jeudi 28 avril 2022

Ecotopia


Ecotopia

Ernest Callenbach

Rue de l'échiquier fiction, 2018

Traduit par Brice Matthieussent

 

Dans ce roman paru en 1975 (!) l'auteur imagine que l'ouest des États-Unis (Californie -pas Los Angeles- Oregon et état de Wahington) a fait sécession il y a une vingtaine d'années et décidé de vivre autrement. Un journaliste du Times-Post, William Weston, y est envoyé et le roman est composé des articles officiels destinés au journal, et d'un journal plus intime. A New York il laisse une femme dont il s'est séparé, des enfants et une copine. Il semble que là-bas l'individualisme est encore plus fort que de nos jours. Sinon, ça fonctionne comme aux Etats-Unis (sans commentaires).

Bien sûr William y va avec des idées préconçues et observe cette drôle de société, aux antipodes ou presque de la sienne. Il a vraiment aussi du mal à comprendre comment réagir face à certaines nouveautés. Petit à petit, surtout grâce à une Ecotopienne dont il tombe amoureux, il évolue beaucoup!

On ne peut pas dire que le suspense soit insoutenable, ni que les surprises écologiques de cette Ecotopia soient totalement inattendues, mais pour un livre écrit en 1975, c'est fort. Plus de voitures individuelles, des trains, des villes à taille humaine. Amour de la nature, des arbres. Recyclage à fond ! Pas plus de 20 heures de travail hebdomadaire. Moins de naissances. Une femme présidente.Tout cela est bien expliqué, ainsi que les systèmes scolaires, hospitaliers, économique, de façon simple et agréable, toujours avec l’œil critique du journaliste... On se prend à rêver, et quand l'auteur égratigne les États-Unis (télévision, culture, etc.) on se dit qu'en 1975 il n'avait encore rien vu...

Avis babelio, dont cathulu,

lundi 25 avril 2022

La maison poussière


 La maison poussière

Valérie Peronnet

La belle étoile, 2022


Voici cette jeune femme arrivant en été dans une vieille maison près de Montréal, la voici grattant, ponçant, nettoyant, s'installant petit à petit. On comprend qu'elle arrive de France, après avoir vécu un drame auquel elle refuse de penser.

La maison, elle, a la mémoire de la famille y ayant vécu, aimé, et dans la maison voisine aussi. Au fil des décennies la simple voie près des maisons est devenue une autoroute.

L'hiver arrive, l'hiver canadien, la jeune femme aime sa solitude, un jour elle découvre un vieux violoncelle.

Amateurs de jolis romans tout doux mais pas que, lancez-vous dans la lecture! Ce n'est pas généralement vers ce type d 'histoires que je me tourne, mais là je me suis lovée entre les pages, les tournant rapidement. A découvrir pour une parenthèse hivernale québécoise, même si l'auteure est bien française (et qu'on l'espère à la médiathèque de ma petite ville!)

Avis babelio, Eimelle

jeudi 21 avril 2022

Portrait du baron d'Handrax


 Portrait du baron d'Handrax

Bernard Quiriny

Rivages, 2021

Connaissez-vous Henri Mouquin d'Handrax (1896-1960) ? Peintre mineur, oublié de nos jours, selon Quiriny, qui s'en entiche au point de devenir gardien de musée dans l'Allier et de tomber sous le charme du baron d'Handrax, petit-neveu de Mouquin. Une belle amitié perdurant jusqu'au décès du baron conduira Quiriny à écrire la préface d'un recueil, paru chez rivages poche, titré Carnets secrets, d'Archibald d'Handrax. 

Connaissant un peu l'imagination et la fantaisie de Bernard Quiriny, j'ai flairé rapidement l'embrouille, mais peu importe : on s'amuse follement à découvrir ce baron riche et généreux, au point d'accueillir une famille de plus dans son château (illégitime, cette seconde) , qui décrétait que le 23 mars 1928 n'avait pas existé, collectionnait les grandes cartes, organisait des dîners de sosies, durant une journée par ci par là  ne posait que des questions, s'efforçait de ne pas voir les hideurs du paysage, apprenait des langues rares, rachetait un coffre volé à son voleur, bref, un personnage aimable, parfois exaspérant, fort original. Quant à ses pensées du carnet, elle sont là pour y picorer tranquillement.


Procrastination
: Ne sachent plus quoi inventer pour ne pas se mettre au travail, cet écrivain a doté son ordinateur d'un mot de passe long de six mille caractères. 

Enfance : Déposant le bébé endormi dans son lit à barreaux, elle découvre parmi les peluches une lime et une scie à bois.




Avis babelio, bibliosurf, collection de livres (avec video de l'avis -enthousiaste- de Clara Dupont Monod, ainsi que le début du livre)

Mois belge, catégorie Traverse (?)

lundi 18 avril 2022

Des feux fragiles dans la nuit qui vient


 Des feux fragiles dans la nuit qui vient

Xavier Hanotte

Belfond, 2010


Chaque année, lors du mois belge, je me délecte à découvrir un nouvel opus de Diane Meur ou Xavier Hanotte, pour un rendez-vous attendu. Chez Hanotte j'aime l'écriture, bien sûr, et aussi l'existence subtile d'un léger décalage, d'un détail qui fait gamberger, d'une situation bizarre mais parfaitement donnée à ressentir. Là encore j'ai été ravie!

"Contrairement à nombre de sous-officiers, fussent-ils réservistes comme lui, Berthier ne voulait voir dans les consignes que des cadres un peu lâches, adaptables selon les buts réels poursuivis par ceux qui les édictaient." Sur l'Ile à l'écart du Continent, on patrouille durant le couvre-feu, avec vigilance mais sans zèle particulier rayon paperasse. Un minimum de comptes-rendus conduit Berthier à rencontrer le lieutenant Frédérique Jeunehomme, et lui, assez désabusé et vide d'espérance de ce côté-là, ne peut s'empêcher de trop penser à elle.

Un avis sur babelio évoque justement Le désert des Tartares, ou Le rivage des Syrtes, et dans cette île pluie et brumes sont fréquentes, et l'ennemi lointain. Jusqu'au jour où survient un attentat, l'ennemi presse, le vieux matériel reprend du service et voilà Berthier dans une colonne de full-tracks consommant gloutonnement le carburant, véhicules nommés par lui selon des poètes, dont Wilfred-Owen cher au cœur de Hanotte.

Un texte en Vieux-Danois, La relève de Saint Olaf, va avoir son importance dans les destin de Berthier.

J'ai absolument aimé cette ambiance volontairement floue, aux dialogues pleins de silences, aux événements sans explications superflues voire pas d'explications, cette impression d'être balancé dans une endroit étrange. Des personnages émergent, Berthier bien sûr, éminemment sympathique et attachant.

Mois belge, catégorie Traverse (?)


Avis babelio

jeudi 14 avril 2022

Comment lire des livres qu'on ne comprend pas


 Comment lire des livres qu'on ne comprend pas

Olivier Haralambon

carnets parallèles, 2021


Que l'on se rassure, cet opuscule de 80 pages n'appartient pas au genre signalé dans le titre. L'auteur, après avoir interrompu ses études pour une épopée plus cycliste, les a reprises à la trentaine. "Puis le thème de mon mémoire de maîtrise se précisant - forcément, je voulais écrire sur le corps pédalant, tenter d'esquisser une phénoménologie de l'effort-, la question des lectures préparatoires s'est posée. Je me souviens de l'air embarrassé de mon directeur se passant plusieurs fois la main dans les cheveux, m'annonçant comme on annonce une maladie mortelle que, manifestement, je ne pourrais pas échapper à la traversée de la Phénoménologie de la perception de Maurice Merleau-Ponty. 'Mais', me dit-il, s'adressant implicitement à mon parcours singulier, 'c'est un texte assez long, et pas forcément facile.' Je dois dire en passant que je n'ai jamais lu depuis le moindre texte philosophique facile."

On le voit, l'auteur a du s'attaquer à de la bête coriace, de la philo résistante, et ce afin d'écrire dessus. Il donne, non sans humour, des pistes plutôt concrètes qui devraient permettre de venir à bout, ou en tout cas d'aborder des lectures a priori ardues. Reprendrai-je Schopenhauer? Lirai-je Spinoza comme on m'y a incitée? 

"Avant tout, s'armer de patience : ça va prendre un moment. Ca ne se lira pas en une semaine. Allez-y mollo sur le mythe du dévoreur de livres, ou du mec qui s'avale Aristote et Darwin entre deux paquets de M&M's pour les besoins de l'enquête. Renoncez à l'obsession de compter le nombre de livres que vous lisez dans l'année et à la tentation d'en photographier les piles qui écrasent votre table de chevet. Nous avons tous des siècles de lecture sur nos étagères éphémères."

Avis babelio

lundi 11 avril 2022

Histoires assassines


 Histoires assassines

Bernard Quiriny

Rivages, 2015


Ces nouvelles de Quiriny ne parlent pas que d'assassins, même si Sévère, mais juste, présente un critique littéraire décidant d'assassiner un écrivain par jour, à Londres, pendant un mois, et Le buveur, un assassin mystérieux.

Nous avons aussi quelques aperçus sur des tribus amazoniennes aux us étranges, laissant perplexes les ethnologues, ou des patients atteints de désordres étonnants. On pourrait aussi parler de Bleuir d'amour, "depuis six mois, l'accouplement nous rend tout bleus (c'est réversible)(mais gênant)(les pages du livre sont écrites en bleu, d'ailleurs).

On frôle fort souvent le fantastique, mais ça passe bien. L'auteur est très doué pour rendre passionnante une histoire dès son début, et son imagination n'a pas de limites.

Le lecteur a droit aussi à une série de Correctifs, dont je cite le dernier:

"A un rédacteur en chef

Cher Christian,

Au sujet de mon article élogieux sur le roman de M***, que je t'ai envoyé la semaine dernière : je viens entre-temps de lire le livre, qui est archinul. Je voudrais du coup récrire mon papier. Est-il encore temps?

Amicalement,

H."

J'en profite pour signaler que mon article élogieux a été écrit après lecture.

Mois belge, catégorie La lettre volée


Avis babelio

jeudi 7 avril 2022

Voyages en train (Paul Theroux)

 

The great railway bazaar (en VF Railway Bazaar)

By train through Asia 

Paul Theroux

Penguin books, 1977


Début (et fin) : "depuis l'enfance, quand je vivais à Boston et dans le Maine, j'ai rarement entendu un train passer et ne pas souhaiter être à bord."(traduction perso pas parfaite)

Pas étonnant qu'on le trouve dévalant le continent américain du nord au sud (Patagonie Express) ou la Chine d'est en ouest. Cette fois, soyons fous, et suivons-le dans un périple d'environ quatre mois, de Londres à Londres par le train (rarement avion ou bateau, et si pas possible autrement), l'Orient-Express jusqu'à Istambul, puis jusqu'à Ceylan, remontant en passant par le Vietnam, le Japon et la Russie avec le mythique Trans-Sibérien. Mais les noms font rêver, The Radjani Express to Bombay, The Mandalay Express, The golden arrow to Kuala Lumpur ... Vitesses et conforts divers...

Il noue conversation ou évite des fâcheux, gagne un peu d'argent en donnant des conférences dans de grandes villes, explore un peu. Sur Babelio comme Goodreads, les avis sur l'auteur et ce livre sont tranchés ... et variés. A partir du moment où on considère que ce n'est pas un guide de voyage, que l'auteur a des points de vue personnels et souvent sarcastiques, on savoure son ironie (et même son autodérision). Comme voyager en train me ravit, ce genre de livres aussi.

Quelques passages (traduits à l'arrache, comme d'habitude)

La Suisse: "scènes de calendrier que vous admirez un moment avant de ressentir un besoin urgent de bouger vers un nouveau mois"

Le Vietnam et sa tragédie (en 1973 la guerre n'était pas terminée) "La tragédie était que nous étions venus et, dès le début, n'avions pas prévu de rester: Danang en était la preuve." Un des passages les plus troublants et tragiques du livre.

Différents trains

En Thaïlande, "il n'y a pas d'autre train dans le monde ayant un haut pot de pierre dans la salle de bains, où, avant dîner, on peut se tenir nu, se lavant à grande eau avec des mesures d'eau (difficile à traduire, je suppose que ça doit ressembler à la douche 'à la calebasse' africaine). Les trains de chaque pays contiennent les essentiels équipements de la culture : les trains thaïs ont le pot avec le dragon sur le côté, à Ceylan une voiture réservée aux moines bouddhistes, en Inde une cuisine végétarienne et six classes, en Iran des tapis de prière, en Malaisie un marchand de nouilles, au Vietnam une vitre à l'épreuve des balles pour la locomotive, et sur chaque voiture d'un train russe il y a un samovar (et ça je peux confirmer!).Le Railway bazaar, avec ses gadgets et passagers, représente si complètement la société qu'embarquer c'est être confronté au caractère national."

Avis babelio

Pour ne pas lasser mes visiteurs en multipliant les billets (mais j'annonce que j'en prévois encore!), voici un compte rendu d'un autre livre de Paul Theroux


Voyage excentrique et ferroviaire autour du Royaume-Uni

The Kingdom by the Sea, 1983

Paul Theroux

Les cahiers rouges, Grasset, 1993

Traduit par Marie-Odile Fortier-Masek

Paul Theroux habite à Londres depuis des années, c'est d'ailleurs de là qu'il était parti pour le périple précédent, et on aura d'ailleurs des nouvelles (émouvantes) d'un anglais rencontré dans l'Orient-Express. Notre homme ne manque pas d'idées, et décide de parcourir les côtes du Royaume-Uni dans le sens des aiguilles d'une montre, en train ou à pied si possible, en car ou auto-stop si pas possible autrement. En évitant les visites de châteaux ou autres attractions touristiques.

Ce périple se déroule en 1982, durant la guerre des Malouines, et on y apprend aussi la naissance du prince William, deux occasions de saisir les réactions des anglais. 

Les villes côtières se suivent (j'ai mis quand même un peu de temps à vraiment accrocher), et puis ce randonneur aux opinions arrêtées a fini par me plaire, avec sa curiosité et son art des dialogues captés sur le vif. Un Royaume-Uni fort varié, parfois à quelques kilomètres de distance, en proie au chômage ou à la guerre (le passage en Ulster est vraiment fort intéressant), et à la grève, ce qui empêche la fin du voyage en train. Je découvre que là-bas comme en France on a abandonné les petites lignes pas rentables...

"Je surpris la conversation de deux vieilles dames accoudées à la balustrade qui donnait sur la baie. (...)

La lune est belle, dit miss Maltby.

- Ouais, dit miss Thorn, c'est vrai.

-Mais c'est pas ce que nous avons vu plus tôt ce soir.

-Non, ça, c'était le soleil.

Et miss Maltby de rajouter : 'Tu m'avais dit que c'était la lune, pourtant.

-Y avait tellement de brouillard, vois-tu, reprit miss Thorn, mais maintenant je peux te dire que c'était le soleil."

Dois-je ajouter que l'écriture est de belle tenue?

Avis babelio

lundi 4 avril 2022

La vie de Mardochée de Löwenfels écrite par lui-même


 La vie de Mardochée de Löwenfels écrite par lui-même

Diane Meur

Sabine Wespieser, 2002


Si je dis roman d'apprentissage dans l'Allemagne du 14ème siècle, et plus de 600 pages, déjà plus personne ne reste. Et pourtant... Quel plaisir de se caler dans la prose de Diane Meur, confortablement mise en pages par l'éditrice. 

Mardochée doit son prénom étonnant à la suite du vœu d'un de ses ancêtres parti en croisade. Fils cadet d'un nobliau de Souabe, il est destiné à devenir évêque, l'héritage et le titre revenant à son aîné Rodolphe. Las, ledit Rodolphe est enlevé par les Tatars (j'adore ce genre d'événements qui fait bien fonctionner mon imaginaire), Mardochée voit se profiler une vie heureuse y compris amoureuse, mais on ne se débarrasse pas facilement de Rodolphe.

Pris sous son aile par Venetius, moine fort érudit aux opinions assez hérétiques finalement (mais à cacher soigneusement), notre héros souvent bien naïf mais intellectuellement vif et honnête va connaître bien des aventures, se livrer à pas mal de discussions philosophiques, rencontrant des personnages réels, mettant pas mal d'eau dans son vin, liant amitié avec un italien fantasque.

Juré promis, ça se lit avec plaisir! Mardochée écrit le récit de sa vie, non sans humour, mais point une certaine nostalgie, une tristesse résignée, alors qu'à la fin pointent les prémices de la peste prête à déferler sur le continent;

Mois belge bien sûr! catégorie : boite à Pandore? Esperluète? On lit? 

Avis babelio

vendredi 1 avril 2022

La machine à explorer le temps

 Oui, je sais, je l'ai déjà lu, mais il s'agissait de faire une lecture commune avec A girl et son défi Lectures imaginaires (elle a besoin d'aide, non?). Son billet! 

A l'occasion, je suis retombée dans la marmite, et lu La guerre des mondes, qui tient drôlement bien la route, plus d'un siècle après (billet à venir).

Qu'en est-il de cette Machine, alors?


La machine à explorer le temps

The time machine, 1895

Herbert George Wells

Folio Mercure de France, 2008

Traduit par Henry D. Davray


Tout démarre de façon absolument britannique, par des discussions entre gentlemen. L'un d'eux affirme avoir inventé une machine à explorer le temps, puis devant ses amis encore réunis revient d'un voyage, et le raconte. Simple, efficace. La machine elle-même consiste en un siège et des manettes, en 1895 pas de technologies compliquées.

Mais quel récit de voyage(s)!!! A plus de 800 000 années d'ici il se retrouve dans un joli paysage pas loin de la Tamise (en fait il est parti de Richmond), où il découvre des bâtiments assez dégradés, une sorte de musée, en fait un coin agréable à vivre, où il fait connaissance des Eloïs, gentilles créatures douces (et pas bien malignes), s'attachant particulièrement à Weena.

Hélas ce monde idyllique est aussi peuplé de Morlocks, bien plus malfaisants, qui lui volent sa machine. A plusieurs reprises l'Explorateur se livre à des conjectures sur ce monde nouveau, se plantant régulièrement. Il en arrive à soupçonner comment les humains sur Terre ont évolué, et pourquoi ces deux catégories.

Ce serait dommage de trop en dire, sachez seulement que ça se lit en tournant les pages, et que même le dernier voyage vers un futur fort fort lointain est inoubliable.