lundi 25 juillet 2022

Une histoire du monde sans sortir de chez moi


 Une histoire du monde sans sortir de chez moi

A short history of private life

Bill Bryson

Lu en Petite bibliothèque Payot, poche 2015

 plus de 550 pages, de la page 15 à 628


Bill Bryson a son rond de serviette dans ce blog, et sa propension à écrire des livres plein d'humour qui coulent tout seuls, sans oublier érudition et intelligence, en fait un candidat idéal pour le pavé de l'été (et un livre de moins dans la PAL)

Propriétaire d'un ancien presbytère dans le Norfolk, le voilà s'intéressant aux pièces dudit, sans oublier le jardin; contrairement à ce que laisse penser le titre, ses recherches conduisent le lecteur fort loin dans le passé et ce vaste monde... 

Prenons la cuisine

"Les homards étaient si nombreux le long des côtes britanniques qu'on en donnait aux prisonniers, aux orphelins,  ou qu'on les broyait pour en faire de l'engrais. Les domestiques demandaient à leurs employeurs l'assurance écrite qu'on ne leur en servirait pas plus de deux fois par semaine."

L'arrière-cuisine et le cellier : la dure vie des domestiques

Le salon : les célèbres meubles Chippendale ont été tellement demandés qu'il sera impossible d'avoir exactement  les mêmes, car fabriqués avec une variété d'acajou irrémédiablement disparue. 

A partir des simples poivrier et salière vient l'occasion de découvrir toutes sortes d'épices, leur provenance, leur quête, que d'aventures! (oui, on sort du presbytère)

La cave : on en apprend plein sur les briques!

Le couloir : où j'apprends en passant qu'Eiffel a imaginé la charpente de la statue de la Liberté. Quant au domaine de Biltmore, j'en suis baba, oui, elle ressemble (un peu) à un château de la Loire- "en plus grandiose, bien entendu, et avec des sanitaires plus convenables." (voir ci-dessous, en effet...)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Domaine_Biltmore#/media/Fichier:Biltmore_Estate.jpg
Le bureau : "la tapette à souris. Celle-ci fait partie -au même titre que le trombone, la fermeture Eclair et l'épingle de nourrice- des nombreux objets utiles qui furent inventés à la fin du 19ème siècle  et qui étaient d'emblée si proches de la perfection que c'est à peine si on les a améliorés depuis."

Je m'en voudrais de laisser croire qu'il ne s'agit que d'un recueil d'anecdotes plaisantes, c'est absolument passionnant et agréable à lire, ce qui n'est pas si aisé à réussir en fait, et j'ai aimé qu'à la fin l'auteur s'interroge sur les conséquences de l'activité humaine, même si on connaît, cela ne fait pas de mal de se l'entendre répéter.

Avis babelio

Challenge pavé de l'été chez Brize

lundi 18 juillet 2022

Le passage du canyon


 Le passage du canyon

Canyon passage, 1945

Ernest Haycox

Actes sud, 2015

Traduit par Jean Esch

Postface de B. Tavernier (surtout à propos du film, d’ailleurs) 


Quand je découvre un auteur, et l'aime, je continue à le découvrir, et au risque de lasser, après Les pionniers, voici encore une occasion de séjourner dans l'ouest (le vrai), à savoir cette fois l'Oregon, vers 1850. Les chariots ne roulent plus, mais des convois de mules convoient les marchandises d'un endroit à un autre; l'or des chercheurs, peut sortir d'un coffre, être perdu au jeu, ou voyager avec un cavalier, au risque d'attirer les convoitises. Les indiens, ici les Rogues, sont censés être en paix, mais censés seulement, et ils peuvent attaquer les fermiers établis sur leurs terres (celles des indiens, quoi). 

Haycox a vraiment le chic pour imaginer des personnages humains, pas parfaits, crédibles, et indiquer clairement leur mode de vie sans détailler inutilement, s'intéressant à des moments clés, laissant le lecteur deviner quelques péripéties. Quels personnages? Deux amis, Logan Stuart et Georges Camrose, ce dernier dont les faiblesses le perdront, et fiancé à Lucy dont Logan est amoureux. Argh, quoi. Un vrai méchant aussi, Bragg , qui vaudra une bien belle bagarre de saloon. Je termine par les deux jeunes femmes, Lucy et Caroline,  et comme dans Les pionniers, ce sont des personnages déterminés, solides, pas juste dans le décor!

Le premier paragraphe: on est tout de suite dans l'affaire, tous les sens dont concernés,  non?

"Dès qu'il fut arrivé à Portland, Logan Stuart laissa son cheval à l'écurie d'Oak Street et rebroussa chemin dans Front Street en direction du bureau de messagerie exprès. Un vent violent du sud-ouest faisait rouler des nuages noirs au-dessus de la ville et les gouttes gonflées d'une pluie cinglante formaient un écran argenté et oblique autour de lui, ridant la boue liquide des rues et exécutant une danse cristalline sur les toits brillants. Les trottoirs de planches aux intersections étaient à moitié immergés et s'enfonçaient sous son poids. A 14 heures, un jour comme celui-ci, les lampes à pétrole scintillaient déjà à travers les carreaux ruisselants, et l'odeur qui émanait des saloons devant lesquels il passait était un mélange chaud et puissant de tabac, de whisky et de vêtements de laine trempés."

Avis babelio

jeudi 14 juillet 2022

Je suis une fille sans histoire


 Je suis une fille sans histoire

Alice Zeniter

L'Arche, 2021

Des écrits pour la parole


J'ai lu dévoré ce texte d'un seul souffle, sentant fréquemment mes neurones grésiller (expression que je dois à Nicole (pour d'autres écrits, peu importe). Vous savez, l'impression de découvrir ou redécouvrir des notions complexes et de les comprendre! Tout en sachant hélas que je vais rapidement être incapable de bien expliquer, mais en attendant, quel bonheur! Alice Zeniter sait expliquer avec des images, beaucoup d'humour et de vivacité. Ah cette sensation de se sentir plus intelligent! (pour un moment ^_^)

"Dans la Théorie de la fiction-panier, l'autrice américaine Ursula Le Guin se demande comment notre civilisation de chasseurs-cueilleurs a pu devenir le berceau de récits qui ne parlent que de chasseurs." p14

Eco : "Par définition , des textes de fiction parlent clairement de personnes et d'événements non existants. Donc, une assertion fictionnelle devrait toujours dire ce qui n'est pas existant et pourtant nous ne considérons pas ces assertions fictionnelles comme des mensonges." (on va même jusqu'à pleurer sur la mort d'un personnage)

Voilà, fiction, le mot est clair, et Zeniter passionnante. Il faut lire sa présentation théâtrale de la poétique d'Aristote, ses coups de griffes féministes, ses notes de bas de page hilarantes...

Oups numéro 1 : je constate en relisant mon billet qu'on ne sait même pas de quoi ça parle... Comme je suis sympa, je copie colle ce qu'en dit l'éditeur: 

« Une bonne histoire, aujourd’hui encore, c’est souvent l’histoire d’un mec qui fait des trucs. Et si ça peut être un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lances, c’est mieux... »

Mais quelle place accorde-t-on dans ces histoires aux personnages féminins et à la représentation de leur corps ? Alice Zeniter déconstruit le modèle du héros et révèle la manière dont on façonne les grands récits depuis l’Antiquité. De la littérature au discours politique, elle nous raconte avec humour et lucidité les rouages de la fabrique des histoires et le pouvoir de la fiction.

Oups numéro 2 : ce bouquin est totalement le genre qu'affectionne cathulu! Je trouve bien sûr son billet.

Avis babelio

lundi 11 juillet 2022

Un voisin trop discret

 


Un voisin trop discret

Parallax

Iain Levison

Liana Levi, 2021

Traduit par Fanchita Gonzalez Batlle


Dans l'immeuble de Jim, à Seattle, viennent d'emménager Corina et son fils. Ailleurs, Kyle fait à son flirt de jeunesse Madison une drôle de proposition, qui devrait les avantager tous les deux. En Afghanistan un guetteur et un sniper sont chargés d'éliminer des afghans planqués dans des villages reculés.

Au fur et à mesure les liens entre ces différents personnages se révèlent, jusqu'à la fin. C'est ciselé, mené de main de maître, sans insister l'auteur laisse deviner le futur de chacun. Avant cela, bien des scènes à suspense, des morts, et une vision de l'Amérique, non sans ironie. Encore une fois Iain Levison réussit son coup!

Un billet court, qui vous gagnera du temps, à utiliser pour vous précipiter sur ce livre!

Avis babelio, alex, bibliosurf

jeudi 7 juillet 2022

Des poissons dans le désert


 Des poissons dans le désert

Quand l'homme répare la nature

Elisabeth Kolbert

Buchet Chastel, 2022

Traduit par Hélène Borraz


Au fil du temps l'homme s'est senti maître de la nature sur notre unique planète et s'en est donné à cœur joie. C'est bien connu, et l'intérêt de ce livre n'est pas de raconter ce qu'on sait tous, mais d'exposer quelques exemples de réparation des dégâts (après lecture, il est bien possible que je sois pleine d'ironie dubitative au sujet desdites tentatives de réparation...).

Direction les grands lacs, où creuser un canal il y a un bout de temps histoire de déverser des eaux usées a conduit à rendre les bassins versants de ces lacs et du Mississipi un poil trop communicants. Dorénavant les eaux sont plus propres, mais celles du Mississipi  accueillant de grandes carpes venues d'Asie (devinez qui les a introduites?), il y a risque que ces poissons ne viennent déséquilibrer la faune et la flore des lacs. La solution pour l'instant : on électrifie une rivière.

Passons en Louisiane : le delta du Mississipi est vivant, les bras ne demandent qu'à bouger, le limon qu'à se déposer, les terres qu'à être immergées au fil du temps. De nos jours existent des digues immenses, solides (on l'espère). "Mais plus on pompe de l'eau, plus vite s'affaisse la ville. Et plus elle s'enfonce, plus il faut pomper."

Les poissons dans le désert du titre sont eux surveillés par les chercheurs et la petite centaine existant encore survit dans une grotte dont on ignore la profondeur (elle est sensible aux marées, alors que située dans le Nevada, incroyable!) et dans une grotte artificielle crée pour elle. Il faut dire que les essais nucléaires menés dans ce coin n'avaient pas trop arrangé les choses, à un moment.

Quant à la grande barrière de corail, l'idée est de s'arranger pour que le corail devienne plus résistant à l'élévation de la température de l'eau, en sélectionnant les organismes les plus costauds.

(Rappel : l'Australie et ses mines de charbon, acheminé en passant vraiment pas loin du récif.)

Restons en Australie, là c'est le crapaud buffle qui pose problème. Bien évidemment, ce n'est pas une espèce indigène. "Si la carpe pose problème aux Etats-Unis, c'est que rien ne la mange, tandis que le crapaud buffle représente une menace en Australie parce que tout le mange." Il empoisonne ses prédateurs, quoi. L'idée est de changer quelques gênes de la bestiole pour la rendre non consommable mais pas toxique. Le remède sera-t-il pire que le mal?

On termine avec encore une  belle idée pour se débarrasser du dioxyde de carbone. Le piéger en sous sol profond? Autre idée pour lutter contre le réchauffement : imiter la nature qui après une explosion de volcan bien costaude envoie des particules et cause un climat plus frais comme en 1815/1816 sur toute la planète après l'éruption du Tambura? je passe les détails, l'imagination humaine est fertile (trop, souvent).

Babelio : un avis, mais 5 étoiles!

lundi 4 juillet 2022

Une deux trois


 Une deux trois

Shalosh

Dror Mishani

Gallimard, 2020

Traduit par Laurence Sendrowicz


Un même homme, l'avocat Guil fait connaissance d'Orna sur un site de rencontres, s'intéresse à Emilia une réfugiée lettonne un peu paumée qui s'est occupée du père de Guil, pour finir par la troisième, Ella, cette fois repérée à travailler dans un café.

A chacune il raconte en gros la même histoire, pour les entraîner jusque là où c'était programmé, pas à pas, tranquillement. Le lecteur s'attache à Orna, en plein bouleversement post-divorce, et mère poule de son fils assez fragilisé. Emilia est quelque peu mystique, Ella semble plus assurée, mais...

Franchement c'est bien fichu, j'ai lu ce roman en une demi-journée. la première partie est narrée au passé, la deuxième au présent, et la dernière, au futur. Voilà qui est remarquable. Pour l'enquête policière, il faudra attendre la dernière partie.

 Où l'on apprend aussi qu'un israélien peut obtenir une double nationalité selon son origine familiale, ainsi que le système d'aide aux personnes âgées, faisant bien appel à des étrangers.

Pour ce que j'en sais, il n'y a pas de vouvoiement en hébreu, mais à un moment on passe du vous au tu quand par exemple Orna et Guil se connaissent un peu mieux, et c'est signalé dans le texte. Il serait intéressant de savoir s'il s'agit d'une intervention de la traductrice?

Avis babelio, kathel, miriam

De l'auteur j'avais lu Une disparition inquiétante, le premier de la série avec l'inspecteur Avraham. Pas de billet, en fait, l'impression de flou et d'un manque de quelque chose, alors, après ma réussite avec Une deux trois, que je recommande, je voulais revoir cet Avraham.


Les doutes d'Avraham

Seuil, 2016, même traductrice

Désormais il est le chef, et il doit gérer sa première enquête criminelle en tant que responsable. Cela cahote, cela tiraille, chacun défend sa piste. Il s'agit d'une femme assassinée chez elle.

En parallèle on suit l'histoire d'une famille où la femme s'interroge sur le comportement de son mari.

Une bonne histoire intéressante, une bonne idée de départ, mais les tergiversations, les imaginations, les questionnements intérieurs, les dialogues interrompus  (d'accord, comme dans la vie), bref une façon de mener la narration, a fini par me lasser, m'embrouiller et finalement me laisser indifférente aux personnages et leurs mobiles. 

Avis babelio, kathel