jeudi 23 mars 2023

La réparation du monde

 


La réparation du monde

Slobodan Snajder

Liana Levi, 2021

Traduit par Harita Wybrands



Bien sûr ce n'est pas un joueur de flute qui, en 1770, a entrainé à sa suite de pauvres paysans survivant mal en Souabe pour les conduire, via un Danube tumultueux parfois, en Transsylvanie où l'herbe était garantie plus verte. L'impératrice Marie-Thérèse en avait décidé, et qu'on lui obéisse! Parmi eux Georg Kempf, l'ancêtre du narrateur.

Puis grand saut dans le temps, et là un certain Hitler réalise que ces Volksdeutsche, d'origine allemande vivant en Slavonie / Croatie feraient très bien dans les Waffen-SS. Certains y vont sans problème, d'autres, comme Georg/Djuka Kempf,  né en 1919 et père du narrateur, est un 'volontaire-forcé'. Le voilà arrivé en Pologne, pas trop sûr d'en sortir vivant, en tout cas tâchant de ne pas se faire remarquer. Son refus de fusiller des civils va l'entrainer ans toutes sortes d'aventures, et donner l'occasion de se frotter à toutes sortes d'opinions et peuples, frôler la mort, rencontrer le juif errant. 

Je ne divulgache rien, car des compléments dans la narration dus à la plume du fils de Georg, encore à naître (ce sera chose faite après la fin de la seconde guerre mondiale) nous font part de son inquiétude à l'idée de ne pas naitre, ses deux parents étant -chacun de leur côté- pris dans la tourmente. Une très belle idée qui dynamise bien le roman et apporte un peu de légèreté.

Le père donc, notre héros, va épouser la mère, qui elle a vécu une guerre active. Entre son mari qui s'adonne à la poésie et elle qui ne pense qu'au parti, cela devient vite compliqué. Surtout dans une Yougoslavie qui va connaître explosion et guerre.

J'avoue ne pas connaître toute l'Histoire de ces coins là, et les noms des différentes factions, mais peu importe, l'écriture vive non dénuée d'ironie tragi-comique de l'auteur permet de bien suivre. Une belle découverte pour moi.

Lecture commune avec 


Avis babelio

lundi 20 mars 2023

tous sports confondus


 tous sports confondus

Frigyes Karinthy

La petite collection des éditions du sonneur, 2014

Préface et traduction de Cécile A. Holdban



Dans la famille Karinthy, je demande le père! Le fils, c'est Ferenc, auteur du génial Epépé, mais Frigyes (1887-1938) avec Je dénonce l'humanité m'avait déjà épatée.

Amis sportifs ou non sportifs, bonjour. Parues dans les journaux entre 1912 et 1936, ces nouvelles ont sans doute fait grincer les dents de certains lecteurs et, on le suppose, bien amusé d'autres; un style impeccable mis au service de la causticité et de l'ironie.

"En général, on considère la natation et la course à pied comme des sports d'endurance, par opposition aux exploits sportifs sur place tels que le saut en hauteur, la boxe et les discours parlementaire."

Il ne fait pas que se moquer de certains hongrois ou du sport, il est souvent sérieux, voir philosophique, dans ce dialogue entre Nurmi et Socrate autour du marathon. Ecrit en 1929, on y parle même d'eugénisme.

"Je trouve qu'il est foncièrement injuste de reprocher et de faire grief à l'état hongrois de ne pas laisser nos athlètes participer aux Jeux olympiques américains, ou plutôt de les y laisser aller, mais sans les y aider. (...) Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'argent, loin s'en faut, car voilà ce dont il retourne: la Hongrie n'a nullement besoin d'aller concourir contre toutes sortes de nations qui, de surcroit, ne sont même pas hongroises."

Après nous faire assister à un combat de boxe (délirant), voici des interviews de cinq athlètes méconnus, tels Jacob (combat avec l'Ange), Samson secouant les colonnes, Mahomet courant vers Médine.

Terminons avec certains sports, "La course de fond: pour pouvoir la pratiquer, il faut une caisse et deux gendarmes. Le sportif emporte la caisse et les gendarmes le poursuivent à bonne distance." et une course de vieilles voitures "Il existe une forme incroyable d'inertie et d'obstination qui fait que les innovations technologiques tentent toujours d'imiter, dans leur aspect extérieur, d'anciens outils obsolètes ont elles diffèrent pourtant par essence." (premières automobiles sur le modèles des anciens fiacres)

Avis babelio

samedi 18 mars 2023

Mon instant sur cette terre


 Mon instant sur cette terre

Vilhelm Moberg

L'Elan , 2013, Ginkgo éditeur

Traduit par Raymond Albeck


Albert Karlsson/Carlson réside dans une chambre d'hôtel, entre le Pacifique et une grande artère de sa ville californienne. Nous sommes en 1962, cela fait 50 ans qu'il a quitté la Suède, et il n'y est revenu que peu de fois. C'est pour lui l'heure des bilans, après deux divorces, des enfants éloignés ne donnant pas de nouvelles, et la liquidation de sa dernière entreprise. Il est conscient d'approcher de la fin de sa vie, mais va finir par l'accepter paisiblement. 

Une grande partie du roman est consacrée à son frère Sigfrid, son grand frère disparu il y a longtemps, on en apprendra la raison au fil des pages. Ils étaient fils de fermiers travailleurs, rigoureux, attendant l'obéissance de leurs enfants. Albert a su se libérer de leur emprise en émigrant, mais il demeure entre deux endroits, c'est le lot de l'émigrant...

Rapidement j'ai été conquise par cette histoire simple en apparence, les deux 'vies' du narrateur, et sa lucidité d'homme mûr. Ambiance mélancolique, j'ai bien aimé.


mardi 14 mars 2023

Sambre


 Sambre

Alice Géraud

JC Lattès, 2023


Grâce à la journaliste Alice Géraud, qui s'est penchée sur ce fait divers dont j'ignorais tout, j'ai vécu des heures de lecture passionnantes et troublantes. Pendant trente ans (oui, trente ans!) à sévi dans un coin du nord peu étendu un homme appelé 'le violeur de la Sambre'. Des dizaines (oui!) de femmes, jeunes pour la plupart, voire des adolescentes (collégiennes) ont été 'agressées' selon un schéma bien reconnaissable. Je passe les détails traumatisants pour les victimes, mais il s'agit bien de viols (à l'époque la justice était encore bien floue sur certaines qualifications). Ensuite leur vie a été cassée, la peur de sortir, ou seule, la boulimie, l'arrêt des études, etc.

Mais comment est-ce possible? Des plaintes perdues, rangées. Souvent les victimes se retrouvent accusées de mentir (elles voulaient sécher les cours?) , on leur pose des questions sur leur vie intime, parfois il s'agit de gamines ne comprenant même pas certains mots. On parle juste d'incidents.

Alice Géraud évoque des dizaines de cas, c'est écrasant, c'est évident, mais pas lassant, je trouve normal qu'elle laisse sa place à toutes. 

Au fil du temps des enquêteurs se bougent, quand même. Mais les liens entre les administrations ne se font pas ou mal. Un portrait robot correct a même été établi et distribué dans les gendarmeries. En vain. Quand on a voulu demander une liste d'employés dans les usines du coin, une n'a jamais répondu, justement celle du coupable. Qui par ailleurs poursuit sa vie, de père puis grand père, bien inséré dans la vie de sa commune.

Il sévit aussi dans une proche commune, de l'autre côté de la frontière. Les belges, traumatisés par l'affaire Dutroux, sont un peu plus réactifs et efficaces, ils aident les victimes, mais le lien avec la France ne se fait pas instantanément.

L'ADN du violeur a été récupéré plusieurs fois,  mais comme il n'apparaît pas dans les 'fichiers', il demeure anonyme. Au moins cela servira à disculper des suspects au cours des recherches.

Finalement, une arrestation a lieu, puis un procès. Difficile pour les victimes.

On ressort lessivé, ahuri, de cette lecture nécessaire, avec en tête le courage de ces victimes, et aussi la ténacité de certains policiers et enquêteurs.

J'en fais un coup de cœur, un incontournable.

Avis babelio, et ? rien trouvé, faut se bouger!

samedi 11 mars 2023

Histoires bizarroïdes


 Histoires bizarroïdes

Olga Tokarczuk

Noir sur Blanc, 2020

Traduit par Maryla Lament


Pour cette lecture commune de l'auteur, dont j'ai quasiment tout lu de traduit à ce jour, j'ai repris ce recueil de nouvelles, déjà entamées il y a un bout, et que j'avais dû abandonner, sans doute éberluée par leur côté bizarroïde. Hé bien, on s'en doutait, non, c'est dans le titre? Oui, mais.

J'ai repris l'affaire en mains, relu le début, et en terminant : oui, c'est ô combien bizarroïde, mais absolument génial! D'ailleurs, hum, chez Olga Tokarczuk, se glissent souvent de petits décalages, des bizarreries, n'est ce pas? Rappelez-vous ce que vous avez lu d'elle ...

Avec Les enfants verts, est donné à lire un document écrit par un médecin du roi de Pologne, au cours d'un 17ème siècle avec tatares, guerres avec les suèdois, etc., mais racontant la découverte de deux enfants verts vivant dans une forêt. La bonne traduction rend parfaitement le style et le ton d'un document de ce genre.

D'autres font appel à un présent possible, un cauchemar enfantin, des bocaux un poil trop vieux, des détails de la vie quotidienne qui ne sont plus les mêmes (Le passager, Les bocaux, Les coutures), Une histoire vraie montre un enchaînement incontrôlable de mésaventures (mais ça va loin), Le coeur raconte les suites d'une transfusion.

Les autres nouvelles sont carrément évocatrices de futurs pas encore réalisés.

Avec La visite l'on découvre un égoton, où -si j'ai bien compris- vivent plusieurs égons. Cet univers est décrit au travers de la visite d'un double (comme si on recevait des jumeaux, quoi), avec ses règles de courtoisie. 

J'ai pensé à des clones ou des robots, mais pour les autres histoires restantes, je ne dis rien, préférant que vous découvriez totalement ce que ça vous inspire.

Avec Le Transfugium, il s'agit d'une famille réunie pour une cérémonie, une femme a pris une décision controversée mais elle ira jusqu'au bout. 

La montagne de Tous-les- Saints démarre paisiblement dans un monastère suisse, où loge une scientifique devant étudier certains enfants, le tout  avec des histoires de reliques moyenâgeuses. Olga Tokarczuk a l'art d'entremêler les histoires passionnantes. A la fin, ça interroge pas mal. Mais je ne dirai rien.

Quand j'ai compris ce qui se cachait sous Le calendrier des fêtes humaines, dans cet univers dédié à la stricte observance de rituels, j'ai été horrifiée.

Bref, je recommande chaudement la lecture de ce recueil. Oui, bizarroïde, mais faisant écho à notre société et certaines de nos interrogations.

Juste un passage

"Les intouchables y déposaient les cadavres de vaches sacrées pour qu'ils ne polluent pas la cité. (...) J'approchai d'un des monticules. Je m'attendais à ce qu'il soit fait de restes, avec la peau et les os desséchés par le soleil. Pourtant, de près c'était autre chose: des sacs en plastique chiffonnés, à demi-décomposés, avec le nom toujours visible de chaînes de magasin, des fils, des élastiques, des bouchons, des gobelets. Aucun suc digestif naturel ne pouvait venir à bout de la chimie humaine la plus élaborée. Les vaches se nourrissaient d'ordures qu'elles transportaient non digérées dans leur estomac. Voilà ce qui reste des vaches, me dit-on"

Avis Babelio, athalie, le bouquineur

mercredi 8 mars 2023

Comment j'ai rencontré les poissons

 

Comment j'ai rencontré les poissons

Ota Pavel

Editions Do, 2016

Traduit du tchèque par Barbora Faure

(couverture prise sur le site de l'éditeur)

(existe en poche)


C'est grâce à son père féru de pêche que le jeune Oto a rencontré les poissons et est devenu lui aussi amateur de ce passe temps nourricier. Dans les années 30 40 à Prague et sa région, ce n'était pas qu'une passion et un passe temps. Rivières, étangs, tout est bon, mais il fallait échapper aux gardes pêches et aux allemands. 

Mais il s'agit surtout d'un hommage à son père, capable de vendre un aspirateur dans un village sans électricité, pour la société Electrolux, passant du succès à la réussite, et inversement. Doué pour se faire des amis, y allant souvent au culot, amateur d'anguilles d'or, vendeur d'attrape mouches (au DDT), bref, un homme sympathique haut en couleurs.

L'ombre des camps plane sur la famille aussi, une grand mère n'en est pas revenue, le père et les deux frères y sont allés et revenus.

Des textes pleins d'humour et de nostalgie, j'ai beaucoup aimé.

Avis babelio, Luocine, aleslire, Patrice

lundi 6 mars 2023

Le traducteur cleptomane


 Le traducteur cleptomane

et autres histoires

Dezső Kosztolányi

Alinea, 1985 (photo VH 2006)

Traduit par Maurice Regnaut en collaboration avec Péter Adam


Il s'avère que l'univers des auteurs hongrois est jusqu'ici ma tasse de thé (deux Karinthy -il y a une famille, là! et Laszlo Krasznahorkai)(un mouais avec Magda Szabo mais ça peut s'arranger) alors voici un petit nouveau.

Né en 1885 dans un coin ayant changé de nationalité depuis, mort à Budapest en 1936, il a touché à de multiples genres littéraires, ici de courts récits mettent en lumière Kornel Esti. Un personnage attirant les aventures ou les confidences...

Le traducteur cleptomane ne peut s'empêcher d'enlever des biens dans les livres d'origine, bijoux, maisons, forêts, billets, Qu'est-il devenu après ces vols?

Avec L'argent, voilà Kernel Esti et des embarras de richesse (en français dans le texte). Il a hérité de tellement d'argent que, vu ses besoins assez modérés, il ne pourra tout dépenser, et il imagine des stratagèmes pour donner cet argent. Pas si facile!

On commence à réaliser que la fantaisie règne en maître dans ces nouvelles.

Voici Le contrôleur bulgare, où Kornel Esti se met en demeure de converser avec un contrôleur dans un train en nuit, alors qu'il ne connaît que trois quatre mots de bulgare. Mais communiquer peut se faire autrement que par la parole (y compris en laissant l'autre parler...)

Et cette Ville franche, où règne la franchise! Imaginez. Un restaurant annonçant "Mets immangeables, boissons imbuvables. C'est meilleur chez vous." A la librairie : "Rebut illisible... La dernière œuvre du vieil écrivain gâteux, pas un seul exemplaire vendu à ce jour... Les poèmes les plus maniérés, les plus nauséeux d'Erwin Râle." Le journal : "Chaque ligne de ce journal est payée. Nous dépendons du gouvernement quel qu'il soit, nous n'écrivons jamais notre propre opinion, sauf quand nous y contraint le plus sordide esprit de lucre. En conséquence, nous avertissons nos lecteurs, pour lesquels, individuellement et collectivement, nous n'avons que profond dédain et mépris, qu'ils n'ont pas à prendre au sérieux nos articles, "

Vous sentez l'ironie et la causticité du bonhomme, là?

Je ne vais pas tout raconter, il faut découvrir ces textes (onze en tout) mettant bien en lumière le fonctionnement de l'être humain, plutôt sans méchanceté d'ailleurs, mais lucidité.

Passage à l'est parle de Alouette et Anna la douce  du même auteur.

Avis babelio


vendredi 3 mars 2023

Journal de Nathan Davidoff


 Journal de Nathan Davidoff

Le juif qui voulait sauver le tsar

Nathan Davidoff

Traduit du russe et de l'hébreu

par Benjamin Ben David et Yankel Mandel

Ginkgo, 2017


Présentation et commentaires de Benjamin Ben David, un petit fils de Nathan Davidoff, qui au décès de son grand père dans les années 1970 a découvert ce gros journal. Il s'est ensuite lancé dans des recherches, particulièrement en Ouzbékistan, où il a mis au jour documents et photographies. Le livre contient donc une partie du journal (1300 pages au départ, il fallait des coupures!), et des photos vieilles de plus d'un siècle (tout ce que j'aime).

Une totale découverte pour moi de ce mode des 'juifs boukhariotes'. Vivant d'abord dans un 'émirat', puis en Russie au fil des conquêtes territoriales. Certains étaient fort prospères, dont la famille Davidoff. Né en 1880, Nathan avait le génie des affaires et n'était pas paresseux. Tout lui réussissait. Il se lançait dans à peu près tout, au départ, coton, tissage, tissus. Il se rendait fréquemment en Russie pour ses affaires et connaissait des proches du tsar. 

Quand la révolution se profilait, il a senti venir les événements, a mis de côté quelques valeurs, et (d'où le sous titre) a tenté de prévenir le tsar, pour qu'il quitte la Russie ou à tout le moins laisse partir son épouse et ses enfants. D'autres amis et relations ont suivi ses conseils et s'en sont bien trouvés.

Après un démarrage où défilaient les milliers (voire plus) de roubles et des réussites à l'envi, je me suis mise à mieux connaître ce Nathan Davidoff, et ce qu'il disait de lui-même me le rendait sympathique (sans doute manque-t-il un peu de modestie, mais en tout cas pas d 'intelligence et d'ardeur dans les affaires!)

Un patron assez cool finalement qui choisissait de faire confiance à ses ouvriers, "à mon avis, mes ouvriers sont mes partenaires, c'est pourquoi je leur suis reconnaissant de se servir tout en me laissant quelque chose"

Mais il veille au grain. "Les erreurs [dans des compte-rendu] entrainaient une observation, de sorte que toute l'équipe savait que la fraude n'était pas de mise. Cependant, tous savaient que les fautes involontaires étaient pardonnées. Par contre, les réussites étaient récompensées.et, en outre, je payais des salaires élevés, tout patron devant savoir que pertinemment que les bas salaires étaient facteurs de vols et d'un travail laissant à désirer."

Il a créé une école russo-juive pour les enfants pauvres, aidait des étudiants juifs à poursuivre leurs études à Kiev ou Saint-Petersbourg.

Il a su aussi appuyer les bonnes personnes qui lorsque la situation s'est dégradée lors de la Révolution, lui sont venus en aide.

Je passe sur les détails, une intéressante postface concerne les juifs du Turkestan (ces pays de l'Asie centrale en -stan). Nathan Davidoff, après moult péripéties, se trouve à Paris dans les années 40. Figurez vous les les 'juifs boukhariotes' y résidant à ce moment ne furent pas déportés, grâce à des interventions et l'établissement de documents assez incroyables.

Je termine avec un passage qui fait écho à ma lecture actuelle de Printemps silencieux. Je résume :

Les sauterelles se multiplient, grignotant le vert et en particulier ravageant les champs de coton. La misère se propage. On répand du poison sur les champs. Le bétail et les chevaux sont empoisonnés! Terrible famine. "Survint un miracle". Des milliers d'oiseaux apparaissent, et boulottent les sauterelles. 45 jours de combat!

L'avis de Anne-yes

Sans doute possible de le placer dans ?

mercredi 1 mars 2023

Contes

 

Contes

Alexandre Pouchkine

Traduit par Hélène Vivier-Kousnetzoff

Illustrations de Mikhaïl Nesterov

Ginkgo, 2023


Oui, Pouchkine (Moscou 1799-Saint Petersbourg 1837, lors d'un duel), est l'auteur de cinq contes, écrits alors qu'il était en résidence surveillée. On connaît de pires façons de passer son temps.

Le résultat est franchement réussi. Pouchkine a bien assimilé les codes des contes, par exemple il faut bien qu'un même épisode, ou presque, revienne trois fois. Bien évidemment cela fait partie du charme de l'affaire.

Un autre charme, c'est le décalage géographique : "Le tzar a quitté la tzarine. il s'est équipé pour la route. Seule, restant assise à la fenêtre, la tzarine l'attend. Elle attend, et attend, du matin à la nuit. Si longuement elle contemple la plaine, de l'aube blanche jusqu'au soir, que de regarder ainsi les yeux lui font mal.

Elle ne voit pas son ami cher! Elle voit seulement la neige qui tourbillonne, la neige qui s'accumule sur la plaine, la terre toute blanche."

Bref, le tzar devenu veuf épouse  une méchante femme dotée d'un petit miroir, etc. On reconnait l'histoire.

Mais certaines sont originales, tiens, commençant par "Il était un pope, pope de peu de cervelle."

Deux contes se terminent par une grande fête. "D'ailleurs J'y étais. Je bus l'hydromel et la bière, mais je ne fis qu'y tremper mes moustaches."

Pour terminer, des illustrations de Ivan Bilibine et Boris Zvorykine , en noir et blanc, que j'ai beaucoup aimées .



Illustrations prises ici 

Ainsi je démarre ma participation à

lundi 27 février 2023

Aussitôt que la vie


 Aussitôt que la vie

Listes de la colline et au-delà

Journal

Marie Gillet

L'Harmattan, 2022


Il faut imaginer une dame assez âgée marchant dans les collines provençales, promenades renouvelées sans se lasser des mêmes paysages, y voyant des rendez-vous attendus. Cette dame demeure prudente, sa canne l'accompagne, dans son sac un pique nique frugal, et surtout des carnets où elle note des listes, où elle glisse des feuilles,  et qui serviront de bases pour écrire plus tard.

"J'ai rendu hommage à cette nature qui me ramène toujours à des valeurs plus humaines que celles d'en bas, dans la ville que je n'apercevais plus. J'ai sorti mon carnet et j'ai écrit."

Chaque balade racontée insère naturellement une liste, par exemple celle des vents, des chênes, des bleus, usant de mots précis, compréhensibles, parfois expliqués. Mon préféré : "C'est bien plus tard, quand je me suis intéressée à la botanique, que j'ai appris que les fleurs de thym sont en corymbe, c'est à dire qu'elles sont toutes à la même hauteur: pas une fleur ne dépasse l'inflorescence. J'aime cette égalité que je trouve très symbolique."

Elle n'a plus l'habitude de cueillir pour ramener des bouquets. "Mais ça, c'était avant quand je croyais qu'il fallait avoir pour être, que ce soit des bouquets de fleurs ou des paires de chaussures; "

Une écriture souvent vive, pleine d'enthousiasme. "Un magnifique vieux pommier en fleurs au milieu d'un pré d'un vert éclatant. J'étais heureuse de pouvoir éprouver  cette joie de le voir et d'en n'être point blasée. Cette beauté était là avant que j'arrive et si je n'étais pas venue, elle aurait quand même existé  parce qu'elle est une vie en elle-même."

Se dégage à de multiples reprises une façon de considérer l'existence, être dans le présent, "le délai obtenu ne sera pas éternel"  "Rien ne compte que ce qui est, juste au moment où on le vit." 

Tout paraît heureux et paisible dans ces promenades baignées par l'amour de la nature.

Cependant, tout du long, discrètement au point qu'il m'a fallu du temps pour reconnaître qui est qui, j'ai découvert un parcours d'enfant tenue au silence par un père ayant eu son histoire bien sûr, un père capable d'admirer les tapis de violettes, aussi, et puis une vie plus épanouissante et créatrice de beaux souvenirs avec une grand-mère de substitution. Des voyages antérieurs, et puis des soucis de santé. Je comprends mieux ce désir de savourer les jours, toutes leurs heures, et de se ressourcer dans la nature. Il faut aussi découvrir le magnifique passage des asphodèles, en écho avec l'Odyssée, menant à un moment très personnel.

Il n'est pas besoin de connaître le coin pour apprécier ce beau livre, aimer les petits bonheurs offerts par son environnement suffira.

Ne pas hésiter à découvrir le blog de l'auteure, Bonheur du jour.

Des avis : Maryline (oups je constate qu'on a choisi un même passage), Tania, Dominique, merveilleusement illustré comme d'habitude, Manou, Mayalila, emmacollages, babelio,

jeudi 23 février 2023

Mâchoires


 Mâchoires

Monica Ojeda

Traduit par Alba-Marina Escalon


Que ne ferait-on pas pour participer au mois latino organisé par Inganmic (son billet sur ce roman, par ailleurs). Cela me sort de ma zone de confort, et puis c'est mon premier roman équatorien!

Miss Clara est  professeur de lettres dans un lycée de filles privé et très très huppé. Une expérience traumatisante avec deux élèves d'un précédent poste en lycée public lui a laissé un terrible souvenir. Sa mère, professeur de lettres elle aussi, est morte, et Clara a récupéré ses vêtements qu'elle porte quotidiennement. Elle imite aussi sa façon de se tenir, sa mère ayant souffert d'une colonne vertébrale déviée.

Déjà une ambiance particulière, non? Mais ce n'est pas tout.

Parmi ses nouvelles élèves, un groupe de six se retrouve dans un immeuble abandonné, se lançant des défis, se racontant des histoires d'horreur, etc. Les meneuses, Fernanda et Annelise, sont comme des sœurs (faut dire qu'elles ne sont pas gâtées côté mère) et ça va assez loin.

Vérités? Mensonges? Imaginations d'adolescentes? Ambiance devenant vraiment malsaine.

Au tout début on découvre que Clara retient Fernanda prisonnière, et le roman va raconter ce qui s'est passé avant. Clara, sa mère, son expérience  de prof, les ados dans ce bâtiment ou en sortie avec des jeux dangereux, Fernanda et son psy.

J'avoue avoir lu le dernier tiers en diagonale, me moquant pas mal de ce qui arrivait aux personnages, mais je reconnais que l'écriture de l'auteure m'a harponnée et fascinée. Une plume intéressante, de longues phrases -avec incises- mais cette ambiance glauque et malsaine est éprouvante et n'est pas ma tasse de thé.

Avis babelio, bibliosurf, jelisjeblogue

lundi 20 février 2023

Les derniers géants


 Les derniers géants

Damnation Spring

Ash Davidson

Actes sud, 2023

Traduit par Fabienne Duvigneau


D'accord, contrairement à Idefix, je ne ulule pas à la mort quand un arbre est déraciné. Mais là il s'agit de sequoias, et la menace pèse en particulier sur le 24-7, nommé ainsi à cause de ses mensurations anglo-saxonnes, à savoir 7,50 de diamètre et 112 mètres de haut (plus que la longueur d'un terrain de foot). Rich Gundersen est élagueur, comme son père et son grand père, et travaille en équipe chez Sanderson. Un travail difficile et dangereux, alors pour préparer un meilleur futur à son épouse Colleen et son fils Chub, il s'endette en achetant justement cette parcelle 24-7.

Dans la petite communauté du nord de la Californie accrochée sur des pentes souvent boueuses (oui, il pleut pas mal), Colleen se dévoue comme sage-femme avec juste son expérience. Elle-même vient de perdre une petite fille durant une grossesse, a connu plusieurs fausses couches, et constate des naissances d'enfants handicapés.

D'après Daniel, un chercheur originaire du coin (il appartient à la communauté Yurok, des amérindiens que je découvre, fort intéressants) en sont responsables les épandages d'insecticides par avion, et le long des routes par camions citernes. Il demande à Colleen de lui fournir des échantillons de leur eau de source.

Les bûcherons et les autres ne vont pas accepter que l'on touche à leur mode de vie et leur gagne pain. Les écolos manifestent. Nous sommes en 1977/1978.

Je n'en dis pas plus. Les chapitres sont courts, se fixant sur Rich, Colleen ou Chub, j'ai vraiment aimé ces trois là. Il y aura de beaux moments, mais aussi des tensions, des drames. Un brave bon gros roman, quoi.

Avis babelio, bibliosurf

jeudi 16 février 2023

Le couple et l'argent


 Le couple et l'argent

Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes

Titiou Lecoq

L'iconoclaste, 2022

Bien évidemment je ne peux pas dire que TOUT était inconnu dans ce livre, mais c'est Titiou Lecoq aux manettes, et cela change tout : informations tirées des meilleurs endroits sérieux, proposées avec pédagogie et humour, alors oui, cela se dévore.

Salaires différents, temps partiel et conséquences sur les retraites, oui, bien sûr. Mais cela commence avec l'argent de poche donné par les parents! Quant à la taxe rose, on commence à en parler, alors faites le tour dans les magasins, et comparez les prix du même article, selon sa destination... 

Même les impôts peuvent être une cause d'inégalité dans le couple (solution facile à mettre en œuvre), ne parlons pas du divorce et de l'héritage. Bref, à tout moment de sa vie la femme se doit d'être vigilante. Même quand elle se met en couple, alors que les petits cœurs volètent, mieux vaut penser à la répartition des charges et des tâches.

Un livre éclairant, utile et plein de peps.

Avis babelio

Une vidéo avec l'auteure



lundi 13 février 2023

Les nuits de laitue


 Les nuits de laitue

Vanessa Barbara

Zulma, 2017


Après l'avis enthousiaste de A Girl, considérant l'existence d'un mois latino auquel j'ai du mal à participer à cause d'abandons répétés dans mes lectures, au vu des 185 pages seulement, je me suis lancée.

Dès le début, l'on apprend la mort d'Ada, mariée à Otto depuis des décennies. Il faudra arriver aux deux tiers du roman pour connaitre la raison de son décès.

Ada et Otto forment un couple solide, leur maison (jaune) est entourée de voisins sympathiques mais assez farfelus. Mention spéciale aux chiens de Teresa, à la repasseuse incapable, sans oublier le facteur titulaire se trompant dans la distribution du courrier, l'employé en pharmacie féru de notices, l'anthropologue et les cafards.

Ces courriers mal distribués permettaient aussi aux habitants de se contacter, voire d'écrire à d'autres familles. "Remettre les lettres aux mauvaises personnes créait du lien social entre voisins - Teresa sortait pour protester, Nico se rendait chez Mariana pour lui donner une facture de gaz en mains propres, et ainsi de suite."

J'allais oublier les expériences culinaires d'Ada. "Elle se mettait tout de même au travail, tandis que son mari ressortait le numéro du livreur de pizza, au cas où."

Une ambiance un peu fofolle, bourrée de fantaisie, où apparaît au fil des pages la référence à un incident, et l'inquiétude d'Otto s'interrogeant des événements niés par les autres. Et pourtant...

A la fin le lecteur (mais pas Otto) saura tout.

Dans le cadre de 

Avis babelio

jeudi 9 février 2023

L'Enfer du bocal


 L'Enfer du bocal

Verena Hanf

éitions Deville, 2023



Après des années de bons et loyaux services dans sa boîte, Jacques Janssens a été catégorisé low performer et envoyé dans un open space à des tâches moins passionnantes. Son épouse Clara, femme au foyer dévouée (à sa demande, c'est précisé) a repris un travail d'infirmière. Ils voient régulièrement leur fille Corinne et ses jumeaux, mais fréquentent maintenant peu de monde, depuis le départ de leur fils Bruno, dont ils sont sans nouvelles. Une existence tristounette, où l'on tourne en rond comme dans un bocal justement, ce bocal pouvant être, si j'ai bien compris, les bureaux, une vie de mère au foyer très dévouée, ou la trop grande surprotection des parents, ici surtout Clara.

Juliette, une nouvelle collègue, apparaît, et Jacques commence à se livrer un peu. Il veut se reprendre, s'en sortir. Différentes circonstances vont l'y aider.

Ce serait dommage de trop en raconter, des vies semblables, il en existe pas mal, mais le charme opère tout doucement, comme dans les romans de l'auteure déjà lus. ( Simon, Anna, les lunes et les soleils   La fragilité des funambules) C'est doux et tranquille, et l'on s'attache fortement à ces personnages à qui il suffirait de peu pour devenir plus heureux.

Merci à l'auteure.

L'avis de Textes et Prétextes, avec des extraits,  Yv

lundi 6 février 2023

Des racines blondes


 Des racines blondes

Blonde Roots, 2008

Bernardine Evaristo

Globe, 2023

Traduit par Françoise Adelstain



Pourquoi ce choix parmi les titres de Masse critique?

D'abord j'avais tellement aimé Fille, femme, autre.

Ensuite, l'idée de départ, inverser l'Histoire. Les habitants d'Europa sont devenus esclaves de ceux d'Aphrica. Deux narrateurs, la jeune Doris, à la langue critique et bien pendue (mais intérieurement, c'est plus prudent), enlevée près de son village, transportée en bateau et, au départ, vivant chez ses propriétaires. Ainsi que le patron suivant de Doris, chef Kaga Konata Katamba 1er (alias Bwana) qui suite à une tentative de fuite, saura se venger. Ses opinions sur l'esclavage rappellent bien évidemment celles connues dans les siècles passés.

C'est piquant de découvrir comment l'auteur décrit chaque monde avec les yeux de l'autre, le lecteur au courant de l'Histoire réelle ne découvre pas les horreurs de l'esclavage, mais une piqure de rappel ne fait pas de mal. C'est plutôt réaliste.

Doris, rebaptisée Omorenomwara, vivra pas mal d'aventures, et j'ai dévoré ce roman, sans toujours me préoccuper des références sous-jacentes.

Des lecteurs sur Goodreads pointent bien le flou géographique et historique du tout, L'enfance de Doris évoquant une Angleterre des siècles passés, avec serfs et seigneurs, et la ville de Londono (cf Londres) a eu un métro, mais on a l'impression que les progrès technologiques sont diffus. Des navires, des calèches, pas d'avions ou d'automobiles. Peu importe, on se plonge dans ce monde décalé, voilà.

A un moment, dans sa fuite, Doris emprunte Le Chemin de Fer Souterrain, ici le fameux métro désaffecté, et j'ai pensé à un autre roman, mais celui de Bernardine Evaristo date d'avant, 2008.

Ce qui m'a un peu freinée dans ma lecture, en fait, c'est en dernière partie le parler des esclaves dans les plantations des iles, évoquant (en traduction française en tout cas) celui des iles, justement, mais avec des esclaves issus de nations européennes, pourquoi cette même évolution?

Avis Babelio 

jeudi 2 février 2023

Le pain perdu

 


Le pain perdu

Il pane perduto

Un récit d'Edith Bruck

Editions du sous-sol, 2021

Traduit de l'italien par René Ceccaty

Edith Bruck est née en 1931 dans une petit village de Hongrie, avec ses diverses communautés religieuses. Sa famille est juive, et dès le début du récit la situation est difficile, en dépit de l'existence de certains villageois chrétiens les acceptant mieux. Il semblerait que jusqu'au début de 1944 les juifs, même si persécutés et tenus à l'écart, ne sont pas livrés aux nazis. En tout cas, pour Edith-Ditke, c'est brusquement que tous doivent quitter leur maison (laissant le pain lever, au grand dam de sa mère), pour un train les menant à  Auschwitz Birkenau, où sa mère disparaît dès son arrivée. Durant des mois de survie, elle reste avec sa sœur Judit, frôlant souvent la mort, en plus des conditions inhumaines. 

De camp en camp, elles finissent par être libérées, puis retour en Hongrie, où Edith retrouve sa famille (enfin, les survivants). Pas forcément avec enthousiasme, d'ailleurs. Pareil dans leur village, avec les anciens voisins, et elles filent vite.

Après quelque temps en Israël, elle s'installe en Italie, où elle vit toujours. Scénariste, réalisatrice, écrivain, Le pain perdu est son dernier livre, une occasion de revenir sur sa vie. Certains souvenirs sont prégnants, pour d'autres ils n'y sont pas, beaucoup d'ellipses, et je trouve que c'est normal et d'autant plus fort.

Quelques passages:

"Bien sûr nous n'avions plus grand chose d'humain et nous les effrayions tout comme ils m'effrayaient, moi aussi, qui me demandais, en surmontant ma douleur, ce qu'ils deviendraient, ces enfants, une fois adultes." Il s'agit des enfants d'officiers séjournant dans un château, Edith travaille dans les cuisines...

Le cuisinier lui demande son nom

"Quelque chose d'incroyable pour moi, qui n'étais plus que le numéro 11152. (...)

 S'il n'était pas Dieu en personne, qui était-il? 

J'eus le sentiment de renaître. J'avais un nom. J'existais."

Avec leur soeur Mirjam, au retour en Hongrie

"Mais qu'est-ce que la vie vous réserve?

- La vie, avons-nous répondu d'une seule voix!"

A sa sœur Judit, qui projette d'aller en Palestine

"Vivons, nous verrons en vivant. Nos vrais frères et sœurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, nos souffrances équivalent aux leurs. Ils ne veulent pas nous écouter: c'est pour ça que je parlerai au papier."

Le livre se termine par une Lettre à Dieu, "pitié oui, envers n'importe qui, haine jamais , c'est pour ça que je suis saine et sauve, orpheline, libre et c'est ce dont je Te remercie, dans la Bible Hashem, dans la prière Adonai, et dans la vie de tous les jours, Dieu."

Avis plaisirs à cultiver, babelio, bibliosurf, Aifelle

Une lecture commune, dans le cadre de

lundi 30 janvier 2023

La route des Gitans / Le dernier voyage à Venise


 La route des Gitans

Miguel Haller

Ginkgo éditeur, 2019

Préface de Joseph Joffo


L'auteur, issu de deux cultures, nomade et sédentaire, parle de Gitans, qu'ils se déplacent Europe du nord ou du sud, je ne vais donc pas détailler ou discuter les différentes dénominations. En tout cas les Gitans sont les héros de cette histoire, un peu moins méconnus quand on l'a lue. Elle se déroule dans la première moitié du 20è siècle, et leur mode de vie a vraisemblablement changé  nos jours. Plus de verdines mais de modernes caravanes. Dans mon enfance je me souviens de ces roulottes, stationnant  régulièrement sur un terrain, lequel est aujourd'hui une 'aire de passage' pour 'gens du voyage', mais dans la réalité c'est quasi permanent, au grand dam d'un partie des habitants de la ville, chouinant à cause de l'accumulation de ferraille.  Les réunions locales avant élections municipales sont souvent l'occasion d'y aller très fort dans les propos... 

Dans le clan de Bolochka la vie s'écoule, l'on vit dans l'ignorance de la grande histoire et des frontières. L'on ne sait ni lire ni écrire, mais l'on parle plusieurs langues. Musique, danse, animaux dressés, sans doute vannerie, colportage, et braconnage, ainsi que travaux des champs chez les paysans, cela aurait pu durer encore, mais le régime nazi a voulu se débarrasser de ce peuple. 

L'auteur conte l'histoire d'amour assez improbable de Sara et Franz, tragique forcément. Peu importe s'ils ont réellement existé, en tout cas la vie des nomades est bien documentée et expliquée, ainsi que la vie dans la 'grande' Allemagne des années 40. 

C'est surtout l'occasion de savoir que des centaines de milliers d'hommes, femmes et enfants ont péri dans les camps de concentration, lors de ce génocide souvent oublié... 

"On ne connaît pas exactement le nombre de Tsiganes tués au cours de la Shoah. Bien que des chiffres ou des pourcentages précis ne puissent pas être vérifiés, les historiens estiment que les Allemands et leurs alliés auraient exterminé environ 25% des Tsiganes européens. Sur un peu moins d'un million de Tsiganes vivant en Europe avant la guerre, jusqu'à 220 000 auraient ainsi été tués par les Allemands et leurs partenaires de l'Axe."

Avis babelio

Du même auteur, pour continuer à voyager avec cette communauté:


Le dernier voyage à Venise

Miguel Haler

 Ginkgo, 2022

Dans les années 60 près de Lyon, le vieux Sylvano, brocanteur récupérateur avec sa charrette, vit tranquillement dans sa cabane sans confort, cultivant son petit jardin. C'est son petit-fils Gaston qui raconte, aidant le grand-père et allant récupérer quelques pièces en grattant sa guitare dans les cafés.

Hélas, un genre de vie qui va devoir disparaître, car les terrains sont convoités par des promoteurs. Suite à un événement inattendu, voilà grand père et petit-fils partant mener la grande vie (puis la moins grande) à Venise, lieu natal de Sylvano.

J'ai beaucoup aimé cette histoire bourrée d'énergie, avec le personnage haut en couleurs et vraiment sympathique de Sylvano. 

Deux lectures dans le cadre de


et de 

Merci à Nathalie qui signale un podcast de France Culture.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-resistances-tsiganes

Maryline parle d'une artiste rom qui a connu les camps.

vendredi 27 janvier 2023

Seul l'espoir apaise la douleur


 Seul l'espoir apaise la douleur

récit

Simone Veil

Flammarion, 2022

Préface de Jean et Pierre-François Veil

Avant-propos de Dominique Missika

"La Fondation pour la Mémoire de la Shoah et l'INA  ont imaginé le projet 'Mémoires de la Shoah', confié à Mme Dominique Missika, qui a permis de recueillir plus de 100 témoignages, sous forme d'entretiens filmés." Celui de Simone Veil date de 2006 et la plupart sont consultables sur le site de l'INA, au Mémorial de la Shoah, à l'Inathèque et à Yad Vashem.

Ce livre est la transcription écrite de ces entretiens.

Bien sûr l'on connaît d'autres livres sur la vie et les combats de Simone Veil, dans ces entretiens elle rappelle son enfance, son adolescence et sa vie (sa survie) dans les camps, les amitiés s'étant nouées là-bas, puis le retour.

Mais ici Simone Veil aborde des sujets dont je ne me souvenais pas, elle donne plein de détails, sobrement, à son habitude.

Perce parfois une énergie brutale, comme quand elle rappelle avoir dit à un type qui insistait sur le retour des camps "Ah monsieur, vous êtes un petit con." Son admiration et son amour pour sa mère sont flagrants. Et surtout son émotion quand elle parle de la mort des enfants déportés. 

Souvent sa phrase s'interrompt (on devine ce qu'elle ne dit pas) et il y a régulièrement ce poignant "Elle marque une pause)" qui fait à mon sens la valeur de ce livre, qu'on n'aurait pas dans juste de l'écrit posé et repris.

Dans le cadre de 






lundi 23 janvier 2023

L'Europe réensauvagée


 L'Europe réensauvagée

vers un nouveau monde

Gilbert Cochet Béatrice Kremer-Cochet

Préface de Baptiste Morizot

Babel, 2022


Hé oui, on est complètement dans mon créneau, et après Ré-ensauvageons la France de Gilbert Cochet et Stéphane Durand (pas de billet!)(mais si, je l'ai trouvé!!!) (toujours chez Actes sud, collection Mondes sauvages, mais en poche, youpee!) j'ai agrandi mon monde à l'Europe.

Morizot explique d'abord clairement que le ré-ensauvagement n'est pas contre l'être humain, il s'agit souvent de redonner la place à la nature, elle ne demande que cela si on la laisse faire. Pas d'inquiétude, un loup ne s'installera pas dans votre jardin, de toute façon il vit en meute et a besoin d'espace. Mais, rêvons avec les auteurs, on pourrait un jour voir des ours bruns capturer des saumons dans nos rivières, plus la peine de polluer la planète pour aller au bout du monde admirer ces scènes.

Cet ouvrage parcourt l'Europe, ses montagnes, forêts, fleuves et rivières, ses côtes aussi, exposant l'état des lieux, avec en règle générale des espèces ayant frôlé (ou hélas plus que frôlé l'extinction), mais pour beaucoup ayant su profiter de leur protection. Le ton général du livre est à l'optimisme (mesuré et circonstancié) et à l'enthousiasme, ce qui change de trop de pessimisme, mais restons vigilants.

Quelques citations (mais l'on apprend plein d'autres choses!)

" Dans le parc national suisse, les 1500 chamois s'autorégulent depuis plus d'un siècle autour de la densité optimale de 10 individus pour 100 hectares (soit un kilomètre carré). Aucune intervention humaine n'a été nécessaire pour le maintien de cet équilibre."

"Il y a plus d'ours sur le continent européen que dans les Etats-Unis et le Canada réunis."

"Les fleuves libres et sauvages, gratuitement et inlassablement, entretiennent nos côtes, nourrissent la mer et approvisionnent nos plages en sable blond avec l'élégance de la courbe."

Il y a aussi la comparaison de l'intervention tchèque face à une attaque des épicéas par des scolytes et le laisser-faire en Allemagne. A l'arrivée, la non intervention était le bon choix.

Avis babelio

jeudi 19 janvier 2023

Mon cancer couillon


 Mon cancer couillon

Kazuyoshi Takeda

Pika Graphic, 2019


Le titre original est Sayonara Tama-chan, mais j'ignore qui a trouvé ce génial titre en français! L'auteur, alors qu'il est encore assistant d'un mangaka, doit mettre sa carrière entre parenthèses car on lui diagnostique (à temps) un cancer d'un testicule (le gauche si vous voulez tout savoir). Un cancer rare, le plus répandu chez les hommes jeunes, avec un excellent taux de survie à cinq ans. 

En dépit d'un opération, il lui faut subir une chimiothérapie, car  il y a des métastases. Le voici pour un long moment à l'hôpital, en urologie, avec des hommes plus âges atteints par exemple d'un cancer de la prostate.

Les effets secondaires de la chimio sont bien décrits, perte de goût, ultra sensibilité aux odeurs et aux bruits, vomissements, douleurs, dépression même. 

(D'accord, là j'en ai perdu pas mal). D'abord, cancer, hôpital. Ensuite, manga, surtout à lire ans le bon vieux sens manga, en commençant par 'la fin' et en lisant de droite à gauche (on s'y fait).

Mais l'humour (si!), la description de la vie dans cet hôpital, avec les autres malades (j'ai découvert que les chambres sont communes à plusieurs, avec juste des rideaux pour isoler un peu) et le personnel, et l'épouse de l'auteur (sans oublier le mignon chiot) donnent un ensemble parfaitement accrocheur.

Cependant je comprendrais parfaitement qu'on n'aie pas envie de s'y lancer, chacun a un vécu plus ou moins douloureux avec la maladie. C'est le témoignage de l'auteur, voilà.

Avis babelio

samedi 14 janvier 2023

Le noeud de vipères

 


Le nœud de vipères

François Mauriac

Le livre de poche, 2016

Préface, notes et commentaires de Jean Touzot


Rien de mieux qu'une lecture commune avec  Inganmic et Maryline  pour redécouvrir François Mauriac. Même si j'avais fortement apprécié On n'est jamais sûr de rien avec la télévision, où l'humour (si!) était bien présent, et avais de vagues souvenirs d'une 'période' Mauriac chez moi, c'était l'occasion de lire un de ses romans, sans doute l'un des plus connus.

Bienvenue dans la bonne bourgeoisie bordelaise. Louis en fait n'en est pas issu, avec une mère simple paysanne dure à la tâche, mais il s'est hissé au statut d'avocat. Il a épousé une Fondaudège. C'est d'ailleurs à Isa, sa femme, qu'il écrit un longue confession, alors que selon son expression le voilà un 'vieillard' dans sa soixante-huitième année (si!).

Une épouse qui l'ignore maintenant, des enfants et petits enfants ne pensant qu'à un bel héritage qu'il n'est pas décidé à leur lâcher. Dans cette confession amère et lucide, il s'interroge cependant.

Après une première partie sans trop de peps, voilà la seconde et quelques révélations que je ne dévoilerai pas, qui ont renouvelé mon intérêt assez ténu pour cette ambiance étouffante.

Une fin étrange, l'impression qu'il manque un développement.

On ne peut ignorer que Louis et le reste de sa famille étaient en désaccord au sujet de la religion, lui le mécréant et sa côtelette du vendredi. Cependant des notations tout du long font émerger une progression de conversion, mais pas vers la bigoterie d'Isa. Cependant personnellement ce n'est pas ce que je retiendrais tellement de ce roman, mais plutôt un parcours d'un homme vers un certain apaisement et un lâcher prise.

Avis babelio

jeudi 12 janvier 2023

Les derniers nomades d'Australie


 Les derniers nomades d'Australie

The last of the nomads

W.J. Peasley

Actes sud / aventure, 2001



C'est en cherchant Les femmes aussi sont du voyage (cote 305) que je suis tombée sur ces nomades, et tout de suite j'ai pensé l'intégrer dans Lire sur les minorités ethniques (oui, c'est comme ça dans les biblis)

Nous sommes en 1977, et l'auteur monte une expédition destinée à retrouver un couple d'Aborigènes, Warri et Yatoungka, de la tribu des Mandildjara - ou en tout cas à connaître leur sort. Il s'agit des derniers habitants du Gibson Desert, ils y vivent depuis fort longtemps, craignant de rejoindre leur groupe, car leur union était contre les règles de la tribu.

Comme les Aborigènes depuis des millénaires, ils étaient parfaitement adaptés à cette vie, connaissant les points d'eau, chassant, cueillant. Sauf qu'une terrible sécheresse perdure, et il est temps d'y aller voir. 

Les blancs, eux, partent avec véhicules tout terrain, eau, nourriture et essence, guidés par Mudjon, ami de Warri. Mudjon est un Aborigène connaissant la vie des blancs, il déplore l'évolution de la vie des Aborigènes, particulièrement les problèmes d'alcool, il connaît bien les coutumes mais se désole de ne plus guère les transmettre. C'est le guide parfait, qui sait trouver les puits (hélas à sec pour la plupart), les lieux essentiels pour les Aborigènes, les sites où l'expédition découvre et recense peintures et gravures, et reconnaître une piste alors que rien ne le permet pour des yeux non expérimentés. Il en profite pour confectionner des lances, et fait preuve d'une vue et d'une mémoire excellentes.

Dès le début, on sait que les deux Aborigènes seront retrouvés vivants, mais il était grand temps! Mais se posait le problème : les laisser là -à une mort quasi certaine- ou les ramener - portant "la responsabilité de la fin d'un mode de vie qui datait de plusieurs millénaires".

Ce court récit est surtout intéressant quand il montre justement le mode de vie des Aborigènes, celui du couple en particulier, en revanche les trajets à travers dunes ou pas sont un peu longuets.

Avis babelio

samedi 7 janvier 2023

La modification


 La modification

Michel Butor

Minuit, 2008

(L'exemplaire de la bibli a lui aussi voyagé, et domine les voies de la gare de N.)



Lire La modification peu après Paris-Briançon (que j'ai dévoré) ce n'est peut-être pas équitable pour Philippe Besson, là on ne boxe pas trop dans la même catégorie. Peu importe, après quelques tours de roue dans un compartiment et l'interrogation devant tous ces détails futiles ou inutiles, j'ai adhéré et terminé peu après, franchement admirative!

Comme d'habitude, j'ai gardé ma casquette de lectrice basique, garantie sans études de lettres, et puisqu'à la fin, grâce à 'Le réalisme mythologique' écrit par Michel Leiris (qui décortique et révèle l'histoire, donc passionnant mais à lire après) j'ai réalisé que j'avais compris 90% du roman, ça va. wikipedia est aussi fort bien, mais raconte tout.

L'histoire?  Un parisien quarantenaire, marié, père de quatre enfants, directeur de la succursale française d'une firme italienne de machines à écrire, se rend à Rome par le train de nuit. Comme souvent, puisque cela rentre dans ses attributions. Sauf que là il voyage en troisième classe ( le l3 juin 1956 la SNCF mettra fin à cette catégorie) au lieu de la plus confortable première classe. A cela une raison : il paie son billet, voyage à l'insu de son employeur, et ne se rend à Rome que pour annoncer à Cécile, sa maîtresse franco italienne depuis un bout de temps, que leur vie va changer. 

Sa vie familiale est pleine de lassitude et d'habitudes, sa femme est bien sûr au courant de ce voyage là, et se doute que Cécile, qu'elle a déjà rencontrée, est la maîtresse de son mari.

Voilà donc notre héros dans le compartiment! "Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant." Hé oui, la narration est en "vous", le lecteur s'identifie sans doute, de nos jours cela paraît sans doute moins original. Michel Leiris : "il suffit de quelques brefs coups d'oeil jetés sur les lignes imprimées tandis que vous maniez le coupe papier pour que vous vous sentiez en  présence d'une invitation, sinon d'une sommation." Tiens oui, j'aurais pu écrire mon billet avec ce "vous", mais peu importe, cette idée de coupe papier me réjouit. Ainsi que tous ces détails années 50, les photos de paysages dans le compartiment, le contrôleur cognant à la vitre avec son poinçon, etc.

Description des compagnons de voyage, que Léon (oui, il s'appelle Léon) finira par nommer à sa guise, dont il imaginera la vie, compagnons changeant au cours du voyage, les italiens présents de plus en plus. Description des paysages, souvenirs, pensées. 

Récit du voyage au présent.

Mais va s'intercaler un récit au futur où il imagine ce qui va se passer.

Et puis, tant qu'à faire, un récit au passé, puisque ce n'est pas le premier sur cette ligne. Oh que non, le lecteur découvre les différentes strates du voyage Paris-Rome (et retour). Et même plusieurs voyages dans le passé...

Comment ça, on va s'y perdre? Mais non, l'auteur a bien mis en place des détails qui indiquent dans quel voyage on est. Très très fort.

Petit à petit on apprend comment Léon et Cécile se sont rencontrés, leur vie à Rome quand Léon s'y trouve. Rome, on le sent, est un vrai personnage du livre, la Rome de l'antiquité, la Rome de la Renaissance. Rome va jouer un rôle dans l'histoire et son évolution (je ne spoile pas).

Car il y a une histoire, subtilement racontée par bribes, un dévoilement vers la fin, et une 'pirouette' qui permet de considérer le roman autrement. Pfou!

A lire, donc, et à relire sûrement (car je pense avoir passé certains détails, par exemple cette histoire de grand Veneur, j'ai compris mais pas fait attention à son démarrage dans le roman - hé oui, les détails comptent!).

Avis babelio, critiques libres

mercredi 4 janvier 2023

Paris-Briançon


 Paris-Briançon

Philippe Besson

Julliard, 2022


L'Intercités  de nuit n°5789 va partir! (oui, j'ai vérifié, il existe). La belle idée du roman est de présenter rapidement les personnages principaux, réunis uniquement par ce voyage, car sinon rien ne les aurait fait se rencontrer, c'est à peu près certain. Mais le train, c'est ça! (j'aime tellement prendre le train)(en dépit des aléas)

Par exemple Julia, jeune mère de famille fuyant un conjoint violent, et Serge, VRP assez lourd : ces ceux là se confient. Ou un couple de néo-retraités et une bande de jeunes : une concorde sera trouvée. Entre Alexis et Victor, une entente subtilement amenée (mais devinée).

"Et vous savez ce que j'aime encore plus? C'est les trains de nuit. Parce que, dans les trains de nuit, on dit des trucs qu'on ne dirait pas autrement." N'en déplaise à Bashung, la nuit on ne ment pas toujours.

Assez vite, le lecteur sait que certains vont mourir; qui, comment, quand, pourquoi, on ne le sait pas encore. Puis viennent les dernières pages, haletantes, avec aussi ce regard sur notre société égoïste et addict aux réseaux sociaux. 

Vraiment j'ai dévoré ce (court) roman, tellement attachée aux personnages. 

Avis babelio, bibliosurf, La petite liste