lundi 28 septembre 2020

La chambre des dupes

La chambre des dupes
Camille Pascal
Plon, 2020


Quand j'ai vu que la rentrée littéraire proposait un nouveau titre de Camille Pascal, je n'ai pas hésité à le noter, et peu importe ce que ça pouvait raconter, je me suis lancée! Il faut dire que L'été des quatre rois m'avait vraiment épatée.

Cette fois, un seul roi, Louis XV, alias Le bien-Aimé, ou qui va le devenir, on verra comment. Marié à Marie Leszczynska, qui fait bien le job attendu, à savoir donner un héritier, il la délaisse pour diverses maîtresses. Quand le récit commence, en 1741, Pauline, la deuxième des sœurs Mailly-Nesle, et favorite du roi, décède, et l'aînée, Louise, reprend auprès du roi la place que Pauline lui avait prise. Oui, il existe cinq sœurs, en fait, dont quatre favorites de Louis XV. Quelle famille!

N'allons pas trop vite, arrive à Versailles la jolie et spirituelle Marie-Anne, la plus jeune, dont l'ambition est de régner sur le cœur du roi. Mais pas question de lui céder tout de suite!


Portrait par Nattier
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Anne_de_Mailly-Nesle
 

 

Dans les corridors de Versailles, les chuchotements vont bon train, les clans se forment, les bons mots volent, chacun veut être bien vu du roi. Camille Pascal relate parfaitement l'ambiance, nous faisant aussi pénétrer au coeur des chambres et des alcôves, lire les courriers, assister aux conversations.

"Les faits rapportés sont rigoureusement exacts, l'intégralité des dialogues est tirée des mémoires ou des témoignages du temps, les chansons et les correspondances, en partie inédites, sont parfaitement authentiques."

Avec ce beau matériau, l'auteur a su écrire un livre passionnant. Pas de 'style d'époque' avec subjonctifs et mots désuets, pas de faux modernisme, juste de la précision dans les descriptions de mobiliers, de toilettes, de la vie à Versailles avec son étiquette, une histoire narrée avec vivacité et élégance. Le lecteur peut s'amuser ou s'émouvoir. La médecine avait vraiment du progrès à faire, puis-je dire. Une plongée au cœur de Versailles, des intrigues personnelles et politiques. Foncez, sans craindre le 'livre d'histoire' traditionnel.

Des avis sur Babelio, chez Eve,

jeudi 24 septembre 2020

Les miracles du bazar Namiya

Les miracles du bazar Namiya
Keigo Higashino
Actes sud, 2020
Traduit par Sophie Refle

L'auteur est plus connu pour ses polars, mais là on se dirige dans une toute autre direction. Trois petits délinquants assez bras cassés et plutôt sympathiques fuient la police et se réfugient dans un bazar qui a tout l'air fermé et abandonné depuis des années. Au cours de la nuit, arrivent des lettres par le rideau métallique, auxquelles ils se décident à répondre, laissant leur lettre dans une boîte à lait à l'arrière (qui disparait, et une réponse arrive, etc.). Ils découvrent que l'ancien propriétaire avait l'habitude de répondre aux questions de cette façon. Là où ça se corse, c'est que ces lettres datent de plus de trente ans...

A l'époque comme maintenant, si quelqu'un demande un conseil, ce n'est pas forcément pour le suivre, bien sûr, et le roman proposera des exemples divers. Mais ce qui est malin, c'est qu'on ne restera pas avec ces trois jeunes (on les retrouvera!), mais d'autres personnages, au fil du temps.

On pourrait peut-être penser à du feel good à la japonaise (et pourquoi pas?), c'est parfois platouille dans l'écriture, quelques dialogues pouvaient être raccourcis, mais l'ensemble est passionnant, l'idée originale et bien traitée, sans lasser. On a en prime un aperçu des coutumes japonaises, particulièrement l'aide aux vieux parents, souvent assumée par la fille ou la belle-fille.

Une LC avec A girl

Des avis sur babelio, Brize, autistsreading,

lundi 21 septembre 2020

Maktaaq

Maktaaq
Gildas Guyot
Editions in8, 2020


Après la grosse claque du premier roman, Le goût de la viande (paru en poche, et dont parlait krol récemment -en bien) qu'allait bien proposer le deuxième roman de Gildas Guyot? Un goût de la viande, deux, le retour, avec une escalade dans l'humour noir? Ma came, je l'avoue, mais il avait fallu l'écriture remarquable pour faire passer certains épisodes.

Le danger était justement de continuer sur la même voie. Or là, non, grosse surprise, personnages sympathiques et à part l'âne, rien à signaler. Même un peu de tendresse. Mais quand même de la dérision et des coups de patte sur l'homme blanc et le mode de vie américain. Ouf!

Aux yeux de son grand père Ati, Seth n'est qu'un gamin. Avant, il rêvait d'une jolie carrière dans le base ball, mais actuellement, à 23 ans, il est plombier, et plutôt bon. Une copine, Suzanne, sans passion, beaucoup de télé et de pizza, et les membres de la famille se croisent sans plus.

Le grand père n'est pas en bonne santé, mais il a toute sa tête. Tout ce que sait Seth, c'est qu'il est originaire d'Alaska, c'est donc le chef de famille, l'angajuqqaaq (langue : inuktitut). Un soir il impose à la famille de regarder une cassette vidéo (on est en 1989), seul Seth la regarde, c'est un vieux document sur la vie des Inuits, avec commentaires d'un Danois. Pour Seth, c'est une totale découverte!

Par ailleurs, quelques mois plus tard, Ari impose à Seth un voyage à Las Vegas, avec comme récompense à la clé la possession de sa Chevrolet Impala vingt ans d'âge qui fait saliver Seth depuis des années. Et c'est parti pour un voyage à deux qui bousculera aussi pas mal le jeune Seth. L'art de la chasse dans le grand nord appliqué aux bandits manchots, à découvrir, en passant.

Un roman centré sur deux personnages principaux, avec un trajet Los Angeles -  Las Vegas sous le cagnard, et un aperçu de culture inuit, pour se rafraîchir, voilà le menu. Parfaitement digeste, cette fois (clin d'oeil au premier roman). A découvrir, la patte de l'auteur est toujours bien là.

jeudi 17 septembre 2020

Les morts de Bear Creek



Les morts de Bear Creek
The gray ghost murders
Keith McCafferty
Gallmeister, 2019
Traduit par Janique Jouin-de-Laurens


Voilà, je connais enfin cette série qui plait beaucoup sur les blogs, et j'avoue avoir pris grand plaisir à lire un polar dans la veine de Craig Johnson, avec un seul indien, du Montana, et pas mal de pêche à la mouche (rien de rédhibitoire, on apprécie l'enthousiasme des fans de ce sport, même si on n'y connaît rien -rappel, Oliver Gallmeister pratique la pêche à la mouche, on finit par s'en apercevoir).

Le shériff est une femme, Martha Ettinger, et l'un des héros, Sean Stranahan, un guide de pêche, peintre aussi, et enquêteur à ses heures. D'autres personnages reviennent, déjà présents dans le premier tome, Meurtres sur la Madison (je-veux-le-lire) mais on rentre vite dans l'histoire.

De toute façon, comme le titre l'annonce, il y aura des meurtres, pas forcément trop récents, mais des affaires à élucider; l'argument est original. Un peu d'histoires personnelles, Sean a sans doute trouvé son âme soeur (on attend le tome 3 pour confirmation), Martha semble être revenue à la solitude.

Bref, une bonne série sympathique, sans détails trop beurk, dans laquelle je ne demande qu'à embarquer encore.

Des avis chez babelio, actu du noir, electra, hélène, Le bouquineur,
Lecture commune avec Sandrion, qui avait parlé ici de Meurtre sur la Madison

lundi 14 septembre 2020

Yoga

Yoga
Emmanuel Carrère
P.O.L., 2020


Je n'ai lu qu'un livre de l'auteur, Le Royaume, et pas chroniqué (edit : si; je le redécouvre!). Celui-ci, je n'en faisais pas une priorité, d'abord on en parle vraiment trop dans les médias. Mais le lecteur est un animal curieux, et comme il venait de se matérialiser sur le présentoir de la bibli, il fallait agir, non? Surtout que l'écriture de l'auteur est toujours fluide et que ça se lit sans effort.

"Puisqu'il faut commencer quelque part le récit de ces quatre années au cours desquelles j'ai essayé d'écrire un petit livre souriant et subtil sur le yoga, affronté des choses aussi peu souriantes et subtiles que le terrorisme djihadiste et la crise des réfugiés, plongé dans une dépression mélancolique telle que j'ai du être interné quatre mois à l'hôpital Sainte-Anne, enfin perdu mon éditeur qui pour le première fois depuis trente-cinq ans ne lira pas un livre que j'ai écrit, puisqu'il faut donc commencer quelque part, je choisis ce matin de janvier 2015 où, en bouclant mon sac, je me suis demandé s'il valait mieux emporter mon téléphone, dont j'aurais de toute façon à me défaire là où j'allais, ou le laisser à la maison."

Non,je ne divulgâche absolument rien, je recopie juste la première page. Pour en savoir plus, la quatrième de couverture est très bien, très succincte, alors il est aussi possible de trouver des interviews de l'auteur, vraiment un peu partout.

Alors? Dévoré, on peut le dire, voire survolé quand yoga, méditation, et dépression devenaient trop prégnants. D'autres lecteurs feront leur miel des réflexions de l'auteur, je n'en doute pas. Les livres très (trop?) personnels de l'auteur, on a le droit de les traiter personnellement, voilà. J'ai donc beaucoup plus vibré avec l'histoire des migrants dans l'île grecque; et cherché la vidéo de la Polonaise héroïque jouée par Martha Argerich. Donc agi comme le prévoyait Carrère page 336. Et alors? C'est vrai que le sourire est magnifique!

Des avis sur Babelio, Delphine hier,

jeudi 10 septembre 2020

L'odyssée d'Hakim

L'odyssée d'Hakim
1- De la Syrie à la Turquie
2 - De la Turquie à la Grèce
Fabien Toulmé
Delcourt/ Encrages, 2018, 2019



Fabien Toulmé a passé des heures, s'étendant au cours de plusieurs mois, à rencontrer Hakim et sa famille à Aix-en-Provence. D'où cette BD en trois gros volumes.

Pour ceux qui en douteraient, le rêve de Hakim, jeune syrien de Damas, n'était absolument pas de s'installer à Aix-en-Provence! En 2011, il vivait tranquillement et fort bien, était propriétaire d'une petite entreprise de pépiniériste, et il venait juste d'acheter et aménager un appartement dans l'immeuble où habitent sa famille; il lui restait à rencontrer une femme avec laquelle fonder une famille.

Un jeune homme tranquille, se tenant à l'écart des ennuis, et bien conscient des problèmes du pays. En 2011, manifestations, réprimées, bombardements; il vit une arrestation arbitraire et des interrogatoires 'musclés' et part, laissant là le reste de sa famille, pour Beyrouth. Pas de travail. Il rejoint de la famille à Amman. Connaît de petits boulots mal payés, pas déclarés. Se dirige à Antalya (tous ces trajets se font en avion, avec passeport). Là, pareil, petits boulots, la galère. Il rencontre Najmeh, dont la famille syrienne a dû fuir le pays. Une vraie histoire d'amour, ça se ressent. Naissance du petit Hadi.

(je raconte beaucoup de l'histoire, je sais, vous pouvez sauter et aller directement à 'coup de coeur, à lire absolument')

A un moment, tout le monde part à Istanbul, pareil, pas moyen d'avoir un vrai travail, galère. La famille de Najmeh peut partir en France, d'abord le père, chez un neveu, puis la mère et ses enfants, en regroupement familial. Mais pas Hakim et Hadi (snif!!!), pour une histoire de papiers. En dépit d'efforts, de demandes, suite à des erreurs, la situation ne se débloque pas, et Hakim se décide à partir pour la (dangereuse!) traversée vers la Grèce! (nous sommes en 2015)

Il existe bien sûr un Tome 3, paru en juin 2020, mais pour mettre la main dessus, ça va être long, et je préfère en parler sans trop attendre; de toute façon, ça se termine 'bien' puisque Hakim et sa petite famille sont maintenant en France. Mais il y a eu des galères dans le tome 3, je le sais...

Edit : il semble que le tome 3 sera dans mes mains la semaine prochaine!

Coup de coeur, à lire absolument

lundi 7 septembre 2020

Des vies à découvert

Des vies à découvert
Unshelterd
Barbara Kingsolver
Rivages, 2020
Lu en VO, à l'origine Faber et Faber 2018


J'aime tellement l'auteur que je n'ai guère hésité à me lancer dans la VO, mais il vient de paraître en français (Papillon, excellent billet).

"Unsheltered, I live in daylight" ou, en gros, Vivre à découvert, c'est vivre à la lumière.

De nos jours, aux Etats-unis, durant les primaires avant l'élection de 2018. La famille de Willa réside à Vineland, dans une maison se délabrant de plus en plus. Hélas les moyens manquent, jusqu'à demander l'aide médicale pour les soins de son beau-père (fan du candidat républicain, jamais nommé). Ses deux enfants ont vraiment pris des routes différentes, l'un dans la finance, l'autre sensible aux problèmes d'écologie et d'environnement.

Années 1870, même endroit, Thatcher, marié à une jolie petite femme corsetée et frivole, professeur de sciences dans un établissement de Vineland, ville sous la coupe du capitaine Landis, une sorte de fondateur, fait connaissance de sa voisine, Mary Treat, en qui il reconnaît une âme soeur. Celle-ci observe les animaux et les plantes, correspond avec Darwin, dont les idées sont farouchement combattues à Vineland et ailleurs.
La maison de Thatcher, elle aussi, tombe en ruines.

Des histoires narrées en parallèle, qui se répondent subtilement, ces maisons sont l'image de ces vies, qui vont devoir changer, petit à petit le délabrement s'aggrave, mais il y aura de l'espoir (voir la citation au début du billet). Je précise que Vineland, New jersey, existe réellement, Charles Landis et Mary Treat, entomologiste et botaniste, sont des personnages réels.

J'ai pris un grand plaisir à cette lecture, forcément. Barbara Kingsolver sait rendre ses personnages sympathiques ou compréhensibles, exposer leurs points de vues et leurs différences (parfois un  poil longuement), et ouvrir la voie vers un avenir positif pour eux.

Des avis sur babelio, motsàmots,

jeudi 3 septembre 2020

Chez soi, une odyssée de l'espace domestique / Sorcières

Chez soi
Une odyssée de l'espace domestique
Mona Chollet
Zones, 2015
(mais je propose la couverture de La découverte, 2016)



Se revendiquer casanier, comme la journaliste Mona Chollet, n'est pas toujours compris ou accepté. ( La mauvaise réputation). Pourtant avec internet, Facebook et autres nous avons Une foule dans mon salon. Mais un espace domestique, vraiment pour tous? Difficile en grands villes, sans assez de moyens, alors, des solutions, (La grande expulsion). Voyons le luxe du temps, de sa gestion. (A la recherche des heures célestes). Puis enfin un chapitre féministe (oui quand même) drôlement intelligent sur Métamorphoses de la boniche. Ah les taches ménagères... Et puis, quel est ce modèle de famille nucléaire? (L'hypnose du bonheur familial). Pour terminer, le rêve, avec les architectures idéales Des palais plein la tête.

En sept chapitres fourmillant d'intelligence, d'informations, de réflexions -et d’humour-, Mona Chollet secoue un peu le cocotier et le résultat, roboratif, est toujours intéressant et se lit agréablement. Que demander de plus.

Et je n'ai pas attendu son conseil, j'ai emprunté Voyage autour de ma chambre. Dont elle dit "Aujourd'hui, de telles circonstances sont assez improbables."(p 120). A propos d'agents d'entretien : "On pourrait imaginer un statut et un salaire à la mesure de leur utilité sociale."(p 167)
Voilà qui, après l'expérience du confinement et la comparaison entre salaires et importance sociale de certaines professions mal considérées, ne manque pas de sel.

Des avis sur babelio, dont kathel, et je retrouve cathulu,

Puis je me suis lancée dans un autre, qui me semble avoir été plus présent sur les blogs. Eva, excellent billet.

Sorcières
La puissance invaincue des femmes
Mona Chollet
Zones, 2018


C'est principalement l'introduction qui évoque les 'chasses aux sorcières' qui d'ailleurs ont eu lieu bien après le Moyen-Age, comme quoi...

Ce qui m'intéressait bien plus était la vision de la femme, cause (en partie) de ces persécutions, et Mona Chollet y consacre quatre chapitres:
Une vie à soi; les femmes indépendantes, célibataires ou veuves.
Le désir de la stérilité, choix de pas d'enfant, regret d'en avoir
Les femmes âgées, ces 'invisibles'
Un autre monde. Une médecine qui traite mal les femmes, y compris les gynécologues

Je fais rapide. Toujours aisé à lire, passionnant, bourré d'information.
Juste une citation
L’écrivaine Elisabeth Gilbert estime qu'il existe trois catégories de femmes : "Celles qui sont nées pour être mères, celles qui sont nées pour être tantes, et celles qui ne devraient en aucun cas être autorisées à s'approcher d'un enfant à moins de trois mètres. Et il est très important de comprendre à quelle catégorie on appartient, car les erreurs dans ce domaine engendrent chagrin et tragédie."

Un paquet d'avis sur babelio...

L'irrégulière parle des deux (et aussi de Beauté fatale) ici.