jeudi 27 février 2020

L'arche des ombres

L'Arche des ombres
Le rêveur de la Neva
Max Milan
Ginkgo éditeur, 2019

Parisien, Jacob est un brillant chercheur en mathématiques, avec plein d'avenir. Sans être dépourvu d'amis et d'amourettes, il paraît très réservé et mène une vie très cadrée. Puis il rencontre Natacha, une histoire entre eux pourrait commencer. Atmosphère douce, romantique et rêveuse.

Puis Jacob, ayant obtenu une bourse, se rend à Saint-Pétersbourg, où réside Natacha. Là boum on découvre (et Natacha aussi) qu'il est d'origine russe et parle russe. Son passé revient sur la sellette, il veut connaître là vérité, et là on le suit dans une quête haletante, dangereuse, sans temps morts, à la découverte de pratiques épouvantables dans les hôpitaux psychiatriques soviétiques. Atmosphère de peur.

Un roman que j'ai du mal à cataloguer (de toute façon, faut-il mettre les livres dans des cases?)
J'ai l'impression qu'il y aura une suite?

lundi 24 février 2020

Vie de Gérard Fulmard

Vie de Gérard Fulmard
Jean Echenoz
Les éditions de Minuit, 2020


A une époque je pensais Echenoz calibré écrivain Minuit sérieux et illisible, et depuis je l'ai découvert comme légèrement brindzingue (dans ses écrits) avec des histoires improbables rondement menées.

Gérard Fulmard est un ex-steward viré pour faute lourde, qui va tenter de se lancer dans les enquêtes privées, hélas avec peu de succès, en tout cas non sans conséquences pour lui.
Ajoutons un accident catastrophe pas loin de chez lui (il habite rue Erlanger, ce qui vaudra au lecteur des anecdotes), un drôle de parti politique où ça se tire dans les pattes pour le pouvoir, et un enlèvement.
Tout est narré avec un humour pince sans rire, un souci du détail, des explications souvent repoussées (ou absentes).

A lire pour les fans de l'auteur, ou ceux désirant le découvrir.

jeudi 20 février 2020

Incarner l'état

Incarner l'état
Emilie Blot
Rémanence, 2020


A lire les détails de la vie de l'auteure, je pense qu’elle connaît bien le terrain (elle vit en Limousin, a un père haut fonctionnaire, et après des études de sciences politiques, a connu des missions en collectivités territoriales). J'ajouterai qu’elle possède un joli brin de plume et un bel art de l'humour discret mais efficace.

Faisons donc connaissance avec un trentenaire issu non de l'ENA mais du territorial, envoyé comme sous-préfet à Ussel, Haute-Corrèze. Un coin qu'on imagine verdoyant et rural, et qui a donné à la France deux présidents. Notre jeune homme va devoir jongler avec ses supérieurs et collègues, qui ne vont pas se priver de coups en douce, apaiser les colères des agriculteurs et des ouvriers, caser des familles de syriens, et il finira par se lâcher une nuit (et sans regrets). On vous laisse découvrir comment cela se terminera.

Près de 200 pages jouissives et souvent caustiques, pour 12 euros (je découvre l'éditeur), qui donneront une bonne vision du travail d'un sous -préfet. Encore une bonne pioche Babelio.

tous les livres sur Babelio.com

lundi 17 février 2020

Gallmeister vintage!

Disons-le, à une époque j'ai lu systématiquement les Gallmeister, puis je m'en suis éloignée, appréciant moins les parutions un poil bien noires ou moins 'nature'. Pour le dire clairement, j'en ai laissé tomber pas mal, qui abordaient des thèmes trop fréquents actuellement ou sentaient trop l'atelier d'écriture, bref, formatés (OK, c'est juste mon ressenti!)
Dans ma nouvelle bibli j'ai cherché ce qui m'avait échappé dans la catégorie nature writing à l'ancienne, et j'en ai trouvé deux!  (et c'est là que les lecteurs du billet se défilent fissa)(oui, toi, F, je t'ai vue!).
Pour moi :  Oldies but goldies.

D'abord, je reviens à

Testament d'un pêcheur à la mouche
John D. Voelker
Gallmeister 2007
Traduit par Jacques Mailhos


Franchement, ce type est fort : je ne connais absolument rien à la pêche à la mouche (ni à la pêche d'ailleurs), et cela ne m'attire pas a priori. Mais John Voelker, qui fut procureur dans le Michigan et auteur de romans policiers, avait une passion: la pêche à la mouche. Et il sait fichtrement bien en parler. Pas de détails trop techniques, mais beaucoup beaucoup d'humour et d'autodérision, associés à une jolie plume. A l'arrivée : je n'ai guère lâché ce bouquin. Il m'avait déjà ferrée avec Itinéraire d'un pêcheur à la mouche, et là il récidive avec de courts textes où il partage ses expériences.

"Le seul travail régulier auquel Danny et ses gars se fussent jamais adonnés consistait à chercher de nouvelles manières d'échapper à toute forme de travail régulier."

Note : Oliver Gallmeister pêche à la mouche, tout s'explique...
Les deux titres de Voelker sont disponibles avec un nouveau tirage.

Et enfin, après L'or des fous (où j'en dis plus sur l'auteur) revoilà Rob Schultheis et sa passion pour l'ouest (le vrai), au delà du centième méridien.

Sortilèges de l'ouest
The Hidden West
Rob Schultheis
Gallmeister, 2009
Traduction de Marc Amfreville

Le gars n'hésite pas à crapahuter, dans les canyons, sur le plateau du Colorado, chez les indiens et les Navajos en particulier, dans le delta du Colorado, dans des coins où la main de l’homme blanc n'a pas trop mis le pied. Et c'est fascinant.

"En 1540 Hernando de Alarcon traversa la mer de Cortès et 'découvrit' le delta. Les indiens cocopah y vivaient de puis des siècles, les Papagos connaissaient bien les lieux, mais par définition les Indiens ne découvrent jamais rien. Apparemment ils sont là, comme les pierres, les nappes phréatiques, les herbes sauvages."

Schultheiss fait montre d'une immense admiration pour les indiens, qui ont réussi à vivre (survivre?) dans des coins incroyables, et ont aussi laissé des traces de belles civilisations. Il n'est pas aveugle à leurs réalités actuelles, et par ailleurs offre des pages fascinantes sur un jeu qu'ils pratiquent (jeu de mains).

La plupart des chapitres ont été écrits il y a quelques décennies, et déjà l'auteur considérait comme dangereux de bâtir des barrages et de détourner l'eau du Colorado et de lacs immémoriaux juste pour satisfaire les besoins en eau de Los Angeles (piscine, golfs), asséchant des lacs, réduisant à la misère et au déplacement des populations (au Mexique, donc ça ne compte pas?)(et les oiseaux migrateurs encore moins)

Je laisse le lien vers le lac Mono sur wikipedia, il semble que là une action ait réussi.

jeudi 13 février 2020

La cuisine de l'exil

La cuisine de l'exil
Récits et recettes
Stéphanie Swartzbrod
Actes sud, 2019

Quitter son pays? Il existe plein de raisons, politiques, économiques, etc. Au cours des dernières décennies, de tous les coins du monde, beaucoup sont arrivés en France, parfois définitivement, ou avec des aller retours dans leur coin d'origine. Avec souvent une nostalgie prégnante, particulièrement quand on pense à la cuisine du pays.

Les 24  personnes interviewées ici racontent des histoires parfois poignantes, parfois optimistes, jamais bien simples, et parlent beaucoup de cuisine, le chapitre se terminant avec des recettes et des adresses (en grande ville plutôt).

C'est vraiment intéressant d'avoir une vision de l'immigration depuis les années 20, avec les idées préconçues sur la France et la découverte de la réalité, les divers parcours pas forcément de tout repos, et comment cela s'est passé pour la génération née en France ou arrivée dès la petite enfance.

J'ai beaucoup aimé cette façon d'aborder le sujet. Et vous, si vous deviez partir loin, quels plats regretteriez-vous? Comment mangeriez-vous? (j'ai ma réponse perso, j'ai testé le local, puis continué à manger français, l'estomac s'adapte mal dans la plupart des pays)(mais j'ai quand même des plats préférés d'autres pays)

lundi 10 février 2020

Anatomie de la stupeur

Anatomie de la stupeur
State of Wonder
Ann Patchett
Actes sud, Babel, 2019
Traduit par Gaëlle Rey



J'avais tellement aimé Orange amère, l'ambiance, la construction, les personnages, que j'ai tout de suite sauté sur Anatomie de la stupeur, sans savoir de quoi ça parlait.

Dans le Minnesota, Marina Singh est chercheuse au sein d'une entreprise pharmaceutique qui finance un groupe de médecins au fin fond de l’Amazonie, sous la houlette du Dr. Annick Swenson, quand même un fichu personnage qui mène le tout à son idée, sans trop rendre compte de l'avancée des recherches. Un collègue de Marina a été envoyé, hélas Swenson a annoncé sa mort, alors le chef de Marina l'envoie à Manaus, charge à elle de se débrouiller pour en savoir plus. Sauf que personne ne sait trop comment retrouver le Dr. Swenson.

Finalement, Marina va mener la mission à bien, non sans grosses surprises. La jungle amazonienne est pleine de découvertes (et de bébêtes pas sympathiques).

Se posent diverses questions : jusqu'où peut-on aller dans les recherches et les expérimentations? Jusqu'où peut-on tromper ceux qui vous financent? Jusqu'où peut-on intervenir auprès des populations locales (ici les Lakashis)?

Bref, excellent roman, (un peu trop ^_^) dépaysant, et passionnant!!! Tout de suite on est en empathie avec les personnages, même agaçants mais qui se découvrent au fil du roman, l'auteur impose son rythme de découverte, et le tout est fort fluide.

Un truc dingue que j'ai découvert, l'opéra de Manaus!




jeudi 6 février 2020

Les filles de Romorantin

Les filles de Romorantin
Nassira El Moaddem
L'iconoclaste, 2019


Nassira El Moaddem est journaliste, télévision, internet (Bondy blog), elle est née en 1984, et après quelques années d'enfance passées à S., ville bien connue pour son fromage de chèvre (oui, A girl, là même), sa famille déménage à Romorantin. Le père, comme 3500 habitants du coin, travaille à l'usine Matra, les enfants font des études, Nassira a le parcours qu'on peut découvrir sur wikipedia et que de toute façon elle relate dans son livre.

Elle est revenue récemment à Romorantin, dite 'capitale de la Sologne', au moment des gilets jaunes, désireuse d'en rencontrer, et aussi de parler de sa ville et de sa jeunesse. En particulier elle veut retrouver son amie Caroline, fille de commerçants et désormais ouvrière, dont la deuxième quinzaine de mois est chaque fois très difficile.
Comme indiqué sur la couverture, 'elles sont nées dans la même ville, l'une est restée, l'autre est partie, c'est l'histoire de deux destins...', alors pourquoi? J'avais une petite idée de la réponse avant cette lecture, à vous de la découvrir.

C'est aussi l'occasion pour Nassira el Moaddem de parler de Romorantin, qui comme bien des villes dont l'usine principale a fermé, a connu le choc du chômage, des départs, des drames humains. Beaucoup vivotent. le centre ville voit les commerces fermer ou en tout cas les enseignes défiler, ce qui est le cas de bien d'autres petites villes. Elle a parcouru la ville, assisté à des réunions avec des gilets jaunes (un peu réticents face à une journaliste, même issue du coin), revu des connaissances ou amis d'enfance. Elle a rencontré le maire et des responsables (parfois avec difficulté) et rencontré le public lors d'une réunion houleuse, à en lire la presse locale. C'est sûr que certaines affirmations sur la ville ne lui ont pas fait que des amis. Center Parks n'a pas dû apprécier non plus (je n'ai pas d'échos)

Mais elle l'aime, sa ville, cela se sent, et elle a écrit des pages aussi pleines de sensibilité, ainsi que sur sa famille et la communauté de Romorantin issue de l'immigration. Même si l'on ne connaît pas ce coin (et c'est dommage!), ce qui en est dit peut s'appliquer à d'autres villes et c'est aussi pour cela que la lecture s'avère intéressante.

Ceci étant, je ne peux demeurer neutre dans cette histoire, quand tout du long des pages je visualise les lieux, je reconnais des noms de lieux et de personnes, et le gros choc pour moi ça a été de retrouver une personne que j'ai bien connue, et donc j'ignorais qu’elle habitait encore la ville (le temps passe...)

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lundi 3 février 2020

Opération âme errante

Opération âme errante
Opération Wandering Soul, 1993
Richard Powers
Le cherche midi, 2019
Traduit par Jean-Yves Pellegrin


Un titre paru il y a longtemps et enfin traduit? On se demande pourquoi avoir attendu, car cet opus est parfaitement au niveau des autres. Les mystères de l'édition... Les fans de Powers y retrouveront son écriture plutôt fouillée, son souffle, son empathie. Un roman de Richard Powers ne laisse jamais indifférent, même si j'avoue ne pas avoir vraiment tout compris. Cela peut être lyrique, évocateur de faits dont on ne se souvient pas toujours, cela peut faucher le lecteur au cours d'une phrase, par un détail douloureux et atroce sur le mal fait aux enfants.

Les enfants, oui. Un chapitre peut être consacré à une réécriture du conte du joueur de flûte de Hamelin, présenter la croisade des enfants, parler de la construction d'une école dans le sud est asiatique par des enfants privilégiés, décrire un attentat dans une école primaire, nous plonger dans le quotidien foutraque d'enfants très malades à l'hôpital (ah Nicolino), émouvoir avec la lumineuse petite Joy, réfugiée du Laos et bouffée par la maladie, amuser ironiquement avec l’évacuation des petits londoniens lors de la seconde guerre mondiale.

Après une extraordinaire arrivée (par les tentaculaires voies traversant Los Angeles) du docteur Kraft à son hôpital où il exerce en chirurgie pédiatrique, on est ferré. Il tombe raide amoureux de la belle Linda Espera, kinésithérapeute, mais on n'est pas dans un roman Harlequin, bien sûr. Alors faites confiance à Richard Powers pour ne pas vous diriger là où vous le pensiez. C'est dense, parfois beaucoup, et pas très optimiste sur notre monde...

L'opération wandering soul a réellement existé, au Vietnam.

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