mardi 31 décembre 2013

Dix livres ... et des voeux...

Taguée par Agnès, je dois donner dix livres qui ont marqué ma vie de lectrice, coups de cœur ou déceptions, si j'ai bien compris.
Comme c'est fêtes, mon bouclier anti-tag est un peu désactivé, alors voyons voir...

1) Le Comte de Monte-Cristo : offert en bibliothèque verte quand j'avais douze ans, deux gros volumes, mais avec des coupes et des résumés. Lu, relu, et bien sûr une fois plus âgée j'ai lu et relu la version complète, essuyant une larmichette aux mêmes endroits. Le bonheur total, quoi.

2 ) 1984, je n'ai jamais oublié la scène avec le rat. Salle 101. Curieusement un collègue déclarait il y a peu sentir qu'on l'avait affecté salle 101 pas par hasard (un collègue extrêmement intéressant !). Jamais osé le relire, à cause de cela, je pense.

3 ) Le meilleur des mondes, lu comme le précédent avant ma vingtième année, et même si je ne l'ai pas relu, j'ai l'impression qu'il n'a pas vieilli!

4 ) Fondation d'Isaac Asimov (en fait, tous ses bouquins). Lu, relu, j'adore!

Donnant ces titres sans trop réfléchir, c'est aussi le jeu, ne voilà-t-il pas que je constate que dans les quatre premiers se sont glissés trois romans de SF!!!

5 ) Orgueil et Préjugés (lu, relu, VF et VO)

6 ) A la recherche du temps perdu (lu, relu, etc...)

7 ) Au bonheur des dames et Pot Bouille (les deux vont ensemble)(lu, relu, bon on commence à sentir l'idée générale dans mes choix)

8 ) Zweig, nouvelles ou biographies

9 ) Le secret de Chimneys d'Agatha Christie ou un autre de l'auteur d'ailleurs (lu, relu, VF, VO)

10 ) Catch 22, je veux le relire!Dans ma PAL... (commencé dimanche soir)

11 ) Les garennes de Watership Down, plutôt classé jeunesse, lu adulte, mais j'adorerais le relire!

Liste établie en peu de temps, qui risque donc d'être différente à un autre moment... Reprend ce tag qui veut!
Et pour terminer :

Bonne et heureuse année 2014!



samedi 28 décembre 2013

Man

Mãn
Kim Thúy
Liana Levi, 2013



Mãn  signifie "parfaitement comblée" ou "qu'il ne reste plus rien à désirer" ou "que tous les voeux ont été exaucés". Joli, non?
Dans son deuxième roman, après Ru, l'auteur fait parler Mãn, vietnamienne immigrée au Canada grâce à un mariage arrangé, ni heureux ni malheureux. Sa rencontre avec son amie Julie, puis Luc lui font saisir à quel point elle est dans la retenue. Sa vie professionnelle, comme ayant fait décoller un petit restaurant en lieu connu, école de cuisine, etc..., est une réussite. Le Vietnam d'avant, de la guerre, est évoqué, surtout au travers de sa mère;

Voici l'occasion d'en apprendre beaucoup sur la culture vietnamienne, un bon point pour ce court roman, qui cependant ne m'a pas emballée plus que cela, au point de terminer en diagonale les dernières pages, sans attachement particulier pour l'héroïne. Dommage, je sais, car l'écriture est toujours fine et délicate, poétique souvent, et s'en exhalent les senteurs et saveurs de la cuisine vietnamienne (miam!)

Des avis: La cause littéraire  Lire et merveilles    Jérôme  (qui en parlent mieux!)

mercredi 25 décembre 2013

Joyeux Noël avec Angela Morelli et "Sous le gui"

En 2013 jamais je n'aurais acheté et lu un Harlequin s'il n'y avait pas eu ... Angela Morelli!

Dans ce recueil sont présentées quatre nouvelles lauréates du concours nouveaux talents Harlequin. Seul Sous le gui m'intéressait, mais comme je suis sérieuse et perfectionniste, j'ai tout lu!

Alice au bois dormant commençait bien, avec cette restauratrice de livres anciens démarrant une relation par mails interposés avec Simon. Mais la quête de Simon sur ses origines est abandonnée dès son possible éclaircissement et surtout des pages entières sont consacrées aux ébats du couple. Terminé en diagonale.
L'esclave et l'héritière, qui connaîtra une suite, est brouillon, trop rapide, je n'ai pas trop compris qui était qui. Terminé en diagonale.
Passion sous contrat ou l'assistante  (chargée aussi du café!) et le patron. Pourtant ça démarrait pas mal avec de l'humour : "Si Nicolas ignorait encore à quel point je fantasmais sur lui, mon corps, lui, en avait parfaitement conscience. Ou alors le dérèglement climatique était plus violent que ce que les scientifiques nous annonçaient." ou "Je ravalai ma salive pour empêcher un couinement honteux de s'échapper de ma gorge". Oui, couiner!!! Je n'en croyais pas mes yeux... Hélas l'affaire a vite tourné à une passion express entre les deux, la fille nunuche et le patron dont on se demande toujours, avec les super qualités qu'il possède, pourquoi il est encore disponible. Je me demande aussi comment il vient la chercher en voiture, puisque peu après il décrète ne pas avoir de voiture et l'emmène sur sa moto. Bref, terminé en diagonale.

Venons en donc à Sous le gui, qui dois-je l'avouer, a conquis mon petit cœur romantique. Émotion et humour au rendez-vous. Tout est de bon goût, la longueur est parfaite (j'en aurais bien repris un peu, M'sieur Cadbury). Julie est une jeune et jolie veuve, dotée d'enfants bien élevés (bluffants, ces gamins), qui va rendre service au nouveau locataire de son immeuble. OK, je n'ai pas besoin de vous raconter la fin, mais entre temps tout est vraiment sympathique, il y a d'autres personnages bien croqués, pour le "plus si affinités" l'auteur sait user de l'ellipse. Et surtout surtout la nouvelle recèle des petits détails marrants que je soupçonne l'auteur d'avoir jetés exprès sous les yeux des lecteurs attentifs. Julie et Nicolas ont tous les deux des appartements bourrés de livres, et sauf erreur de ma part ils sont tous deux en train de lire le même roman (JKR?)
Chez Julie, "il y avait essentiellement des poches, et pour autant qu'il pouvait en juger, ils étaient rangés par...couleurs".
"Elle enfila un pull jacquard rouge et vert avec une guirlande de bonhommes de neige: chez Julie, l'esprit de Noël n'était pas un vain mot"
Juste pour m'amuser!
La cahier des charges Harlequin est donc respecté, mais avec intelligence. Les deux personnages principaux ont de l'épaisseur, on n'a pas juste droit à de bêtes quiproquos et incompréhensions juste destinés à faire durer le schmilblick.

Nous attendons donc avec empressement les nouveaux écrits de la talentueuse Angela Morelli (et je ne dis pas ça parce que je sais qui c'est!). Son premier roman est sorti le 16 décembre (je dis ça je dis rien). Hélas pas en version papier, alors les filles, ruez vous sur la version électronique pour que celle papier existe et que je puisse la lire (ben oui). Comme je suis sympa, voici la direction pour tout savoir sur chick lit et romance, par l'auteur herself (et elle s'y connaît)

Joyeux Noël à toutes et à tous!

lundi 23 décembre 2013

Don Quichotte, saison 2


Après une lecture commune de la première partie avec A Girl from earth, pas question de rater la suite, encore plus gouleyante que la première! Mais ne brûlons pas les étapes. Même si quelques échanges publics sur Facebook ont pu laisser poindre notre enthousiasme. Ce billet sera donc foutraque et enthousiaste.


L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche
Miguel de Cervantes Saavedra
Garnier Frères, 1961 (pépite trouvée à la bourse aux livres)(en version reliée et solide)
Paru en 1605
Traduction de Viardot (1836)

 
De retour forcé dans son village à la fin du premier volume, Don Quichotte n'a pas l'intention de lâcher sa petite entreprise de chevalerie errante.
Le bachelier Samson Carrasco ayant rapporté les erreurs ou omissions reprochées à l'auteur de la première partie de Don Quichotte, à savoir qui vola l'âne de Sancho, comment il se fit que Sancho fut à nouveau sur l'âne, sans qu'on l'ait retrouvé, et enfin comment Sancho dépensa les cent écus d'or, Sancho expliqua diligemment cela. Mais pas complètement, car "l'historien s'est trompé, ou ce sera quelque inadvertance de l'imprimeur."
La grande question se pose, "l'auteur promet-il une seconde partie?" Pas sûr, car "Jamais seconde partie ne fut bonne."

Inutile de dire que je buvais déjà du petit lait! Cervantes, quel auteur! Le voilà critique du tome 1 dans le tome 2!
Et ça continue :
"En arrivant à écrire ce cinquième chapitre, les traducteur de cette histoire avertit qu'il le tient pour apocryphe, parce que..."
Pourquoi se gêner, n'est-ce pas? Le traducteur intervient à plusieurs reprises, ainsi que l'auteur, Cid Hamet Ben Engeli, comme dit en première partie.

Finalement, au grand dam de sa nièce et de sa gouvernante, du curé et du barbier, Don Quichotte repart on the road again, pour de nouvelles aventures...

Contrairement à la première partie où Don Quichotte se battait beaucoup et recevait force blessures, ici une grande partie de l'histoire se déroule chez un duc et une duchesse, qui, aidés de leurs serviteurs, vont s'amuser à tromper Don Quichotte en inventant des aventures dignes d'un chevalier, et qu'il prendra pour la réalité. De même, ils fourniront à Sancho le gouvernement d'une (fausse) île, et s'amuseront fort de voir nos deux héros tomber dans tous les panneaux.
En première lecture, ces moqueries m'avaient laissé une impression de malaise, je ne trouvais pas cela digne d'amusement. En seconde lecture, non plus. Mais face à ces oisifs sans vraie grandeur, Don Quichotte et Sancho paraîtront dignes d'admiration. Don Quichotte, courageux, ne craignant pas de défendre le faible, et capable de réflexions de bonne tenue, sans folie aucune. Il peut discourir avec sagesse sur maints sujets (et Cervantes en profite sans doute pour critiquer nobles, clergé, etc...). Comme dit Sancho, "il n'y a pas une chose où il ne puisse piquer sa fourchette. " De même Sancho saura gouverner avec sagesse. Tel est pris qui croyait prendre? Non, duc, duchesse et leur cour ne sembleront pas en tirer de leçon.

Don Quichotte devient presque attachant. Ecoutons Sancho en parler : "Il n'est pas coquin le moins du monde; au contraire, il a un coeur de pigeon, ne sait faire de mal à personne, mais du bien à tous, et n'a pas la moindre malice. Un enfant lui ferait croire qu'il fait nuit en plein midi. C'est pour cette bonhomie que je l'aime comme la prunelle de mes yeux et que je ne puis me résoudre à le quitter, quelque sottise qu'il fasse." Sancho, simple, crédule, glouton, amateur de confort, en est touchant, tellement il est attaché à son grison. Et ses inénarrables rafales de proverbes...

Parfois l'on se demande si Don Quichotte croit vraiment tout: "Sancho, puisque vous voulez qu'on croie ce que vous avez vu dans le ciel, je veux à mon tour que  vous croyiez ce que j'ai vu dans la caverne de Montésinos."

Interventions de l'auteur:
"Ici l'auteur de cette histoire décrit avec tous ses détails la maison de Don Diégo, peignant dans cette description tout ce que contient la maison d'un riche gentilhomme campagnard. mais le traducteur a trouvé bon de passer ces minuties sous silence, parce qu'elles ne vont pas bien à l'objet principal de l'histoire, laquelle tire plus de force de la vérité que de froides digressions."
Il explique aussi pourquoi, dans cette seconde partie, aucune nouvelle détachée, comme le Curieux malavisé ou le Capitaine captif de la partie 1.

Patatras! Ne voilà-t-il pas, sur la fin, que Don Quichotte apprend que vient de paraître le second volume de ses aventures, écrit par un médiocre écrivain (Cervantes ne laisse pas une occasion de lui dire son fait)! Qu'à cela ne tienne! Puisque dans cette histoire il est censé se rendre à Saragosse, eh bien, il n'ira pas, et le voilà se rendant à Barcelone!

Évidemment j'aurais pu tirer encore plus de ce roman, parodie de roman de chevalerie, tout en en étant un, finalement. Mais je préfère rester sur une note amusée, en rapportant l'un des titres de chapitres, tous plus farfelus les uns que les autres
"Qui traite de ce que verra celui qui le lira, ou de ce qu'entendra celui qui l'écoutera lire"...

Conclusion (puisqu'il le faut) : ce second tome est encore plus jubilatoire que le premier!

Le billet de A Girl et de cryssilda.

vendredi 20 décembre 2013

Une histoire de la lecture

Une histoire de la lecture
A History of Reading
Alberto Manguel
babel, 2006
Traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf


Une histoire de la lecture, et non pas L’histoire de la lecture. "Toute histoire de ce genre ne peut être qu'une parmi d'autres, si impersonnelle qu’elle s'efforce de rester. Au bout du compte, il se peut que l'histoire de la lecture soit celle de chacun de ses lecteurs."

Sans réel point de départ, sans vraie chronologie politique ou littéraire, explique Manguel au tout début, après avoir rappelé sa propre histoire de lecteur (qui reviendra cependant dans bien des anecdotes).

Le mieux est de se laisser faire et de suivre Manguel dans ses pérégrinations, au cours de chapitres complets en eux-mêmes, abordant divers sujets sans ordre apparent. 

Que se passe-t-il dans le cerveau quand on lit? Lire en silence n'est pas une évidence historique. Apprendre à lire au cours des siècles. Lire des images. Ecouter lire (les ouvriers cubains auxquels on faisait la lecture durant leur travail aimaient tellement le Comte de Monte-Cristo qu'ils demandèrent à Dumas l'autorisation de nommer ainsi l'un de leurs cigares). Forme du livre.
Classer les livres. Voler les livres. Les lire en tant qu'auteur. Traduire. Interdire de lire ou d'apprendre à lire.
Pour terminer avec L'histoire de la lecture, imaginée (mais pas écrite) par Manguel.
Tombeau d'Alienor d'Aquitaine

Inclassable, impossible à résumer et présenter clairement, fourmillant de références, d'histoires, cette histoire de la lecture est un indispensable des étagères, comme le disent certaines blogueuses.

C'est évidemment bourré de passages à citer
"Lire, c'est aller à la rencontre d'une chose qui va exister" Italo Calvino
"Lisez pour vivre" Flaubert
Auden suggérait qu'un certain contraste est nécessaire entre le livre qu'on lit et l'endroit où on le lit. Je partage son avis! J'ai relu Jane Austen fort loin des iles britanniques...

Cet ouvrage est aussi abondamment illustré.
Bibliothèque de Holland house, après un bombardement en 1940
Des avis chez lecture/écriture  et babelio

mercredi 18 décembre 2013

A lire et à écouter

Il se trouve que l'on m'a proposé récemment des parutions jeunesse chez Naïve, éditeur dont j'ai déjà aimé deux romans adultes, et ma curiosité faisant le reste, je sors un peu de ma "ligne éditoriale" habituelle...

D'une île à l'autre
Serena Fisseau
Olivier prou
Muriel Kerba
naïve musique, 2013













Nina a bien du mal à trouver le sommeil, mais grâce à Nyamuk, roi des moustiques (il ne pique pas, ce moustique là!), elle va s'endormir...

Voici l'une des recettes de Nyamuk, qui l'emmènera en Malaisie
"Regarde ton mobile
Ton mobile en bambou
Comme il est immobile
Fais-le bouger tout doux
Ecoute son babil
Le sommeil est au bout"

Sept jours, sept histoires, sept méthodes originales pour plonger dans un sommeil peuplé de voyages, bercé par des chants traditionnels, interprétés d'une jolie voix toute douce, avec une charmante huitième histoire que je ne dévoilerai pas. Un album délicatement illustré, un CD dont les plages sont bien découpées et permettront quelques minutes d'écoute par jour, juste avant de dormir? En tout cas j'imagine cela...
Durée du CD, 35 minutes, âge de 3 à 5 ans, mais on peut élargir cette plage à mon avis.

J'ai adoré! Les textes, les illustrations, les chants, tout est en harmonie, plein de poésie. Pour s'en faire une idée, on trouve sur internet des vidéos du spectacle de Serena Fisseau (je n'arrive pas à les insérer), chouette cadeau à cette époque de l'année, je dis ça je dis rien ( même si je l'ai reçu, je n'éprouve aucun problème à faire la promotion d'un objet de cette qualité là)


Merci donc à Sandrine de Naïve jeunesse, qui a glissé aussi deux CD dans le colis:
L'ours et le soleil, l'histoire de Peter et Sigrid partant à la recherche de l'ours qui a volé le soleil (nous sommes dans le grand Nord).
La petite sirène, en version assez rock and roll, à la fois émouvante et déjantée, pour adolescentes, ça me paraît susceptible de leur plaire! A la fin de cette mini-comédie musicale, toutes les chansons sont reprises et peuvent donc s'écouter séparément. Où je découvre Philippe Katerine (sa voix, euh, pas ma tasse de thé)...

Par LP conseils (merci Benjamin), j'ai découvert

Les petits oiseaux
Béatrice Fontanel
Antoine Guilloppé
Lu par Jérôme Deschamps
naïve livres, 2013



L'idée est de faire découvrir des oiseaux, dans une ferme où une vieille dame leur propose des graines durant l'hiver, sous l’œil un peu trop attentif d'un vieux matou aux instincts de prédateur, ce jusqu'au printemps. L'album est joliment illustré de dessins précis, à la fin on trouve la liste des oiseaux et quelques détails sur leurs habitudes.

Le CD accompagnant l'album contient l'histoire lue par Jérôme Deschamps (dont la diction m'a agacée), quelques chants d'oiseaux, et des morceaux de différents compositeurs dont l'oeuvre s'est ponctuellement penchée sur les oiseaux, par exemple L'hirondelle de Louis-Claude Daquin ou Le merle noir d'Olivier Messaien. Compositeurs aussi présentés en fin de livre.

A qui s'adresse ce livre/CD? Je l'ignore. Amateurs d'oiseaux et/ou de musique risquent d'être un peu frustrés dans leurs attentes. L'histoire ne pose pas de problème, mais pour une oreille non avertie, la musique n'est pas d'accès si facile (je précise que j'écoute régulièrement France-Musique et ne crains donc pas le clavecin ou le contemporain). Mon plus gros reproche sera que le CD n'a qu'une piste, et qu'on ne peut pas réécouter juste un morceau sans devoir reprendre au début.

lundi 16 décembre 2013

Etrangers

Étrangers
Anita Brookner
Fayard, 2010
Traduction de Françoise du Sorbier


Née en 1928, Anita Brookner écrit des romans plutôt feutrés, intimistes, sans événements trop palpitants, aux héros sans beaucoup de peps. Pourtant une fois entré dans son univers l'on est frappé par son analyse subtile et pris dans les rets de son écriture classique et élégante. Il y a une quinzaine d'années je la lisais quasi systématiquement, puis je l'ai oubliée pour des produits plus brillants extérieurement, et voilà l'occasion de la mettre un peu en avant. Découvrez un de ses romans, celui-ci ou un autre, selon les disponibilités. Elle a reçu le Booker Prize pour Hôtel du lac, et je me souviens du pathétique de Regardez-moi.

Après une carrière tranquille dans une banque, Paul Sturgis, soixante-douze ans, coule des jours de retraite tranquilles, se sentant parfois "spectateur de sa propre vie". Il possède un appartement, ne semble pas avoir de problèmes financiers ou de santé, et sa famille se réduit à une cousine par alliance visitée un dimanche après-midi de temps en temps. Il rêve de la maison de son enfance, et d'un projet de s'installer en hôtel à Paris.
Lors d'un voyage à Venise, il fait connaissance de Vicky, plus jeune que lui, et qui reste mystérieuse et insaisissable, avec ses allées et venues permanentes chez des amis. Une femme au sujet de laquelle il est rapidement conscient de reconnaître qu' "elle n'était pas son genre".
A peu près au même moment, il retrouve Sarah, qu'il a aimée il y a des années, mais l'a quitté en lui déclarant "Tu es trop gentil!". Remarque jamais oubliée, mais qu'y faire? Paul Sturgis se sait petit-bourgeois, ennuyeux, poli, correct. Sarah a vieilli, sa santé est chancelante. Pas question d'évoquer le sujet, mais les deux savent ce qui les attendent à plus ou moins court terme, ayant atteint "un âge auquel l'avenir ne renfermait plus qu'une certitude."
Paul hésite sur l'orientation à donner à sa vie, solitude ou pas? "Sans doute irait-il la voir en France, si l'invitation était renouvelée, mais pour l'instant, il savait qu'il serait mieux seul, ou en compagnie de ces étrangers qui étaient à leur insu les habitants de sa vie quotidienne."

Vous l'aurez compris, tout ça peut paraître ennuyeux et plombant, mais je n'ai pas eu envie de lâcher cette histoire avant la fin, plutôt positive d'ailleurs.

Les avis de enfinlivre,

vendredi 13 décembre 2013

Arizona Tom

Arizona Tom
Le môme, le shérif et les truands
Norman Ginzberg
Héloïse d'Ormesson, 2013


L'auteur, d'après la quatrième de couverture, est franco-américain et habite dans le Gers. Détails complètement en sa faveur...

Brewsterville, Arizona. Fin du 19ème siècle (en gros, comme pour True Grit)
"Je suis le shérif de ce bled. Un shérif placide et discret, ni bégueule ni fiérot. Pas un de ces paltoquets qui bombent le torse devant les voleurs de poule, une main sur l'étoile, l'autre sur la crosse de leur colt. Je suis shérif comme d'autres sont putains ou croquemorts, parce qu'il en faut."

Le ton est donné, nous sommes dans l'ambiance western, dans un coin paumé environné de collines pierreuses et désertiques. C'est le train train pour Ocean Miller, le shérif, en dépit de l'aversion du maire qui voudrait lui voir rendre son étoile, conservée grâce à l'appui du marshal.
Jusqu'au jour où il rencontre un gamin d'une douzaine d'années trainant en plein cagnard un cadavre démembré. Pour lui l'innocence de Tom, sourd et muet pour ne rien arranger, ne fait aucun doute (quoique, parfois, il s'interroge, en voyant l'habileté du gamin à découper les moutons), mais reste alors à mettre la main sur les coupables.
Bagarres, coups de feu, traîtrises, prostituées, saloon, bons citoyens et rascals, indiens hualapais, trésor et grotte sont présents dans une histoire taillée à la serpe, rugueuse et ironique, qui se terminera de façon inattendue. Un chouette roman à découvrir.

mercredi 11 décembre 2013

Mort sur la route

Mort sur la route
David Le Breton
Métailié, noir, 2007



Pourquoi cet emprunt? D'abord Métailié, gage de qualité, et ensuite David Le Breton, mieux connu par ses livres non fiction sur la marche et autres thèmes ( Eclats de voix   Marcher / Eloge de la marche ). Un polar, pourquoi pas, allons-voir...

Qu'ont en commun Thomas, professeur de sociologie à Strasbourg, en congé pour se remettre d'un divorce et d'enquêtes sur les guerres de Bosnie et Rwanda, Laure, jeune fugueuse en squat et Ana forcée de se prostituer? Plus qu'on ne croit, à l'aide de coïncidences parfois un poil trop nombreuses. Ana en effet vient de l'ex-Yougoslavie, et est tombée sous la coupe d'un proxénète ancien chef de guerre. Laure a aidé Thomas après une agression et l'a hébergé dans son squat; lorsqu'elle disparaît, Thomas se lance à sa recherche, pensant que sa disparition est liée à celles de Leïla et d'autres jeunes de même profil, sans foyer, en squat, en errance peu prévisible, des proies rêvées pour qui ne veut pas avoir la police à ses basques. Il va découvrir tout un monde de crimes.

Vous l'avez compris, c'est une ambiance très noire et avec peu d'espoir a priori, même si nos trois héros s'en sortent après avoir frôlé la mort. L'écriture est assez froide, des détails difficiles sont donnés, mais heureusement sans trop appuyer (et c'est bien suffisant!). L'ambiance des squats, des cafés, est bien rendue, on sent un vrai fond de documentation sur les événements dans les Balkans, le monde des squats, des jeunes abusés dans leur enfance, en rupture familiale. Finalement je pense que c'est sur tout cet univers fort éloigné du mien que j'ai aimé en apprendre un peu plus, j'y ai senti une justesse de ton.

Pour chipoter, je dirai que l'identité du responsable premier des crimes m'a étonnée, son nom (en a t-il changé?) les circonstances où il a reçu sa cicatrice (est-il revenu sur le terrain de la guerre à ce moment-là?) et bien des liens entre Ana et Thomas, par exemple. Fallait-il se centrer sur les jeunes disparus? J'ai aussi trouvé que Thomas décelait un peu vite la raison pour laquelle les jeunes étaient attirés, alors qu'une histoire entendue plus tard dans ses recherches aurait suffi à le mettre sur la piste.

" Les livres étaient un refuge. Il lui arrivait de se demander pour combien de temps encore. Dans l'univers de Melville, en ce moment, il reprenait ses marques. Et des milliers d'autres livres pourraient encore pour un temps alimenter cette mise à distance. Non pour déserter le monde mais pour y retourner plus fort. On revenait plus solide au cœur de la tempête. Ils étaient une sorte d'oeil du cyclone."

Les avis chez babelio,

lundi 9 décembre 2013

Compagnie K

Compagnie K
Company K, 1933
William March
Gallmeister, 2013
Collection Americana
Traduit par Stéphanie Levet



"La compagnie K a engagé les hostilités le 12 décembre 1917 à 22 h 15 à Verdun (France)et a cessé le combat le 11 novembre 1918 au matin près de Bourmont". Mais sous les chiffres, se cache une réalité pétrie d'humanité, laide ou belle.

Paru en 1933, ce roman, basé sur l'expérience de William March au cours de la première guerre mondiale, est composé de courtes vignettes titrées du nom d'un combattant, soldat ou gradé. La préparation à l'envoi sur le champ de bataille jusqu'à la fin des hostilités et la période suivant le retour dans les foyers se dessinent petit à petit. Héros, lâches, petits chefs, chanceux, petits malins, fortes gueules, râleurs, tous sont là. Quelques allemands, quelques français.

De ce livre écrit sans fioritures et effets de manche, surgit souvent l'émotion. Le moment le plus fort, évoqué au début et à la fin dans ses conséquences à long terme, est raconté en plein milieu, à savoir l'exécution des prisonniers allemands.

Faut il ajouter que Compagnie K est à lire absolument?

L'auteur en 1918
On en parle : Le bruit des livres Tête de lecture, La cause littéraire,In cold blog ( avec tout plein de passages...)

vendredi 6 décembre 2013

Siméon l'Ascenseurite

Siméon l'Ascenseurite
Roman avec anges et Moldaves*
Petru Cimpoescu
Ginkgo éditeur, 2013
Traduit du roumain par Dominique Ilea

*si on peut résister à ce teasing là...

Soyons modernes: de nos jours (1997) Siméon le Stylite est roumain et cordonnier (comme Ceaucescu) et s'est enfermé dans l'ascenseur de son HLM, aux alentours du huitième étage. Comme cet immeuble connaît d'autres pannes, en particulier des arrivées d'eau chaude aléatoires, il faut deux jours pour qu'on s'en aperçoive, et plus pour que Jean le régisseur décide de tenir réunion. Car enfin, il faut bien libérer l'ascenseur, non? Seulement Siméon va passer pour un saint homme, le palier devenir lieu où les habitants viennent le consulter sur leurs problèmes, il se chuchote qu'il y aurait eu des miracles.

Montent et descendent les escaliers bien des personnages, Pélagie et ses rendez-vous amoureux et clandestins, Eleuthère fermement convaincu d'avoir les bons numéros du loto, Elie remontant sa moto pièce à pièce dans son appartement, Thémistocle élève de Mlle Zénobie découvrant par ailleurs le Kama Sutra,  Septime le professeur accusé par une élève de l'avoir mise enceinte, et bien d'autres, impossible de les citer tous. Tous discutent, se disputent, sous l'oeil omniscient de l'auteur qui profite de cette fable fantaisiste pour évoquer les problèmes certains de la Roumanie d'après Ceaucescu (et d'avant, un peu). Dans le dernier quart, Siméon gratifiera l'immeuble d'histoires pleines d'enseignements, expliquant en particulier dans un conte lucide et caustique, qui mérite le détour, pourquoi Jésus ne pourrait pas être élu président de la Roumanie, ainsi que la parabole du Fil de fer chez les Roumains, etc...

On l'aura compris, l'on en apprend beaucoup et de façon plaisante sur la Roumanie et l'être humain en général. Un bouquin difficile à classer, mais à découvrir!

mercredi 4 décembre 2013

"Y'a d'la BD dans l'air..."






 Courant novembre j'ai fait un saut à BD Boum (Blois 41) pour tester l'ambiance d'un salon BD. Ai visité la maison de boule et Bill. Ri en lisant des planches à l'exposition à l'étage. Ouvert de grand yeux en découvrant qu'il faut s'inscrire pour le tirage au sort de certaines dédicaces. Constaté que Davodeau était prévu l'après-midi (il obtenu le prix de l'année, d'ailleurs) , scruté la file d'attente devant le stand d'Emmanuel Lepage chez Futuropolis... et tombé par hasard sur ledit Lepage chez un autre éditeur où est paru le carnet pré-voyage à Tchernobyl. Ai pu parlé quelques minutes avec lui (il est absolument adorable et prolixe sur son travail!), et appris qu'il est allé à Fukushima (mais il le cherche ou quoi?) et que son prochain album portera sur son voyage dans l'Antarctique, une base de l'intérieur autour de laquelle même les manchots ne posent  pas les papattes (un immense désert!). Mes yeux ont brillé, j'étais fascinée (et complètement ridicule sans doute).

La veille j'avais rapporté plein de BD de la médiathèque (mon gentil médiathécaire me voyant arriver m'a collé l'une d'elles en mains, carrément)(j'ai une réputation là-bas, inutile de lutter)


La propriété
Rutu Modan
Actes sud BD
Traduit par Rosie Pinhas-Delpuech


"En famille, on n'a pas à dire toute la vérité, et ça ne s'appelle pas mentir" (Michaela Modan)

Vol El Al 513 pour Varsovie.Une bande d'ados surexcité, qui dans le cadre de La marche de la vie" vont visiter Treblinka, Maïdenek et les chambres à gaz. Hypercalmes à la fin du livre, lors du voyage retour. Comme dit Regina, la grand-mère de Mica, "Le voyage en Pologne leur a fait du bien."

Mais nos héros sont Régina et Mica Segal, dont l'objectif est de récupérer une propriété (pas vraiment définie) spoliée pendant la guerre. Regina, on le comprendra vite, effectue ce voyage pour une autre raison, qui remonte à près de soixante-dix ans. Mica va rencontrer Tomasz, pour des "visites guidées dans la Varsovie juive"...

Avec un humour décapant mêlé à l'art de laisser monter l'émotion, Rutu Modan conte une belle histoire de filiation et de mémoire, dans la Varsovie du passé et du présent. A découvrir, ainsi que son précédent roman graphique, Exit wounds.

Image prise dans le billet de Cherry135 (bien plus complet que le mien)

Feynman
Ottaviani et Myrick
Vuibert, 2012
Traduit par Clara Tomasini


 Une biographie graphique d'un professeur de physique comme on les aime, sachant faire passer les connaissances (j'ai lâché quelques pages vers la fin quand même), un poil original (il a passé sa première année de Caltech...à Rio et appartenu à une école de samba), grosse tête (prix Nobel, hein!), ayant participé au projet Manhattan (première bombe atomique) et à l'enquête sur l'explosion de la navette Challenger.

Je recommande cette lecture, où apparaît en arrière plan la figure de la soeur de Feynman, qui en tant que fille a eu plus de mal à se frayer un chemin dans ses études, mais elle y est arrivée!
"Vous avez quatre heures"

Dora
Minaverry
L'agrume, 2012
Traduit par Chloé Marquaire


Dora est une toute jeune fille qui travaille à Berlin à la fin des années 50, au Berlin Document Center, où l'on archive tous les documents sur les nazis saisis à la fin de la guerre. Fille d'un déporté, elle en profite pour fouiner et trouver es documents parlant de son père ou d'ex-nazis vivant tranquillement en Allemagne. Son patron par exemple?
Elle va ensuite retrouver sa mère à Paris, puis, envoyée en Argentine par le mystérieux Lucien, pister le docteur Mengele lui-même...
Une bonne docu-fiction sur ces années là dans les trois pays, en plus de montrer l'évolution et les questionnements de Dora.

Un problème (qui peut se résoudre) : en dernière page est écrit "fin de la première partie".

J'ai eu un coup de cœur pour le somptueux graphisme en noir et blanc. Quelques exemples que l'éditeur me pardonnera, je l'espère, d'avoir emprunté...




lundi 2 décembre 2013

Rome en un jour

Rome en un jour
Maria Pourchet
Gallimard, 2013



Célébrer aux beaux jours l'anniversaire de Paul, né en février, a au moins un avantage, c'est que la  fête peut se tenir dehors, sur la terrasse d'un hôtel parisien. L'inconvénient, c'est que Paul ne pense plus à cela, et lorsque Marguerite, qui a tout organisé à son insu, désire le conduire hors de leur appartement, Paul n'est pas d'accord, préférant les documentaires animaliers et le match de rugby proposés par la télévision ce soir là... Le couple, qui n'allait déjà pas très bien, va exploser en vol!

Pendant ce temps, sur la terrasse, l'on attend Paul et Marguerite, l'on boit (trop), l'on drague, l'on casse du sucre sur le dos des absents.

Après   Avancer   j'attendais avec impatience le nouveau roman de Maria Pourchet. Quelques billets déçus m'avaient fait craindre le pire, mais si je ne me suis pas autant amusée (cependant quand même suffisamment!), c'est normal car finalement tout est plutôt triste voire pathétique. L'impression de gâchis, de vacuité. Mais aussi la peinture d'une certaine société, où l'on n'arrive pas à communiquer, ou si rarement.

L'on passe de l'appartement à la terrasse, dans une comédie urbaine caustique, qui donnerait bien, tiens, une jolie adaptation théâtrale. Maria Pourchet maîtrise bien sa narration, au moyen d'une écriture acérée, vivante,  parfois familière. Elle a le sens de la formule, "Son incapacité à dire du mal des gens le rendant suspect, on avait cessé de l'intégrer à un débat dont l'enjeu était de toujours mieux connaître les absents." De réjouissants morceaux, tels la conversation des voisines d'immeuble de Paul et Marguerite ou la dispute sur fond de commentaires rugbystiques.

J'ai donc aimé cette lecture. (Prête à la discussion! ^_^)

Les avis de Malika,clara, luocine, stendhal syndrome,

Un passage marrant hors contexte:
"Le magnétisme dégagé par des chatons en vidéo basse définition agit même sur les individus les plus sensés, suscitant des comportements regrettables (glapissements, répétition compulsive du visionnage, emploi d'adjectifs prohibés tels que 'chou' et 'craquant') qui portent gravement atteinte à la dignité de leurs auteurs. Il ne s'agit pas d'un communiqué de l'OMS, mais de la triste vérité. Que quelque chose soit petit, fourré, avec de grands yeux, et voilà, fin de la civilisation."