L'histoire de l'amour
The history of love
Nicole Krauss
Gallimard, 2006
Traduit par Bernard Hoepffner avec la collaboration de Catherine Goffaux
Mais quel roman! Il faut accepter de se laisser mener là où l'auteur le désire, bien sûr, mais quel bonheur!
A New York, Leo Gursky n'a rien oublié d'Alma, son amour d'enfance dans la Pologne des années 30. Une histoire d'amour interrompue par le départ d'Alma pour les Etats Unis, mais Leo est un survivant de la Shoah, et a pu rejoindre New York lui aussi. Le voilà qui se décide à envoyer le manuscrit de son histoire à une personne qu'il estime intéressée.
Changement de ton, avec Alma et son frère Bird. Alma sait qu'elle a été prénommée ainsi à cause du personnage d'un roman paru il y a fort longtemps, roman offert à sa mère par son père, et intitulé L'histoire de l'amour. Ces deux jeunes n'ont pas fait le deuil de leur père; pourtant Alma cherche à trouver un nouvel amour pour sa mère, alors pourquoi pas cet homme qui vient de demander à sa mère de traduire de l'espagnol ledit roman?
Et puis en Amérique du sud, il y a un bout de temps, un homme issu du même village que Léo fait paraître ce roman (L'histoire de l'amour).
Et n'oublions pas les extraits de ce fameux roman, extraits absolument splendides, avec petite mise en abyme à la fin du roman de Nicole Krauss. C'est d'ailleurs peu dire que la construction est virtuose, la temporalité savamment déconstruite, et la fin haletante. J'ai adoré ce roman souvent plein de tristesse, mais aussi d'espoir.
Les avis de Dasola, Eva, Papillon, enna, clara, lecture/écriture, avec clochette, chiffonnette et Sandrine. A vous de trouver les deux avis négatifs parmi les enthousiastes!
mercredi 30 août 2017
lundi 28 août 2017
Retourner dans l'obscure vallée
Retourner dans l'obscure vallée
Volver al oscuro valle
Santiago Gamboa
Métailié, 2017
Traduit par François Gaudry
Avec ce roman au titre issu d'une citation de William Blake (L'homme devrait travailler et s'attrister, apprendre, oublier et retourner dans l'obscure vallée d'où il est venu pour reprendre sa tâche), Santiago Gamboa fait montre de sa virtuosité habituelle pour tisser les fils de plusieurs histoires:
Appelé urgemment à Madrid, le narrateur, écrivain, ex-consul, bref ayant pas mal de points communs avec Gamboa, trouve une ville en état de siège suite à une prise d'otages à ambassade d'Irlande par Boko Haram.
Manuela Beltran confie à une psychologue les détails de sa vie mal engagée dès l'enfance, mais illuminée par la poésie âpre qu'elle écrit.
Un mystérieux argentin se pensant fils du pape, violent et un peu fêlé, narre cela au 'consul'.
Et comme le consul est fasciné par Rimbaud, à ses yeux le plus grand poète français, ses carnets passionnants à lire donnent à connaître quelle fut sa vie.
Mais où veut-il nous mener? Question au départ, vite rejetée en arrière plan, et puis les réponses arrivent, tout est bien ficelé, oui, même Rimbaud se justifie là-dedans, tous les personnages aussi, et même le titre. Très fort!
Nous sommes dans notre monde actuel, avec attentats, migrants en Méditerranée, trafiquants de drogue, particulièrement la Colombie et les FARC. Avec parfois une impression de léger décalage. Des passages difficiles, je préviens, mais justifiés pleinement.
"Crier dans ce sacro-saint téléphone portable paraissait un passe-temps national, peut-être pour tenir à tout prix à distance un ennuyeux silence, comme si se taire mettait en danger l'existence même et était une façon de se soumettre ou de boiter, et qu'imposer son bavardage et ses propos stupides aux autres était un nouveau droit de l'homme. Le silence est-il démodé, caduc, aboli?"
"Le niveau sonore des journaux télévisés et des émissions de débats baissa et la vie reprit son cours normal. (...) les experts eurent bientôt de nouvelles affaires urgentes à se mettre sous la dent : les blessures des footballeurs préférés du monde occidental ou la romance de la décennie entre un prix Nobel de littérature et une femme de la jet-set, quand ils étaient d'humeur frivole, ou les embarcations africaines qui continuaient de partir la nuit et chaviraient en haute mer avec des centaines de passagers livrés à l'abîme, quand ils optaient pour des sujets plus tragiques. Et bien sûr, les scandales financiers, toujours à portée de main, ou les aspirations à l'indépendance de régions européennes qui voulaient se séparer de leurs frères pauvres."
Volver al oscuro valle
Santiago Gamboa
Métailié, 2017
Traduit par François Gaudry
Avec ce roman au titre issu d'une citation de William Blake (L'homme devrait travailler et s'attrister, apprendre, oublier et retourner dans l'obscure vallée d'où il est venu pour reprendre sa tâche), Santiago Gamboa fait montre de sa virtuosité habituelle pour tisser les fils de plusieurs histoires:
Appelé urgemment à Madrid, le narrateur, écrivain, ex-consul, bref ayant pas mal de points communs avec Gamboa, trouve une ville en état de siège suite à une prise d'otages à ambassade d'Irlande par Boko Haram.
Manuela Beltran confie à une psychologue les détails de sa vie mal engagée dès l'enfance, mais illuminée par la poésie âpre qu'elle écrit.
Un mystérieux argentin se pensant fils du pape, violent et un peu fêlé, narre cela au 'consul'.
Et comme le consul est fasciné par Rimbaud, à ses yeux le plus grand poète français, ses carnets passionnants à lire donnent à connaître quelle fut sa vie.
Mais où veut-il nous mener? Question au départ, vite rejetée en arrière plan, et puis les réponses arrivent, tout est bien ficelé, oui, même Rimbaud se justifie là-dedans, tous les personnages aussi, et même le titre. Très fort!
Nous sommes dans notre monde actuel, avec attentats, migrants en Méditerranée, trafiquants de drogue, particulièrement la Colombie et les FARC. Avec parfois une impression de léger décalage. Des passages difficiles, je préviens, mais justifiés pleinement.
"Crier dans ce sacro-saint téléphone portable paraissait un passe-temps national, peut-être pour tenir à tout prix à distance un ennuyeux silence, comme si se taire mettait en danger l'existence même et était une façon de se soumettre ou de boiter, et qu'imposer son bavardage et ses propos stupides aux autres était un nouveau droit de l'homme. Le silence est-il démodé, caduc, aboli?"
"Le niveau sonore des journaux télévisés et des émissions de débats baissa et la vie reprit son cours normal. (...) les experts eurent bientôt de nouvelles affaires urgentes à se mettre sous la dent : les blessures des footballeurs préférés du monde occidental ou la romance de la décennie entre un prix Nobel de littérature et une femme de la jet-set, quand ils étaient d'humeur frivole, ou les embarcations africaines qui continuaient de partir la nuit et chaviraient en haute mer avec des centaines de passagers livrés à l'abîme, quand ils optaient pour des sujets plus tragiques. Et bien sûr, les scandales financiers, toujours à portée de main, ou les aspirations à l'indépendance de régions européennes qui voulaient se séparer de leurs frères pauvres."
vendredi 25 août 2017
Le livre que je ne voulais pas écrire
Le livre que je ne voulais pas écrire
Erwan Larher
Quidam éditeur, 2017
Pour les lecteurs vigilants ayant remarqué les remerciements de l'auteur à la toute fin de Marguerite n'aime pas ses fesses (quoi, vous n'avez pas lu ce roman, hors de ma vue, manants!), les événements principaux de ce nouvel opus ne seront pas une surprise. (nota : je reste fidèle à l'orthographe événement)
Incipit : "Tu écoutes du rock. Du rock barbelé de guitares et de colère. Depuis la préadolescence." (nota: ma came c'est le baroque sur instruments anciens mais côté lecture je sais sortir de ma zone de confort)
Cet amour pour le rock mènera notre auteur à travailler dans ce milieu ... et à acheter un billet pour le concert des Eagles of Death Metal le 13 novembre 2015.
Dans ses précédents romans Erwan Larher laissait transparaître ses coups de coeur, détestations et opinions, tout en faisant preuve d’une belle imagination. Cette fois, on attaque le vécu.
Mais gare! Avant le 13 novembre, on avait un auteur talentueux et un type bien, et après, pareil.(Le seul changement notable c'est qu'il accepte (et utilise) les petits cœurs sur Facebook, quoique je doute que le stade 'petits chatons mignons' sera jamais atteint) (faut pas pousser non plus)))
Ce billet fera donc preuve d'un manque d'objectivité total et vire déjà sévèrement vers le foutraque. Reprenons-nous.
L'auteur aurait pu raconter son histoire façon victime, avec violons et pas mal de pathos. Non. Même qu'on rigole parfois. Autodérision jamais bien loin.
Il aurait pu séparer: les méchants c'est ici, les gentils, c'est là. Toujours non. Si, il y a quand même les moments poignants avec gentils, ce sont les pompiers, ambulanciers, médecins, chirurgiens, infirmiers, kinés, etc. à qui il rend un vibrant hommage. Aux amis aussi.
Ce n'est donc pas un livre dessus, mais un livre autour, à l'intérieur et à l'extérieur à la fois, une véritable oeuvre littéraire. Qui ne devait pas exister; mais un couple d'amis a insisté et remporté le morceau. Ensuite, quelle forme donner? Cette gestation du livre est franchement très intéressante.
"Pour t'extraire de toi, désorienter tes questions, leurrer tes doutes, tu as demandé à d'autres de te donner un texte. Quelques très proches et moins proches. Regards extérieurs. Points de vue autres que le tien. Beaucoup ont accepté.
Fin juillet [2016], entravé, tu suffoques de mots internes sans colonne vertébrale, de phrases déboussolées; qui s'agglutinent littéralement sans queue ni tête. Les personnages sont là, certes, les péripéties aussi, mais l'intrigue? La progression narrative? Peut-on écrire un livre sans? Que va devenir notre héros? On sait déjà qu'il s'en sort. Est-il possible de faire tenir debout une histoire qui n'irait pas d'un point A à un point B. Parce que si celle-là a un début, elle n'a pas de fin. Alors que tout livre a une dernière page, non?
Et puis, au mitan de l'été, elle te tombe dessus, la fin. La plus belle possible. La fin ultime."
Depuis 2010, de salon en salon (off ou pas), je rencontre Erwan Larher, et dévore ses romans. Je suis une lectrice capable d'être émue, quitte à se blinder, mais qui fonctionne aussi pas mal avec sa tête. Au départ j'avais un peu peur de m'y lancer, dans ce livre; oui, je connaissais les grandes lignes de l'histoire, avec ce fil Facebook évoqué dans le récit - je me demande ce qu'est devenu le nounours, tiens- bref je craignais une curiosité malsaine et un peu de voyeurisme de ma part.
Ouf, non, pas du tout.
Ce fichu bon bouquin va plus loin et fait réfléchir (voir par exemple p 89 l'adresse à Iblis), ne contient pas un gramme de haine, sait demeurer pudique en dépit de tout (p 249, le lecteur ne saura rien, et tant mieux) et ne se lâche pas surtout grâce à un découpage dynamique, les points de vues variés, et l'écriture de l'auteur, y compris son vocabulaire étendu (j'adore, il est le premier à se moquer de son appétence pour le mot irréfragable p 248 - mais deux occurrences auparavant dans le livre)
Les avis de
Erwan Larher
Quidam éditeur, 2017
Pour les lecteurs vigilants ayant remarqué les remerciements de l'auteur à la toute fin de Marguerite n'aime pas ses fesses (quoi, vous n'avez pas lu ce roman, hors de ma vue, manants!), les événements principaux de ce nouvel opus ne seront pas une surprise. (nota : je reste fidèle à l'orthographe événement)
Incipit : "Tu écoutes du rock. Du rock barbelé de guitares et de colère. Depuis la préadolescence." (nota: ma came c'est le baroque sur instruments anciens mais côté lecture je sais sortir de ma zone de confort)
Cet amour pour le rock mènera notre auteur à travailler dans ce milieu ... et à acheter un billet pour le concert des Eagles of Death Metal le 13 novembre 2015.
Dans ses précédents romans Erwan Larher laissait transparaître ses coups de coeur, détestations et opinions, tout en faisant preuve d’une belle imagination. Cette fois, on attaque le vécu.
Mais gare! Avant le 13 novembre, on avait un auteur talentueux et un type bien, et après, pareil.(Le seul changement notable c'est qu'il accepte (et utilise) les petits cœurs sur Facebook, quoique je doute que le stade 'petits chatons mignons' sera jamais atteint) (faut pas pousser non plus)))
Ce billet fera donc preuve d'un manque d'objectivité total et vire déjà sévèrement vers le foutraque. Reprenons-nous.
L'auteur aurait pu raconter son histoire façon victime, avec violons et pas mal de pathos. Non. Même qu'on rigole parfois. Autodérision jamais bien loin.
Il aurait pu séparer: les méchants c'est ici, les gentils, c'est là. Toujours non. Si, il y a quand même les moments poignants avec gentils, ce sont les pompiers, ambulanciers, médecins, chirurgiens, infirmiers, kinés, etc. à qui il rend un vibrant hommage. Aux amis aussi.
Ce n'est donc pas un livre dessus, mais un livre autour, à l'intérieur et à l'extérieur à la fois, une véritable oeuvre littéraire. Qui ne devait pas exister; mais un couple d'amis a insisté et remporté le morceau. Ensuite, quelle forme donner? Cette gestation du livre est franchement très intéressante.
"Pour t'extraire de toi, désorienter tes questions, leurrer tes doutes, tu as demandé à d'autres de te donner un texte. Quelques très proches et moins proches. Regards extérieurs. Points de vue autres que le tien. Beaucoup ont accepté.
Fin juillet [2016], entravé, tu suffoques de mots internes sans colonne vertébrale, de phrases déboussolées; qui s'agglutinent littéralement sans queue ni tête. Les personnages sont là, certes, les péripéties aussi, mais l'intrigue? La progression narrative? Peut-on écrire un livre sans? Que va devenir notre héros? On sait déjà qu'il s'en sort. Est-il possible de faire tenir debout une histoire qui n'irait pas d'un point A à un point B. Parce que si celle-là a un début, elle n'a pas de fin. Alors que tout livre a une dernière page, non?
Et puis, au mitan de l'été, elle te tombe dessus, la fin. La plus belle possible. La fin ultime."
Depuis 2010, de salon en salon (off ou pas), je rencontre Erwan Larher, et dévore ses romans. Je suis une lectrice capable d'être émue, quitte à se blinder, mais qui fonctionne aussi pas mal avec sa tête. Au départ j'avais un peu peur de m'y lancer, dans ce livre; oui, je connaissais les grandes lignes de l'histoire, avec ce fil Facebook évoqué dans le récit - je me demande ce qu'est devenu le nounours, tiens- bref je craignais une curiosité malsaine et un peu de voyeurisme de ma part.
Ouf, non, pas du tout.
Ce fichu bon bouquin va plus loin et fait réfléchir (voir par exemple p 89 l'adresse à Iblis), ne contient pas un gramme de haine, sait demeurer pudique en dépit de tout (p 249, le lecteur ne saura rien, et tant mieux) et ne se lâche pas surtout grâce à un découpage dynamique, les points de vues variés, et l'écriture de l'auteur, y compris son vocabulaire étendu (j'adore, il est le premier à se moquer de son appétence pour le mot irréfragable p 248 - mais deux occurrences auparavant dans le livre)
Les avis de
mercredi 23 août 2017
La petite femelle
La petite femelle
Philippe Jaenada
Julliard, 2015
Mais quelle lectrice idiote je suis parfois! Tenez, Jaenada, j'ai aimé les deux bouquins que j'ai lus de lui, dans sa veine un poil autobiographique mais romancée. J'adore ses digressions et ses parenthèses. Bref, sans doute pour faire durer, je repousse la lecture de ses autres romans. Je précise que j'ai rencontré trois fois l'auteur, et possède deux livres dédicacés. Alors je me suis secouée, ai emprunté deux romans à la bibli et plongé dans La petite femelle. Et c'est mieux que drôlement bien.
Au départ j'avais une très très vague idée de l'histoire de Pauline Dubuisson, et finalement c'est préférable. Je dirai donc juste qu'élevée par une mère assez absente tout en étant présente, et un père qui voulait la modeler (la lecture de Nietzsche avant douze ans, quand même), elle fréquente des allemands pendant la guerre (déjà fréquentés par son père), subit les représailles de courageux résistants de la vraiment dernière heure préférant s'en prendre prudemment à des jeunes filles, puis commence à Lille des études de médecine. La voie toute tracée de la bonne épouse, pas son truc. Mais elle possède un coeur, ses amours sont assez tumultueuses, et elle est accusée d'avoir abattu un ex peut-être pas tout à fait ex.
L'affaire a défrayé la chronique et des années après continue de remplir des pages.
Alors Jaenada a remonté ses manches, s'est dit 'trop c'est trop', a plongé dans les archives et les documents et s'est lancé dans un palpitant pavé (merci à lui).
Donc, il enquête, argumente, réfléchit, compare, usant de bon sens et de logique, mais surtout des documents compulsés, sans que jamais ce ne soit lourdingue. N'oubliant pas de rappeler brièvement ou pas des faits d'époque, histoire de camper le décor. Par exemple Dunkerque pendant la guerre (et même après l'armistice, incroyable, la ville n'a été libérée que le 9 mai 1945, et Pauline y était encore!). Ou les prisons pour femmes dans les années 50.
En attendant que les portes de la prison se referment sur elle, Pauline (qui voulait qu'on l'appelle Paulette, comme quoi les prénoms, des goûts et des couleurs, et des modes...) a droit à un procès bien tendancieux et bâclé, 'défendue' par un avocat sympathique mais ne faisant pas le poids face à celui de l'accusation, dans une atmosphère hystérique entretenue par les journaux (et Jaenada n'est pas tendre avec certaine journaliste). Rappelons qu'à l'époque la peine de mort existait encore, même pour les femmes (merci Pétain). Bref, le sang bout quand on découvre certains écrits et propos biaisés, la mise sous silence de faits favorables à l'accusée, etc.
Jaenada est parfaitement convaincant et honnête dans sa présentation et défense de Pauline (s'il imagine, il le dit, et en fait c'est rare). Il démonte aussi l'histoire du viol, apparu des années après. Ses parenthèses et digressions apportent un poil d'humour ironique bienvenu pour souffler un peu. Merci.
Quelques passages
Une enquête sur Pauline : "Elle aimait beaucoup la musique classique, ce qui ne l'empêchait pas de faire admirablement bien la cuisine, de confectionner des robes et d'arranger son intérieur avec beaucoup de goût". Toute une époque, quoi.
Tiens, le roman de 2017? "Maître Maurice Garçon (qui a défendu avec succès, parmi beaucoup d'autres, Henri Girard, Georges Arnaud de son nom de plume, l'auteur du salaire de la peur (...) accusé d'avoir assassiné, à la serpe, son père, sa tante et leur femme de ménage, dans leur château d'Escoire, en Dordogne - c'est une affaire passionnante et mystérieuse ; il sera acquitté après dix minutes de délibération).
Et là, tiens, quand le jeune Modiano croise Pauline? "Il en parlera encore à cinquante-huit ans, à soixante-cinq ans aussi, et à soixante-neuf toujours, après son prix Nobel. "
Et je m'amuse à croiser page 668 Julien Blanc-Gras, dit Va-Partout.
Les avis de Sandrine, athalie, brize, eimelle, lecture écriture (claudia lucia)
Plus de 700 pages, donc éligible pour le Pavé de l'été chez Brize. Lien vers page récapitulative
Philippe Jaenada
Julliard, 2015
Mais quelle lectrice idiote je suis parfois! Tenez, Jaenada, j'ai aimé les deux bouquins que j'ai lus de lui, dans sa veine un poil autobiographique mais romancée. J'adore ses digressions et ses parenthèses. Bref, sans doute pour faire durer, je repousse la lecture de ses autres romans. Je précise que j'ai rencontré trois fois l'auteur, et possède deux livres dédicacés. Alors je me suis secouée, ai emprunté deux romans à la bibli et plongé dans La petite femelle. Et c'est mieux que drôlement bien.
Au départ j'avais une très très vague idée de l'histoire de Pauline Dubuisson, et finalement c'est préférable. Je dirai donc juste qu'élevée par une mère assez absente tout en étant présente, et un père qui voulait la modeler (la lecture de Nietzsche avant douze ans, quand même), elle fréquente des allemands pendant la guerre (déjà fréquentés par son père), subit les représailles de courageux résistants de la vraiment dernière heure préférant s'en prendre prudemment à des jeunes filles, puis commence à Lille des études de médecine. La voie toute tracée de la bonne épouse, pas son truc. Mais elle possède un coeur, ses amours sont assez tumultueuses, et elle est accusée d'avoir abattu un ex peut-être pas tout à fait ex.
L'affaire a défrayé la chronique et des années après continue de remplir des pages.
Alors Jaenada a remonté ses manches, s'est dit 'trop c'est trop', a plongé dans les archives et les documents et s'est lancé dans un palpitant pavé (merci à lui).
Donc, il enquête, argumente, réfléchit, compare, usant de bon sens et de logique, mais surtout des documents compulsés, sans que jamais ce ne soit lourdingue. N'oubliant pas de rappeler brièvement ou pas des faits d'époque, histoire de camper le décor. Par exemple Dunkerque pendant la guerre (et même après l'armistice, incroyable, la ville n'a été libérée que le 9 mai 1945, et Pauline y était encore!). Ou les prisons pour femmes dans les années 50.
En attendant que les portes de la prison se referment sur elle, Pauline (qui voulait qu'on l'appelle Paulette, comme quoi les prénoms, des goûts et des couleurs, et des modes...) a droit à un procès bien tendancieux et bâclé, 'défendue' par un avocat sympathique mais ne faisant pas le poids face à celui de l'accusation, dans une atmosphère hystérique entretenue par les journaux (et Jaenada n'est pas tendre avec certaine journaliste). Rappelons qu'à l'époque la peine de mort existait encore, même pour les femmes (merci Pétain). Bref, le sang bout quand on découvre certains écrits et propos biaisés, la mise sous silence de faits favorables à l'accusée, etc.
Jaenada est parfaitement convaincant et honnête dans sa présentation et défense de Pauline (s'il imagine, il le dit, et en fait c'est rare). Il démonte aussi l'histoire du viol, apparu des années après. Ses parenthèses et digressions apportent un poil d'humour ironique bienvenu pour souffler un peu. Merci.
Quelques passages
Une enquête sur Pauline : "Elle aimait beaucoup la musique classique, ce qui ne l'empêchait pas de faire admirablement bien la cuisine, de confectionner des robes et d'arranger son intérieur avec beaucoup de goût". Toute une époque, quoi.
Tiens, le roman de 2017? "Maître Maurice Garçon (qui a défendu avec succès, parmi beaucoup d'autres, Henri Girard, Georges Arnaud de son nom de plume, l'auteur du salaire de la peur (...) accusé d'avoir assassiné, à la serpe, son père, sa tante et leur femme de ménage, dans leur château d'Escoire, en Dordogne - c'est une affaire passionnante et mystérieuse ; il sera acquitté après dix minutes de délibération).
Et là, tiens, quand le jeune Modiano croise Pauline? "Il en parlera encore à cinquante-huit ans, à soixante-cinq ans aussi, et à soixante-neuf toujours, après son prix Nobel. "
Et je m'amuse à croiser page 668 Julien Blanc-Gras, dit Va-Partout.
Les avis de Sandrine, athalie, brize, eimelle, lecture écriture (claudia lucia)
Plus de 700 pages, donc éligible pour le Pavé de l'été chez Brize. Lien vers page récapitulative
lundi 21 août 2017
Le territoire des barbares
Le territoire des barbares
El coracon del tartaro
Rosa Montero
suites Métailié, 2004
Traduit par André Gabastou
"Le pardon d'un être bon suffisait. L'existence d'un juste suffisait pour que la ville échappe à la pluie de feu."
Mon 'dernier' Rosa Montero, en attendant la traduction d'un autre ou l'apprentissage éclair de l'espagnol. Mais un ancien, en fait paru au début des années 2000. Déjà l'univers de l'auteur et son talent de conteuse sont bien présents.
Zarza mène une vie étriquée, mais quasi normale, travaillant comme éditrice et correctrice dans une maison d'édition, rayon romans médiévaux. Un matin le passé refait surface, un coup de téléphone "Je t'ai retrouvée". Elle fuit, en vain, elle est pistée. Comme une mouche se cognant à une vitre, elle parcourt la ville, retrouvant ceux qu'elle avait fréquentés du temps de la Blanche et de la Tour, poursuivie par ce correspondant matinal.
Une ville, une seule journée, pour Zarza qui devra enfin affronter ses peurs et ses culpabilités. Ses souvenirs d'ailleurs sont-ils réels?
Bref, à lire.
Les avis de violette, philisine, luocine,
El coracon del tartaro
Rosa Montero
suites Métailié, 2004
Traduit par André Gabastou
"Le pardon d'un être bon suffisait. L'existence d'un juste suffisait pour que la ville échappe à la pluie de feu."
Mon 'dernier' Rosa Montero, en attendant la traduction d'un autre ou l'apprentissage éclair de l'espagnol. Mais un ancien, en fait paru au début des années 2000. Déjà l'univers de l'auteur et son talent de conteuse sont bien présents.
Zarza mène une vie étriquée, mais quasi normale, travaillant comme éditrice et correctrice dans une maison d'édition, rayon romans médiévaux. Un matin le passé refait surface, un coup de téléphone "Je t'ai retrouvée". Elle fuit, en vain, elle est pistée. Comme une mouche se cognant à une vitre, elle parcourt la ville, retrouvant ceux qu'elle avait fréquentés du temps de la Blanche et de la Tour, poursuivie par ce correspondant matinal.
Une ville, une seule journée, pour Zarza qui devra enfin affronter ses peurs et ses culpabilités. Ses souvenirs d'ailleurs sont-ils réels?
Bref, à lire.
Les avis de violette, philisine, luocine,
vendredi 18 août 2017
L'homme qui s'envola
L'homme qui s'envola
Antoine Bello
Gallimard, 2017
Conversation avec ma voisine dans sa voiture. Et vous lisez quoi actuellement? - Oh une histoire un homme qui disparaît qui s'envole. - Ha bon? Oh mais je vois ce que c'est, je voulais le lire, celui-ci. - Pas de souci, je l'ai emprunté à la bibliothèque [de la banlieue où elle réside principalement], je vous le passe à condition que vous l'ayez terminé avant fin août. [Deux jours plus tard, lu!]
Tout a réussi à Walker. Il a tout : une famille aimante, Sarah son épouse et trois enfants, un métier passionnant, et beaucoup beaucoup d'argent. A quarante trois ans, que demander de plus? Eh bien, du temps, du temps. Il fait tout pour en gagner, se démène, jongle entre vie familiale et professionnelle, mais il n'est pas heureux, il étouffe, il veut se libérer. Il décide de tout laisser derrière lui (sauf un paquet d'argent, faut bien vivre) et met en scène sa disparition dans un accident d'avion.
On est à un petit tiers du roman et on se doute que (spoiler : ah ben non, vous croyez que je vais révéler quoi que ce soit?). Là j'ai commis l'erreur de me tourner vers la quatrième de couverture, qui, soupirs, en raconte bien trop à mon goût, mais sans dévoiler toutes les surprises attendant le lecteur.
J'ai englouti ce roman à vitesse record, terminant à plus de 23 heures (ceux qui me connaissent savent que c'est un super critère de page turner!). Le démarrage est peut-être un peu longuet, je n'avais pas d'empathie particulière pour Walker, d'ailleurs en règle générale l'auteur fournit plus de cérébral que de sentimental, ce qui ne me déplaît pas, mais donne parfois une certaine raideur au tout.
Mais une fois la disparition dans les rails, on ne lâche pas, et je peux assurer que c'est extrêmement bien goupillé et raconté, même on s'amuse un peu, dans une sorte de duel (référence au film Duellistes, à un moment), on apprend plein de choses techniques.
Bref, c'est une lecture plaisante, et on se surprend à rêver de changer de vie, pourquoi pas? (envoyer les dons sur le compte n° machin, ça m'aidera)
Les avis de krol, papillon, cuné, motspourmots, qui ont choisi d'en dire un peu plus, mais curieusement j'avais déjà oublié certain détail. Heureusement, car pour ce genre de roman je préfère ne rien savoir (je lis Bello de confiance, systématiquement)
Antoine Bello
Gallimard, 2017
Conversation avec ma voisine dans sa voiture. Et vous lisez quoi actuellement? - Oh une histoire un homme qui disparaît qui s'envole. - Ha bon? Oh mais je vois ce que c'est, je voulais le lire, celui-ci. - Pas de souci, je l'ai emprunté à la bibliothèque [de la banlieue où elle réside principalement], je vous le passe à condition que vous l'ayez terminé avant fin août. [Deux jours plus tard, lu!]
Tout a réussi à Walker. Il a tout : une famille aimante, Sarah son épouse et trois enfants, un métier passionnant, et beaucoup beaucoup d'argent. A quarante trois ans, que demander de plus? Eh bien, du temps, du temps. Il fait tout pour en gagner, se démène, jongle entre vie familiale et professionnelle, mais il n'est pas heureux, il étouffe, il veut se libérer. Il décide de tout laisser derrière lui (sauf un paquet d'argent, faut bien vivre) et met en scène sa disparition dans un accident d'avion.
On est à un petit tiers du roman et on se doute que (spoiler : ah ben non, vous croyez que je vais révéler quoi que ce soit?). Là j'ai commis l'erreur de me tourner vers la quatrième de couverture, qui, soupirs, en raconte bien trop à mon goût, mais sans dévoiler toutes les surprises attendant le lecteur.
J'ai englouti ce roman à vitesse record, terminant à plus de 23 heures (ceux qui me connaissent savent que c'est un super critère de page turner!). Le démarrage est peut-être un peu longuet, je n'avais pas d'empathie particulière pour Walker, d'ailleurs en règle générale l'auteur fournit plus de cérébral que de sentimental, ce qui ne me déplaît pas, mais donne parfois une certaine raideur au tout.
Mais une fois la disparition dans les rails, on ne lâche pas, et je peux assurer que c'est extrêmement bien goupillé et raconté, même on s'amuse un peu, dans une sorte de duel (référence au film Duellistes, à un moment), on apprend plein de choses techniques.
Bref, c'est une lecture plaisante, et on se surprend à rêver de changer de vie, pourquoi pas? (envoyer les dons sur le compte n° machin, ça m'aidera)
Les avis de krol, papillon, cuné, motspourmots, qui ont choisi d'en dire un peu plus, mais curieusement j'avais déjà oublié certain détail. Heureusement, car pour ce genre de roman je préfère ne rien savoir (je lis Bello de confiance, systématiquement)
mercredi 16 août 2017
Vargas, jusqu'au bout! (quand sort la recluse)
Cet été 2017 fut consacré (en partie) à une lubie Vargas, à savoir reprendre là où je m'étais arrêtée (Sous les vents de Neptune) et continuer jusqu'au dernier paru. Avec risque de fatigue ou de déception.
Hé bien non.
Temps glaciaires
Fred Vargas
Flammarion, 2015
Pour mémoire, un petit tour en Islande et dans la Révolution Française. Bien bidouillé comme intrigue. Mais comme d'habitude c'est l'ambiance dans la Brigade imaginée par Fred Vargas qui compte, les dialogues fous, les tensions, les errements, un poil de hasard quand même pour résoudre les mystères, les pommes paillasson (recette secrète), un sanglier, de la peur, de la folie...
Et enfin, libéré de la pile des résas par une bibliothécaire qui doit avoir confiance en ma vitesse de lecture (et l'autre usager avait déjà une autre résa), voici la fameuse recluse, dans le peloton de tête des lectures actuelles à en croire les magazines:
Quand sort la recluse
Fred Vargas
Flammarion, 2017
Avec cinq Vargas au compteur estival (no comment, merci ^_^), je commence à discerner quelques constantes. D'abord on est tout de suite bien accueilli dans cette Brigade un peu spéciale, avec rappel de ses particularités, l'ichtyologue, le spécialiste du café, les cheveux de Veyrenc, l'hypersomniaque, et La Boule, Adamsberg et ses méthodes parfois borderline. Souvent du mystère datant de plusieurs siècles, de l'incompréhensible, des traditions obscurantistes. Un poil d'histoire, un rien de sciences voire d'archéologie (nota : Vargas est 'archéozoologue et médiéviste'), des dialogues au cordeau, des déambulations d'où jaillissant les idées, des tensions voire des trahisons (?) au sein de la Brigade, les idées bulles remontant en tête, un poil de hasard, et finalement un ton et une originalité addictives.
Dans ce volume, deux micro enquêtes histoire de chauffer les neurones du commissaire, mais on repart vite sur des séries de crimes, et comme dans Temps glaciaires, la résolution de l'affaire fera gravement tanguer le lecteur en l'emmenant au plus profond de l'abominable.
Présumée coupable : la recluse, une araignée discrète et peureuse, mais qui peut devenir une arme redoutable, sa morsure ne faisant pas de cadeau...
"Faudra trois paires de menottes quand on tiendra le tueur, dt Noël en ricanant. Une pour chaque paire de pattes.
- Quatre paires de menottes, Noël, rectifia Adamsberg. Elles ont huit pattes."
Les morts suite aux morsures se suivent, se ressemblent, Adamsberg a du mal à convaincre qu'il s'agit de meurtres, puis des liens apparaissent entre les morts, mais il doit par ailleurs affronter des souvenirs enfuis.
Les amateurs d'atmosphère décalée se réjouiront de savoir qu'on ne dit pas de Balzac qu'il ne s'est pas foulé (p 23) et apprécieront les efforts de la Brigade pour nourrir des petits merles fraîchement éclos (p 297).
En conclusion : ce dernier opus est de bonne facture; je lis peu de polars récents et manque de points de comparaison. Mais j'ai fini par fatiguer des ambiances volontairement oppressantes, des passages dédiés aux ressentis des victimes ou des assassins, alors que là, on se fixe sur Adamsberg et ses méthodes parfois embrumées, et c'est bien mieux pour les nerfs.
Juste signaler que j'ai deviné l'identité du coupable avant la fin, c'est rare, mais après six romans, forcément, on a plus de flair.
Avis nombreux, parmi lesquels Papillon, cathulu, delphine, brize, dasola, fanja, Mrs pepys, glaz, actu du noir, d'autres vies que la mienne,
Incroyable : on en parlait au JT du 13 août 2017... (de l'araignée)
http://www.francetvinfo.fr/animaux/araignees-le-retour-de-la-recluse-brune_2326257.html
Hé bien non.
Temps glaciaires
Fred Vargas
Flammarion, 2015
Pour mémoire, un petit tour en Islande et dans la Révolution Française. Bien bidouillé comme intrigue. Mais comme d'habitude c'est l'ambiance dans la Brigade imaginée par Fred Vargas qui compte, les dialogues fous, les tensions, les errements, un poil de hasard quand même pour résoudre les mystères, les pommes paillasson (recette secrète), un sanglier, de la peur, de la folie...
Et enfin, libéré de la pile des résas par une bibliothécaire qui doit avoir confiance en ma vitesse de lecture (et l'autre usager avait déjà une autre résa), voici la fameuse recluse, dans le peloton de tête des lectures actuelles à en croire les magazines:
Quand sort la recluse
Fred Vargas
Flammarion, 2017
Avec cinq Vargas au compteur estival (no comment, merci ^_^), je commence à discerner quelques constantes. D'abord on est tout de suite bien accueilli dans cette Brigade un peu spéciale, avec rappel de ses particularités, l'ichtyologue, le spécialiste du café, les cheveux de Veyrenc, l'hypersomniaque, et La Boule, Adamsberg et ses méthodes parfois borderline. Souvent du mystère datant de plusieurs siècles, de l'incompréhensible, des traditions obscurantistes. Un poil d'histoire, un rien de sciences voire d'archéologie (nota : Vargas est 'archéozoologue et médiéviste'), des dialogues au cordeau, des déambulations d'où jaillissant les idées, des tensions voire des trahisons (?) au sein de la Brigade, les idées bulles remontant en tête, un poil de hasard, et finalement un ton et une originalité addictives.
Dans ce volume, deux micro enquêtes histoire de chauffer les neurones du commissaire, mais on repart vite sur des séries de crimes, et comme dans Temps glaciaires, la résolution de l'affaire fera gravement tanguer le lecteur en l'emmenant au plus profond de l'abominable.
Présumée coupable : la recluse, une araignée discrète et peureuse, mais qui peut devenir une arme redoutable, sa morsure ne faisant pas de cadeau...
"Faudra trois paires de menottes quand on tiendra le tueur, dt Noël en ricanant. Une pour chaque paire de pattes.
- Quatre paires de menottes, Noël, rectifia Adamsberg. Elles ont huit pattes."
Les morts suite aux morsures se suivent, se ressemblent, Adamsberg a du mal à convaincre qu'il s'agit de meurtres, puis des liens apparaissent entre les morts, mais il doit par ailleurs affronter des souvenirs enfuis.
Les amateurs d'atmosphère décalée se réjouiront de savoir qu'on ne dit pas de Balzac qu'il ne s'est pas foulé (p 23) et apprécieront les efforts de la Brigade pour nourrir des petits merles fraîchement éclos (p 297).
En conclusion : ce dernier opus est de bonne facture; je lis peu de polars récents et manque de points de comparaison. Mais j'ai fini par fatiguer des ambiances volontairement oppressantes, des passages dédiés aux ressentis des victimes ou des assassins, alors que là, on se fixe sur Adamsberg et ses méthodes parfois embrumées, et c'est bien mieux pour les nerfs.
Juste signaler que j'ai deviné l'identité du coupable avant la fin, c'est rare, mais après six romans, forcément, on a plus de flair.
Avis nombreux, parmi lesquels Papillon, cathulu, delphine, brize, dasola, fanja, Mrs pepys, glaz, actu du noir, d'autres vies que la mienne,
Incroyable : on en parlait au JT du 13 août 2017... (de l'araignée)
http://www.francetvinfo.fr/animaux/araignees-le-retour-de-la-recluse-brune_2326257.html
lundi 14 août 2017
Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie
Rachel Corenblit
la brune au Rouergue, 2015
Note liminaire: ce n'est pas du tout du tout de la chick lit classique, peut-être même pas de la chick lit.
A presque quarante ans, Lucie connaît des ami(e)s, un ex, Pascal, quitté après quinze années, l'ex d'une copine, Romuald, des collègues, des parents d'élèves, un caissier de supérette, des cousins plus ou moins éloignés; elle sort, en boîte, en club de vacances, en club de gym, à la piscine, chez la voisine, chez les amis ou chez elle sur site de rencontre..
Bref, elle bouge, elle imagine, elle essaie, mais rien à faire, l'homme de sa vie, où se cache-t-il?
Alors quand même on rit (mais souvent jaune) , c'est parfois cruel, émouvant plus rarement. Un poil désespérant, je vous préviens, les filles. Des chapitres courts, avec parfois un chapitre 'plus' pour détailler (ça j'aime bien), une sorte de fil directeur, mais dans l'ensemble c'est assez indépendant. Un portrait pas très réjouissant d'une certaine solitude.
Les avis de clara, cathulu, céline, sunalee,
vendredi 11 août 2017
L'usage du monde
L'usage du monde
Nicolas Bouvier
Dessins de Thierry Vernet
Petite bibliothèque Payot Voyageurs, 1995
Paru en 1963 (Librairie Droz)
Récit mythique, récit de voyage, bien plus encore. En 1953 et 1954, deux jeunes amis, à bord d'une vieille Fiat retapée, se retrouvent dans les Balkans, et à partir de là, prévoient "la Turquie, l'Iran, l'Inde, plus loin peut-être. Nous avions deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois. Le programme était vague, mais dans de telles affaires, l'essentiel est de partir." "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."
Ils comptent vivre de l'écriture, articles aux journaux locaux, conférences, cours de langue- pour Nicolas Bouvier, ou de peinture- pour Thierry Vernet.
Récit fabuleux, plus de soixante ans ont passé, la Yougoslavie a explosé, et inutile de raconter la Turquie, L'Iran, l'Afghanistan. Quoique, quand je sors d'un rêve jaloux, mis à part ce dernier pays, tout demeure possible (et je sais que les Afghans arrivant en Europe, justement, ont traversé la frontière pour se rendre d'abord en Iran)
Tâchons de nous concentrer sur le récit de Nicolas Bouvier. Déplorons l’absence d'une carte du trajet, qui m'a obligée à fouiner dans mes atlas. A part ça, on y est : odeurs, couleurs, impressions, ambiances!
Mais depuis j'ai trouvé cela , et finalement rêvasser sur les noms des villes sans trop les situer, ce n'est pas plus mal...
Grèce "Les poissons frits brillent comme des lingots dans nos assiettes, puis le soleil s'abîme derrière une mer violette en tirant à lui toutes les couleurs."
Turquie : "L'admirable mosquée de bois où vous trouveriez justement ce que vous êtes venu chercher, ils ne penseront pas à la montrer, parce qu'on est moins sensible à ce qu'on a qu'à ce dont on manque."
Tabriz, où ils passeront l'hiver
"Jamais le travail n'est si séduisant que lorsqu'on est sur le point de s'y mettre.; on le plantait donc là pour découvrir la ville."
(communauté arménienne à Tabriz) "le dimanche à l'église, on chantait tout naturellement à quatre voix: depuis le temps qu'ils se connaissaient, on savait bien que le clan des Arzrouni donnait plutôt des basses, et que les Mangassarian étaient dans les ténors."
Tabriz toujours, avec les Américains désireux de construire des écoles. "Les cadeaux ne sont pas toujours faciles à faire quand les 'enfants' ont cinq mille ans de plus que Santa Claus."
Iran "Moi, ce qui m'y frappe le plus, c'est que l'état lamentable des affaires publiques affecte si peu les vertus privées. A se demander si, dans une certaine mesure, il ne les stimule pas. Ici, où tout va de travers, nos avons trouvé plus d'hospitalité, de bienveillance, de délicatesse et de concours que deux Persans en voyage n'en pourraient attendre de ma ville où pourtant tout marche bien."
Le Baloutchistan (je place cela entre l'Iran et l'Afghanistan, quoique techniquement en Iran)
"Le Baloutch est plutôt sûr de lui. Son aisance morale éclate dans ce sourire qui flotte à hauteur de barbe et dans le drapé de hardes toujours propres. Il est très hospitalier et rarement importun. Par exemple, ils ne se mettent pas à cinquante pour ricaner bêtement autour d'un étranger qui change sa roue; au contraire, ils offrent du thé et des prunes puis vont chercher un interprète et vous harassent de questions pertinentes.
Pas follement épris de travail, ils se livrent volontiers à la contrebande sur les confins persans, et tirent des fusées vertes pour attirer les merveilleuses patrouilles du Chagaï Frontier Corps pendant que les sacs changent de main sous l’œil de dieu à l'autre bout du désert."
Frontière afghane, justement : "Nos visas étaient expirés depuis six semaines. Il l'avait déjà remarqué sans en être autrement ému. En Asie on ne tient pas l’horaire, et puis, pourquoi nous refuser en août ce passage qu'on nous accordait pour juin? En deux mois, l’homme change si peu."
Plus loin "Il faut un passeport de la police de Kaboul.(...) Ce permis est souvent refusé; mais lorsqu'on lui fournit une raison simple, évidente et qui lui parle -voir du pays, vagabonder - la police est bonne fille. (...) En ajoutant que je n'étais pas pressé, j'ai obtenu mon permis tout de suite."
On l'aura compris, j'ai adoré ce récit, admirablement écrit. Signalons que de belles notions de mécanique (et de la patience!) ont été bien utiles à nos deux voyageurs...
Un incontournable, qui sera prolongé ou accompagné par L'oeil du voyageur, paru chez Hoebeke.
où les photographies de Bouvier prises lors du voyage accompagnent des textes dont certains ont été retravaillés pour L'usage du monde, en tout cas c'est l'impression que j'ai eue à la lecture. Une partie en Inde, qui complète fort bien L'usage du monde.
Présentation d'Olivier Barrot.
Lire le monde (Suisse) chez Sandrine
Nicolas Bouvier
Dessins de Thierry Vernet
Petite bibliothèque Payot Voyageurs, 1995
Paru en 1963 (Librairie Droz)
Récit mythique, récit de voyage, bien plus encore. En 1953 et 1954, deux jeunes amis, à bord d'une vieille Fiat retapée, se retrouvent dans les Balkans, et à partir de là, prévoient "la Turquie, l'Iran, l'Inde, plus loin peut-être. Nous avions deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois. Le programme était vague, mais dans de telles affaires, l'essentiel est de partir." "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."
Ils comptent vivre de l'écriture, articles aux journaux locaux, conférences, cours de langue- pour Nicolas Bouvier, ou de peinture- pour Thierry Vernet.
Récit fabuleux, plus de soixante ans ont passé, la Yougoslavie a explosé, et inutile de raconter la Turquie, L'Iran, l'Afghanistan. Quoique, quand je sors d'un rêve jaloux, mis à part ce dernier pays, tout demeure possible (et je sais que les Afghans arrivant en Europe, justement, ont traversé la frontière pour se rendre d'abord en Iran)
Tâchons de nous concentrer sur le récit de Nicolas Bouvier. Déplorons l’absence d'une carte du trajet, qui m'a obligée à fouiner dans mes atlas. A part ça, on y est : odeurs, couleurs, impressions, ambiances!
Mais depuis j'ai trouvé cela , et finalement rêvasser sur les noms des villes sans trop les situer, ce n'est pas plus mal...
Grèce "Les poissons frits brillent comme des lingots dans nos assiettes, puis le soleil s'abîme derrière une mer violette en tirant à lui toutes les couleurs."
Turquie : "L'admirable mosquée de bois où vous trouveriez justement ce que vous êtes venu chercher, ils ne penseront pas à la montrer, parce qu'on est moins sensible à ce qu'on a qu'à ce dont on manque."
Tabriz, où ils passeront l'hiver
"Jamais le travail n'est si séduisant que lorsqu'on est sur le point de s'y mettre.; on le plantait donc là pour découvrir la ville."
(communauté arménienne à Tabriz) "le dimanche à l'église, on chantait tout naturellement à quatre voix: depuis le temps qu'ils se connaissaient, on savait bien que le clan des Arzrouni donnait plutôt des basses, et que les Mangassarian étaient dans les ténors."
Tabriz toujours, avec les Américains désireux de construire des écoles. "Les cadeaux ne sont pas toujours faciles à faire quand les 'enfants' ont cinq mille ans de plus que Santa Claus."
Iran "Moi, ce qui m'y frappe le plus, c'est que l'état lamentable des affaires publiques affecte si peu les vertus privées. A se demander si, dans une certaine mesure, il ne les stimule pas. Ici, où tout va de travers, nos avons trouvé plus d'hospitalité, de bienveillance, de délicatesse et de concours que deux Persans en voyage n'en pourraient attendre de ma ville où pourtant tout marche bien."
Ispahan, photo perso, et franchement, soupirs... |
"Le Baloutch est plutôt sûr de lui. Son aisance morale éclate dans ce sourire qui flotte à hauteur de barbe et dans le drapé de hardes toujours propres. Il est très hospitalier et rarement importun. Par exemple, ils ne se mettent pas à cinquante pour ricaner bêtement autour d'un étranger qui change sa roue; au contraire, ils offrent du thé et des prunes puis vont chercher un interprète et vous harassent de questions pertinentes.
Pas follement épris de travail, ils se livrent volontiers à la contrebande sur les confins persans, et tirent des fusées vertes pour attirer les merveilleuses patrouilles du Chagaï Frontier Corps pendant que les sacs changent de main sous l’œil de dieu à l'autre bout du désert."
Frontière afghane, justement : "Nos visas étaient expirés depuis six semaines. Il l'avait déjà remarqué sans en être autrement ému. En Asie on ne tient pas l’horaire, et puis, pourquoi nous refuser en août ce passage qu'on nous accordait pour juin? En deux mois, l’homme change si peu."
Plus loin "Il faut un passeport de la police de Kaboul.(...) Ce permis est souvent refusé; mais lorsqu'on lui fournit une raison simple, évidente et qui lui parle -voir du pays, vagabonder - la police est bonne fille. (...) En ajoutant que je n'étais pas pressé, j'ai obtenu mon permis tout de suite."
On l'aura compris, j'ai adoré ce récit, admirablement écrit. Signalons que de belles notions de mécanique (et de la patience!) ont été bien utiles à nos deux voyageurs...
Un incontournable, qui sera prolongé ou accompagné par L'oeil du voyageur, paru chez Hoebeke.
où les photographies de Bouvier prises lors du voyage accompagnent des textes dont certains ont été retravaillés pour L'usage du monde, en tout cas c'est l'impression que j'ai eue à la lecture. Une partie en Inde, qui complète fort bien L'usage du monde.
Présentation d'Olivier Barrot.
Lire le monde (Suisse) chez Sandrine
mercredi 9 août 2017
La dent du serpent
La dent du serpent
A Serpent's Tooth
Craig Johnson
Gallmeister, 2017
Traduit par Sophie Aslanides
Joli mystère au démarrage : une gentille vieille dame déclare que des anges travaillent dans sa maison, effectuant des réparations en échange de quelques provisions. Voilà une affaire pour Walt Longmire, shérif de Durant (comté d'Absaroka)(fin fond du Wyoming), qui le conduira vers un gamin en fuite, une femme disparue, un fou vieux de deux cents ans, une sorte de secte dissidente des Mormons, et de vrais vrais méchants avides de dollars malhonnêtement gagnés. Beaucoup d'armes en circulation (c'est le Wyoming), de l'adrénaline, de la testostérone, de la bagarre, de l'humour et un poil de sentiments (pas trop quand même), des jurons (Vic, franchement, ça fatigue un peu) et heureusement la Nation Cheyenne, Henry Standing Bear.
Comme je n'ai pas lu le précédent, A vol d'oiseau, j'ai dû me faire au mariage de Cady, qui n'apparaît pas, et à l'existence de Double Tough, mais rien de grave. Parfois j'aimerais un peu moins de bagarres et de répétitions (la canine de Vic, ses yeux, Walt qui se retient au bureau pour ne pas tomber), mais globalement ça fonctionne, on suit les péripéties sans avoir le temps de souffler, et même on s'amuse (la découverte de Mon amie Flicka).
Je me gratte la tête au sujet des Remerciements, qui font la part belle aux images autour des serpents, et surtout 'je dois beaucoup à Drew Goodman, qui m'a éclairé sur les implications religieuses de la manipulation des serpents' : j'avoue n'avoir rien décelé dans le texte que j'ai lu!
De toute façon, je demeure accro à la série et en redemande.
Combien la dent du serpent est moins cruelle que la douleur d'avoir un enfant ingrat!
Shakespeare, Le roi Lear, Acte I Scène 4
Les avis de Encore du noir, actu du noir, la livrophage, tant qu'il y aura des livres,
A Serpent's Tooth
Craig Johnson
Gallmeister, 2017
Traduit par Sophie Aslanides
Joli mystère au démarrage : une gentille vieille dame déclare que des anges travaillent dans sa maison, effectuant des réparations en échange de quelques provisions. Voilà une affaire pour Walt Longmire, shérif de Durant (comté d'Absaroka)(fin fond du Wyoming), qui le conduira vers un gamin en fuite, une femme disparue, un fou vieux de deux cents ans, une sorte de secte dissidente des Mormons, et de vrais vrais méchants avides de dollars malhonnêtement gagnés. Beaucoup d'armes en circulation (c'est le Wyoming), de l'adrénaline, de la testostérone, de la bagarre, de l'humour et un poil de sentiments (pas trop quand même), des jurons (Vic, franchement, ça fatigue un peu) et heureusement la Nation Cheyenne, Henry Standing Bear.
Comme je n'ai pas lu le précédent, A vol d'oiseau, j'ai dû me faire au mariage de Cady, qui n'apparaît pas, et à l'existence de Double Tough, mais rien de grave. Parfois j'aimerais un peu moins de bagarres et de répétitions (la canine de Vic, ses yeux, Walt qui se retient au bureau pour ne pas tomber), mais globalement ça fonctionne, on suit les péripéties sans avoir le temps de souffler, et même on s'amuse (la découverte de Mon amie Flicka).
Je me gratte la tête au sujet des Remerciements, qui font la part belle aux images autour des serpents, et surtout 'je dois beaucoup à Drew Goodman, qui m'a éclairé sur les implications religieuses de la manipulation des serpents' : j'avoue n'avoir rien décelé dans le texte que j'ai lu!
De toute façon, je demeure accro à la série et en redemande.
Combien la dent du serpent est moins cruelle que la douleur d'avoir un enfant ingrat!
Shakespeare, Le roi Lear, Acte I Scène 4
Les avis de Encore du noir, actu du noir, la livrophage, tant qu'il y aura des livres,
lundi 7 août 2017
Les passagers du Roissy-Express
Les passagers du Roissy-Express
François Maspero
Photographies d'Anaïk Frantz
Seuil, 1990
Ouf, je l'ai retrouvé, ce billet de Yueyin qui m'a donné envie de lire là absolument tout de suite maintenant ce truc improbable évidemment disponible au magasin de la bibliothèque! Et vous savez quoi? Dès le départ j'ai su q'il allait entrer dans la catégorie coup de coeur.
L'idée de départ, c'est de voyager, et pas en Patagonie orientale ou au Turkménistan central, non, il s'agit de se déplacer au moyen du RER B, de Roissy à La Plaine, sauter Paris intra muros, et reprendre de Laplace à Saint-Rémy lès Chevreuse. Totally wild, quoi. "Que sais-tu de la manière dont on vit à une demi-heure des tours de Notre-Dame?" "Est-ce que tu es jamais descendu, rien que pour voir, à Sevran-Beaudottes ou aux Baconnets, des stations où tu passes si souvent depuis tant d'années..."
Pas de vraie enquête sociologique, ni de reportage, juste découvrir, loger à l'hôtel, comme un vrai touriste, rencontrer les gens, parfois des connaissances déjà repérées, pour servir de guide. Dès les premiers jours, des difficultés attendent François Maspero (preneur de notes) et Anaïk Frantz (la photographe) : hôtels miteux ou complets, absence de plans et de guides, découverte qu'une station peut très bien être plus proche de la ville voisine que de celle dont elle porte le nom, beaucoup beaucoup de marche et de retours en arrière (par le RER)...
Le voyage, réalisé en mai 1989, est ponctué de nouvelles sporadiques des événements de la place Tian'anmen, alors qu'en France se préparent les célébrations du bicentenaire de la révolution. En banlieue, on continue à vivre, défilent pavillons en meulière, zones industrielles, grands ensembles tristounets, parfois jardins ouvriers, canaux. Depuis cette époque, tout a dû encore évoluer, pour le meilleur, pour le pire? Une tour a peut-être implosé, d'autres ont été réhabilitées, chômage et trafic, on ne sait pas. Parfois des rappels historiques, guerre de 70, les deux guerres mondiales, la cité de La Muette à Drancy, la misère de certains quartiers il y a si peu finalement.
"Après tout, comme dit Anaïk, les voyages ne sont pas fait seulement pour se donner des souvenirs. Ils sont faits pour se donner l'envie de revenir."
Un récit formidable, plus informatif qu'on ne croit, à découvrir en dépit des années passées depuis sa sortie, et qui fera rêver même les provinciaux, écrit d'un ton plein d'allant, parfois d'amusement, parfois plus sérieux; où il s'agit souvent de lire entre les lignes.
Je note la référence au film d'Eli Lotar sur Aubervilliers (1945)
https://vimeo.com/132637163
François Maspero
Photographies d'Anaïk Frantz
Seuil, 1990
Ouf, je l'ai retrouvé, ce billet de Yueyin qui m'a donné envie de lire là absolument tout de suite maintenant ce truc improbable évidemment disponible au magasin de la bibliothèque! Et vous savez quoi? Dès le départ j'ai su q'il allait entrer dans la catégorie coup de coeur.
L'idée de départ, c'est de voyager, et pas en Patagonie orientale ou au Turkménistan central, non, il s'agit de se déplacer au moyen du RER B, de Roissy à La Plaine, sauter Paris intra muros, et reprendre de Laplace à Saint-Rémy lès Chevreuse. Totally wild, quoi. "Que sais-tu de la manière dont on vit à une demi-heure des tours de Notre-Dame?" "Est-ce que tu es jamais descendu, rien que pour voir, à Sevran-Beaudottes ou aux Baconnets, des stations où tu passes si souvent depuis tant d'années..."
Pas de vraie enquête sociologique, ni de reportage, juste découvrir, loger à l'hôtel, comme un vrai touriste, rencontrer les gens, parfois des connaissances déjà repérées, pour servir de guide. Dès les premiers jours, des difficultés attendent François Maspero (preneur de notes) et Anaïk Frantz (la photographe) : hôtels miteux ou complets, absence de plans et de guides, découverte qu'une station peut très bien être plus proche de la ville voisine que de celle dont elle porte le nom, beaucoup beaucoup de marche et de retours en arrière (par le RER)...
Le voyage, réalisé en mai 1989, est ponctué de nouvelles sporadiques des événements de la place Tian'anmen, alors qu'en France se préparent les célébrations du bicentenaire de la révolution. En banlieue, on continue à vivre, défilent pavillons en meulière, zones industrielles, grands ensembles tristounets, parfois jardins ouvriers, canaux. Depuis cette époque, tout a dû encore évoluer, pour le meilleur, pour le pire? Une tour a peut-être implosé, d'autres ont été réhabilitées, chômage et trafic, on ne sait pas. Parfois des rappels historiques, guerre de 70, les deux guerres mondiales, la cité de La Muette à Drancy, la misère de certains quartiers il y a si peu finalement.
"Après tout, comme dit Anaïk, les voyages ne sont pas fait seulement pour se donner des souvenirs. Ils sont faits pour se donner l'envie de revenir."
Un récit formidable, plus informatif qu'on ne croit, à découvrir en dépit des années passées depuis sa sortie, et qui fera rêver même les provinciaux, écrit d'un ton plein d'allant, parfois d'amusement, parfois plus sérieux; où il s'agit souvent de lire entre les lignes.
Je note la référence au film d'Eli Lotar sur Aubervilliers (1945)
https://vimeo.com/132637163
vendredi 4 août 2017
Sous les vents de Neptune (et la suite)
Le dernier opus de Fred Vargas est sorti récemment; mettre la main dessus à la bibli? Même pas en rêve!* Mais c'est l'occasion de me souvenir de l'époque où je dévorais ses romans, alors pourquoi ne pas rattraper le retard? J'ai découvert avec joie qu'il se montait à cinq volumes, non compris cette recluse...
Sous les vents de Neptune
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2004
Me voilà replongée sans crier gare dans la Brigade où officie Adamsberg, séparé de Camille, et hanté par l'histoire de son frère, accusé il y a longtemps d'un crime qu'Adamsberg a toujours attribué au juge Fulgence, serial killer sur des décennies, que le commissaire a suivi à la trace sans jamais pouvoir agir, car ce coupable s'arrange pour donner à chaque fois un coupable idéal à la police. Dernièrement, il aurait sévi en Alsace. Léger problème : le juge est mort et enterré depuis seize ans.
Par ailleurs, Adamsberg et quelques collègues se rendent au Québec pour une formation. Mais les événements vont les rejoindre outre Atlantique.
Ouf, j'ai vite repris goût à Fred Vargas, son univers finalement un poil décalé, son commissaire (et ses collègues) un poil hors normes eux aussi, ses dialogues, son humour; ses enquêtes avec toujours un petit côté 'impossible', où elle nous mène d'une main ferme, pas question de prendre un autre chemin!
De souvenir, on lui avait reproché l'usage d'un parler québécois un peu exagéré. Je ne suis pas experte, je dirais seulement que les québécois parlant aux français savent très bien user d'un langage compréhensible et que Vargas aurait pu dans les dialogues s'abstenir de tournures que lesdits québécois devaient traduire juste après.
L'avis de Karine:), blogueuse de là-bas, et bien connue de plusieurs! (on t'attend pour le festival America 2018)
Dans les bois éternels
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2006
J'ai lu, 2008
On reste en France, sur Paris, mais avec des incursions en Normandie, où une bande de piliers de café vont tout de même accueillir le commissaire (après les Québécois, les Normands). Des morts, récents, d'autres moins, des tombes rouvertes, une ombre mystérieuse, une recette non moins mystérieuse. Et puis le passé d'Adamsberg qui resurgit.
Bref, ça y est, me voilà bien calée dans cette Brigade, efficace mais un poil folle. Un petit nouveau, qui parle en alexandrins et a des trucs à cacher...
Mention particulière à La Boule, le matou installé sur la photocopieuse (c'est chaud) qui demande à être porté vers sa gamelle. Mais qui saura jouer un rôle dans l'histoire.
On continue avec
Un lieu incertain
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2008
On commence à bien prendre le pli, et je ne me lasse pas. Avec ce mini marathon Vargas, je prends conscience que c'est mieux de lire dans l'ordre, les personnages et leurs relations évoluent, même si lentement.
Des chaussures avec des pieds coupés (en Angleterre), une incursion en Serbie, et un meurtre où la victime est ventilée façon puzzle. Beurk, mais avec Fred Vargas on n'a pas le temps de s'en préoccuper, de l'aspect sanglant, et tant mieux.
J'en profite pour glisser quelques passages
"Toute chose très belle ou très laide abandonne un fragment d'elle dans les yeux de ceux qui la regardent."
"Lors de sa visite semestrielle d'inspection - qui visait essentiellement à emmerder le monde vu les résultats indiscutables de la Brigade-, on rangeait prestement les coussins qui servaient de couchette à Mercadet, les revues d'ichtyologie de Voisenet, les bouteilles et les dictionnaires de grec de Danglard, les revues pornographiques de Noël, les vivres de Froissy, la litière et l’écuelle du chat, les huiles essentielles de Kernorkian, le baladeur de Maurel, les cigarettes de Retancourt, et ce jusqu'à rendre les lieux parfaitement opérationnels et invivables."
Plog. (clin d'oeil à ceux qui l'ont lu)
Et pour terminer, en attendant que les deux derniers soient disponibles
L'armée furieuse
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2011
Sur fond de croyances médiévales, on retourne en Normandie, mais avec des assassinats bien récents ou à venir. L'équipe s'occupe aussi d'un mort carbonisé dans une voiture, et éventuellement d'un pigeon martyrisé (il va bien, le pigeon, ainsi que la petite chatte dont Adamsberg s'occupe chez lui)
Toujours aussi plaisant à lire, un poil capillotracté, mais on s'en fiche, on ne lâche rien.
Je ne peux pas dire grand chose de plus, sauf qu'on retrouve des personnages arrivés dans le dernier volume, et je conseille de lire dans l'ordre!
Avec quatre romans de Fred Vargas, j'ai largement accompli le challenge série de l'été chez Philippe
Sous les vents de Neptune
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2004
Me voilà replongée sans crier gare dans la Brigade où officie Adamsberg, séparé de Camille, et hanté par l'histoire de son frère, accusé il y a longtemps d'un crime qu'Adamsberg a toujours attribué au juge Fulgence, serial killer sur des décennies, que le commissaire a suivi à la trace sans jamais pouvoir agir, car ce coupable s'arrange pour donner à chaque fois un coupable idéal à la police. Dernièrement, il aurait sévi en Alsace. Léger problème : le juge est mort et enterré depuis seize ans.
Par ailleurs, Adamsberg et quelques collègues se rendent au Québec pour une formation. Mais les événements vont les rejoindre outre Atlantique.
Ouf, j'ai vite repris goût à Fred Vargas, son univers finalement un poil décalé, son commissaire (et ses collègues) un poil hors normes eux aussi, ses dialogues, son humour; ses enquêtes avec toujours un petit côté 'impossible', où elle nous mène d'une main ferme, pas question de prendre un autre chemin!
De souvenir, on lui avait reproché l'usage d'un parler québécois un peu exagéré. Je ne suis pas experte, je dirais seulement que les québécois parlant aux français savent très bien user d'un langage compréhensible et que Vargas aurait pu dans les dialogues s'abstenir de tournures que lesdits québécois devaient traduire juste après.
L'avis de Karine:), blogueuse de là-bas, et bien connue de plusieurs! (on t'attend pour le festival America 2018)
Dans les bois éternels
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2006
J'ai lu, 2008
On reste en France, sur Paris, mais avec des incursions en Normandie, où une bande de piliers de café vont tout de même accueillir le commissaire (après les Québécois, les Normands). Des morts, récents, d'autres moins, des tombes rouvertes, une ombre mystérieuse, une recette non moins mystérieuse. Et puis le passé d'Adamsberg qui resurgit.
Bref, ça y est, me voilà bien calée dans cette Brigade, efficace mais un poil folle. Un petit nouveau, qui parle en alexandrins et a des trucs à cacher...
Mention particulière à La Boule, le matou installé sur la photocopieuse (c'est chaud) qui demande à être porté vers sa gamelle. Mais qui saura jouer un rôle dans l'histoire.
On continue avec
Un lieu incertain
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2008
On commence à bien prendre le pli, et je ne me lasse pas. Avec ce mini marathon Vargas, je prends conscience que c'est mieux de lire dans l'ordre, les personnages et leurs relations évoluent, même si lentement.
Des chaussures avec des pieds coupés (en Angleterre), une incursion en Serbie, et un meurtre où la victime est ventilée façon puzzle. Beurk, mais avec Fred Vargas on n'a pas le temps de s'en préoccuper, de l'aspect sanglant, et tant mieux.
J'en profite pour glisser quelques passages
"Toute chose très belle ou très laide abandonne un fragment d'elle dans les yeux de ceux qui la regardent."
"Lors de sa visite semestrielle d'inspection - qui visait essentiellement à emmerder le monde vu les résultats indiscutables de la Brigade-, on rangeait prestement les coussins qui servaient de couchette à Mercadet, les revues d'ichtyologie de Voisenet, les bouteilles et les dictionnaires de grec de Danglard, les revues pornographiques de Noël, les vivres de Froissy, la litière et l’écuelle du chat, les huiles essentielles de Kernorkian, le baladeur de Maurel, les cigarettes de Retancourt, et ce jusqu'à rendre les lieux parfaitement opérationnels et invivables."
Plog. (clin d'oeil à ceux qui l'ont lu)
Et pour terminer, en attendant que les deux derniers soient disponibles
L'armée furieuse
Fred Vargas
Viviane Hamy, 2011
Sur fond de croyances médiévales, on retourne en Normandie, mais avec des assassinats bien récents ou à venir. L'équipe s'occupe aussi d'un mort carbonisé dans une voiture, et éventuellement d'un pigeon martyrisé (il va bien, le pigeon, ainsi que la petite chatte dont Adamsberg s'occupe chez lui)
Toujours aussi plaisant à lire, un poil capillotracté, mais on s'en fiche, on ne lâche rien.
Je ne peux pas dire grand chose de plus, sauf qu'on retrouve des personnages arrivés dans le dernier volume, et je conseille de lire dans l'ordre!
Avec quatre romans de Fred Vargas, j'ai largement accompli le challenge série de l'été chez Philippe
*Edit du 3 août : j'ai presque terminé Temps glaciaires, et réussi à emprunter Quand sort la recluse. On ne lâche rien!
mercredi 2 août 2017
Winter is coming
Winter is coming
Pierre Jourde
Gallimard, 2017
Si l'on avait beaucoup parlé de ce récit sur les blogs, je me serais abstenue, car l'exercice de recension de ce type de livre est difficile; mais sans la bibli je n'en aurais rien su, mais il s'agit de Pierre Jourde, que je ne connais pas 'en vrai', et qui m'avait épatée avec Le maréchal absolu, Pays perdu, La première pierre, et d'autres écrits non chroniqués ici. En exergue, une citation de l'Autofictif au petit pois (Chevillard!) du 19 mai 2014.
"Une tombe s'ouvre pour le jeune homme qui avait tant de talents, qui avait un si beau sourire, et dans sa vie accomplie il y a donc son avenir, toutes promesses tenues."
Voilà c'est dit, un jeune homme est mort, à vingt ans. Gabriel, l'un des fils de Pierre Jourde, qui apparaissait rapidement dans La première pierre. Un cancer très très rare (deux cas répertoriés en France, l'autre était dans le même hôpital), sans traitement connu, de quelques mois à deux ans de survie.
Gabriel, alias Kid Atlas, talentueux musicien (Winter is coming est le titre d'un de ses morceaux), doué aussi en dessin, dont le père évoque surtout la dernière année de vie. Se remémorant aussi des souvenirs de son enfance; puis l'annonce du diagnostic, la difficulté à y croire, s'accrocher à la possibilité d'une guérison; les médecins, l'hôpital, les attentes, toujours, partout, pour les examens.
Le lumineux séjour en Martinique, pays de la famille maternelle, lors d'un rémission, hélas vite finie.
Si j'ai lu ce récit, c'est parce que l'auteur, je luis faisais confiance pour rester hors de tout pathos, pour demeurer pudique, quasi factuel, sans jugement. Un très beau livre (et quand même j'ai cédé aux larmes, comment faire autrement?), c'est un père et un écrivain qui s'expriment, impossibles à séparer.
Les avis de sansconnivence, je lis au lit (bons blogs que je découvre par ce biais de recherche d'avis),
Pierre Jourde
Gallimard, 2017
Si l'on avait beaucoup parlé de ce récit sur les blogs, je me serais abstenue, car l'exercice de recension de ce type de livre est difficile; mais sans la bibli je n'en aurais rien su, mais il s'agit de Pierre Jourde, que je ne connais pas 'en vrai', et qui m'avait épatée avec Le maréchal absolu, Pays perdu, La première pierre, et d'autres écrits non chroniqués ici. En exergue, une citation de l'Autofictif au petit pois (Chevillard!) du 19 mai 2014.
"Une tombe s'ouvre pour le jeune homme qui avait tant de talents, qui avait un si beau sourire, et dans sa vie accomplie il y a donc son avenir, toutes promesses tenues."
Voilà c'est dit, un jeune homme est mort, à vingt ans. Gabriel, l'un des fils de Pierre Jourde, qui apparaissait rapidement dans La première pierre. Un cancer très très rare (deux cas répertoriés en France, l'autre était dans le même hôpital), sans traitement connu, de quelques mois à deux ans de survie.
Gabriel, alias Kid Atlas, talentueux musicien (Winter is coming est le titre d'un de ses morceaux), doué aussi en dessin, dont le père évoque surtout la dernière année de vie. Se remémorant aussi des souvenirs de son enfance; puis l'annonce du diagnostic, la difficulté à y croire, s'accrocher à la possibilité d'une guérison; les médecins, l'hôpital, les attentes, toujours, partout, pour les examens.
Le lumineux séjour en Martinique, pays de la famille maternelle, lors d'un rémission, hélas vite finie.
Si j'ai lu ce récit, c'est parce que l'auteur, je luis faisais confiance pour rester hors de tout pathos, pour demeurer pudique, quasi factuel, sans jugement. Un très beau livre (et quand même j'ai cédé aux larmes, comment faire autrement?), c'est un père et un écrivain qui s'expriment, impossibles à séparer.
Les avis de sansconnivence, je lis au lit (bons blogs que je découvre par ce biais de recherche d'avis),
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