jeudi 29 août 2019

En attendant le jour / Sur un mauvais adieu / Dark sacred night

En attendant le jour
The late show
Michael Connelly
Calmann Levy, 2019
Traduit par Robert Pépin


L'inspecteur Renée Ballard s'est fait éjecter de son poste d'enquêtrice au LAPD et se retrouve reléguée dans le quasi placard d'une place de nuit, où elle peut prendre les premières constatations, mais pas enquêter. Frustrant, mais la jeune femme décide de poursuivre trois affaires, l'une de cambriolage et vol de carte bleue, entre autres, la deuxième, une agression particulièrement sordide et violente, et la troisième, une fusillade dans un night-club. Il lui est clairement fait comprendre qu’elle n'a pas à fourrer ses pattes dans la dernière.
Tenace, elle fouine, se retrouve dans une situation fort dangereuse, et à la fin les mystères sont éclaircis.
Du classique, donc, pour cette nouvelle série (enfin, j'espère que ce sera une série) de Connelly, avec une héroïne talentueuse et qui en veut, un peu 'cavalier seul'. Comme d'habitude avec Connelly on a plein de détails sur le fonctionnement de la police et de la justice, mais juste ce qu'il faut, avec une utilisation des dernières technologies.
Sans surprise, j'ai beaucoup aimé, il n'était pas question de rater ce nouvel opus!

Les avis de maggie,

Sur un mauvais adieu
Michael Connelly
Poche, 2019
Traduit par Robert Pépin
Existe en poche!

Vu en librairie, et hop, acheté sans trop tergiverser. Harry Bosch est toujours là, mais à la brigade de San Fernando, assez libre de son temps pour s'adonner à des recherches plus privées. Un très très riche industriel l'approche si l'on ose dire (maison blindée!) pour lui demander de rechercher une descendance éventuelle. Des milliards sont en jeu, on ne rit plus! Par ailleurs à San Fernando sévit depuis quelques années un violeur (n'hésitant pas à laisser des traces, tellement il est sûr de lui) et tout indique qu'il pourrait passer au meurtre.
Deux enquêtes, donc, palpitantes bien sûr, que les fans ne doivent pas rater, et ce peut être une occasion d'enfin connaître Harry Bosch, n'est-ce pas? On s'y retrouve très bien.

Dark sacred night
Michael Connelly
Orionbooks, 2018 ou 2019 (poche)(pas traduit)



Ah voilà ce que tout fan attendait! La rencontre Ballard/Bosch! Plutôt amusante pour le lecteur qui pour une fois en sait plus. Ils vont travailler sur une vieille affaire jamais élucidée où il faudra éplucher pas mal de documents, beaucoup téléphoner, etc. Par ailleurs chacun mène ses enquêtes relatives à son département. Le lecteur a donc plusieurs histoires, certaines bouclées rapidement, d'autres rejaillissant plus tard.

Comme d'habitude, c'est plaisant à lire, et vu du côté enquêteurs. Donc (ouf!) pas de plongée dans les cerveaux de serial killer au long du roman, et pas de plongée dans les cerveaux des victimes (en italique en général, je n'en peux plus!). De plus pas de descriptions gore, même si bien sûr il y a des morts... Des enquêtes bien épluchées, réalistes, où on ne prend pas le lecteur pour un idiot, ça me va!

Encore une fois,  le challenge de Philippe

lundi 26 août 2019

Pourquoi les hommes fuient?

Pourquoi les hommes fuient?
Erwan Larher
Quidam, 2019


Jane a 21 ans et pas froid aux yeux (ni ailleurs d'ailleurs), vivant sa vie à 200 à l'heure. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et a le sens de la répartie cinglante (pour le plus grand plaisir du lecteur). Côté famille? Des grands parents peu attractifs qui se révéleront moins moches qu'attendu, une mère décédée et un père en pointillés finalement disparu on ne sait où. Seul indice lâché par sa mère : c'est un musicien. De fil en aiguille Jane enquête, rencontre, découvre le milieu rock des années 80, les petits groupes qui percent, disparaissent, un milieu où l'on se marche sur les pieds et lutte pour sa part de lumière.

Que l'on ne s'y trompe pas, ce roman ne se résume pas à la quête du père, il est beaucoup plus dense et riche que cela! Le monde du rock comme si vous y étiez,  la fuite en autarcie dans une campagne reculée, les portables qui buguent mystérieusement, des grèves, manifestations, de la violence policière, des auras ou manques d'auras, mais dans quel monde sommes-nous? Le retour de Billie, mère de Marguerite (celle qui n'aime pas ses fesses), des scènes gouleyantes, Jane n'appréciant pas qu'on lui pique sa place de train, le type aviné dans le bistrot, les colocataires de Jane, une journaliste locale, un plan à trois, un personnage ne comprenant pas la signification de 'non'. Des retours vers le passé, éclairant le présent, un suspense bien mené. J'ai dévoré le tout.

As de Trêfle au Bateau Ivre (https://www.leprog.com/186-la-petite-histoire-du-bateau-ivre.html)
Quelques extraits

Jane utilise pas mal de vocabulaire et tournures 'jeune', mais on suit (j'ai quand même dû chercher MMORPG et yolo, shame on me)
-  Si on a inventé un mot, c'est parce qu'il n'y en avait pas pour dire ça.
- On dit ce qu'on veut, surtout!"

Avec le colocataire, Greg
"- Neuf heures?! Bordel, Greg, je me suis padgée à cinq dum, et puis on n'entre pas dans la chambre des gens à neuf heures un dimanche matin!
Ce taré de petit bourge confit dans ses habitudes, je parie qu'il préférerait une dictature militaire à une pénurie de lait bio."
(et peu après on a une description d'un magasin bio par Jane, ça vaut son pesant de quinoa.)

A feuilleter je retrouve pleiiiiiiiin de passages réjouissants.

Mais aussi

"L'hiver t'est merveille à présent. Lactescence pureté tavelée de crissements, de craquements, ponctuée de diamants givrés, le rien réverbère le rien à perte de vue, un aperçu des origines, ou de l'éternité. les larmes nivéales aux branches pendues disent le chagrin de la forêt, affirment qu’elle était là avant la matrice qui la rase et survivra à l'implosion de celle-ci.
Découvrir que le silence de la solitude n'en est pas un non plus."

"Tu plantes, cueilles, chasses sans te poser de questions. S'en posaient-ils, tes ancêtres berrichons au XVIIème siècle? La culture, l’éducation, les livres ont enherbé les esprits, lents vénéfices qui ont accouché d’ego monstrueux. Et de questions. Trop de questions. Heureusement, on a inventé la télévision."

Erwan Larher fait partie du club très fermé des auteurs dont je veux tout lire, et arrivée au 7ème opus j'ai tenté de comprendre pourquoi. Une belle imagination flirtant parfois avec l'imaginaire, un regard acéré sur notre monde et éventuellement des pistes de solutions, des personnages parfois brut de pomme sur lesquels l'on sent le regard bienveillant du créateur, et cette écriture dense et drue qui paraît couler de source, pourtant on sent que la barre est haute et pas question d'à peu près.

Les avis de Cunéipage,

lundi 19 août 2019

Washington Square

Washington Square
Henry James
Paru en 1880
Lu avec la version Omnibus, 2013
Traduit par Camille Dutourd


Poursuivons notre lecture des œuvres de James. De toute façon certaines blogueuses n'hésitent pas à proposer des piqûres de rappel. Après Portrait de femme, voici Washington Square, New York, du temps où la ville était en pleine expansion (vers le nord, ai-je appris), pour une histoire démarrant vers 1850.

Cette fois, peu de personnages. Catherine est la fille du docteur Sloper. A 20 ans passés, elle n'a pas grand chose pour attirer les prétendants. Ni belle ni laide, timide, obéissant  à son père, d'intelligence moyenne. Mais elle est plutôt riche et le sera encore plus. Autant dire que son père n'apprécie pas du tout la cour que lui fait Morris Townsend, d'après lui plus attiré par l'argent de Catherine que par ses qualités. Lavinia Penniman, tante de Catherine, prend fait et cause pour le jeune couple, jusqu'à franchement pousser le bouchon un peu loin. Le temps passe, père et fille effectuent le classique voyage en Europe (une année entière!), les lignes ont-elles bougé?

Subtilité ironique, voilà une des marques de James, très fort pour explorer l'intérieur de ses personnages, en gardant un flou cependant. Je m'interroge encore sur ce que ressentaient réellement les héros, sur leurs motivations profondes, en tout cas des zones d'ombre demeurent, à chacun de picorer les indices. A chacun aussi de se satisfaire ou pas de la fin.

Les avis de cléanthe, une vie à lire, nathalie,


jeudi 15 août 2019

La France (chroniques)

La France
Chroniques
Aurélien Bellanger
Gallimard / France culture, 2019





Simplissime en apparence : des chroniques quotidiennes sur France Culture, d'août 2017 à décembre 2018, on imprime et voilà. Mais Aurélien Bellanger, que je découvre ici, est un type qui sait appâter le lecteur par des accroches souvent autobiographiques et pleines d'humour, pour le conduire mine de rien à des réflexions fichtrement intelligentes et fines sur la France en général, mâtinées souvent de philosophie.

"J'aime beaucoup les timbres, les images d'Epinal et BFM sans le son." conduira à Macron et Charlemagne.
"J'ai commencé cet été les Mémoires de Saint-Simon. Moitié par curiosité, c'est un monument de notre littérature, moitié par masochisme. Non pas que cela soit difficile à lire - Les Mémoires de Saint-Simon, c'est une excellente lecture de plage, c'est Voici à la cour du Roi-Soleil, c'est la vie intime des célébrités d l'époque, c'est cruel comme une photo zoomée sur la cellulite d’une célébrité, c'est méchant comme un paparazzi dans un tunnel."
Son papier sur Houellebecq (qu'il admire) mériterait d'être cité in extenso.

Un (seul) avis sur Babelio, mais je le partage dans les deux sens du terme.

jeudi 8 août 2019

Dans le faisceau des vivants

Dans le faisceau des vivants
Valérie Zénatti
Editions de l'Olivier, 2019

Aharon Appelfeld est mort le 4 janvier 2018 et Valérie Zenatti l'apprend dans le taxi qui l'emmène à Orly, en route pour le retrouver - trop tard- à l'hôpital. Elle évoque longuement sa découverte de l'auteur, ses rencontres avec lui, son travail de traductrice, de ses romans, ou en interview. Elle visionne des vidéos. Elle est en deuil, comme pour un père, et dans la seconde partie du livre elle se rend à Czernowitz (Tchernivtsi aujourd'hui, en Ukraine), le jour anniversaire de la naissance d'Appelfeld, près de cette ville, le 16 février 1932). Se laissant porter par le hasard, puis choisissant de se rendre au bord du fleuve, non sans avoir vécu la veille une drôle d'expérience de sidération.

Un livre qui permet de mieux connaître Aharon Appelfeld (avoir lu au moins un de ses livres -c'est mon cas- ça aide quand même) et Valérie Zenatti.

Des passages permettant de saisir en partie la belle richesse de cet essai:

"Lorsque j'écris mes propres livres, je vis pendant plusieurs mois avec ceux que l'on appelle mes personnages, ils accomplissent leur travail de transformation intérieure, ils cherchent en moi une raison de vivre en éclairant quelques zones d'ombre sur leur passage et quand le livre est achevé, laissant derrière eux un sillage d'espoir fragile - d'autres les aimeront peu-être. Tandis que lorsque je traduis ses livres, ses personnages entrent en moi, pas à pas, et une fois la traduction terminée, ils ne me quittent plus, ils font partie de moi." VZ

"Avant de partager la même langue, avant que l'hébreu soit conquis au terme d'un combat où chaque mot introuvable était un désarroi amer et chaque mot correctement employé un soulagement, avant cela nous avons partagé le silence hébété des 'nouveaux immigrants'. Puis nous nous sommes mis à parler cette langue dans laquelle nous n'avions pas vécu, c'est-à-dire une langue dans laquelle nous n'avions pas découvert le monde ni été aimés, dans laquelle nous n’avions pas souffert non plus, et surtout dans laquelle n'étaient pas inscrits les silences de l'enfance. Nous nous sommes glissés dans l'hébreu comme dans des draps rugueux, dans une hospitalité qui créait grossièrement mais sûrement un espace inviolable par le passé, dont on pouvait se donner l'illusion qu'il n'avait pas eu lieu. Le merveilleux oubli avait aussi permis la renaissance." VZ

"Je me sens chez moi en Europe. Mes parents parlaient français et ils seraient malheureux aujourd'hui de voir que je ne le parle pas. C'étaient des gens laïcs, ils n'allaient jamais à la synagogue mais le jour de Kippour ils fermaient les volets et lisaient A la recherche du temps perdu." AA

Les avis de Aifelle, Sylire, Laure,

lundi 5 août 2019

Long island

Long Island
Orient
Christopher Bollen
Calmann-Lévy, 2017
Traduit par Nathalie Peronny


Ballotté durant son enfance dans des familles d’accueil en Californie, le jeune Mills file à l'est, commence à s'enfoncer dans une vie précaire à New York, puis est repêché par Paul, un quadragénaire originaire d'Orient, petite bourgade à l'est de Long Island, qui l'engage pour des travaux dans sa maison.

Décès plus ou moins suspects, incendie criminel, découverte de créatures étranges sur la plage, se succèdent à Orient, quasiment dès l'arrivée de Mills, et le voilà pris dans un filet car tout concourt à le désigner comme coupable. Paul le défend, ainsi que Beth, son amie avec laquelle ils vont démarrer une enquête.

Ce gros roman n'est pourtant pas qu'un bon suspense bien mené, c'est aussi une vision non dénuée d'humour de ce petit monde où se côtoient, s'épient, se fréquentent les nouveaux arrivés à Orient, souvent artistes, riches parfois, se lançant alors dans des travaux de rénovation, et les anciennes familles, attachées à leurs habitudes, mais même parmi eux des scissions se font jour. Par exemple Paul et Beth ont été élevés à Orient, mais sont partis  à Manhattan et sont revenus. Beth, artiste n'ayant pas connu le succès, s'interroge sur son désir d'avoir un enfant avec Gavril, son époux originaire de Roumanie,qui lui vend bien ses œuvres.

Des avis, Babelio,

Un gros pavé qu'on ne lâche pas, idéal pour le challenge de Brize. En fait j'avais lu les dernières pages, mais l'intérêt était toujours là, au contraire : bon point pour ce roman!