lundi 27 décembre 2021

Curiosity


 Curiosity

Sophie Divry

Notabilia, 2021


Purée, quel talent! Sophie Divry, dont je n'allais pas rater un titre, a réussi à m'épater, alors qu'au départ, franchement, prendre comme personnage le robot Curiosity tout seul sur Mars, c'était risqué. Il s'agit d'une novella, plutôt, et le robot monologue, étalant ses états d'âme. Pour lui, Dieu vit sur Terre, il l'a envoyé en mission, et lui envoie des instructions. Le petit rover obéit mais parfois il en a gros sur le système.

Il a un satellite, alias MRO, avec qui les relations sont distantes.

"Les satellites sont un peu snobs, c'est l'altitude."

Pauvre petit robot, qui espérait trouver des siens sur Mars... Il finit par comprendre ce que sera son destin, à la longue. Une belle nouvelle mélancolique, mais non dénuée d'humour.

Oui, Curiosity fait des selfies
https://fr.wikipedia.org/wiki/Curiosity_(rover)

Avis babelio

Et je participe ainsi à un challenge! (ici)

Puis Sophie Divry propose un texte très court, L'Agrandirox, où comment voir son minuscule appartement grandir lors d'un confinement. Est-ce un bien? On tombe dans le fantastique...

lundi 20 décembre 2021

Chroniques diverses

Souvent je lis de la non fiction, qui m'enthousiasme, mais j'ai la flemme d'écrire un billet (pareil pour les BD) , alors là en voici trois.

Je suis fan de Marcel Cohen, que je connais par ses écrits seulement. Dernièrement, sur le présentoir de la bibli : 


Détails, II

Suite et fin

faits

Marcel Cohen

Gallimard, 2021


Comme pour le I, de courts chapitres consacrés à des faits réels, mais peu connus, comme la mortalité des chevaux au cours de la première guerre mondiale, les disparitions volontaires, l'histoire de Chouquette, résistante dans les années 40, les horlogers de luxe. Ou bien un certain 'homme' (l'auteur?) propose ses réflexions au cours de pérégrinations, dans la rue, aux urgences, dans le métro. On y trouve toujours de l'intérêt, son œil est perspicace, jamais vraiment méchant.

Quand il observe les voyageurs dans le métro, et pense à l'usage des SMS:

"Qui aurait jamais imaginé que le téléphone servirait un jour à éviter les conversations?"

Le ghetto de Varsovie:

"Le maire de Varsovie estimait, après la guerre, que déblayer les ruines du ghetto reviendrait à mobiliser dix mille homme pendant trois ans en utilisant une noria de sept trains. C'est pourquoi, à Varsovie, le nouveau quartier de Muranow est aujourd'hui surélevé de trois à quatre mètres par rapport au reste de la ville."

Puis voici Chevillard.


Sine die

Eric Chevillard

Dessins de François Ayrolles

Editions de l'arbre vengeur, 2021


Ces chroniques ont été écrites entre le 19 mars et le 12 mai 2020,pour Le Monde, puis le blog de l'auteur. Comme l'indique le sous titre, il s'agit d'une chronique du confinement.

'Encore?' direz-vous?' Moi aussi j'aurais pu en écrire une!' Tout à fait d'accord, même si on réalise que depuis, il s'en est passé des choses, ces chroniques ont déjà un air d'étrange irréalité. Et puis c'est Chevillard, alors moi je prends!

"Dehors, rôde l'horrible virus hérissé d'antennes sensibles qui captent notre présence à plus d'un kilomètre - comme le squale la goute de sang dans l'immensité de la mer- et de palpes gluants pour se suspendre à nos lèvres, comme un amoureux ardent. Des hordes de pangolins enragés se répandent dans les rues en toussant leurs poisons et, dès que le jour baisse, ce sont les chauve-souris qui fondent sur le passant pour se moucher dans son coude. Nous ne sommes plus en sécurité que chez nous."

Avis babelio

Pour terminer, un auteur que je lis régulièrement, sans toujours le présenter:


Oedipe n'est pas coupable

Pierre Bayard

Editions de Minuit, 2021


Après avoir rétabli la vérité sur le meurtre de Roger Ackroyd, Hamlet, Le chien des Baskerville et Ils étaient dix (le mot qu'on ne doit plus prononcer), il s'attaque à Oedipe, carrément. C'est l'occasion de revoir ses classiques, de faire un tour chez Freud, de découvrir qui est réellement coupable (pas Oedipe), et de s'inquiéter pour l'auteur qui s'attaque à forte partie...


Avis babelio

jeudi 16 décembre 2021

Chaudun, la montagne blessée


 Chaudun, la montagne blessée

Luc Bronner

Seuil Points, récit, 2020



A Chaudun, Hautes Alpes, vivaient en quasi autarcie une centaine de personnes à la fin du 19ème siècle, la population déclinant depuis fort longtemps. Très peu de terres cultivables, surpâturage des moutons, déboisement pour se fournir en bois de chauffage, on vivotait de plus en plus. Curés et instituteurs s'y succédaient. Un village plus qu'isolé, on y accédait et y accède toujours accède par un sentier assez périlleux parfois (il existe une video).

Alors en 1888 les habitants demandent à vendre leur commune à l'état, ce sera acté en 1895. Mais bien avant des habitants partaient, vers d'autres communes ou même l'Amérique!

Les ancêtres de l'auteur sont originaires d'un village à 15 km de là, ses arrière-grands-parents se sont installés à San Francisco, puis la famille est revenue en 1914. Pour écrire son récit, il a compulsé différents documents, archives d'état civil, militaires, cadastres, registres, etc. et surtout a su raconter l'histoire en la rendant passionnante, parfois émouvante. Par exemple, au cimetière, demeure une seule pièce tombale, celle de Félicie Martin, 17 ans; à fouiller les registres, l'on découvre un grand nombre d'enfants en bas âge, particulièrement ceux laissés ici en nourrice, une mortalité impressionnante.

Sous nos yeux revit vraiment le village, grâce à des courriers, comptes-rendus. Jusqu'au moment où tous sont partis, une centaine, laissant les portes ouvertes, comme demandé.

Et maintenant? Après que des millions d'arbres aient été plantés il y a environ un siècle, c'est le paradis et le bonheur pour les espèces végétales et animales... 20% de la flore française est présente dans la vallée. Le loup est revenu, régulant la population des ongulés qui sinon ravageraient les sous-bois en broutant et piétinant, évitant aux vieux chamois une mort lente et douloureuse par inanition..

Avis babelio, miriam, le billet qui m'a donné envie, 

lundi 13 décembre 2021

Les rues de Laredo


 Les rues de Laredo

Larry McMurtry

Gallmeister, 2020

Traduit par Christophe Cuq


Encore un coup de coeur? Hé oui.

Une vingtaine d'années après Lonesome Dove (à lire avant, et absolument) l'on retrouve la plupart des personnages, enfin, ceux encore vivants. Woodrow Call, auréolé de sa réputation de ranger texan, est chargé d'une mission : se débarrasser d'un bandit attaquant les trains, dépouillant les voyageurs, et n'hésitant pas à tuer! L'on apprend vite qu'il s'agit du jeune Joey Garza, un type froid n'aimant personne, encore moins ses frère et soeur, et sa mère Maria, la magnifique Maria, quel personnage!

D'ailleurs dans ce roman les femmes ne sont pas de petites choses fragiles juste là pour la figuration: Lorena, que l'on retrouve mariée à Pea Eye, mère de 5 enfants, est devenue institutrice, sous l'inspiration de Clara. Quand Call veut embarquer Pea aux trousses de Joey, elle renâcle, accepte, puis part le retrouver. En plein hiver, sur des centaines de kilomètres, avec en plus un bandit lui rappelant d'affreux souvenirs, Mox Mox, alias le brûleur d'hommes. Un type dément, que Call veut aussi abattre.

Ah quel bonheur de retrouver Larry McMurtry et sa façon de raconter. Un poil d'humour, de l'émotion, du suspense, jamais on ne se lasse (on ne voyage pas dans de mauvaises conditions, nous), on passe d'un groupe à un autre, on s'attache fortement à certains, on a des personnages secondaires bien campés.

Mention spéciale à Brookshire, "un simple employé" qui a l'étoffe d'un héros, et le Kickapoo Famous Shoes, le pisteur bien connu des amateurs de la saga.

Qu'on ne s'y trompe pas : on quitte ces personnages à regret, Call vieillissant est finalement poignant.

Avis babelio

jeudi 9 décembre 2021

Le cercueil de Job


 Le cercueil de Job

Job's coffin

Lance Weller 

Gallmeister, 2021

Traduit par François Happe

 

 1864, quelque part aux Etats Unis, entre le nord et le sud. Esclave en fuite, Bell Hood essaie d'échapper à des poursuivants éventuels, accompagnée de Dexter, puis June, le tout en pleines batailles de la guerre de Sécession.

De  1862 jusqu'à 1864. Mêmes lieux. Jeremiah Hoke, après sa participation à la bataille de Shiloh, en sort vivant mais handicapé, et devient une sorte de vagabond.

On devine que les personnages se retrouveront, ce sera lors de l'effroyable boucherie de la bataille de Fort Willow. Auparavant il y aura des rencontres, des passages sur les mêmes lieux. Le lecteur vigilant découvrira ce qui n'est pas raconté en détail. Vraiment bien fait!

J'avais tellement aimé Wilderness de Lance Weller ! Je retrouve dans ce cercueil de Job (c'est un groupe d'étoiles, censé guider les personnages vers la liberté) les mêmes qualités d'écriture, que ce soit pour décrire les paysages, mener des dialogues, présenter des personnages forts. Les héros bougent dans les mêmes lieux, à des périodes différentes, les événements se répondant, c'est extrêmement bien mené. A la fin, on a une histoire poignante. Lance Weller écrit à hauteur d'hommes (et de femmes), plongeant dans leur histoire personnelle au milieu de la grande Histoire. Ils sont baladés, tentant de survivre à l'horreur et à leurs propres blessures intérieures. C'est magistral, et je recommande!

L'avis de Electra, babelio,

lundi 6 décembre 2021

L'énigme de l'anguille et autres bizarreries animales


 L'énigme de l'anguille et autres bizarreries animales

The unexpected truth about animals

Lucy Cooke

Albin Michel, 202

Traduit par Esther Ménévis

 

Vous croyez tout savoir (ou presque?) sur l'anguille (mais où sont les oeufs?) , le castor, le paresseux (heu, paresseux?), la hyène (hilare, forcément), le vautour (beurk?), la chauve-souris (je sais par expérience qu’elle ne s’entortille pas dans les cheveux),  la grenouille et le crapaud (qui connaît la différence?), la cigogne (et les enfants?), l'hippopotame (cousin de la baleine), l'orignal (saoul?), le panda (et la diplomatie?), le manchot (qui ne se caille pas forcément les papattes?), et le chimpanzé? Détrompez-vous.

Grâce à Lucy Cooke, zoologiste anglaise dotée d'un humour fort british, vous saurez tout (ou presque). Elle conte les erreurs (fake news?) trimballées au cours des siècles, par Aristote, Buffon et autres, dépoussière les connaissances, et remet les pendules à l'heure.

J'en ai fait un coup de cœur d'abord parce que toutes les bestioles, c'est tout ce que j'aime (parfois de loin) et surtout parce que je me suis follement amusée à lire ce bouquin (si!)

Créatrice de la Sloth Appreciation Society (société pour l'appréciation du paresseux), dont la devise est "La rapidité est surfaite", l'auteur convainc parfaitement que la bestiole est digne d'intérêt.

"Progresser furtivement à la cime des arbres, à peine plus vite qu'un escargot, couvert d'algues et infesté d'insectes, et ne déféquer qu'une fois par semaine ne correspond certes peut-être pas à l'idée que vous vous faites d'une vie ambitieuse, mais d'un autre côté vous n'essayez pas de survivre dans les jungles extrêmement concurrentielles d'Amérique centrale et du Sud - ce pour quoi le paresseux est très doué.

Quand on cherche à comprendre les animaux, le contexte est essentiel."

Elle a franchement l'art de la formule parlante:

"Les voir évoluer dans les arbres, c'est comme regarder Le Lac des cygnes au ralenti." "On dirait qu'ils sont immergés dans de la colle, voire qu'ils en ont sniffé." "Tous les paresseux appartiennent aux Xénarthres, un superordre de mammifères très ancien dont le nom semble tout droit sorti de Star Trek, et ils ont le look SF à l'avenant." ""Il passe son temps à brouter des feuilles dont on dit qu’elles contiennent des alcaloïdes aux propriétés semblables à celles du Valium.Il n'a donc pas seulement l'air défoncé, il l'est."

Terminons par le panda, sur lequel on raconte plein de 'menteries' : ne pas confondre le panda dans son milieu naturel (hélas dégradé et rétréci) et le panda forcé de se reproduire dans des conditions complètement non prévues à l'origine, et objet depuis longtemps de trocs diplomatiques. Alors que "l'autre panda est un survivant magnifique qui existe dans sa forme actuelle, naturelle, depuis au moins trois fois plus longtemps que les humains, et qui est parfaitement adapté à son mode de vie (certes) excentrique. Ce panda sauvage est un étalon secret, adepte des plans à trois et des rapports brutaux; il ne dédaigne pas la viande et possède un redoutable coup de mâchoire." 

Versus "son approche apathique de la chose sexuelle et son régime végétarien déviant attirent les moqueries."

D'accord, "les bébés pandas géants, avec leurs gestes maladroits et enfantins, sont comme un shoot instantané de mignonnerie." J'avoue avoir ululé comme une débile devant une vidéo de bébés pandas... Mais après ma lecture, je suis persuadée qu'on doit absolument les laisser tranquilles dans leur milieu sauvage préservé (et ça c'est pas gagné).

Alors, pour en savoir beaucoup plus, jetez-vous sur cet excellent livre!!!

vendredi 3 décembre 2021

Une mauvaise maire

 


Une mauvaise maire

Jacques Jouet

P.O.L., 2007 


Toujours en pleine période oulipienne, je découvre Jacques Jouet (quoique son nom ne soit pas inconnu aux auditeurs des papous dans la tête).

Ce court roman présente Marie Basmati (je n'ai pas tout de suite compris l'astuce, en fait son mari d'origine italienne se nomme Basmati), ci-devant maire de La Chapelle, région parisienne, un peu moins de 30 000 habitants.  On la suit dans son quotidien fort occupé de maire, taclée souvent par son deuxième adjoint, alias Dents Longues. Cartée au parti communiste, mais sans excès semble-t-il, elle fait le job, réaliste, connaît ou cherche à connaître tous les coins et problèmes de sa commune. C'est ainsi qu’elle rencontre Masmaïl, un intrigant jeune homme  issu de la cité des Garnerets.

Bref, une jolie chronique au ras de la vraie vie, écrite classiquement et avec vivacité, lue avec plaisir. A la fin moi je pensais que Marie est plutôt une bonne maire...

Avis babelio,

Puis j'ai continué avec


La seule fois de l'amour

P.O.L., 2011

Victoire est une jeune femme qui a un projet, celui de connaître un amour, avec lequel justement elle fera l'amour, mais juste une fois. Espérant être enceinte. Non, ce n'est pas une fille coincée, elle fréquente pas mal de garçons ou d'hommes, qui vivent parfois assez mal ce genre de relation... 

C'est amusant à lire, on se demande si Victoire mènera à bien son projet (elle a aussi la chance d'être jolie et intelligente, ça aide quand les types intéressés se prennent un râteau, car sinon ils se raréfieraient?), mais en dépit de l'imagination de l'auteur cela devient un peu longuet.

On va dire que Jacques Jouet a eu une belle idée de départ, et l'a explorée façon conte moderne.

Babelio,