lundi 30 janvier 2023

La route des Gitans / Le dernier voyage à Venise


 La route des Gitans

Miguel Haller

Ginkgo éditeur, 2019

Préface de Joseph Joffo


L'auteur, issu de deux cultures, nomade et sédentaire, parle de Gitans, qu'ils se déplacent Europe du nord ou du sud, je ne vais donc pas détailler ou discuter les différentes dénominations. En tout cas les Gitans sont les héros de cette histoire, un peu moins méconnus quand on l'a lue. Elle se déroule dans la première moitié du 20è siècle, et leur mode de vie a vraisemblablement changé  nos jours. Plus de verdines mais de modernes caravanes. Dans mon enfance je me souviens de ces roulottes, stationnant  régulièrement sur un terrain, lequel est aujourd'hui une 'aire de passage' pour 'gens du voyage', mais dans la réalité c'est quasi permanent, au grand dam d'un partie des habitants de la ville, chouinant à cause de l'accumulation de ferraille.  Les réunions locales avant élections municipales sont souvent l'occasion d'y aller très fort dans les propos... 

Dans le clan de Bolochka la vie s'écoule, l'on vit dans l'ignorance de la grande histoire et des frontières. L'on ne sait ni lire ni écrire, mais l'on parle plusieurs langues. Musique, danse, animaux dressés, sans doute vannerie, colportage, et braconnage, ainsi que travaux des champs chez les paysans, cela aurait pu durer encore, mais le régime nazi a voulu se débarrasser de ce peuple. 

L'auteur conte l'histoire d'amour assez improbable de Sara et Franz, tragique forcément. Peu importe s'ils ont réellement existé, en tout cas la vie des nomades est bien documentée et expliquée, ainsi que la vie dans la 'grande' Allemagne des années 40. 

C'est surtout l'occasion de savoir que des centaines de milliers d'hommes, femmes et enfants ont péri dans les camps de concentration, lors de ce génocide souvent oublié... 

"On ne connaît pas exactement le nombre de Tsiganes tués au cours de la Shoah. Bien que des chiffres ou des pourcentages précis ne puissent pas être vérifiés, les historiens estiment que les Allemands et leurs alliés auraient exterminé environ 25% des Tsiganes européens. Sur un peu moins d'un million de Tsiganes vivant en Europe avant la guerre, jusqu'à 220 000 auraient ainsi été tués par les Allemands et leurs partenaires de l'Axe."

Avis babelio

Du même auteur, pour continuer à voyager avec cette communauté:


Le dernier voyage à Venise

Miguel Haler

 Ginkgo, 2022

Dans les années 60 près de Lyon, le vieux Sylvano, brocanteur récupérateur avec sa charrette, vit tranquillement dans sa cabane sans confort, cultivant son petit jardin. C'est son petit-fils Gaston qui raconte, aidant le grand-père et allant récupérer quelques pièces en grattant sa guitare dans les cafés.

Hélas, un genre de vie qui va devoir disparaître, car les terrains sont convoités par des promoteurs. Suite à un événement inattendu, voilà grand père et petit-fils partant mener la grande vie (puis la moins grande) à Venise, lieu natal de Sylvano.

J'ai beaucoup aimé cette histoire bourrée d'énergie, avec le personnage haut en couleurs et vraiment sympathique de Sylvano. 

Deux lectures dans le cadre de


et de 

Merci à Nathalie qui signale un podcast de France Culture.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-resistances-tsiganes

Maryline parle d'une artiste rom qui a connu les camps.

vendredi 27 janvier 2023

Seul l'espoir apaise la douleur


 Seul l'espoir apaise la douleur

récit

Simone Veil

Flammarion, 2022

Préface de Jean et Pierre-François Veil

Avant-propos de Dominique Missika

"La Fondation pour la Mémoire de la Shoah et l'INA  ont imaginé le projet 'Mémoires de la Shoah', confié à Mme Dominique Missika, qui a permis de recueillir plus de 100 témoignages, sous forme d'entretiens filmés." Celui de Simone Veil date de 2006 et la plupart sont consultables sur le site de l'INA, au Mémorial de la Shoah, à l'Inathèque et à Yad Vashem.

Ce livre est la transcription écrite de ces entretiens.

Bien sûr l'on connaît d'autres livres sur la vie et les combats de Simone Veil, dans ces entretiens elle rappelle son enfance, son adolescence et sa vie (sa survie) dans les camps, les amitiés s'étant nouées là-bas, puis le retour.

Mais ici Simone Veil aborde des sujets dont je ne me souvenais pas, elle donne plein de détails, sobrement, à son habitude.

Perce parfois une énergie brutale, comme quand elle rappelle avoir dit à un type qui insistait sur le retour des camps "Ah monsieur, vous êtes un petit con." Son admiration et son amour pour sa mère sont flagrants. Et surtout son émotion quand elle parle de la mort des enfants déportés. 

Souvent sa phrase s'interrompt (on devine ce qu'elle ne dit pas) et il y a régulièrement ce poignant "Elle marque une pause)" qui fait à mon sens la valeur de ce livre, qu'on n'aurait pas dans juste de l'écrit posé et repris.

Dans le cadre de 






lundi 23 janvier 2023

L'Europe réensauvagée


 L'Europe réensauvagée

vers un nouveau monde

Gilbert Cochet Béatrice Kremer-Cochet

Préface de Baptiste Morizot

Babel, 2022


Hé oui, on est complètement dans mon créneau, et après Ré-ensauvageons la France de Gilbert Cochet et Stéphane Durand (pas de billet!)(mais si, je l'ai trouvé!!!) (toujours chez Actes sud, collection Mondes sauvages, mais en poche, youpee!) j'ai agrandi mon monde à l'Europe.

Morizot explique d'abord clairement que le ré-ensauvagement n'est pas contre l'être humain, il s'agit souvent de redonner la place à la nature, elle ne demande que cela si on la laisse faire. Pas d'inquiétude, un loup ne s'installera pas dans votre jardin, de toute façon il vit en meute et a besoin d'espace. Mais, rêvons avec les auteurs, on pourrait un jour voir des ours bruns capturer des saumons dans nos rivières, plus la peine de polluer la planète pour aller au bout du monde admirer ces scènes.

Cet ouvrage parcourt l'Europe, ses montagnes, forêts, fleuves et rivières, ses côtes aussi, exposant l'état des lieux, avec en règle générale des espèces ayant frôlé (ou hélas plus que frôlé l'extinction), mais pour beaucoup ayant su profiter de leur protection. Le ton général du livre est à l'optimisme (mesuré et circonstancié) et à l'enthousiasme, ce qui change de trop de pessimisme, mais restons vigilants.

Quelques citations (mais l'on apprend plein d'autres choses!)

" Dans le parc national suisse, les 1500 chamois s'autorégulent depuis plus d'un siècle autour de la densité optimale de 10 individus pour 100 hectares (soit un kilomètre carré). Aucune intervention humaine n'a été nécessaire pour le maintien de cet équilibre."

"Il y a plus d'ours sur le continent européen que dans les Etats-Unis et le Canada réunis."

"Les fleuves libres et sauvages, gratuitement et inlassablement, entretiennent nos côtes, nourrissent la mer et approvisionnent nos plages en sable blond avec l'élégance de la courbe."

Il y a aussi la comparaison de l'intervention tchèque face à une attaque des épicéas par des scolytes et le laisser-faire en Allemagne. A l'arrivée, la non intervention était le bon choix.

Avis babelio

jeudi 19 janvier 2023

Mon cancer couillon


 Mon cancer couillon

Kazuyoshi Takeda

Pika Graphic, 2019


Le titre original est Sayonara Tama-chan, mais j'ignore qui a trouvé ce génial titre en français! L'auteur, alors qu'il est encore assistant d'un mangaka, doit mettre sa carrière entre parenthèses car on lui diagnostique (à temps) un cancer d'un testicule (le gauche si vous voulez tout savoir). Un cancer rare, le plus répandu chez les hommes jeunes, avec un excellent taux de survie à cinq ans. 

En dépit d'un opération, il lui faut subir une chimiothérapie, car  il y a des métastases. Le voici pour un long moment à l'hôpital, en urologie, avec des hommes plus âges atteints par exemple d'un cancer de la prostate.

Les effets secondaires de la chimio sont bien décrits, perte de goût, ultra sensibilité aux odeurs et aux bruits, vomissements, douleurs, dépression même. 

(D'accord, là j'en ai perdu pas mal). D'abord, cancer, hôpital. Ensuite, manga, surtout à lire ans le bon vieux sens manga, en commençant par 'la fin' et en lisant de droite à gauche (on s'y fait).

Mais l'humour (si!), la description de la vie dans cet hôpital, avec les autres malades (j'ai découvert que les chambres sont communes à plusieurs, avec juste des rideaux pour isoler un peu) et le personnel, et l'épouse de l'auteur (sans oublier le mignon chiot) donnent un ensemble parfaitement accrocheur.

Cependant je comprendrais parfaitement qu'on n'aie pas envie de s'y lancer, chacun a un vécu plus ou moins douloureux avec la maladie. C'est le témoignage de l'auteur, voilà.

Avis babelio

samedi 14 janvier 2023

Le noeud de vipères

 


Le nœud de vipères

François Mauriac

Le livre de poche, 2016

Préface, notes et commentaires de Jean Touzot


Rien de mieux qu'une lecture commune avec  Inganmic et Maryline  pour redécouvrir François Mauriac. Même si j'avais fortement apprécié On n'est jamais sûr de rien avec la télévision, où l'humour (si!) était bien présent, et avais de vagues souvenirs d'une 'période' Mauriac chez moi, c'était l'occasion de lire un de ses romans, sans doute l'un des plus connus.

Bienvenue dans la bonne bourgeoisie bordelaise. Louis en fait n'en est pas issu, avec une mère simple paysanne dure à la tâche, mais il s'est hissé au statut d'avocat. Il a épousé une Fondaudège. C'est d'ailleurs à Isa, sa femme, qu'il écrit un longue confession, alors que selon son expression le voilà un 'vieillard' dans sa soixante-huitième année (si!).

Une épouse qui l'ignore maintenant, des enfants et petits enfants ne pensant qu'à un bel héritage qu'il n'est pas décidé à leur lâcher. Dans cette confession amère et lucide, il s'interroge cependant.

Après une première partie sans trop de peps, voilà la seconde et quelques révélations que je ne dévoilerai pas, qui ont renouvelé mon intérêt assez ténu pour cette ambiance étouffante.

Une fin étrange, l'impression qu'il manque un développement.

On ne peut ignorer que Louis et le reste de sa famille étaient en désaccord au sujet de la religion, lui le mécréant et sa côtelette du vendredi. Cependant des notations tout du long font émerger une progression de conversion, mais pas vers la bigoterie d'Isa. Cependant personnellement ce n'est pas ce que je retiendrais tellement de ce roman, mais plutôt un parcours d'un homme vers un certain apaisement et un lâcher prise.

Avis babelio

jeudi 12 janvier 2023

Les derniers nomades d'Australie


 Les derniers nomades d'Australie

The last of the nomads

W.J. Peasley

Actes sud / aventure, 2001



C'est en cherchant Les femmes aussi sont du voyage (cote 305) que je suis tombée sur ces nomades, et tout de suite j'ai pensé l'intégrer dans Lire sur les minorités ethniques (oui, c'est comme ça dans les biblis)

Nous sommes en 1977, et l'auteur monte une expédition destinée à retrouver un couple d'Aborigènes, Warri et Yatoungka, de la tribu des Mandildjara - ou en tout cas à connaître leur sort. Il s'agit des derniers habitants du Gibson Desert, ils y vivent depuis fort longtemps, craignant de rejoindre leur groupe, car leur union était contre les règles de la tribu.

Comme les Aborigènes depuis des millénaires, ils étaient parfaitement adaptés à cette vie, connaissant les points d'eau, chassant, cueillant. Sauf qu'une terrible sécheresse perdure, et il est temps d'y aller voir. 

Les blancs, eux, partent avec véhicules tout terrain, eau, nourriture et essence, guidés par Mudjon, ami de Warri. Mudjon est un Aborigène connaissant la vie des blancs, il déplore l'évolution de la vie des Aborigènes, particulièrement les problèmes d'alcool, il connaît bien les coutumes mais se désole de ne plus guère les transmettre. C'est le guide parfait, qui sait trouver les puits (hélas à sec pour la plupart), les lieux essentiels pour les Aborigènes, les sites où l'expédition découvre et recense peintures et gravures, et reconnaître une piste alors que rien ne le permet pour des yeux non expérimentés. Il en profite pour confectionner des lances, et fait preuve d'une vue et d'une mémoire excellentes.

Dès le début, on sait que les deux Aborigènes seront retrouvés vivants, mais il était grand temps! Mais se posait le problème : les laisser là -à une mort quasi certaine- ou les ramener - portant "la responsabilité de la fin d'un mode de vie qui datait de plusieurs millénaires".

Ce court récit est surtout intéressant quand il montre justement le mode de vie des Aborigènes, celui du couple en particulier, en revanche les trajets à travers dunes ou pas sont un peu longuets.

Avis babelio

samedi 7 janvier 2023

La modification


 La modification

Michel Butor

Minuit, 2008

(L'exemplaire de la bibli a lui aussi voyagé, et domine les voies de la gare de N.)



Lire La modification peu après Paris-Briançon (que j'ai dévoré) ce n'est peut-être pas équitable pour Philippe Besson, là on ne boxe pas trop dans la même catégorie. Peu importe, après quelques tours de roue dans un compartiment et l'interrogation devant tous ces détails futiles ou inutiles, j'ai adhéré et terminé peu après, franchement admirative!

Comme d'habitude, j'ai gardé ma casquette de lectrice basique, garantie sans études de lettres, et puisqu'à la fin, grâce à 'Le réalisme mythologique' écrit par Michel Leiris (qui décortique et révèle l'histoire, donc passionnant mais à lire après) j'ai réalisé que j'avais compris 90% du roman, ça va. wikipedia est aussi fort bien, mais raconte tout.

L'histoire?  Un parisien quarantenaire, marié, père de quatre enfants, directeur de la succursale française d'une firme italienne de machines à écrire, se rend à Rome par le train de nuit. Comme souvent, puisque cela rentre dans ses attributions. Sauf que là il voyage en troisième classe ( le l3 juin 1956 la SNCF mettra fin à cette catégorie) au lieu de la plus confortable première classe. A cela une raison : il paie son billet, voyage à l'insu de son employeur, et ne se rend à Rome que pour annoncer à Cécile, sa maîtresse franco italienne depuis un bout de temps, que leur vie va changer. 

Sa vie familiale est pleine de lassitude et d'habitudes, sa femme est bien sûr au courant de ce voyage là, et se doute que Cécile, qu'elle a déjà rencontrée, est la maîtresse de son mari.

Voilà donc notre héros dans le compartiment! "Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant." Hé oui, la narration est en "vous", le lecteur s'identifie sans doute, de nos jours cela paraît sans doute moins original. Michel Leiris : "il suffit de quelques brefs coups d'oeil jetés sur les lignes imprimées tandis que vous maniez le coupe papier pour que vous vous sentiez en  présence d'une invitation, sinon d'une sommation." Tiens oui, j'aurais pu écrire mon billet avec ce "vous", mais peu importe, cette idée de coupe papier me réjouit. Ainsi que tous ces détails années 50, les photos de paysages dans le compartiment, le contrôleur cognant à la vitre avec son poinçon, etc.

Description des compagnons de voyage, que Léon (oui, il s'appelle Léon) finira par nommer à sa guise, dont il imaginera la vie, compagnons changeant au cours du voyage, les italiens présents de plus en plus. Description des paysages, souvenirs, pensées. 

Récit du voyage au présent.

Mais va s'intercaler un récit au futur où il imagine ce qui va se passer.

Et puis, tant qu'à faire, un récit au passé, puisque ce n'est pas le premier sur cette ligne. Oh que non, le lecteur découvre les différentes strates du voyage Paris-Rome (et retour). Et même plusieurs voyages dans le passé...

Comment ça, on va s'y perdre? Mais non, l'auteur a bien mis en place des détails qui indiquent dans quel voyage on est. Très très fort.

Petit à petit on apprend comment Léon et Cécile se sont rencontrés, leur vie à Rome quand Léon s'y trouve. Rome, on le sent, est un vrai personnage du livre, la Rome de l'antiquité, la Rome de la Renaissance. Rome va jouer un rôle dans l'histoire et son évolution (je ne spoile pas).

Car il y a une histoire, subtilement racontée par bribes, un dévoilement vers la fin, et une 'pirouette' qui permet de considérer le roman autrement. Pfou!

A lire, donc, et à relire sûrement (car je pense avoir passé certains détails, par exemple cette histoire de grand Veneur, j'ai compris mais pas fait attention à son démarrage dans le roman - hé oui, les détails comptent!).

Avis babelio, critiques libres

mercredi 4 janvier 2023

Paris-Briançon


 Paris-Briançon

Philippe Besson

Julliard, 2022


L'Intercités  de nuit n°5789 va partir! (oui, j'ai vérifié, il existe). La belle idée du roman est de présenter rapidement les personnages principaux, réunis uniquement par ce voyage, car sinon rien ne les aurait fait se rencontrer, c'est à peu près certain. Mais le train, c'est ça! (j'aime tellement prendre le train)(en dépit des aléas)

Par exemple Julia, jeune mère de famille fuyant un conjoint violent, et Serge, VRP assez lourd : ces ceux là se confient. Ou un couple de néo-retraités et une bande de jeunes : une concorde sera trouvée. Entre Alexis et Victor, une entente subtilement amenée (mais devinée).

"Et vous savez ce que j'aime encore plus? C'est les trains de nuit. Parce que, dans les trains de nuit, on dit des trucs qu'on ne dirait pas autrement." N'en déplaise à Bashung, la nuit on ne ment pas toujours.

Assez vite, le lecteur sait que certains vont mourir; qui, comment, quand, pourquoi, on ne le sait pas encore. Puis viennent les dernières pages, haletantes, avec aussi ce regard sur notre société égoïste et addict aux réseaux sociaux. 

Vraiment j'ai dévoré ce (court) roman, tellement attachée aux personnages. 

Avis babelio, bibliosurf, La petite liste