La route de Tassiga
Antoine Piazza
Editions du Rouergue, 2008
Après
Roman fleuve (plutôt SF?) retrouvons l'écriture de bonne tenue d'Antoine Piazza dans ce roman
qui, de même que Les ronces où il raconte sa vie d'instituteur dans un village perdu en montagne, a une
base largement autobiographique.
Le narrateur, dont on ne connaîtra
pourtant pas l'identité exacte, échappe au service national en
signant un contrat de deux ans durant lesquels il devra enseigner aux
enfants d'expatriés travaillant sur un
chantier de
construction d'une route au fin fond du Niger. Son mobile home salle de classe sera posé dans la cour de l'école française.
Une centaine de personnes, travaillant pour la Compagnie, s'ajoute
donc à la population de Tassiga. Piazza, même s'il évoque de façon
précise et véridique l'ambiance de cette
grosse
ville haoussa située à 900 km à l'est de Niamey, avec les
hadj, les commerçants libanais, les vendeurs de souvenirs, les boys, les
paysans du coin, les séances au cinéma, etc...,
s'attache surtout à décrire le petit monde des expatriés, les
habitués du club privé, le centre culturel et son directeur, les
employés de la Compagnie, leurs épouses éventuellement, tout un
monde à des milliers de kilomètres de la France.
Pas besoin d'être un expert en Travaux Publics pour suivre les aléas
des travaux, qui aboutiront à la construction de cent-soixante
kilomètres de belle route vers l'est, des centaines de
kilomètres restant encore avant d'atteindre le Tchad.
La vie est ponctuée par les saisons, fraîcheur ou chaleur de plomb,
poussière et sécheresse ou pluie bienvenue rendant la circulation
difficile.
Le narrateur porte sur tout ce microcosme un
regard assez distancié, sans jugement et sans égards non plus.
L'écriture est efficace, imagée, coulant tout seul, l'humour
affleure discrètement, sans appuyer. Pas d'événements
sensationnels dans ce roman (cela se passe en 1980-1982 cependant les
résultats de la présidentielle ne feront que peu de remous)
mais la chronique qui sonne juste de tout un petit monde au bout du
monde et des portraits de "belles gueules" traînant leur vie en Afrique
sur les chantiers.
Ce roman peut fasciner par son côté Le désert des tartares
pour l'ambiance suspendue et refermée ou ennuyer pour les mêmes raisons
surtout si l'on y cherche de l'exotisme et de
l'aventure.
Jamais je n'aurais pu aborder cette lecture comme une terre vierge,
puisque j'ai vécu à Tassiga (son nom réel est autre) durant quatre ans,
mais bien plus tard, et ai emprunté assez souvent cette
fameuse "Route de Tassiga", dans sa version terminée, en tout cas
sur quatre-cent soixante kilomètres vers l'est. Un bon goudron, comme on
dit là-bas. Je me suis beaucoup amusée à redécouvrir les
mille petits détails vrais sur la vie locale qui affleurent
discrètement sous l'histoire de la Compagnie. Même les incursions du
dimanche matin au marché proche de Myrriah restaient une tradition
chez les expatriés. Le centre culturel offrait toujours des milliers
de livres qui ont étanché ma soif. Je me garderai bien d'aborder le
sujet de la vie des expatriés sous le regard sans doute
ironique et étonné des autochtones. Tiens, j'y retournerais bien...
Une critique dans
Telerama, chez
babelio,
le bibliophare (pas plus objectif que moi)
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