mercredi 31 décembre 2014

2015 arrive! London for ever (1)


Parmi les quelques photos ramenées de mon voyage à Londres début novembre 2014, celle-ci, prise du Royal Opera House durant l'entracte, est assez illuminée pour une carte de vœux.

Bonne année à tous!

A part, ça, pour moi, un voyage commence à Paris! Sainte-Chapelle, Conciergerie, Expo Hokusaï, rien ou presque ne m'arrête (même pas les deux heures de retard du train suite à un vol de métaux sur la voie...)(on ne me l'avait jamais faite, celle-là).
L'horloge au coin de la Conciergerie
Départ gare du nord : mais je rêve, c'est un tableau avec flip flap et non pas un truc électronique? J'immortalise l'instant rétro.
Le soir même, Idoménée à Covent Garden, je suis In ze place, j'en rêvais!


Les deux soirées suivantes seront consacrées aussi à des concerts dans d'autres salles, au programme Beethoven, et Chostakovitch, Tchaïkovsky, ainsi qu'un autre russe pas connu (et Bach en bis!). Violons de légende, Guarnerius, Stadivarius.  Mais quelle offre à Londres! (bon, Paris n'est pas mal non plus)

Ce court séjour était placé sous le signe de la musique et de l'art, sans négliger le Londres moderne que je ne connaissais pas.




The Shard (Renzo Piano) plus haut que la Tour Eiffel

Du haut de The Shard, fantastic! et franchement quel temps magnifique... (est de Londres)

On ne s'en lasse pas... (vers le nord)


(Vers l'ouest)

Les douves de la Tour de Londres et les poppies pour le mois de novembre

Promis, je vais essayer de proposer la suite (Londres de toujours...) début 2015!

samedi 27 décembre 2014

Orphelins de Dieu

Orphelins de Dieu
Marc Biancarelli
Actes Sud, 2014



Avouons-le carrément, ce n'est pas la couverture qui m'a portée vers cette lecture (quoique, quelle autre choisir? ou alors dans le même registre...), mais la découverte de l'auteur avec Murtoriu, écrit en corse et traduit par Jérôme Ferrari, ainsi que le billet de Ys Tête de lecture (mercîîîî^!)

Au fil de la lecture j'ai deviné que l'histoire se déroulait en Corse (avec un peu d'Italie et de Grèce) au cours d'un dix-neuvième siècle rural, rude et violent. Le jeune berger Charles a été horriblement agressé par une bande de bandits, juste pour le plaisir de faire mal, et sa soeur Vénérande convainc Ange Colomba de l'aider à châtier les coupables. Ange Colomba, dit l'Infernu, ancien résistant à l'armée/combattant/mercenaire/bandit de grand chemin/brigand, un poil au bout du rouleau. Alternent l'histoire de cet Infernu avec des bandes pillant, volant, violant, et celle de la vengeance de Vénérande.
Le tout raconté dans une langue "hallucinée", âpre, emportant tout sur son passage dans un souffle épique. C'est noir mais sidérant, cela se lit sans traîner, quelques détails font frémir, mais Biancarelli n'insiste pas et cela fait partie de son histoire. Ange Colomba a-t-il vraiment eu le choix, dès sa jeunesse il était destiné à vivre arme à la main...
La quatrième de couverture parle de western, et comme une citation de True Grit figure en exergue, pourquoi pas?

Un passage: "Je n'ai pas connu tes malheurs dans l'enfance, Ange, et je sais que tu as d'autres raisons que les raisons de la patrie, mais je t'aime bien. Je t'aime beaucoup. Je pense même que j'ai combattu plus longtemps que je ne devais rien que parce que des hommes tels que toi étaient à mes côtés. Je veux dire des orphelins de Dieu. De ces jeunes combattants que le destin a jetés par les chemins. Non pas la liberté qu'on nous a prise, mais cette misère que les guerres ont semée, et ces injustices qui ont poussé sur la lie des batailles."

L'avis de dasola, jérôme,

mercredi 24 décembre 2014

Billet de Noël (respectons les traditions bloguesques)

Joyeux Noël à toutes et à tous!

Comme vous avez été sages, je vais vous parler de chats. (Oui, on craint le pire)

Il était une fois une princesse féline, née dans un lointain pays tropical (sur mon ex blog on la voyait escalader un papayer à la force des griffes) et vivant des jours calmes, choyée par sa maîtresse. Affectionnant les radiateurs bien chauds et les couettes moelleuses, sans dédaigner un tour de jardin, Niouga 1ére, aka la louloute était la reine du quartier, adorée de tous (on me chuchote dans l'oreillette qu'une maman mulot ne partage pas cet enthousiasme, depuis la disparition prématurée d'un de ses rejetons)(dégusté dans ma salle de bains à 4 heures du matin)
Jusqu'au jour où elle dût rejoindre le garage, la maison étant occupée périodiquement par de "vilains ouvriers", sympathiques d'après sa maîtresse, mais fort bruyants quand même. Le coup de la bétonnière en plein job juste devant le garage, c'est mal passé.
Petit à petit la bête s'y faisait, les semaines s'écoulaient. Sa maîtresse remarquait juste une diminution un peu forte du niveau des croquettes, mettant cela sur le compte du Prince roux, mastard du royaume voisin, bien connu de ses services pour profiter d'une porte ouverte et grignoter les croquettes dans la cuisine. Rien de grave, donc.
Sauf qu'un beau matin Niouga grogna et refusa de revenir dans le garage, ayant déjà établi ses pénates dans une dépendance du voisinage.
Le garage n'était plus vide!
Sous des airs de peluche inoffensive le bientôt dénommé Squatty, chaton abandonné de trois quatre mois environ, cachait une volonté affirmée d'occuper le terrain, à savoir un garage rempli de cartons, meubles, couvertures, donc cat-friendly au possible.

On ignore comment l'histoire finira. Une chose est sûre, ils n'auront pas d'enfants ensemble. Un récent face à face félin s'est soldé du côté de Niouga par des grognements sans empathie, du côté de l'envahisseur par une retraite prudente... Les postures animales indiquent un refus de coopérer pour l'une, une envie de faire plus ample connaissance pour l'autre.

Scoop : pour la première fois, une photo du chaton! (c'est fou ce que c'est hyperactif, ces trucs là, impossible de le photographier à loisir)
Vous auriez résisté, vous? Je suis cuite!

De plus c'est une boîte à ronrons

lundi 22 décembre 2014

Le pays silencieux

Le pays silencieux
Christine Cerrada
Michalon, 2014


A part chez Le bouquineur avec son beau billet, silence radio pour ce roman ayant vraisemblablement eu la malchance de sortir au moment du raz-de-marée de la rentrée littéraire. Quand l'auteur me l'a proposé j'ai accepté parce que "je le sentais bien", et je crois que les blogs ont aussi pour rôle de rattraper les oublis.

A quarante-huit ans, Laure Brenner vit ses derniers mois. Un cancer du sein détecté trop tard (les filles, faites-vous suivre régulièrement!), des traitements sans effets positifs, la décision de les stopper en accord avec médecins et entourage, sans cependant arrêter les analyses et les transfusions lui apportant des "répits".
Elle enregistre ses pensées, son journal de bord, son mari Louis étant chargé de les mettre sur papier quand elle ne sera plus là. L'on sait donc que Laure est décédée, même si sa voix nous accompagne.

Avant d'aller trop loin il me faut dire que ce roman n'est absolument pas plombant et tire-larmes! Règne une atmosphère paisible, maîtrisée, sereine : Laure a déjà parcouru du chemin dans sa maladie, on le sent, et elle passera de l'espoir à l'espérance (non, ce n'est pas du tout la même chose!). Elle est bien entourée, avec un mari amoureux, un fils, une infirmière, et un ami d'enfance, Paul, qu'elle sera capable d'aider. Pas de problèmes de moyens, et la petite troupe pourra passer des semaines dans une propriété du sud-ouest (et tester des médecines inattendues). L'état de Laure évolue doucement (vers le moins bon), tout est crédible, bien sûr c'est poignant, mais on n'a pas envie de crier à l'injustice, Laure ne le voudrait pas non plus.

"Si je n'étais pas malade, je serais en train de courir vers la bouche de métro, un sac Picard à la main contenant le repas du soir. Je penserais aux résultats de l'agence, à un dossier pas encore bouclé. Je n'aurais pas eu le temps de regarder le ciel, ni ce qu'il en tombe! Je ne connaîtrais de la météo que ce qu'en dit la radio..."

J'ai aimé cette lecture sans paillettes, paisible, hors courant. Face à la mort, face à celle d'un proche, les masques tombent, l'essentiel demeure. J'aimerais le faire voyager, ce beau roman, n'hésitez-pas!

J'en ai profité pour découvrir quelques relais de la route du Tokaïdo, estampes de Hiroshige, qui ponctuent joliment le roman.
Arrivée de la route du Tōkaidō (Hiroshige)

jeudi 18 décembre 2014

Le fils

Le fils
Philipp Meyer
Albin Michel, 2014
Traduit par Sarah Gurcel



Encore un de ces bons pavés d'outre-Atlantique, une fresque historique et familiale comme les auteurs américains savent en écrire, pour notre plus grand plaisir ... Au départ le côté Little Big man saute aux yeux, avec Eli, enlevé par les Comanches et racontant une grosse partie de son histoire en 1936, alors qu'il est centenaire. Au cours de la première guerre mondiale, son ranch est prospère, mais son fils Peter n'approuve pas la façon musclée dont son père mène ses affaires. Et de nos jours, plus de vaches pour engranger les dollars, mais le pétrole, et l'arrière petite-fille d'Eli revient aussi sur sa vie de femme d'affaires dans un milieu masculin.

Trois époques, trois personnages, trois vies, une intrigue menée de main de maître, distillant les informations et brossant l'histoire du Texas sur un bon siècle et demi, de façon vivante et passionnante . Nostalgie, réalisme pour un bon morceau de construction des États Unis, réalisée sans tenir trop compte des populations autochtones, encore une fois. Les Comanches n'étaient pas des enfants de cœur, soit, mais voir l'évolution de leur mode de vie est cruel. Les Texans d'origine espagnole n'ont guère eu plus de chance.

Ne passez pas à côté de cette lecture!

Plein d'avis chez babelio.

lundi 15 décembre 2014

L'impensable rencontre

L'impensable rencontre
Chroniques des "sauvages" de l'Amérique du nord
Marie-Hélène Fraïssé
Albin Michel, 2014





Après l'épopée de Lewis et Clark (Lewis et Clark : Le grand retour   La piste de l'ouest) il fallait bien en connaître plus sur cette découverte du continent nord américain par les Européens.
Marie-Hélène Fraïssé, journaliste, grand-reporter (géo, Radio France), productrice d’émissions à France-Culture, où elle dirige le magazine hebdomadaire Tout un monde, auteur d'essais historiques sur l'époque coloniale américaine et les « premiers contacts » avec les Amérindiens (merci wikipedia) paraissait être "la" référence sur le sujet. J'ai donc accepté l'offre de l'éditeur (merci!)

Copieux, sérieux, mais pas du tout indigeste, voilà un livre couvrant bien le sujet. Comme chacun sait, Christophe Colomb n'a pas découvert l'Amérique, il y eut un épisode viking, et de toute façon le continent était déjà habité, cultivé, connu, bien avant, par des populations ayant déjà nommé fleuves et montagnes...
" 'La grande eau'. C'est ce que signifie mississipi en langue algonquienne. L'artère centrale de l'Amérique du nord, rare privilège, a conservé le nom que lui donnaient ses riverains d'origine. Une exception dont bénéficie également son affluent principal, le Missouri, 'peuple des grands Canots' dans la langue sioux.
Il s'en fallut de peu, à vrai dire."

Espagnols, français, anglais, (russes) ont fait des pieds et des mains pour explorer, cherchant d'abord une route vers le continent asiatique, mais aussi être les premiers à commercer, ou à prendre possession des terres sans se préoccuper d'habitants antérieurs (que pourtant ils rencontrent!).
De nombreux documents (rapports, journaux, etc) sont reproduits, sur les contacts, pas forcément les premiers (souvent sans témoignage écrit), entre Européens et populations du grand nord, des côtes est puis ouest, des grandes plaines, sans oublier le sud en venant du Mexique. Passionnant, instructif, et souvent désolant tellement les autochtones sont mal perçus.
Il reste à écrire l'histoire avec les 'voix' des peuples indiens, souligne Marie-Hélène Fraïssié.

"Partout, le pays apparaît sillonné de pistes, semé d'habitats saisonniers, nommé dans ses moindres ruisseaux, ses plus modestes collines. Contrairement à ce qui était annoncé, avec des vibratos dans la voix, le Great Unknown (grand Inconnu) de l'Ouest n'est pas une Terra Nullius, Terre de Personne. Plutôt un immense réseau extensif de peuples divers, aux modes de subsistance et aux croyances souvent comparables. L'arrivée des blancs va en quelques décennies, moins à travers des opérations militaires ou des campagnes d'extermination, que par l'effet des maladies, l'alcool, la chasse immodérée des millions de bisons, les perturbations des modes d'échange et du lien social  traditionnel, les réduire presque  à néant."

Une seule remarque : à force de voyages et lectures je finis par connaître ce continent mais une ou deux petites cartes n'auraient pas nui, je crois.
Pour poursuivre cette lecture:
Allez voir (par exemple) l'entrée Haïda sur wikipedia

 Plusieurs œuvres du peintre Catlin sont au musée du quai Branly.  Si je comprends bien des indiens ont été embarqués en France et montrés au roi.
Portrait de chef indien, "Maun-gua-daus" (Grand Héros)
Œuvre commandée par le roi Louis-Philippe à la suite du spectacle de danses présenté par la troupe indienne de George Catlin au Louvre en 1845, Paris musée de l'Homme
© musée du quai Branly

jeudi 11 décembre 2014

Trente-six chandelles

Trente-six chandelles
Marie-Sabine Roger
la brune au rouergue, 2014



Chez les Decime, les hommes meurent à 11 heures du matin, le jour de leurs trente-six ans, ce depuis des générations. Mortimer est donc prêt, mais le jour venu, rien ne se passe.
Jusqu'ici la vie de Mortimer, quoiqu'il fasse, était influencée par cette date, au point de refuser famille et enfants (et heureusement que ses ancêtres n'ont point fait de même), mais maintenant le voici comme tout le monde, face à la mort sans en connaître la date, ce qui change le point de vue sur l'existence, non?

Humour et émotion  sont toujours là, l'on fait connaissance des adorables Paquita et Nassardine (et de leur baraque à crêpes!) et de l'étrange Jasmine pleurant sur un banc pour aider les autres et fabriquant des chapeaux incroyables... Je sens que les romans de Marie-Sabine Roger vont devenir incontournables pour les moments où l'on veut de jolis sentiments, de chouettes histoires, du rêve...*

"Elle leur a dit qu'elle adorait les crêpes, et elle leur a prouvé qu'elle ne plaisantait pas. Elle a englouti deux Titanic(tartiflette-andouillette). (...) Ensuite, comme elle hésitait, entre une Perdition (banane-chocolat chaud- boule de vanille - speculoos) et une Possession (caramel -beurre salé - tatin de pommes - brisures de macarons), Paquita lui a demandé (etc etc)

"Cette fille, c'était du papier alu entre deux couronnes dentaires, une coupure de l'index sur une feuille de papier, une gerçure aux lèvre qui se fend quand on rit. Une chose insignifiante avec un potentiel d'emmerdement énorme."

* quoique avec Les encombrants ce sera sans doute différent : lecture prévue...

Beaucoup d'avis chez Babelio

lundi 8 décembre 2014

Un an dans la vie d'une forêt

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Un an dans la vie d'une forêt
The Forest Unseen : A Year's watch in Nature
David G. Haskell
Flammarion, 2014
Traduction : Thierry Piélat




Grâce à Dominique j'ai pu m'embarquer dans un voyage immobile fascinant. Biologiste, l'auteur a choisi d'observer durant une année entière un petit coin de forêt, assis sur son rocher (ou couché avec sa loupe). Ses règles : rester silencieux, "déranger le moins possible, ne pas tuer d'animaux ni en évincer, ne pas y creuser ni y pénétrer." Dilemme lorsqu'il y trouve un jour deux balles ayant volé du golf voisin : on les laisse ou on les retire? (p216)

Le petit coin est bien choisi et grouille de vie, et surtout notre homme au fil du temps affine son sens de l'observation. Ne pensons pas uniquement aux chenilles, grenouilles, écureuils ou rapaces, arbres et fougères bien en évidence, mais pensons jusqu'au minuscule, au cellulaire même!

Je me suis régalée dans cette lecture (dense).
Si l'on m'avait dit que même le rumen d'un cerf me passionnerait... (p 46) Les oiseaux résidents souffrant du manque de nourriture l'hiver voient leur nombre limité l'été, ce qui permet aux migrateurs de trouver à se nourrir, justement.(p 37). Les feuilles par temps froid se bourrent entre autres de vitamines C, les Indiens mâchouillaient d'ailleurs des plantes à feuilles vertes l'hiver.(p42). Et les mousses, hein? Saviez-vous que "la ville de New York a décidé de protéger les monts Catskill au lieu de financer la construction d'une station d'épuration."? (p 63) Au passage, j'apprends pourquoi le ciel est bleu (une histoire de photons et de molécules...)(p 120) et que les urubus nous débarrassent de la bactérie de l'anthrax et du virus du choléra (p 242)

Ajoutons que David Haskell sait partager ces multiples connaissances dans tous les domaines (jolie bibliographie à la fin), sans forcément "baisser le niveau", mais en les rendant accessibles de façon souvent imagée. Il n'est pas sorti indemne de ses observations, ayant pratiqué sans le savoir ce que les Japonais nomment shinrin-yoku, 'se baigner dans l'air de la forêt'. (p 255)

Un exemple de passage attractif (enfin, à mon goût) (p 150)
"Les insectes élevés dans des caisses doublées  de vieux numéros du New York Times n'arrivent pas à maturité. Le choix de leurs lectures n'est pas en cause, bien que les insectes élevés sur le Times de Londres parviennent, eux, à maturité. Le New York Times est imprimé sur du papier à base de pulpe de bois de sapin baumier. Cet arbre sécrète une substance chimique imitant les hormones des insectes herbivores qui l'attaquent et il se protège ainsi en retardant le développement de ses ennemis et en les châtrant. Le papier du Times de Londres, lui, vient d'un arbre qui ne dispose pas de ces défenses hormonales, et peut donc servir sans danger de litière pour les insectes du laboratoire."

jeudi 4 décembre 2014

L'île du Point Némo

L'île du Point Némo
Jean-Marie Blas de Roblès
Zulma, 2014



Cher lecteur, vous voulez un bon gros roman dont les 458 pages se lisent en un week end hivernal? oublier votre quotidien? voyager avec des personnages hauts en couleur? L'île du Point Nemo vous attend.

Un Vingt mille lieues sous les mers revisité (avec Nautilus bien sûr) et pour parvenir à cette fameuse île, un périple à la hauteur du Tour du monde en quatre-vingts jours (il n'y a a pas que du Verne là-dedans, puisque des personnages se nomment Holmes ou Bonacieux, mais vous avez compris le principe). Nos héros se tirent de toutes les situations ("Comment nos amis se retrouvèrent indemnes et par quels expédients ils réussirent à continuer leur voyage jusqu'à destination, c'est ce que nous nous permettrons d'omettre pour ne pas rallonger inutilement notre récit."), peuvent tout financer et devinent les codes secrets les plus tordus en bénéficiant d'un flair peu crédible. (Et alors?). Vous apprendrez des techniques utiles - ou pas ("Si certains lecteurs ont eu à enflammer un manchot mort au cours de leur existence, il ne fait guère de doute qu'ils se comptent sur les doigts d'une main. C'est donc pour l'immense majorité des autres que nous détaillerons la manière de procéder."). Vous connaîtrez un voyage un peu mouvementé dans le Transsibérien  ("C'est à cet instant qu'un éléphant s'abattit sur la voiture 5")(je ne me lasse pas de cette phrase). Vous retrouverez peut-être un diamant volé.

Pas mal, non?
Mais ce n'est pas tout.

Une autre intrigue, sise dans le Périgord, se noue à la précédente. On sait assez vite comment, mais au fil du roman des détails communs apparaissent. A vous de découvrir lesquels, au fil de péripéties étonnantes, jubilatoires, baroques. Blas de Roblès possède une érudition (et une imagination) sans limites. La tradition de lecture à voix haute dans les fabriques de cigares à Cuba et ses descriptions d'animaux des grandes profondeurs sont exactes, mais pour d'autres détails, je n'en sais rien. Je n'ai pas voulu chercher non plus, préférant me perdre dans ces noms de groupuscules (juste cherché l'horloge du Panthéon...).

Dans l'usine de Monsieur Wang, on fabrique de drôles de liseuses:
"Du point de vue des éditeurs, il s'agissait simplement de produits d'appel pour vendre ensuite leurs nouveautés. Pour les concepteurs de liseuses, cela n'avait aucune espèce d'utilité. Le temps que les acheteurs ouvrent leur e-books, ne serait-ce que pour les feuilleter, et on aurait changé trois fois de tablettes et de normes de fichiers. L'important, ce n'était même pas qu'ils achètent des livres numériques récemment parus, mais qu'ils achètent encore et encore la possibilité de les acheter. Le même système que partout ailleurs, et qui fonctionnait à vide, comme le reste de l'économie. La bibliothèque numérique n'était qu'une variation moderne du péché d’orgueil, celui de parvenus pressés d'exhiber leur prospérité, s'entourant de livres tape-à-l'oeil - voire de simples reliures vides - qu'ils n'avaient jamais lus et ne liraient jamais"

On peut se perdre?
"Toute phrase écrite est un présage. Si les événements sont des répliques, des recompositions plus ou moins fidèles d'histoires déjà rêvées par d'autres, de quel livre oublié, de quel papyrus, de quelle tablette d'argile nos propres vies sont-elle le calque grinçant?"

Sans vouloir tout révéler de la brillante machinerie du roman, citons:
"Tout se passe comme s'il n'y avait qu'une seule histoire à raconter, un seul récit dont certains pans ressurgissent par bribes, se complètent ou se nient au fur et à mesure qu'ils affleurent à la mémoire. La longue approche en hélice d'un cœur sombre qui ne se laisse deviner que par la récurrence de motifs obstinés et mystérieux."
Même si j'ai pensé aussi au ruban de Möbius



Les avis de Hélène (j'ai zappé les scènes auxquelles tu penses, l'auteur prévient, d'ailleurs), Yv, Papillon, tous d'accord pour vous dire : foncez!

lundi 1 décembre 2014

Ce qui est en haut

Ce qui est en haut
Gilles Haumont
Comment les dernières avancées de la science éclairent la question de l'existence de Dieu
Roman (c'est bien précisé sur la couverture)
Anne Carrière, 2013


En dépit de l'avis positif de Marque-pages, qui a attiré mon attention sur ce livre, je restais un peu rétive. L'auteur prévient que "Ce qui est en haut est un conte. Il a pour seule ambition de présenter de manière accessible la querelle qui anime actuellement la communauté scientifique concernant la question du principe anthropique. Qu'est-ce que le principe anthropique? Tout simplement la constatation que l'univers semble 'construit' pour que la vie évoluée puisse y apparaître, avec un degré de précision qui semble de plus en plus surprenant à mesure que la science progresse."
Il imagine sept personnages, une jeune fille, Ariane, fort éveillée, et six scientifiques de haut (voire très haut) niveau, cosmologiste, physicien, biologiste, astrophysicienne, paléontologue, neurobiologiste, enfermés accidentellement dans une grotte, attendant les secours -qui tardent, et l'eau monte!- et passant leur temps à présenter à Ariane les données de leur spécialité concernant le principe anthropique.

Plusieurs dangers étaient à craindre : que ces conversations demeurent artificielles et les personnages de simple instruments; que l'auteur ne fasse passer de force une opinion ou une autre.

Mais finalement, après le prologue un peu embrouillant, j'ai lu avec un vif plaisir la présentation de ces théories scientifiques actuelles, exposées clairement, avec éventuellement les théories contradictoires ou les non réponses de la communauté scientifique, et j'avoue avoir dévoré ce livre très rapidement, trouvant les personnages attachants et le suspense prenant. Les dialogues non dénués d'humour rendent le tout fort digeste et l'histoire et l'évolution des personnages leur donnent chair sous nos yeux.

Pour lecteurs curieux? L'expérience vaut la peine. N'hésitez pas à aller chez Marque pages pour plus de détails et d'exemples.

jeudi 27 novembre 2014

Drôle de karma!

Drôle de karma!
Sophie Henrionnet
City, 2014



Bon, compte tenu du net ralentissement dans ma vie de lectrice et de blogueuse, j'avais dit "plus de SP" et "évitons le direct avec l'auteur". Bien évidemment j'ai donc dit oui à l'auteur quand elle m'a proposé son premier roman. Un coup d'oeil à son blog sixinthecity (oui, quatre enfants pour cette chirurgien-dentiste, dixit la quatrième de couverture, ça doit faire 6 à la maison?) a fait pencher la balance en sa faveur (mais cette expression doit dater de la Roberval, non?), sans parler d'une envie tenace de lecture plus légère.

Joséphine a trente ans, elle habite à Paris, est vendeuse- plus pour longtemps-  dans un salon de parfumerie et quasi fiancée - unilatéralement va-t-elle le découvrir. Sa réaction quand elle réalisera la situation est fort jouissive, je ne dis que ça!
Donc une fille "moyenne" qui dès le début du roman accumule les mauvaises surprises;  sa vie change lorsque décède sa voisine Astrid (la blonde parfaite à qui tout réussit, grrr).
Là voilà en Angleterre à donner des cours de français aux enfants d'un couple charmant, dans une de ces grandes demeures anglaises à vaste parc, avec petit personnel, sans oublier l'aïeule et les frères du propriétaire (oui, vous le sentez, il y aura de la romance...).

Soyons réalistes, je n'ai grillé aucun neurone au cours de ma lecture, et je ne m'y attendais pas, mais le cahier des charges est bien rempli : une héroïne sympathique et pétillante, une histoire qui se tient, de la romance (on a un cœur), de l'humour, un poil de mystère,  des personnages secondaires bien campés, des dialogues vifs, pas de longueurs, que demande le peuple?

En prime, j'ai lu ce roman après un séjour à Londres et ai été ravie de me retrouver dans cette ville. Quand au Royal Scotsman, mais c'est le rêve! Prévoir tenues de soirées...

Ah oui, j'ajoute qu'il n'y a pas de scènes trop explicites, et pas de langage vulgaire. Ce qui gâte souvent le plaisir des romans de chick lit (surtout les anglo-saxons, est-ce un problème de traduction?)

lundi 24 novembre 2014

We are all completely beside ourselves

We are all completely besides ourselves
Karen Joy Fowler
Serpent's Tail, 2014
Pas encore traduit, désolée, mais ça viendra sûrement


Plus qu'attirée par les mystérieux billets enthousiastes de Cuné  et cathulu, j'ai craqué et acquis dans une librairie londonienne (zozone n'est plus mon ami) ce roman qui -à moi de jouer les mystérieuses - ne laisse pas indifférent, réserve au moins une surprise, et a parfois laissé mon cœur rater un battement.

Rosemary Cooke décide de raconter sa vie en démarrant par le milieu, pourquoi pas? En 1996, la voilà étudiante en Californie, endroit choisi comme éloigné de l'Indiana où résident encore ses parents. Son père est "psychologist" (cela peut recouvrir beaucoup de choses, je ne traduis pas). "Je sais que ce qui est étudié ostensiblement est rarement ce qui est étudié."
Durant ses cinq premières années, la famille compte trois enfants. Jusqu'au jour où, envoyée chez ses grands parents, elle découvre à son retour la disparition de sa soeur Fern. "Before, I had a sister. After, none."(Avant j'avais une sœur. Après, non).  Son frère Lowell ne s'en remet jamais et en 1996 cela fait dix ans qu'elle ne l'a pas vu. "Before, my brother was part of the family. After, he was just killing time until he could be shed of us." La vie de Rosemary bascule aussi. Petit à petit on en apprendra plus sur cette famille, vue par Rosemary, réactualisant ses souvenirs (fiables?).

Un roman fort subtil, aux pointes d'humour (si, si!) et aux moments intenses où le cœur saigne de penser à ces trois enfants et aux conséquences dans leur vies des choix des adultes. Je ne veux rien dévoiler de certain détail, mais il mène à des descriptions fines (Rosemary à l'école, par exemple) et aussi à des connaissances scientifiques passionnantes.

Pas la peine d'avoir des parents scientifiques et fils des sixties si:
"One day, a package of junior-sized tampons was left on my bed azlong with a pamphlet that look technical and boring, so I didn't read it. Nothing was ever said to me about the tampons. It was just blind luck I didn't smoke them."

Ok, je suis méchante de conseiller ce roman si fort, si bien agencé, si intelligent, si prenant ... et non traduit, mais patience, notez le titre, il arrivera en français et ne le ratez pas!

jeudi 20 novembre 2014

Je dénonce l'humanité

Je dénonce l'humanité
Histoires
Frigyes Karinthy
Viviane Hamy, 1996
Traduit par Judith et Pierre Karinthy

"J'ai rêvé que j'étais deux chats et que je jouais ensemble"

Dans la famille Karinthy, voici le père (Ferenc, le fils, est l'auteur d'Epépé)(j'ignore le lien avec les (excellents) traducteurs) avec un quarantaine de courts textes.

Humour et tendresse dans J'aide mon fils à résoudre un affreux problème de proportionnalité double ou triple, mais ensuite l'humour est fortement teinté de logique absurde. L'art de la procrastination est décrite avec talent dans Au saut du lit, Mes poches (quel bric-à-brac là-dedans) ou ou l'inénarrable Le lacet de chaussure. Incursions fantaisistes dans le voyage dans les temps, un peu d'ajout à l'histoire antique, rencontres inattendues dans la Hongrie du début 20ème siècle (nouvelles écrites de 1912 à 1934), mais parfois plus de sérieux quand un auteur se rencontre soi-même plus jeune, lui reprochant de n'avoir pas réalisé ses rêves élevés, ou surtout Conserve d'homme (1917), virulente critique de la guerre ...
"Agiter avant usage (après usage, bien secouer sa conscience). Laissez réchauffer dix minutes dans l'eau bouillante, puis ouvrir à l'aide d'une baïonnette, jeter le contenu dans la tranchée  et frotter un peu. Le soldat en conserve remplace à merveille l'original"

Il n'hésite pas à vouloir écrire une critique du nouveau billet de mille couronnes (texte, illustrations) et demande carrément à la banque un spécimen gratuit de cette publication (amis blogueurs, en voilà une belle idée!)
Un dialogue entre le chef bourreau et l'homme soumis à la question devrait réjouir aussi les amateurs d'humour noir, et je termine cependant avec du plus léger (le catalogue de trucages à destination des actrices, par exemple : "Prince étranger apparaît après le spectacle dans le hall du théâtre et attend madame l'Actrice, 8000 francs"  etc.

Ce recueil épatant permet en outre d'ajouter un auteur hongrois supplémentaire à ce blog, et de participer au mois de la nouvelle chez Flo.

Des avis ici et  chez Maryline

lundi 17 novembre 2014

Les limiers de Bafut

Les limiers de Bafut
Au pays des souris volantes (Cameroun, années 50)
The Bafut Beagles
Gerald Durrell
Traduit par A de Noblet
Phébus, 1997

Les habitués de ce blog ne s'étonneront pas de découvrir (encore*) une chronique animalière teintée d'humour anglais due à la plume de l'incontournable Gerald Durrell. Cette fois, direction la savane camerounaise, pour tenter de "trapper la viande", c'est-à-dire capturer des animaux pour les ramener dans son zoo de l'île de Jersey. Je rappelle que nous sommes dans les années 50, et que Durrell a évolué ensuite quand à ses méthodes parfois rudes, mais qu'il a contribué à faire connaître et défendre ces bestioles exotiques. Bref.

Au fin fond du Cameroun, le village de Bafut était dirigé par le Fon de Bafut, qui trouva en Durrell un compagnon de whisky et vin de palme, et dès lors lui fut tout dévoué dans sa quête d'animaux rares et/ou rétifs à la capture et la captivité (on les comprend...). Écureuils, souris volantes, grenouilles poilues, et j'en passe... Dans une nature aux couleurs merveilleusement évoquées, les péripéties sont contées avec esprit (c'est Durrell à son meilleur) et autodérision (le malheureux aurait pu y rester), sans oublier l'évocation de ce milieu africain et villageois où l'on sent qu'il a laissé une partie de son cœur. Le naturaliste est aussi présent et précis, sans pesanteur dans les descriptions d'animaux magnifiques.

*Hélas je constate qu'il ne me reste maintenant guère de titres à découvrir, ces friandises vont me manquer.
J'en profite pour rappeler que la Trilogie de Corfou vient d'être rééditée...

mercredi 12 novembre 2014

Le Royaume

Le Royaume
Emmanuel Carrère
P.O.L., 2014


Difficile d'ignorer l'existence de ce Royaume, avec de nombreux billets détaillés, personnels et intéressants. Que dire de plus? Rappelons rapidement que l'auteur a connu un épisode de trois années de foi catholique exacerbée (messe tous les jours, notes sur l’Évangile de Jean, verset par verset, etc...) dont il est sorti de façon assez curieuse (je l'attendais pas mal à cet endroit là, et j'avoue demeurer perplexe). Cette expérience, insérée dans un rappel de sa vie en rapport avec elle si l'on y regarde de près -oui, même l'histoire de la baby-sitter-, fait l'objet d'une première partie passionnante où j'ai apprécié l'honnêteté et l'autodérision de Carrère (je rappelle que je n'avais lu aucun écrit de Carrère, si, c'est possible!).

Vingt ans après (!), il revient sur cette affaire pas si classée que cela.
"Ce chemin que j'ai suivi autrefois en croyant, vais-je le suivre aujourd'hui en romancier? En historien? Je ne sais pas encore, je ne veux pas trancher, je ne pense pas que la casquette ait tellement d'importance.
Disons en enquêteur." (p 145-146)

"J'aime, quand on me raconte une histoire, savoir qui me la raconte. C'est pour cela que j'aime les récits à la première personne, c'est pour cela que j'en écris et que je serais même incapable d'écrire quoi que ce soit autrement."(p 147-148)

Voilà donc pourquoi sa porte d'entrée sera ouverte par Luc, qui en sus de l'Évangile (de Luc) a écrit les Actes des Apôtres raconté en partie en utilisant le "nous". Suit donc une sorte de "New testament for Dummies" absolument passionnant, vivant et documenté. Comme, à lire les billets des autres, il paraît impossible de demeurer d'une froide neutralité, et qu'en plus Carrère a donné l'exemple, me voici à reconnaître que ma connaissance assez approfondie du sujet a forcément conduit certains passages à moins me captiver. Mais mon intérêt a rebondi justement quand Carrère, profitant d'un blanc de deux années dans les Actes des Apôtres, se déclare "libre et contraint d'inventer" (p 326) et imagine comment Luc en a profité pour enquêter sur Jésus, ses disciples et ceux qui l'avaient croisé. Imaginaire, mais plausible.

Il a une façon absolument épatante de raconter les aventures des premières communautés chrétiennes (mais c'est que j'ignorais cette inimitié entre Paul et Jacques, sans parler de Jean) et jamais on ne s'y perd, j'ai adoré l'apparition de ces empereurs romains, Flavius Josèphe, etc..., érudition jamais pesante! J'ai apprécié les comparaisons éclairantes et amusantes avec la révolution russe et les staliniens.

Il rappelle "que si je suis libre d'inventer c'est à la condition de dire que j'invente, en marquant aussi scrupuleusement que Renan les degrés du certain, du probable, du possible et, juste avant le carrément exclu, du pas impossible, territoire où se déploie une en grande partie de ce livre."(p 485)

Lors des années nécessaires à l'écriture de ce livre, il a pas mal réfléchi, compulsé diverses sources et il propose diverses hypothèses sur les auteurs de certains évangiles ou épitres (qui ne seraient pas ceux du Canon, sinon ce n'est pas drôle, bien sûr). J'ai bien noté qu'il a épluché l’œuvre de Renan, Paul Veyne, et me suis amusée à retrouver Sénèque (ha bon, c'était le frère de Galion?), alors que je viens justement d'acheter ses lettres à Lucilius... (p 470 et ss). La vie du lecteur est pleine de coïncidences...

Je me permettrai de ne pas suivre Carrère quand il considère comme un remake un peu pataud de l'histoire de la brebis perdue celle de la femme ayant égaré une drachme et qui remue la maison pour la retrouver. Pour ce que j'en sais, ces dix drachmes sont une sorte de dot reçue lors de son mariage, tout un symbole donc, et l'on peut imaginer que de nos jours une femme se démènerait aussi beaucoup si elle égarait sa bague de fiançailles. (p 591)

En conclusion : je fais partie de ceux qui ont apprécié fortement (et envie de lire d'autres écrits de l'auteur, avec lequel les pages coulent toutes seules!). Même les passages très personnels et un peu fort de café (les sites pornos) arrivent à se raccrocher au thème (mais auraient pu être raccourcis, non?)... Carrère garde une position de respect à l'égard de ceux qui croient (dont certains de ses amis), "Mais qui te dit que tu ne changeras pas encore?" (p266) "J'écris ce livre pour ne pas abonder dans mon sens."(p 354) . Troublant.

mercredi 5 novembre 2014

Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur


Histoire d'un escargot qui découvrit l'importance de la lenteur
Historia de un caracol que descubrio la importancia de la lentitud
Luis Sepulveda
Métailié, 2014
Traduit par Anne Marie Métailié
Dessins de Joëlle Jolivet


Dédié aux petits-enfants de l'auteur (et à tous les escargots du jardin) en réponse à une question de l'un d'eux, Daniel, "Pourquoi l'escargot est-il si lent?", ce charmant conte agrémenté de quelques illustrations en noir et blanc s'adresse, à mon avis, aux enfants et aux ex-enfants n'ayant pas oublié la magie des belles histoires (et espérons-le, cela fait du monde!).

Dans une banale petite colonie d'escargots, l'un d'eux sort du lot et veut connaître les raisons de sa lenteur. Il déplore aussi de ne pas avoir de nom à lui.
Un hibou, une tortue vont aider le bientôt dénommé Rebelle à apprécier les bienfaits de la lenteur, et connaître un destin inattendu parmi les autres escargots.

"La tortue, d'un mouvement lent, très lent, fit demi-tour et revint dans le pré. Tandis qu'elle bougeait, avec l'escargot sur son dos, elle lui expliqua qu'il ne fallait pas craindre la peur et, en cherchant dans tout ce qu'elle savait, elle lui raconta que les humains disaient qu'un vrai rebelle ressentait la peur, mais qu'il la dominait."

J'ai aimé cette courte fable, où les hommes en arrière plan abîment la nature, et qui fait la part belle aux qualités de ténacité et d'entraide, en plus d'un bref aperçu sur la vie de nos amis les escargots.

Le livre lui même possède une couverture cartonnée et des pages qui sentent "comme mes livres neufs de la primaire"...

Merci à Anne-Charlotte.

Le petit carré jaune a aussi craqué!

jeudi 30 octobre 2014

Duane est dépressif

Duane est dépressif
Duane's depressed
Larry McMurtry
Sonatine, 2013
Traduit par Sophie Aslanides



Pour ceux qui ne connaissent pas encore Larry McMurtry, sachez qu'il est scénariste, libraire indépendant au Texas et auteur de plein de bons bouquins hautement recommandables, dont Lonesome Dove qui a fait chavirer le cœur de moult lectrices, et d'une série se déroulant au Texas, La dernière séance, Texasville, et maintenant Duane est dépressif, roman qui peut se lire indépendamment.

Un beau jour, Duane gare son pick-up et décide de se déplacer à pied. Ce genre de décision, aux Etats-Unis, et en particulier à Thalia, Texas, ça ne passe pas inaperçu et suscite de l'incompréhension. Pour Karla, son épouse depuis quarante ans, c'est sûr, il est dépressif. Mais pourquoi?

"J'ai parcouru des millions de kilomètres en pick-up et, pourtant, je n'ai jamais vraiment vu le monde, je n'ai vu que les pick-up."
"Il ne voulait pas être joignable. Cela faisait trop longtemps qu'il l'était. Maintenant, tout ce qu'il désirait, c'était rester assis et penser; et ne pas être pressé, quand il pensait.Toute sa vie il avait fait ce qu'on attendait de lui, mais ce temps-là était révolu. Il voulait définir ses propres priorités et les mettre en action. Devrait-il d'abord se rendre en Egypte?"

Au début il passe presque tout son temps dans une cabane qu'il possède, à quelques kilomètres de la ville. Puis l'achat d'une bicyclette lui permet d'élargir son périmètre de déplacement. Il cultive son jardin, discute, fait des rencontres, lit Thoreau ("Il avait l'impression d'être précisément l'homme que Thoreau décrivait, aliéné par son travail." (et tout A La recherche du temps perdu!)... Rêvons : et si d'autres imitaient Duane?
Ce gros roman se lit absolument sans souci, ce n'est pas du tout déprimant, plutôt souvent drôle même. J'ai vraiment beaucoup aimé!

Un post sur facebook avait attiré l'attention sur la traduction et j'avais un peu peur avant de démarrer, mais rien n'a pu altérer mon plaisir et j'ai pu ignorer quelques raideurs dans certaines phrases, c'est vrai, et des passages un peu étranges à première lecture, tels "elle savourait son canapé, bien au sec dans sa maison et sur lequel elle était confortablement installée."Il marchait avec autant de facilité et de tonicité que ses premiers jours de randonneur."
Avis : ledevoir, et idem sur les traductions.

vendredi 24 octobre 2014

Dictionnaire amoureux de Marcel Proust

Dictionnaire amoureux de Marcel Proust
Jean-Paul et Raphaël Enthoven
Plon Grasset, 2013



De Agonie à Zinedine (si, si!), ce sont 700 pages à la fois érudites et gouleyantes qui attendent le proustien pas trop néophyte tout de même. Les deux auteurs, père et fils (pour répondre tout de suite à la possible question, sachez que c'est le fils qui m'a dédicacé ce livre l'année dernière) se sont lancés sans peur dans ce tout Proust ou presque, forcément subjectif. Leurs choix sont là, même si les incontournables entrées sont présentes : Albertine, Asthme, Baiser (du soir), Cocteau (Jean), Grand Hôtel, Homosexualité, Judaïsme, etc... Moins attendus : CGT, CQFD (Ceux Qui Franchement Détestent), Kabbale, Motordu (Prince et princesse de) et Zinedine...

Quelques exemples

Asperge
Musée d'Orsay
Le collectionneur russe Charles Ephrussi avait commandé en 1880 à Manet une nature morte représentant une botte d'asperges, pour la somme de 800francs. À la réception de l’œuvre, il lui en donne 1 000. Manet décide alors d'offrir un nouveau tableau, de plus petites dimensions, à son généreux commanditaire, qu'il lui envoie accompagné du billet suivant : « Il en manquait une à votre botte. » (texte pris sur wikipedia)

CQFD : Anatole France : "La vie est trop courte et Proust est trop long."

Gallica.bnf.fr : pour voir les manuscrits...

Imprimeur, un métier!
Hahn (Reynaldo) Une des rares séquences émotion dans ce livre;

Hapax (désigne un mot qui n'a qu'une seule occurrence dans la littérature), et chez Proust : barbotis, cacographie, condoléancer, copiateurs, courbaturé, encauchemardée, escroqueuse, installage, louisphilippement, migrainer, patoiseur, poudrederizée, tigelé, trompaiiller, vibratilité, ... (je ne vous dis pas l'énervement affolé de mon correcteur orthographique)

Madeleine (Jacques) : incroyable mais vrai, le premier lecteur professionnel et consciencieux de Proust s'appelait ainsi! J'en profite pour ajouter que l'héroïne de François le Champi, que le narrateur lisait dans son enfance, s'appelle Madeleine. On n'en sort pas.

Motordu (Prince et princesse de), semble-t-il dignes descendants de Françoise et du directeur du Grand Hôtel de Balbac

Olfaction (et émotion)
"la psychologie expérimentale a, depuis longtemps, établi un lien solide entre ce que l'on sent et ce que l'on ressent. Par gratitude, elle a elle-même nommé "syndrome de Proust" le va-et-vient complexe qui, né dans les narines ou le palais, s'empresse de vivifier des émotions tapies dans le cerveau archaïque.
A cet égard, il est avéré que les odeurs sont des stimuli sensoriels de première force et que les perceptions de l'enfance s'y incrustent mieux que si elles avaient été recueillies par d'autres organes." (le reste est fort intéressant aussi)

Ouin-ouin
Voir chez les Boloss des Belles Lettres (je n'ai ni tout lu ni tout compris)

En parle : Valérie, ici et

samedi 18 octobre 2014

Fonds perdus

Fonds perdus
Bleeding Edge, 2013
Thomas Pynchon
Fiction et Cie, Seuil, 2014
Traduction de Nicolas Richard


J'ai a-do-ré.

En parcourant il y a quelques mois la liste des nouveautés de la rentrée, je n'ai noté que deux fois "il me le faut absolument" : le Padura et le Pynchon. (je peux le prouver)
C'est sûr, Thomas Pynchon ne sera jamais au festival America. Circulent de vieilles photos de cet auteur né en 1937 -eh oui- sinon mystère. Fort heureusement existent ses romans, Vente à la criée du Lot 49 et Vice caché ont suffi à me faire tomber dans la marmite. A girl je ne comprends pas que tu n'aies jamais tenté cet auteur (si?), car c'est totalement ton  créneau...

Pour savoir de quoi ça parle, ma foi, vous avez l'excellente quatrième de couverture ou une récapitulation page 280 sur 440 de Maxine l'héroïne à destination de Horst, dont j'ignore si à ce moment il s'agit de son ex ou futur ex ("pur produit du Midwest, quatrième génération, sentimental comme un silo à grains") mais ne m'embrouillez pas, là.
"Le documentariste Reg Despard- son génie de l’informatique encore deux fois plus parano, Eric - ils repèrent des drôles de trucs dans la comptabilité de hashslingrz, OK, Reg m'en fait part, pense que c'est de mauvais augure, à un échelon global, peut-être lié au Moyen-Orient, mais ça ferait trop X-Files ou je ne sais quoi." "Maintenant il semble que Reg ait disparu, mystérieusement, mais peut être juste parti à Seattle." "Maintenant les Fédéraux en ont aussi après moi, soi-disant à cause de Brooke, de son mari et d'une supposée connexion avec les Mossad, qui pourrait très bien être de la pure, comment disent-ils là-bas, foutaise."

Vous n'avez pas tout compris? Ce n'est pas grave! Cela se passe à New York (ville parcourue au fil du roman, somptueusement décrite, merveilleusement évoquée) en 2001, après l'éclatement de la bulle Internet (oui, le 11 septembre, a-t-il été "senti" avant, et quid de la parano de certains? Le lecteur s'interroge). Nerd, geeks, hackers, ce petit monde se croise, pas toujours IRL, Maxine plonge dans DeepArcher, monde d'avatars (qui m'a fait vérifier fébrilement si Second Life existe encore; réponse : oui).

Si vous voulez une lecture plan plan avec neurones préservés, n'insistez pas. Si vous préférez du costaud, si vous adorez les personnages un peu décalés (et il y en a des dizaines, je vous passe les deux russes (euh, trois Russes), le gourou, la secrétaire, les parents de Maxine, sa sœur, le "Nez", un chauffeur de taxi, etc...), l'impression de toujours marcher un poil à côté de vos pantoufles, les dialogues au scalpel, les néologismes qui rendent chauves les traducteurs (chapeau à Nicolas Richard, tiens; j'ai repéré un joli inatthackable page 132), un poil de nostalgie et de tendresse (oui quand même), une histoire vraiment speed où l'on hésite entre virtuel et réel parfois, alors ce roman est pour vous!

Page 279, un réjouissant passage destiné aux clients IKEA (je laisse ce qui précède, sur le montage, se rendre au magasin et s'y perdre)
"Regarde ça. Un tabouret de bar, qui s'appelle Sven...? Une vieille tradition suédoise, l'hiver s'installe, la météo devient rude, au bout d'un certain temps, on se retrouve à sympathiser avec le mobilier d'une manière à laquelle on ne se serait pas attendu...?"

"Vous savez, ils existent vraiment, ces minuscules personnages qui sortent de sous le radiateur avec... avec des petits balais, et des pelles à poussière, et-
- Eric, non. Je ne veux pas en entendre parler."

"Ernie maintenant avec un regard rusé qu'elle connaît bien, 'si tu ne veux pas de ce bout de gâteau, là-'
'Du moment que tu expliques à Lennox Hill les blessures par fourchette' "

Les avis chez Babelio , Fric Frac Club, Ted, (que des mecs on dirait; je m'interroge sur mes goûts lecture)
Un article de Telerama, avec intervention du traducteur (passionnant), un article de Slate,

mercredi 15 octobre 2014

Sous les couvertures

Sous les couvertures
Bertrand Guillot
rue fromentin, 2014


Tout fana des livres sait déjà que les livres bougent (en tout cas chez moi un roman de Wharton a récemment changé d'étagère, à mon insu; ou alors ma mémoire n'est plus ce qu'elle était). Alors pourquoi les  romans du Boudoir de cette petite librairie, tenue par un libraire un peu poussif et une apprentie à fort potentiel, ne se rebelleraient-ils pas contre la mise en carton, direction le funeste sort du pilon? Sus aux livres du Salon, à la table des nouveautés! Grand  a su les galvaniser.

"Qu'avons-nous fait de nos rêves? demanda-t-il sans attendre de réponse. Car c'est bien de cela que nous sommes faits, n'est-ce pas? Les rêves qui ont bâti nos histoires. Ceux de nos auteurs, quand ils divaguent en rêvant de louanges et de lauriers sur lesquels ils pourraient enfin s'offrir une sieste en attendant le livre suivant. Je le sais, car je suis du même papier que vous. Nous sommes peuplés de songes, mais depuis que nous sommes ici, nous ne rêvons plus. Voyons donc les choses en face, et prenons notre destin en main. Oui, mes amis, cessons de nous regarder le nombril, allons vers le lecteur et agissons!"

En parallèle à cette guerre dont les péripéties n'ayant rien à envier à l'épopée napoléonienne peuvent paraître un peu longuettes, en dépit d'une jolie maîtrise des images guerrières, l'on se délecte de bons débats sur la littérature (la bonne, la mauvaise, la grande, la petite), les liseuses, les librairies face aux librairies en ligne, les salons du livre, les critiques littéraires. Bonne idée que d'avoir aussi pris comme personnages les auteurs des livres lancés dans la bagarre!

Sous les couvertures (titre excellent, au fait) est à recommander aux lecteurs amoureux des livres et des librairies, mais sans passéisme aveuglant. Il évite subtilement tout manichéisme et offre tout de même une note d'espoir...

Merci à Babelio et l'éditeur.
tous les livres sur Babelio.com

jeudi 9 octobre 2014

Notre quelque part

Notre quelque part
Tail of the Blue Bird
Nii Ayikwei Parkes
Zulma, 2014
Traduction de Sika Fakambi


A découvrir absolument.


Écoutons d'abord le vieux Yao Poku, chasseur d'un village au fin fond de la forêt ghanéenne...
"On se ne plaint pas. Il fait bon vivre au village. La concession de notre chef n'est pas loin et nous pouvons lui demander audience pour toutes sortes d'affaires. Il n'y a que douze familles dans le village, et nous n'avons pas d’embêtements. Sauf avec Kofi Atta."

"Nous étions à notre quelque part quand ils sont arrivés. D'abord la fille avec ses yeux qui ne voulaient pas rester en place. Hmm, puisque tu es là, laisse moi te raconter. Les ancêtres disent que la vérité est courte mais, sεbi, si l'histoire est mauvaise, alors même la vérité va s'étaler comme un crapaud écrasé par une voiture sur une de ces routes qu'ils sont en train de construire."

La fille pénètre dans la case de Kofi Atta, où elle découvre des restes peu ragoûtants.
"Elle portait une façon de jupe petit petit là. Et ça montrait toutes ses cuisses, sεbi, mais les jambes de la fille étaient comme les pattes de devant de l'enfant de l'antilope -maaaigre seulement! (C'est plus tard que j'ai appris qu’elle était la chérie d'un certain ministre. Hmm. Ce monde est très étonnant.) Son chauffeur portait kaki de haut en bas comme les colons d'en temps d'avant, et il voulait la calmer, mais la fille secouait la tête et il voulait la calmer, mais la fille secouait sa tête et elle criait seulement. Après un peu ,elle a repris force et elle a commencé à courir vers une voiture claire façon qui était au bord de la route. Et le chauffeur poursuivait son derrière comme la poussière. "

Sans cette fille et ses connaissances haut placées, les villageois auraient certainement réglé l'affaire à leur façon, mais voilà, maintenant la police doit intervenir, et faire appel à Kayo Odamtten, jeune médecin légiste fraîchement revenu d'Angleterre, qui végète un peu dans un laboratoire d'analyses, et doit être convaincu (manu militari!) de se rendre au village.

Une fois là, après une hilarante séance genre "Les Experts" dans la case de Kofi Atta, Kayo se laisse prendre au vin de palme (un peu arrangé), aux palabres dans la buvette locale autour de bons petits plats locaux et aux histoires racontées par les villageois...

Au delà de l'histoire policière dont la conclusion laisse le lecteur dans la réflexion, il faut lire ce chouette roman pour l'ambiance de la grande ville d'Accra, grouillante et quelque peu corrompue, et surtout la vie dans ce village traditionnel, où finalement il fait bon vivre traditionnellement, relié au monde par la radio seulement. Pour avoir traîné mes sandales dans ces coins là, je confirme avoir retrouvé des détails vrais. Ne serait-ce que le conseil d'aller d'abord saluer le chef du village et de ne pas brusquer la litanie des salutations...

Quant à la traduction, bravo! Une partie de la narration est visiblement en anglais plus classique, mais la saveur de la langue, surtout celle de Yao Poku, est excellemment préservée par l'utilisation du français de Côte d'Ivoire (la "go", par exemple, ces façons de traîner sur les syllabes, etc...).

Les avis de Hélène,

mardi 7 octobre 2014

Le Best-seller de la rentrée littéraire

Le Best-seller de la rentrée littéraire
Olivier Larizza
Andersen, 2014


Octave Carezza est écrivain. Le voilà qui s'inscrit dans une agence de rencontres pour écrivains désargentés; sous le pseudo de Franz Kafka, il y fera des rencontres surprenantes. Face à la page blanche, il doit rechercher l'inspiration en grand magasin, essaie d'obtenir de l'argent de son éditeur, participe à un salon du livre, interviewe un clone de Bernard Pivot, discute des désavantages des liseuses, digresse sur le suicide des écrivains, rencontre des lectrices et nous initie aux finesses des mails. Ce bref résumé donne une idée du découpage en chapitres indépendants, mais pas du tout du ton du livre, fantaisiste voire farfelu. Quelques blagounettes et jeux de mots n'ont pas eu l'heur de me faire sourire (je suis difficile) et le côté parfois décousu m'a empêchée d'éprouver quelque empathie avec le sieur Carezza, mais l'ensemble est bien écrit, léger à lire, parfois décalé comme je l'aime, et j'avoue que dans un ensemble plaisant certains passages sont fort réussis.

"Mon éditrice m'a transmis hier un article qui vient de paraître sur mon troisième premieir roman, c'est la cata.
- Il te descend en flèche?
- Pire que ça : le critique a lu le bouquin. C'est un prof de fac. Il a rédigé une étude des douze pages dans une revue académique. Ma réputation va en prendre un  sacré coup si jamais ça se répand sur le web!
(..)
Qu'est-ce que vont penser mes fans si elles tombent là-dessus, hein? Je signe chez Cultura dans trois jours!
(...)
- Le chercheur a diagnostiqué dans mon roman plusieurs catachrèses, deux épiphores et même un boustrophédon.
-Aïe!
- Attends, soupira-t-il, ce n'est pas tout.
- Quoi d'autre encore?
- Il y aurait une épanadiplose dans le deuxième paragraphe.
- Une épanadiplose? Si jeune?
- Ouais. Je ne sais pas trop ce que c'est mais ça a l'air grave, hein?
(...)
Mon éditrice a peur que ce soit incurable."

Les avis de Gambadou,

Merci à Christa E. et à cette nouvelle maison d'édition.

samedi 4 octobre 2014

Un quinze août à Paris

Un quinze août à Paris
Histoire d'une dépression
Céline Curiol
Actes sud, 2014




Le billet de cathulu, suivi de la matérialisation du livre sur le présentoir de la bibli, et voilà une lecture qui ne doit surtout pas faire peur!
Récit, est-il précisé, et c'en est un. Je frémis à l'idée de ce  que certains auteurs auraient pu écrire, autofiction nous voilà, pathos et compagnie.
Là, non.

Céline Curiol a effectivement souffert d'une dépression, en 2009, après deux pertes sur lesquelles elles ne s'appesantit pas.

"Les souvenirs de mon état d'esprit au cours de l'été 2009 ont été partiellement altérés. J'ai dû résister à la tentation de combler mes oublis, d'apposer des termes inexacts là où le doute persistait, de remplacer la mémoire par l'invention. Ai-je été capable de remonter aux sources de l'histoire sans que mes descriptions ne soient influencées par l'évolution qui a été la mienne?  Malgré mon désir de faire preuve d'autant de justesse que possible, le texte qui suit ne peut être qu'un reflet partiel de ce que j'ai vécu. Avec le temps, mon souvenir des phases les plus sévères de la dépression s'est atténué grâce à cette capacité de normalisation, de rationalisation , cet équilibre émotionnel que le processus d'analyse m'a permis de regagner. En guérissant, j'ai oublié.
De la dépression, il est possible de sortir, comme d'un trou, comme d'un piège. Pour apprendre ensuite à demeurer vigilant. Je ne prétendrai pas avoir ici circonscrit le problème de la dépression. Ces pages sont le fruit d'une tentative de retour sur soi, qui m'a aidée et vous aidera peut-être à comprendre. Dans cette perspective s'est inscrite mon ambition : écrire le livre que j'aurais aimé lire lorsque ma vie en dépendait."

En plus d'une analyse fine et honnête des phases de sa dépression, et de la guérison, Céline Curiol offre des réflexions sur les phénomènes liés, neurologiques par exemple. Rien de trop compliqué, et j'ai retrouvé par exemple sans étonnement Siri Hustvedt, dont les essais aiment aborder ces sujets là (elle est d'ailleurs citée dans les remerciements). Notes et bibliographie à la fin sont une vraie mine aussi.

"Non, pardon, mais j'insiste, il me faut le récrire, rendez-vous compte : il m'était devenu impossible de lire."
"Ce fut bien l'évolution de mon rapport au temps qui amorça ma sortie de dépression."
"Les examens des personnes en dépression montrent de fait une modification de leur morphologie cérébrale. En raison de l'appauvrissement en noradrénaline et sérotonine, voire du dysfonctionnement des récepteurs neuronaux, le volume de l'hippocampe, structure cérébrale jouant un rôle important dans le stockage d'informations, se réduit." (je ne peux citer tout ce passage intéressant sur les problèmes de mémoire, ou de mémoire 'sélective')

Pour en finir avec ces citations un peu décousues (vous n'avez qu'à le lire, ce livre!), un appel -entre autres-  à l'entourage du dépressif, en tout cas je l'ai vu ainsi:
"Mais je le répète aujourd'hui : de la dépression, personne ne se sort seul. Si la figure du héros solitaire ne manque pas d'attrait, il vient un moment où celui qui l'incarne perd jusqu'à la capacité mentale d'inventer le mythe qui le sauverait. Tôt ou tard, le héros, blessé, au bord de l'abîme, se doit d'être aidé même si sa mise négligée, sa tristesse et sa décadence inspirent avant tout le mépris."

Intelligence, pudeur, lucidité, servis par une écriture fluide pour une lecture indispensable.

jeudi 2 octobre 2014

Le Comte de Monte-Cristo (Le retour de la vengeance)

Le Comte de Monte-Cristo
Alexandre Dumas (et Auguste Maquet)
Lu en édition poche, 1973 (tomes 2 et 3)



Nous avions laissé Edmond Dantès devenu le comte de Monte-Cristo (ou Sinbad le marin, ou Lord Wilmore, ou l'abbé Busoni) s'apprêtant à retrouver à Paris ceux dont il désire vivement se venger.

Le tome 1 faisait état d'un saut de dix années dont on ne sait rien, mais il faut deviner (je pense) que durant cette période Monte-Cristo a beaucoup voyagé, racheté Haydée sa fille adoptive, et emmagasiné des connaissances (sur les drogues et poisons en particulier) et des détails compromettants sur la vie de ses ennemis au cours des vingt dernières années, détails qui vont l'aider à mettre en oeuvre son projet.

Il est fort plaisant pour le lecteur d'être tenu suffisamment au courant par Dumas (sans lourdes explications) et d'avoir un bon temps d'avance sur les protagonistes du roman. Petit à petit on comprend pourquoi l'achat de la maison d'Auteuil (à la campagne à l'époque ^_^), les conseils à Madame de Villefort, la visite à l'employé du télégraphe, l'arrivée d'Andrea, et même la présence de Haydée.

Alternent des moments assez drôles, ou plus dramatiques, ou carrément romantiques, avec une écriture dont je ne me souvenais pas qu'elle fût si agréable et ne négligeant pas les jolies formules, sans quasiment aucun temps mort.

Le Monte-Cristo un peu glaçant et maître du destin des autres (particulièrement dans le tome 2) évolue en homme capable de douter, y compris de sa "mission", ce qui donne de superbes passages au moment du duel d'Albert et du danger planant sur Valentine. Il commence aussi à penser qu'il pourrait connaître un avenir ouvert sur l'amour plus que la vengeance...

Je cite des noms sans explications, mais tous les personnages, y compris les plus secondaires, ont leur utilité. J'ai essayé de prendre Dumas en défaut dans les détails, je n'y suis pas arrivée. Peut être Madame Danglars, "dont la beauté pouvait encore être citée, malgré ses trente-six ans" (sic), était-elle bien jeune pour être mariée et mère plus de vingt ans auparavant (quoique, c'est l'époque).

Justement Madame Danglars a fini par vivement m'intéresser au fil du roman, sans doute que j'étais lassée du tout noir ou tout blanc de certains autres. Mention spéciale à sa fille Eugénie, c'est culotté de présenter un tel personnage de femme faisant fi des préjugés.

Bon, sans doute est-ce ma dernière relecture du Comte de Monte-Cristo, "le" roman de mon enfance, "le" roman tout court, à mes yeux, pas parfait, mais qui se doit d'être lu dans une carrière de lecteur!

Bravo à ma complice dans cette lecture commune, A girl, qui a vaillamment survécu aux passages harlequinesques entre les amoureux du roman. Merci à Papillon de m'avoir fait confiance et d'avoir dévoré ce livre cet été (échanges enthousiastes lors du festival America, là c'est le chouette côté des blogs)

mardi 30 septembre 2014

Au pays du long nuage blanc (Happy Birthday, Mister Juliet)

Au pays du long nuage blanc
Journal
Wellington, août 2003 -janvier 2004
Charles Juliet
P.O.L., 2005 (mais je choisis la couverture folio)


Il ne peut échapper aux visiteurs du blog de Flo que Charles Juliet est un auteur qui lui est très cher, et désirant lui rendre hommage à l'occasion de ses 80 ans (aujourd'hui!) elle a proposé (ici) de lire un de ses ouvrages. Grâce à elle j'ai mieux découvert cet auteur et je vous présente un volume du journal un peu particulier puisqu'il a été écrit lors d'un séjour de l'auteur en Nouvelle-Zélande.

Rencontres avec des personnalités, des écrivains, des artistes, mais aussi contacts improvisés: Charles Juliet se montre toujours extrêmement curieux de tout, faisant montre d'une grande empathie. Son regard sur ce pays, ses paysages, son histoire (maoris et émigration fort variée), sa culture, est intéressant à découvrir mais l'on ne trouvera pas là un guide de voyage exhaustif (j'ai été surprise des conséquences des séismes passés à Wellington!)

"CJ en vacances", disait Flo en réponse à un des mes commentaires, oui (il a même réussi à rater un avion) mais aussi toujours le Charles Juliet en réflexion sur son travail d'écriture, sa connaissance de lui même et des autres. Un journal un peu différent, certes, mais où l'on retrouve bien - et avec le même plaisir-  l'auteur fidèle à lui-même (et ce n'est pas qu'une formule).

Quelques passages :

Le 30 septembre il écrit "Jour anniversaire de ma naissance. Bonne occasion pour voir rapidement à ce stade de mon existence.
Je peux constater que je suis clair, serein, que je sais mieux vivre.(trop long à citer, hélas) Je continue donc de creuser mon sillon, mais sans plus me soucier de ce qui poussera ou non sur la terre retournée.
Deux autres choses sont à noter : bien que pas mal d'années soient derrière moi, je ne suis nullement blasé. Je continue d'aller au-devant de la vie avec la même fraîcheur, le même plaisir à recevoir ce qu'elle m'offre que lorsque j'étais jeune. Serait-ce dû pour une part à cette naïveté que parfois on me reproche? Je ne sais. Le certain, c'est que je me réjouis de n'être pas la proie de ce désenchantement, de cette maussaderie qui gagne ceux qui sont au décours de leur vie."
"Il faut aussi ajouter que mon paysage intérieur change. Je commence à prendre conscience que je n'ai plus tellement d'années devant moi."
"(page 63)

"Au début de mon parcours, pendant plusieurs années, j'ai vécu en retrait du monde et dans une grande concentration. Mais je me suis rendu compte un jour qu'à vivre trop resserré sur soi-même, on finit par s'appauvrir. (...) Mon intérêt pour le rugby et le sport en général est une de ces fenêtres que je maintiens ouvertes sur le monde extérieur." (p 23)

"Ce que je dévoile de mon activité intérieure, mon lecteur peut le retrouver en lui. Je me repose donc sur cette idée que nous avons tous deux beaucoup en commun, et que je n'ai pas à redouter ce qu'il pensera de moi."(page 147)

Je voudrais tout noter! page 163 encore sa façon de travailler, page 187 ses questions aux écrivains, "avez-vous contribué à offrir à l'homme des mots qui le vitalisent, adoucissent sa solitude, lui permettent de se révéler à lui-même?"

Bien sûr, je vais continuer à découvrir les écrits de Charles Juliet, particulièrement ses Journaux. En attendant: Bon anniversaire!
Un avis, et ceux d'Aifelle,

Autres participantes à cette journée anniversaire (leurs billets) : Maryline, Flo, kroustik, Litterauteurs,