets enthousiastes de Cuné  et cathulu, j'ai craqué et acquis dans une librairie londonienne (zozone n'est plus mon ami) ce roman qui -à moi de jouer les mystérieuses - ne laisse pas indifférent, réserve au moins une surprise, et a parfois laissé mon cœur rater un battement.

Rosemary Cooke décide de raconter sa vie en démarrant par le milieu, pourquoi pas? En 1996, la voilà étudiante en Californie, endroit choisi comme éloigné de l'Indiana où résident encore ses parents. Son père est "psychologist" (cela peut recouvrir beaucoup de choses, je ne traduis pas). "Je sais que ce qui est étudié ostensiblement est rarement ce qui est étudié."
Durant ses cinq premières années, la famille compte trois enfants. Jusqu'au jour où, envoyée chez ses grands parents, elle découvre à son retour la disparition de sa soeur Fern. "Before, I had a sister. After, none."(Avant j'avais une sœur. Après, non).  Son frère Lowell ne s'en remet jamais et en 1996 cela fait dix ans qu'elle ne l'a pas vu. "Before, my brother was part of the family. After, he was just killing time until he could be shed of us." La vie de Rosemary bascule aussi. Petit à petit on en apprendra plus sur cette famille, vue par Rosemary, réactualisant ses souvenirs (fiables?).

Un roman fort subtil, aux pointes d'humour (si, si!) et aux moments intenses où le cœur saigne de penser à ces trois enfants et aux conséquences dans leur vies des choix des adultes. Je ne veux rien dévoiler de certain détail, mais il mène à des descriptions fines (Rosemary à l'école, par exemple) et aussi à des connaissances scientifiques passionnantes.

Pas la peine d'avoir des parents scientifiques et fils des sixties si:
"One day, a package of junior-sized tampons was left on my bed azlong with a pamphlet that look technical and boring, so I didn't read it. Nothing was ever said to me about the tampons. It was just blind luck I didn't smoke them."

Ok, je suis méchante de conseiller ce roman si fort, si bien agencé, si intelligent, si prenant ... et non traduit, mais patience, notez le titre, il arrivera en français et ne le ratez pas!

jeudi 20 novembre 2014

Je dénonce l'humanité

Je dénonce l'humanité
Histoires
Frigyes Karinthy
Viviane Hamy, 1996
Traduit par Judith et Pierre Karinthy

"J'ai rêvé que j'étais deux chats et que je jouais ensemble"

Dans la famille Karinthy, voici le père (Ferenc, le fils, est l'auteur d'Epépé)(j'ignore le lien avec les (excellents) traducteurs) avec un quarantaine de courts textes.

Humour et tendresse dans J'aide mon fils à résoudre un affreux problème de proportionnalité double ou triple, mais ensuite l'humour est fortement teinté de logique absurde. L'art de la procrastination est décrite avec talent dans Au saut du lit, Mes poches (quel bric-à-brac là-dedans) ou ou l'inénarrable Le lacet de chaussure. Incursions fantaisistes dans le voyage dans les temps, un peu d'ajout à l'histoire antique, rencontres inattendues dans la Hongrie du début 20ème siècle (nouvelles écrites de 1912 à 1934), mais parfois plus de sérieux quand un auteur se rencontre soi-même plus jeune, lui reprochant de n'avoir pas réalisé ses rêves élevés, ou surtout Conserve d'homme (1917), virulente critique de la guerre ...
"Agiter avant usage (après usage, bien secouer sa conscience). Laissez réchauffer dix minutes dans l'eau bouillante, puis ouvrir à l'aide d'une baïonnette, jeter le contenu dans la tranchée  et frotter un peu. Le soldat en conserve remplace à merveille l'original"

Il n'hésite pas à vouloir écrire une critique du nouveau billet de mille couronnes (texte, illustrations) et demande carrément à la banque un spécimen gratuit de cette publication (amis blogueurs, en voilà une belle idée!)
Un dialogue entre le chef bourreau et l'homme soumis à la question devrait réjouir aussi les amateurs d'humour noir, et je termine cependant avec du plus léger (le catalogue de trucages à destination des actrices, par exemple : "Prince étranger apparaît après le spectacle dans le hall du théâtre et attend madame l'Actrice, 8000 francs"  etc.

Ce recueil épatant permet en outre d'ajouter un auteur hongrois supplémentaire à ce blog, et de participer au mois de la nouvelle chez Flo.

Des avis ici et  chez Maryline

lundi 17 novembre 2014

Les limiers de Bafut

Les limiers de Bafut
Au pays des souris volantes (Cameroun, années 50)
The Bafut Beagles
Gerald Durrell
Traduit par A de Noblet
Phébus, 1997

Les habitués de ce blog ne s'étonneront pas de découvrir (encore*) une chronique animalière teintée d'humour anglais due à la plume de l'incontournable Gerald Durrell. Cette fois, direction la savane camerounaise, pour tenter de "trapper la viande", c'est-à-dire capturer des animaux pour les ramener dans son zoo de l'île de Jersey. Je rappelle que nous sommes dans les années 50, et que Durrell a évolué ensuite quand à ses méthodes parfois rudes, mais qu'il a contribué à faire connaître et défendre ces bestioles exotiques. Bref.

Au fin fond du Cameroun, le village de Bafut était dirigé par le Fon de Bafut, qui trouva en Durrell un compagnon de whisky et vin de palme, et dès lors lui fut tout dévoué dans sa quête d'animaux rares et/ou rétifs à la capture et la captivité (on les comprend...). Écureuils, souris volantes, grenouilles poilues, et j'en passe... Dans une nature aux couleurs merveilleusement évoquées, les péripéties sont contées avec esprit (c'est Durrell à son meilleur) et autodérision (le malheureux aurait pu y rester), sans oublier l'évocation de ce milieu africain et villageois où l'on sent qu'il a laissé une partie de son cœur. Le naturaliste est aussi présent et précis, sans pesanteur dans les descriptions d'animaux magnifiques.

*Hélas je constate qu'il ne me reste maintenant guère de titres à découvrir, ces friandises vont me manquer.
J'en profite pour rappeler que la Trilogie de Corfou vient d'être rééditée...

mercredi 12 novembre 2014

Le Royaume

Le Royaume
Emmanuel Carrère
P.O.L., 2014


Difficile d'ignorer l'existence de ce Royaume, avec de nombreux billets détaillés, personnels et intéressants. Que dire de plus? Rappelons rapidement que l'auteur a connu un épisode de trois années de foi catholique exacerbée (messe tous les jours, notes sur l’Évangile de Jean, verset par verset, etc...) dont il est sorti de façon assez curieuse (je l'attendais pas mal à cet endroit là, et j'avoue demeurer perplexe). Cette expérience, insérée dans un rappel de sa vie en rapport avec elle si l'on y regarde de près -oui, même l'histoire de la baby-sitter-, fait l'objet d'une première partie passionnante où j'ai apprécié l'honnêteté et l'autodérision de Carrère (je rappelle que je n'avais lu aucun écrit de Carrère, si, c'est possible!).

Vingt ans après (!), il revient sur cette affaire pas si classée que cela.
"Ce chemin que j'ai suivi autrefois en croyant, vais-je le suivre aujourd'hui en romancier? En historien? Je ne sais pas encore, je ne veux pas trancher, je ne pense pas que la casquette ait tellement d'importance.
Disons en enquêteur." (p 145-146)

"J'aime, quand on me raconte une histoire, savoir qui me la raconte. C'est pour cela que j'aime les récits à la première personne, c'est pour cela que j'en écris et que je serais même incapable d'écrire quoi que ce soit autrement."(p 147-148)

Voilà donc pourquoi sa porte d'entrée sera ouverte par Luc, qui en sus de l'Évangile (de Luc) a écrit les Actes des Apôtres raconté en partie en utilisant le "nous". Suit donc une sorte de "New testament for Dummies" absolument passionnant, vivant et documenté. Comme, à lire les billets des autres, il paraît impossible de demeurer d'une froide neutralité, et qu'en plus Carrère a donné l'exemple, me voici à reconnaître que ma connaissance assez approfondie du sujet a forcément conduit certains passages à moins me captiver. Mais mon intérêt a rebondi justement quand Carrère, profitant d'un blanc de deux années dans les Actes des Apôtres, se déclare "libre et contraint d'inventer" (p 326) et imagine comment Luc en a profité pour enquêter sur Jésus, ses disciples et ceux qui l'avaient croisé. Imaginaire, mais plausible.

Il a une façon absolument épatante de raconter les aventures des premières communautés chrétiennes (mais c'est que j'ignorais cette inimitié entre Paul et Jacques, sans parler de Jean) et jamais on ne s'y perd, j'ai adoré l'apparition de ces empereurs romains, Flavius Josèphe, etc..., érudition jamais pesante! J'ai apprécié les comparaisons éclairantes et amusantes avec la révolution russe et les staliniens.

Il rappelle "que si je suis libre d'inventer c'est à la condition de dire que j'invente, en marquant aussi scrupuleusement que Renan les degrés du certain, du probable, du possible et, juste avant le carrément exclu, du pas impossible, territoire où se déploie une en grande partie de ce livre."(p 485)

Lors des années nécessaires à l'écriture de ce livre, il a pas mal réfléchi, compulsé diverses sources et il propose diverses hypothèses sur les auteurs de certains évangiles ou épitres (qui ne seraient pas ceux du Canon, sinon ce n'est pas drôle, bien sûr). J'ai bien noté qu'il a épluché l’œuvre de Renan, Paul Veyne, et me suis amusée à retrouver Sénèque (ha bon, c'était le frère de Galion?), alors que je viens justement d'acheter ses lettres à Lucilius... (p 470 et ss). La vie du lecteur est pleine de coïncidences...

Je me permettrai de ne pas suivre Carrère quand il considère comme un remake un peu pataud de l'histoire de la brebis perdue celle de la femme ayant égaré une drachme et qui remue la maison pour la retrouver. Pour ce que j'en sais, ces dix drachmes sont une sorte de dot reçue lors de son mariage, tout un symbole donc, et l'on peut imaginer que de nos jours une femme se démènerait aussi beaucoup si elle égarait sa bague de fiançailles. (p 591)

En conclusion : je fais partie de ceux qui ont apprécié fortement (et envie de lire d'autres écrits de l'auteur, avec lequel les pages coulent toutes seules!). Même les passages très personnels et un peu fort de café (les sites pornos) arrivent à se raccrocher au thème (mais auraient pu être raccourcis, non?)... Carrère garde une position de respect à l'égard de ceux qui croient (dont certains de ses amis), "Mais qui te dit que tu ne changeras pas encore?" (p266) "J'écris ce livre pour ne pas abonder dans mon sens."(p 354) . Troublant.

mercredi 5 novembre 2014

Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur


Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur
Historia de un caracol que descubrio la importancia de la lentitud
Luis Sepulveda
Métailié, 2014
Traduit par Anne Marie Métailié
Dessins de Joëlle Jolivet


Dédié aux petits-enfants de l'auteur (et à tous les escargots du jardin) en réponse à une question de l'un d'eux, Daniel, "Pourquoi l'escargot est-il si lent?", ce charmant conte agrémenté de quelques illustrations en noir et blanc s'adresse, à mon avis, aux enfants et aux ex-enfants n'ayant pas oublié la magie des belles histoires (et espérons-le, cela fait du monde!).

Dans une banale petite colonie d'escargots, l'un d'eux sort du lot et veut connaître les raisons de sa lenteur. Il déplore aussi de ne pas avoir de nom à lui.
Un hibou, une tortue vont aider le bientôt dénommé Rebelle à apprécier les bienfaits de la lenteur, et connaître un destin inattendu parmi les autres escargots.

"La tortue, d'un mouvement lent, très lent, fit demi-tour et revint dans le pré. Tandis qu'elle bougeait, avec l'escargot sur son dos, elle lui expliqua qu'il ne fallait pas craindre la peur et, en cherchant dans tout ce qu'elle savait, elle lui raconta que les humains disaient qu'un vrai rebelle ressentait la peur, mais qu'il la dominait."

J'ai aimé cette courte fable, où les hommes en arrière plan abîment la nature, et qui fait la part belle aux qualités de ténacité et d'entraide, en plus d'un bref aperçu sur la vie de nos amis les escargots.

Le livre lui même possède une couverture cartonnée et des pages qui sentent "comme mes livres neufs de la primaire"...

Merci à Anne-Charlotte.

Le petit carré jaune a aussi craqué!