mercredi 30 mars 2016

Week end pascal (et royal)

Direction Versailles

avec le début des grandes eaux musicales, occasion de s'en mettre plein les yeux et les oreilles (Charpentier, Rameau et autres), au cours de deux heures de déambulation.

Un ensemble récent
Pour couper l'eau, c'est comme à l'époque!
Le tout manquait un peu de soleil et de feuillage, mais même ainsi c'était épatant, et je recommande cette promenade (bien sûr il en reste plein à voir!)

Mais là n'était pas le but de ma venue à Versailles, car la chapelle royale m'attendait. On ne se refuse rien, quoi.
Pour Pâques, quoi de mieux que la Passion selon Saint Matthieu (de Bach what else), avec des interprètes haut de gamme? Samedi, trois heures de pur bonheur. Disponible en replay sur culture box jusqu'en septembre 2016, je dis ça je dis rien (au début un motet d'un autre compositeur, ne pas s'étonner). L'ensemble Pygmalion sous la direction de Raphaël Pichon, rien à critiquer, et solistes à la hauteur. Dimanche, messe en si mineur du même JSB, deux petites heures avec William Christie à la direction (toujours pas de baguette) et au clavecin, et ses arts florissants. Je ne donne pas tous les noms, mais les amateurs de baroque apprécieront.

Mon avis à chaud?
Deux œuvres que je découvrais, ainsi que les ensembles. Mais pas dans les mêmes conditions, car hélas le dimanche j'étais derrière une dame elle-même derrière un grand, les deux cachant presque complètement les solistes venant au devant, et, je dois l'avouer, mon attention est perturbée quand je ne vois pas en même temps; une tête qui bouge me déconcentre ... De beaux moments tout de même. Mais ça reste une messe en latin, un carcan assez académique au départ et Bach ne s'est pas lancé dans des folies opératiques comme Mozart par exemple. Il faut donc que je redécouvre l'oeuvre dans d'autres conditions. Les interprètes ne sont pas en cause bien sûr, ni Bach!

En revanche le samedi, pas de souci! L'histoire de la Passion est aussi bien plus prenante, avec une parfaite adéquation entre paroles et musique. Pour les amateurs, je signale le Erbarme dich à 2 h 03 et l'impressionnant moment de la mort du Christ, à 2 h 57, avec ces secondes de silence absolu. La video est parfaite, profitez-en. Je l'écoute en écrivant ce billet.

PS : Autre détail n'ayant rien à voir, j'en ai profité pour tester air bnb.

lundi 28 mars 2016

Un bon garçon

Un bon garçon
The good son
Paul McVeigh
Philippe Rey, 2016
Traduit par Florence Lévy-Paoloni


Mickey, un jeune irlandais dans le Belfast des années 80, est vraiment le bon brave gamin. Mais sa vie n'est pas un long fleuve tranquille. Il espérait entrer dans une grammar school où être bon élève le fondrait dans la masse, hélas il va devoir effectuer sa rentrée à St Gabriel, fréquenté par son grand frère et les autres garçons du coin. Garçons n'étant pas ses amis, car ce jeune rêveur n'est pas encore bien sorti de l'enfance, il adore sa petite soeur et vénère sa mère, qui pourtant n'est pas avare de claques et reproches. Une mère courage peinant à joindre les deux bouts, et pas vraiment aidée par une brute de mari alcoolique.

Mickey n'a pas le droit de sortir de son quartier, sorte de poche catholique insérée au milieu de quartiers protestants, où interviennent régulièrement des soldats anglais.
L'auteur a bien rendu la fraîcheur de son jeune héros, tiraillé par l'envie d'être comme les autres garçons et d'avoir des amis, mais craignant leur rudesse à son égard. Il rêve de la jolie Martine, d'être un acteur, d'aider sa famille et surtout sa mère, d'aller aux Etats-Unis... La vie du quartier et de la famille est vue au niveau de Mickey, et ce qui se dessine est plutôt terrible.
De l'humour et de la finesse, mais j'ai quand même ressenti quelques longueurs dues à la répétition de certaines situations. 250 pages que je recommanderais tout de même.

Les avis de Gwen,

vendredi 25 mars 2016

Crossing to safety (En lieu sûr)

Crossing to safety
(En lieu sûr)
Wallace Stegner
Modern Classics, 2013
Première parution 1987


Je sens que je vais perdre toute crédibilité en proposant (encooooore!) un coup de cœur d'un auteur chouchou, mais tant pis. De toute façon c'est le dernier, et comme En lieu sûr ne se trouve plus en librairie, j'ai dû m'y coller en VO. L'occasion extraordinaire de découvrir l'écriture de Stegner sans le filtre de la traduction. Des allitérations parfois impossibles à rendre, l'usage virtuose de la langue anglaise et de ses préfixes et suffixes, un vocabulaire d'une précision incroyable pour décrire la nature (normal si on connaît Stegner) mais aussi une femme en train de tricoter (j'ai été bluffée, on s'y croyait, quel sens de l'observation).

Dominique  (une autre fan) explique dans son billet avoir su dès le début que c'était un bon roman, et ses raisons sont absolument validées. Les 320 pages se lisent avec grand bonheur, et une tendance à ralentir la lecture pour faire durer le plaisir.

Alors, de quoi ça parle? Ce n'est pas vraiment nécessaire de le savoir, mais puisque vous ne me faites pas confiance (sachez quand même que je l'ai acheté et lu sans vraiment connaître le contenu, moi, Stegner sur une couverture, ça me suffit), en voici une petite idée et n'allez pas râler après que j'en ai trop dit.

A la fin des années 30, dans une petite ville du Wisconsin, deux couples tombent en amitié, comme on dirait tombent en amour. Surtout de par la volonté de Charity, l'énergique épouse de Sid Lang. Ils viennent du nord est des Etats Unis, où la famille de Charity possède maison et terrain près d'un lac, Battell Pond, et ils sont plutôt aisés. L'autre couple, Larry et Sally Morgan, originaires eux de  l'ouest du pays, n'ont plus de famille et vivent du salaire de professeur de Larry.
En dépit d'une certain déséquilibre de départ, leur amitié démarre très fort car les maris sont collègues et les épouses enceintes et devant accoucher à la même période...

Le roman débute en 1972, quand les Morgan reviennent à Battell Pond, et Larry le narrateur revient sur la passé. Procédé bien connu, mais parfaitement maîtrisé par Stegner, qui distille les informations en avançant et reculant dans le temps, des détails ne venant qu'après l'annonce d'un événement.

Des passages éblouissants, y compris dans le souvenir de Larry, cette randonnée dans les bois et le malaise entre Charity et Sid, cette Charity a toujours voulu tout contrôler, tout prévoir, et la lumineuse année en Italie. Stegner est un auteur sachant présenter ses personnages l'air de rien, faire sentir une ambiance, on pourrait juger (Charity est vraiment terrible!) mais toujours un détail apporte un autre éclairage.

Que dire de plus? Des passages aussi sur l'écriture (Larry écrit romans et articles, avec succès, Sid aimerait écrire plus de poésie, mais... oui, compris, Charity veille à sa carrière universitaire!) et son propre roman dans les mains du lecteur? Voir l'article de chronicart, faisant référence aux pages 230/231 et puis quand la fille des Lang suggère que Larry écrive sur ses parents,  "How do you make a book that anyone will read out of lives as quiet as these? Where are the things that novelists seize upon and readers expect?  Where is the high life, the conspicuous waste, the violence, the kinky sex, the death wish? Where are the suburban infedilities, the promiscuities, the convulsive divorces, the alcohol, the drugs, the lost week ends?Where are the hatred, the politicol ambirions, the lsut for power? Where are speed, noise, ugliness, everything that makes us who we are and makes us recognize ourselves in fiction?"

Et puis des passages, comme ça, au détour d'une phrase
"Dying's an important event. You can't rehearse for it." (Mourir est un événement important. Vous ne pouvez le répéter." (répéter au sens théâtre)
Le père de Larry qui disait à son fils
"Do what you like to do. It'll probably turn out to be what you do best." (Fais ce que tu aimes faire. Ce sera probablement ce que tu feras le mieux)(alors que le père de Sid ne voulait pas qu'il suive des études littéraires)

Un auteur à lire absolument!

Promis, j'arrête les coups de coeur...

mercredi 23 mars 2016

La 2CV verte

La 2CV verte
Manu Causse
Denoël, 2016



Dans la liste proposée par l'éditeur, j'ai choisi celui-ci parce que 1) je connais des gens qui possèdent une 2CV verte depuis des années et ils sont les seuls dans le coin, c'est pratique on sait que c'est eux si on la croise, 2 ) le petit livre du duo Causse/Urien, intitulé Du temps de cerveau disponible, m'avait beaucoup plu, et 3) la présentation annonçait un "chaton bavard et arrogant"...

Alors? Hé bien bonne pioche! J'ai embarqué tout de suite dans cette 2CV verte conduite par Eric, père de famille divorcé enlevant son fils Isaac d'une clinique (psy). Le môme est particulier, dira-t-on pudiquement, muet, fixant un objet choisi pendant des heures, ne supportant pas le contact, bref, dans sa bulle. Cette 2CV a toute une histoire, et sur la banquette arrière il y a du lourd, pas forcément visible d'ailleurs, un couple, le Vieux, oncle récemment décédé d'Eric, et le fameux chaton qui la ramène, oui.

Au fil de l'équipée on en apprendra bien sûr plus sur les divers personnages, dont la plupart semblent avoir quand même pas mal de casseroles à détacher... Mais, bien dans ses bottes, heureusement, un gendarme amateur de champignons se lance à leur poursuite. Ah ce gendarme, c'est du bonheur, ainsi que plus brièvement cette madame Thénardier la mal nommée et Paco le jeune gitan.

L'auteur ayant lancé une idée effroyable en cours de route, j'ai fini par avoir peur! M'enfin quoi, dans cet univers tendre, drôle et triste à la fois, mon cœur a eu mal!
Un chouette roman que j'ai dévoré.

lundi 21 mars 2016

Le Prophète

Le Prophète
Khalil Gibran
folio, 1992
Traduit (de l'anglais!)et présenté par Anne Wade Minkowski
Préface de Adonis


Kidae ayant présenté Le Prophète, l'idée a germé d'en faire une lecture commune, Sous la grêle osée (qui nous a boostées), A girl et moi même. 80 pages bien aérées, 40 paraît-il sur liseuse, ça paraissait jouable.

Khalil Gibran (1883-1931) est né au Liban, a émigré en 1895 aux Etats-Unis avec sa mère, est revenu au Liban, a vécu à Paris. Il est connu pour sa peinture et ses écrits.

Que raconte donc ce prophète?
"Al-Mustapha, l'élu, l'aimé, aube de sa propre vie, avait attendu douze années dans la ville d'Orphalèse le retour  du navire qui devait le ramener à son île natale." C'est lui, le Prophète, et avant de quitter la ville l'ayant accueilli, il répond aux questions des habitants. "Parle-nous de l'Amour" "Que dire du Mariage?" ; une femme tenant un nouveau-né "Parle-nous des Enfants" ; un homme riche "Parle-nous du Don"; un aubergiste, "Parle-nous de la Boisson et de la nourriture"; un laboureur, "Parle-nous du Travail" et ainsi de suite, chacun posant une question en rapport avec ses préoccupations ou ses intérêts.

Les réponses du Prophète courent à chaque fois sur deux ou trois pages, plutôt concrètes et joliment tournées, poésie et philosophie orientale gardant une présence discrète.

L'Amitié : "Qu'est donc votre ami pour que vous le recherchiez afin de tuer les heures?
Toujours recherchez-le avec des heures à vivre."
La Parole : "La pensée est oiseau d'espace qui dans la cage des mots peut déployer ses ailes, mais non s'envoler."

Je pense que chacun pourra trouver son miel dans ces pensées; à picorer plus qu'à lire d'un coup.

Lecture commune avec Sous la grêle osée et  A girl.

vendredi 18 mars 2016

L'homme qui savait la langue des serpents

L'homme qui savait la langue de serpents
Mees, kes teadis ussisõnu, 2007
Andrus Kivirähk
Editions Attila, 2013
Traduit par Jean-Pierre Minaudier (mais oui, celui de Poésie du gérondif!!!)


Super d'inscrire à ma longue liste de pays ... l'Estonie! (c'est où déjà?)(au nord de la Lettonie, euh oui). Dans la zone Euro. Mais avec une langue non indo-européenne.

Un pays qui compte parmi ses habitants Andrus Kivirähk, né en 1970, auteur aussi de Les groseilles de novembre, qui me paraît autant un OLNI que cet Homme qui parlait la langue des serpents. Cet homme, c'est Leemet, le narrateur. Dès le début ("Il n'y a plus personne dans la forêt") l'on sait que la fin ne sera pas optimiste et joyeuse, mais Leemet se lance dans l'histoire de sa vie, et là c'est formidable et pas question de lâcher!

Donc, la forêt, et quelques habitants vivant de chasse (facilitée par cette fameuse langue des serpents qui permet de parler aux animaux) et habillés de peaux de bêtes. Ajoutons un couple d'anthropopithèques vivant en caverne puis dans les arbres, et l'on sent qu'il vaut mieux laisser au vestiaire ses habitudes confortables. A l'orée de la forêt, un village, ambiance médiévale, où triment des paysans plus obtus et idiots que vraiment méchants, sous la coupe des moines et des chevaliers tout puissants. Les deux communautés se méprisent cordialement.

Au fil du temps Leemet va passer du temps dans les deux endroits, rêvant d'une mystérieuse Salamandre impossible à réveiller. Il va même retrouver son grand père et guerroyer sous son aile (et ce n'est pas une figure de style). " C'est une vieille coutume de guerre: ça ne se fait pas de laisser traîner les crânes de ses ennemis, on les sculpte élégamment pour en faire de la vaisselle. Question de politesse. Si tu as le temps de tuer quelqu'un, tu as aussi celui de travailler son crâne."

Sans doute ce roman a-t-il encore plus parlé aux estoniens, mais grâce à la présentation et préface du traducteur, le lecteur français a quand même quelques idées, surtout que ce roman peut se lire tout cru. Si l'on accepte cette imagination incroyable, tout se passe bien et l'on s'attache à ces serpents amis de Leemet, à son beau-frère Nounours et sa mère tendance 'mère juive' "mais il  faut finir cet élan, tu n'aimes pas ma cuisine?" Des moments d'émotion, de l'humour, de la révolte devant tant de bêtise (les méchants ne sont pas tous dans le camp adverse, ülgas et Tambet par exemple sont d'infâmes individus). Leemet ne se prive pas de critiquer la religion (catholique) des paysans et les croyances des habitants de la forêt aux génies, ondins et autres. La langue des serpents, ça existe, oui, mais il se méfie du reste!

Au final, un roman plutôt subtil, et à découvrir! Vous n'allez pas regretter le voyage.

Les avis de zazymut,  Philisine, Mes imaginaires (qui mènera à d'autres sites)(et merci!!!),  profplatypus, sandrion, ingannmic,

mercredi 16 mars 2016

Une sale affaire

Une sale affaire
Una brutta faccenda
Marco Vichi
Philippe Rey, 2016
Traduit par Nathalie Bauer



En mars 2015 je faisais connaissance du commissaire Bordelli; un policier comme finalement on les aime, pas un super héros, un être humain privilégiant l'amitié fidèle avec des potes au passé chargé et prenant sous son aile Piras, le fils d'un camarade de combat.

On retrouve donc Rosa, l'ex prostituée masseuse et accueillante, Toto le cuisinier et Botta le cambrioleur.
"La prison, c'est terminé pour Botta... définitivement terminé.
- Tu comptes arrêter de crocheter les serrures?
- Non, commissaire, je veux arrêter de me faire pincer."

Fliquer les prostituées, les faussaires et les petits malandrins, c'est moyennement son truc, et dans ce volume, plus que dans le précédent, il va être servi. Le meurtre d'un petit délinquant parfois indic, s'étant trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, et d'une fillette dans un parc, le mènent à d'épuisantes enquêtes : pas d'indices, pas de suspects, ses nuits traversées de rêves lourds. Une autre fillette est retrouvée morte, il doit stopper la série, mais comment? Ses recherches lui feront retrouver un de ses amis ("Il était plutôt petit, mais son regard valait vingt centimètres de hauteur") et côtoyer une organisation traquant les criminels de guerre nazis (nous sommes en 1964).

Une histoire peut-être plus sombre, même si Bordelli et Piras croiseront de jolies brunes, dans ce polar classique sans détails gore, sans courses poursuite (Bordelli conduit une vieille Coccinelle ), où l'on se sent finalement presque comme chez soi.

Les avis de Gwen,

lundi 14 mars 2016

Un instant dans le vent

Un instant dans le vent
An instant in the wind, 1976
André Brink
Nouveau Cabinet cosmopolite, Stock, 1983 (couverture LDP)
Traduit par Robert Fouques-Duparc


"Qui étaient-ils? Leurs noms sont connus -Adam Mantoor et Elisabeth Larsson - et quelques fragments de leur histoire ont été conservés. Nous savons qu'en 1749 (...) Elisabeth accompagna son époux, l'explorateur suédois Erik Alexis Larsson, au cours d'un voyage dans l'intérieur des terres du cap de Bonne Espérance où il mourut peu de temps après; qu’elle fut finalement découverte par un esclave en fuite, Adam, et qu'ils atteignirent ensemble Le Cap à la fin du mois de février 1751."

Brink nous fournit ensuite leurs généalogies et page 16 la fin de l'histoire. Il évoque un recueil de Mémoires écrits par Larsson puis ensuite par Elisabeth, donnant le catalogue de ce qu'ils avaient emmené pour leur expédition, dont les 'objets de troc', '1 tonne de plomb et d'étain' (!), '4 tonnelets de cognac, 2 pour conserver les spécimens, les 2 autres pour corrompre et encourager les Hottentots ou pour se faire des amis dans la région', 'une collection d'assiettes en porcelaine'.
J'ai commencé à m'amuser. Hélas, ça n'a pas duré.

Bon, après tout, pourquoi pas une telle histoire? Adam, dont on découvre le passé d'esclave en fuite (j'ignorais d'ailleurs que Robben Island, qui accueillit contre son gré Nelson Mandela, était déjà une prison à l'époque) et les détails horribles de sa vie et de celle de sa famille, est en fuite dans les terres, depuis des années. "Mon pays, je l'ai vu de mes propres yeux, entendu de mes propres oreilles et saisi de mes propres mains." "Voilà ce que le mot 'liberté' veut vraiment dire : n'importe qui peut me tuer."

Ayant suivi durant des semaines l'expédition, Adam intervient alors qu'Elisabeth se retrouve seule (les autres sont enfuis ou morts), espérant qu'au retour au Cap, elle intercédera en sa faveur. Le voyage commence, Elisabeth n'est pas facile! De longs dialogues font état de leurs disputes. La narration passe du tu au il au elle au nous au je, etc. On s'y retrouve, ou alors on ne s'en préoccupe pas.

Cette première partie commence à m'agacer, un homme une femme, que tout sépare, des discussions, et mis à part le séjour dans le village Hottentot, je m'ennuie.
Bien sûr l'on en apprend sur leur passé, et passons à celui d'Elisabeth, élevée dans une bonne famille du Cap. En tant que femme, elle n'a bien sûr pas les mêmes possibilités d'action qu'un homme, mais elle a choisi son mari, et a décidé de le suivre dans l'expédition. Je passe sous silence l'oncle aux habitudes un peu douteuses (nécessaire dans ce roman?)...

Adam connaît bien le terrain, mais Elisabeth discute ses décisions, il lui arrive de céder ... et bien évidemment c'est lui qui avait raison. Ainsi ils perdent un bœuf.
"Elle s'est mise à pleurer, silencieusement. Elle enfonce ses ongles dans les paumes de ses mains et les lacère.
- Je vous avais prévenue, dit Adam furieux.
Sa phrase déchire quelque chose en elle.
- C'est toi qui m'a obligée à la faire! (Elle sanglote) C'est toi!"
(plus loin, même genre de scène, cette fois Adam échappe de peu, mais pas le fusil)

Maintenant je dois avouer que pour avoir lu quelques 'Romances' dans ma vie, j'ai hélas reconnu quelques situations : les deux que tout oppose, les disputes, l'entêtement de l'une, et les conséquences. On y est en plein!

Mais alors, me direz-vous, ils couchent ou pas?
Oui, à la fin de la première partie. Je ne divulgâche rien, puisque dès le départ on le sait.
Et ça ne va pas s'arranger. On a droit à des passages nus sur la plage, la Nature et tout ça, seuls au monde, etc.

Dernière partie, le retour au Cap à travers la nature hostile. Et là ça m'a bien plu, avec le côté survie en plein désert. Quasiment un documentaire. Bon, il restait les scènes amoureuses, les mauvaises décisions, une tentative de viol improbable à mon avis, mais j'en retire surtout une fascinante histoire de survie dans des situations extrêmes, et je pense les détails vraisemblables. La scène des antilopes migratrices, par exemple, m'a scotchée.

Comme il s'agissait d'une lecture commune, j'ai terminé ce roman, mais j'avoue qu'il m'a laissée au dehors; on ne peut que se sentir solidaire de leur situations respectives, homme noir esclave, et femme (blanche) au 18ème siècle, mais est-ce l'écriture (sans humour!) ou les péripéties, je n'ai pas vraiment accroché. Je dois être mauvaise cliente pour les histoires d'amour (cf Les hauts de Hurlevent). Je sais bien que ce roman est plus que cela, et j'ai plutôt sympathisé avec Adam, mais pour les relations noir/blanche Nadine Gordimer a fait beaucoup plus fort dans Ceux de July.

Pour rester en Afrique du sud, quelques romans de Coetzee m'ont beaucoup plu, et ceux de Schoeman sont plus forts et universels. Mais Brink et moi, c'est fi-ni. Ou alors ce n'était pas le bon roman au bon moment?

Lecture commune avec A Girl, Electra, zarline dont je découvre les avis...

Un avis assez mitigé finalement sur lecture/écriture

vendredi 11 mars 2016

Le goût du large

Le goût du large
Nicolas Delesalle
Préludes, LGF, 2015




M'enfin quoi! Un parfum d'herbe coupée m'avait fauchée sans crier gare, alors je le voulais, ce nouvel opus de Nicolas Delesalle! Finalement c'est Gwenaëlle qui a eu pitié de moi (merciiiiiiiiii) et j'ai drôlement bien fait d'insister car ce livre est parfaitement dans ma zone de lecture chouchou. Parce que moi aussi je rêve de voyager sur un porte-conteneurs... (on ne rigole pas, dans le fond)

D'Anvers à Istambul, le MSC Cordova, allemand sous pavillon libérien, équipage philippin parlant anglais 'pour s'entraîner' a accueilli en passagers non clandestins l'auteur et Maïté, discrète sexagénaire française. L'occasion de se couper des habitudes durant neuf jours; discuter avec les membres de l'équipage, regarder la mer, guetter le rayon vert et des baleines (en vain). Et surtout ouvrir ses propres containers de souvenirs. car Nicolas Delesalle est reporter et a traîné ses sandales dans des endroits où ça chauffe (et ce n'est pas dû qu'à la météo) : Afghanistan, Sénégal, Côte d'Ivoire, Mali, Lybie, Egypte, frontière turco Lybienne. Il faudra une partie de foot au pôle nord pour glacer le tout.

Avec Nicolas Delesalle, on embarque sans réfléchir dans la tourmente mondiale actuelle, son humour parfois désespéré fait mouche, il émeut au détour d'une phrase, il fait réfléchit plus qu'un long article fouillé, ses portraits sont inoubliables. Entre les côtes tunisiennes et la Sicile, que ferait le capitaine s'il croisait des migrants? Question posée.

"Je lui ai promis de raconter les Hazaras chez nous tant que je pouvais.""Savent-ils que les Hazaras existent? Que nous vivons en paix?" Ils vivent au coeur de l'Afghanistan, et moi aussi je veux participer à la fragile chaîne de ceux qui parlent des Hazaras.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hazaras
Les avis de blablablamia (et merci pour le lien!),

Allez, coup de coeur!

mercredi 9 mars 2016

Elles sont parties pour le nord

Elles sont parties pour le nord
Patrick Lecomte
Preludes, LGF, 2016


Ce roman est tombé dans ma boîte un début d'après-midi ensoleillé de février (si, il y en a eu) au moment même où le cri grinçant des grues cendrées parvenait à mes oreilles. Ni une ni deux, je fonce sur mes jumelles (toujours prêtes, je suis une veinarde qui peut observer la nature de chez elle) et constate qu'elles tourbillonnent mais tendent à former leur V. Plein nord-est, oui, mais sans hâte, d'ailleurs depuis il fait un temps à ne pas mettre une rémige dehors.
Si vous habitez sous leur couloir de migration, guettez-les, il suffit d'un peu de soleil (un hiver très froid, je me souviens les avoir entendues passer une nuit de mars, sans doute devaient-elles rattraper le retard)
article ici
Bref, on n'est pas là pour parler des grues cendrées, mais des grues blanches d'Amérique. Mais cela peut expliquer pourquoi Elles sont parties pour le nord était dans mon créneau de lecture.

Le roman démarre au début du 20ème siècle et s'intéresse à Wilma, une jeune fille  partageant avec son père une cabane (au Canada) et la rude vie de trappeur. Le roman de Selma Lagerlöf, Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, la passionne et du jour où elle rencontre Akka, une grue blanche volant au dessus d'elle, elle n'a de cesse d'en connaître plus sur cet animal, et finalement elle vouera sa vie à sa sauvegarde et sa protection.

Voici la bête en plein vol
https://en.wikipedia.org/wiki/Whooping_crane
Alors mon avis?
Il s'agit d'un roman, mais plein de détails sonnent bien, la vie de trappeur, la débâcle, la rencontre avec le vieil ours, les parades des grues, leur atterrissage -en marais, le dur chemin vers leur sauvetage. Dans la réalité, la sécheresse diminue ses zones de prédilection, et on atteint environ quelques centaines d'individus d'une espèce encore en danger.

Pour celles et ceux qui ne sont pas attirés par les non fictions pures et dures sur les faucons pèlerins ou les ours polaires, ce roman est une façon intelligente et agréable de combler des lacunes. Il me semble aussi qu'un jeune intéressé par ces sujets peut en tirer profit. L'écriture est simple, il y a une histoire, l'on suit Wilma sur son chemin, aucune difficulté là-dedans.

Pour ceux qui ont l'habitude de s'enthousiasmer sur des pages de descriptions de vols de faucons et n'ont jamais assez de détails sur des bestioles sympathiques traquées par des méchants prédateurs (quoique prédateurs eux-mêmes, c'est la vie, Bernadette), le format roman passe moins bien. Allez, je dirais que je me suis parfois ennuyée (mais je sortais de Rêves arctiques, 450 pages avec description de différentes sortes de glaces sur plusieurs pages et description de la fourrure de l'ours polaire, autant dire que la barre était très haute). Mais je reconnais le bien fondé du choix de l'auteur, qui ainsi pourra toucher plus de lecteurs sur un sujet vraiment intéressant.

J'y trouve aussi une paraphrase d'une chouette citation de Ian Mac Millan, spécialiste du condor de Californie, "il faut sauver les grues blanches, 'non parce que nous avons besoin d'elles, mais parce que nous avons besoin des qualités humaines qui serviront à les sauver et nous permettront de nous sauver nous-mêmes.'"

Comme j'ai reçu un exemplaire supplémentaire, n'hésitez pas, je vous l'envoie!

lundi 7 mars 2016

Les tribulations de Maqroll le gabier : suite et fin.

Les tribulations de Maqroll le gabier
Alvaro Mutis
Grasset, 2007

Parlons d'abord du roman Abdul Bashur, le rêveur de navires

Pour ceux qui suivent la série de billets (Alvaro Mutis : La neige de l'amiral   Un bel morir  Ilona vient avec la pluie La dernière étape du tramp steamer et Ecoute moi, Amirbar), le narrateur (toujours mystérieux*), ami de Maqroll le gabier dont il narre les aventures au fil du temps, d'échanges de lettres ou de rencontres, s'attache maintenant à Abdul Bashir, l'ami de quasi toujours de Maqroll, différents dans leur approche de la vie, mais complices dans les coups les plus improbables autour du globe. Abdul Bashir est d'originaire libanaise, d'une famille d'armateurs, et son rêve têtu était de trouver le navire idéal (selon ses critères)... Il en a acheté, revendu, perdu, il a fait fortune, l'a perdue, s'est livré à divers trafics.

Faites connaissance d'Ilona, l'amante des deux amis (sans que leur amitié n'en pâtisse), de Yosip, et du Brise-miroirs, personnage noir donnant froid dans le dos. Alvaro Mutis a le chic pour créer des ambiances, raconter des histoires, attraper le lecteur, le plonger dans un monde d'aventures ... Après plusieurs romans, je n'arrive pas à connaître l'époque, entre les deux guerres mondiales peut-être? Mais peu importe.**

Voici un long passage de Abdul Bashur, le rêveur de navires
"Uranda est un port dont la moitié est lacustre, bâtie sur des pilotis qui s'avancent dans la mer au milieu d'un réseau inextricable de mangroves, et l'autre moitié occupe une colline, zone rouge dans sa presque totalité. La région peut se vanter d'avoir l'indice pluviométrique le plus élevé de la planète, raison pour laquelle l'aéroport demeure fermé une bonne partie de l'année. Le climat, d'une chaleur suffocante, y fait régner une atmosphère de bain turc qui décourage toute initiative et mine tout enthousiasme.  A la fin de l'après-midi, les visiteurs de passage, transformés en authentiques zombies, cherchent désespérément un peu d'ombre fraîche le le verre de whisky qui, peut-être, les fera revivre. Ni l'une ni l'autre de ces choses ne présentent de difficultés majeures. Pour l'ombre, la nuit s'en charge en tombant d'un seul coup avec son cortège de gros moustiques et d'insectes aberrants qui semblent surgir d'un cauchemar de science-fiction (...) Quant au verre de scotch, on le trouvait à l'époque au bar de l'unique hôtel habitable du port, qui portait le nom original d'hôtel des Voyageurs. Une bâtisse délabrée en ciment rongé par la moisissure et la rouille, aux trois étages suintant en permanence, au-dedans comme au-dehors, d'une humidité verdâtre et puante. Conception typique d'un ingénieur, avec des espaces aux proportions tantôt démesurées, tantôt mesquines, mais toujours gratuites, selon l'humeur et la fantaisie du maître d'oeuvre chargé de la construction.Une immense salle à manger dont le haut plafond était maculé par les fuites suspectes de tuyauteries mal ajustées; une réception longue et étroite où régnait une atmosphère asphyxiante chargée d'odeurs légèrement nauséabondes et qui suscitait immédiatement la claustrophobie; des chambre dont les formes rivalisaient d'absurdité: beaucoup; sans que l'on sache pourquoi, se terminaient par une angle aigu capable de rendre insomniaque l'hôte le plus serein. Le bar é"tait installé le long d'une autre couloir étroit, sans fenêtres, qui reliait la réception à une cour où se trouvait la piscine, citerne glauque aux eaux verdâtre qui abritait une faune indéfinie de créatures aux yeux globuleux tenant pour moitié du poisson et du saurien nain. (...) Le soulagement que l'on aurait pu ressenti en buvant un whisky où flottaient d'inquiétants glaçons de couleur brune ... (je termine là, on a compris, pour l'ambiance)

Septième et dernière chronique du volume, Le rendez-vous de Bergen. Qui consiste en trois parties, relatives à Sverre Jensen le marin, Alejandro Obregon le peintre, et Jamil dont je ne dirai rien de plus. Trois expériences vécues par Maqroll ayant, selon l'auteur, "révélé chacune à sa manière et en son temps des régions de l'âme qui lui étaient inconnues et dont la découverte l'a marqué pour le reste de ses jours."

Cheminer avec Maqroll et ses amis autour du monde, dans des activités souvent aux franges de la légalité, dans des ports à bagarres et bouges mal famés se révèle addictif et c'est un beau voyage que de lire les sept petits volumes, sur une durée à choisir. Ecriture fluide, passage maîtrisé d'un narrateur à un autre.

"Ces instants de la vie où nous nous disons que le coin de la rue que nous n'avons jamais tourné , la femme que nous ne sommes jamais revenus chercher, le chemin que nous avons quitté pour en prendre un autre, le livre que nous n'avons jamais terminé, tout cela s'accumule pour finir par former une vie parallèle à la nôtre et qui, d'une certaine manière, nous appartient aussi."

* Le narrateur, tout comme Alvaro Mutis, a passé son enfance en Belgique et vit au Mexique, travaille pour des compagnies internationales et même des compagnies de cinéma et est marié à une catalane. Un double de Mutis?
** Après la seconde guerre mondiale pour certains épisodes

Et voilà, terminée la lecture de ces sept romans, réalisée sur plusieurs années, et je suis un peu triste...

vendredi 4 mars 2016

Le lagon noir

Le lagon noir
Kamp Knox
Arnaldur Indridason
Métailié, 2016
Traduit par Eric Boury


Quoi! J'avais laissé Erlendur depuis L'homme du lac? La bonne nouvelle, c'est qu'il m'en reste quelques uns à découvrir, y compris Les nuits de Reykjavik où Indridason reprend son héros au tout début de sa carrière. Un prequel, tout comme ce Lagon noir, mais cela n'a finalement pas trop d'importance : Erlendur est un tout jeune policier, fraîchement divorcé, épiant sa fille chérie dans la cour de son école. Un tendre, déjà.

Comme dans Opération Napoléon, Indridason évoque l'installation des soldats américains en Islande, dans des bases plutôt fermées et suscitant des réactions diverses dans la population: retombées économiques, oui, mais sensation d'occupation aussi. Surtout qu'Américains et Islandais se côtoient fort peu.
En 1979, c'est la guerre froide, l'Islande est proche du Groenland, lui-même pas loin de la Sibérie soviétique. La découverte d'un cadavre dans le lagon noir mènera Erlendur et Marion Briem à enquêter sur la base, avec toutes les difficultés imaginables; Heureusement ils seront aidés par une policière américaine.

Par ailleurs, Erlendur, toujours fasciné par les histoires de disparitions (le lecteur sait qu'il pense à son frère), se penche sur celle, jamais élucidée, d'une jeune fille vingt-cinq ans plus tôt.

Du polar comme on les aime, qui prend son temps (mais pas trop), des enquêteurs humains et à l'écoute, pas de détails sanglants, du psychologique (mais pas trop), rien de trépidant à user les nerfs, mais un suspense soutenu et un bon découpage. Plus une balade en Islande de ces années là et un aperçu de la cuisine (euh...)

L'avis d'Electra (on a fait une LC sans le savoir, alors?)


mercredi 2 mars 2016

Flaubert à la Motte-Piquet

Flaubert à la Motte-Piquet
Laure Murat
Flammarion, 2015

Mise en abyme ou pas, ce livre serait parfait à lire dans le métro : court (moins de 100 pages), amusant, passionnant (risque de rater la station?), brefs chapitres, occasion de réfléchir et regarder autour de soi. L'idée n'est pas d'elle, Laure Murat a noté les lectures des usagers du métro, sans chercher vraiment la grosse étude sociologique, et présenté le résultat (en annexe) , le corps du livre consistant en observations et réflexions.

Tiens, le choix du titre!Elle s'amuse beaucoup à imaginer les ambigus (Sartre à Saint-Germain des Prés ou Pascal à Port-Royal), évite Sade à Bastille ou Proust à Madeleine, refuse Mary Higgins Clark à Créteil-Préfecture, pense à Queneau dans le métro, pour finalement se fixer sur Flaubert à la Motte-Piquet.

Citant Walter Benjamin : "On ne lisait pas en diligence et on ne lit pas en auto. La lecture de voyage est tout aussi inséparable du déplacement en chemin de fer que l'arrêt dans les gares."

Comme dans son précédent livre (Relire), Laure Murat s'attache à une pratique accessible à tous, que ce soit lire dans le métro ou noter les lectures. Sur Facebook j'ai repéré une personne proposant des photos  prises dans le feu de l'action de livres lus dans les transports en commun. Et vous, pouvez-vous résister à l'envie de savoir ce que lit la personne à côté ou en face? (moi, non)