Une femme que j'aimais
Armel Job
Robert Laffont, 2018
Grâce au mois belge (rendez-vous que je vous encourage à rejoindre) j'ai encore découvert un bon auteur, dont le nom revient assez fréquemment sur les blogs. Pas le choix, seul ce titre est présent, et pourtant je fréquente deux bibliothèques.
Claude est un jeune homme sans rien de remarquable. Il est aide pharmacien, se contente de rencontres sans lendemains, en fait il est fasciné par sa tante Adrienne, veuve habitant une belle villa pas loin de ses chez parents. Sans s'occuper des remarques, il lui rend visite tous les samedis. Elle s'intéresse à ce neveu si gentil, et lui apprend qu’elle désire lui confier un secret. Hélas, Claude file et quelque temps après, c'est trop tard pour l’écouter, car il la retrouve morte chez elle, suite à un accident semble-t-il. Notre narrateur a l'imagination fertile et imagine qu'il pourrait s'agir d'un meurtre. Délaissant cette piste improbable (pour l'instant), il décide de fouiller dans le passé d'Adrienne, mettant peu à peu à jour la vérité, non sans avoir élaboré pas mal de fausses pistes (il a de l'imagination!)
Au final, ressort l'histoire d'une femme pas si neutre que cela. Beaucoup sont tombés sous son charme, elle a connu bien des chagrins. Impossible de lâcher ce roman, remarquable par la façon fluide dont les révélations arrivent, souvent au grand dam de Claude.
"Emporter un sachet de frites bien chaudes au creux d'une main, les manger dans la rue avec les doigts de l'autre main en faisant des mouillettes dans la motte de mayonnaise accrochée au coin supérieur du papier, c'est un des plaisirs les plus intenses que l'on puisse s’offrir, un acte de foi dans l’existence. Les déprimés, les élégants, les prétentieux -toutes personnes qui grignotent la vie du bout des dents- ne mangeront jamais de frites sur le trottoir.Il n'y a que les optimistes pour se livrer en public à cette manducation jubilatoire."
Les avis de Le livre d'après, Sandrine,
Toujours le mois belge
lundi 29 avril 2019
jeudi 25 avril 2019
Des hommes en noir
Des hommes en noir
Sera larga la noche
Santiago Gamboa
Métailié, 2019
Traduit par François Gaudry
Colombie, des années après les FARC, mais ce n'est pas pour autant que tout est calme et que la violence a disparu. D'entrée de jeu, grosse attaque d'un Hummer à la mitrailleuse, intervention d'un hélicoptère, bref, du lourd, et cela sur une modeste route de campagne. Mais qui a été attaqué? Qui a lancé ces hostilités? Où sont les cadavres? Et ensuite, qui sont-ils? Bref, pas mal de questions auxquelles vont tenter de répondre les trois personnages principaux, le procureur Edilson Jutsinamuy (mention spéciale à l'inénarrable Laiseca, son subordonné), Julieta la journaliste et Johana son assistante. De Bogota à Cali, y compris des bleds paumés, en passant par la Guyane française, les voilà plongés dans l'univers des églises évangéliques locales aux noms originaux, et de leurs pasteurs fascinants et parfois inquiétants.
Voilà donc une histoire menée tambour battant, dans un pays encore meurtri par la guerre civile. Pas la peine de connaître l'histoire colombienne en détail, d'ailleurs.
Merci à l'éditrice (et ses choix impeccables) et A. S.
Sera larga la noche
Santiago Gamboa
Métailié, 2019
Traduit par François Gaudry
Colombie, des années après les FARC, mais ce n'est pas pour autant que tout est calme et que la violence a disparu. D'entrée de jeu, grosse attaque d'un Hummer à la mitrailleuse, intervention d'un hélicoptère, bref, du lourd, et cela sur une modeste route de campagne. Mais qui a été attaqué? Qui a lancé ces hostilités? Où sont les cadavres? Et ensuite, qui sont-ils? Bref, pas mal de questions auxquelles vont tenter de répondre les trois personnages principaux, le procureur Edilson Jutsinamuy (mention spéciale à l'inénarrable Laiseca, son subordonné), Julieta la journaliste et Johana son assistante. De Bogota à Cali, y compris des bleds paumés, en passant par la Guyane française, les voilà plongés dans l'univers des églises évangéliques locales aux noms originaux, et de leurs pasteurs fascinants et parfois inquiétants.
Voilà donc une histoire menée tambour battant, dans un pays encore meurtri par la guerre civile. Pas la peine de connaître l'histoire colombienne en détail, d'ailleurs.
Merci à l'éditrice (et ses choix impeccables) et A. S.
lundi 22 avril 2019
(Le) La ministre est enceinte
ou la grande querelle de la féminisation des mots
Bernard Cerquiglini
Seuil, 2018
Ne riez pas! L'on a pu apprendre dans les journaux (à l'époque) que le capitaine Prieur avait été rapatrié, parce qu'il commençait une grossesse. "Le capitaine Dominique Prieur était enceinte.". Ou bien Le ministre des sports, qui était enceinte, n'a pu sauter en parachute comme prévu." (le monde du 16 octobre 92, à propos de Frédérique Bredin).
Bernard Cerquiglini suit l'affaire de la féminisation des mots depuis un certain temps, et c'est avec humour qu'il rappelle l'évolution des dernières années, en particulier la résistance de l'Académie française. Un feuilleton assez franco-français, puisque les francophones non français se posent moins de questions, et les québécois, en particulier, entourés du monde anglophone, se défendent et font preuve d’une belle inventivité. Il semble qu'on soit sur le bon chemin.
Des linguistes belges rappellent d'ailleurs qu'on peut féminiser intuitivement tous les substantifs animés humains du français, et citent des exemples, avoué, bourgmestre, échevin, ministre, etc., avec même des noms fictifs, tels calefrier, chapporé, ciremel, damilin, filiciste (je parie que vous y arrivez!)
Un chapitre fort gouleyant rappelle comment c'était dans le passé, là où on ne s'embarrassait pas de l'Académie, qui d'ailleurs n'existait pas. La féminisation s'en donnait à cœur joie, ou plutôt, tout ou presque existait, suivant ces règles intuitives.
Puis le masculin est venu établir sa loi, moquant certaines féminisations (pourtant avérées au Moyen âge...) et chipotant pas mal, par exemple on accepte une secrétaire si c'est une employée assez subalterne, mais pas une secrétaire si c'est la perpétuelle de l'Académie...
La langue reflète les moeurs, avec l'exemple d'étudiante, dont le sens aujourd'hui est évident, mais qui au 19ème siècle, puisque les jeunes filles n'accédaient pas à l'université, désignait plutôt les petites copines des étudiants.
Certaines prises de position datant de peu d'années semblent ahurissantes, mais la langue est vivante et refuse les carcans. A vous de plonger dans ce livre vraiment fort intéressant et pas difficile d'accès (l'auteur, citant une fois un truc jargonnant, se permet de 'traduire'; merci à lui). Il reste pas mal à découvrir dans ces pages si riches et amenant à la réflexion. Perso, je ne sais si je dis auteur, auteure ou autrice?
Citons une partie de la conclusion
"Il est urgent que l'instance chargée du magistère de la langue rappelle que l'historie du lexique des métiers et fonctions fut marquée d'un resserrement social; qu’elle prenne acte de la disparition du féminin conjugal [ambassadrice = femme d'ambassadeur] [et pourtant Catherine de Médicis était régente, en tant que mère du roi trop jeune!], témoin d’une époque de minoration de la femme; qu’elle appelle à une féminisation de ce lexique: qu’elle encourage son emploi, se conformant à la distinction réaffirmée entre le spécifique particulier, désignant une personne, et le générique signifiant une fonction (une académicienne occupera un jour les fonctions de chancelier de l'Institut); qu’elle souligne par là même la richesse de l'expression linguistique (offrant plus de nuances, par exemple, qu'une abréviation à finalité inclusive);qu’elle se montre bienveillante envers les formes anciennes (écrivaine) pu néologiques (magistrate) formées dans les règles; qu’elle fasse preuve d'un peu d'audace en acceptant le commode suffixe francophone -eure. Au passage, quelle gratifie enfin le ministre d'une âme sœur."
ainsi qu'un passage sur l'écriture inclusive
"Nous recommandons la réduplication, c'est à dire l'explicitation lexicale (et non abréviative)de la mixité d'un groupe humain.Mais -et cette restriction nous paraît capitale - seulement quand une telle explication est requise ou souhaitée. En d'autres termes, le bon usage ainsi que la communication performante requièrent de faire diffuser dans un train le message : 'Tous les voyageurs sont priés de descendre.' Les formulations 'Tous les voyageurs et toutes les voyageuses', ainsi que 'Tout.es les voyageur.ses' sont en l’occurrence inappropriées. En revanche, informer que 'les candidats et les candidates passeront une épreuve de lancer de poids' est bienvenu. Où gît la différence? Dans l'intérêt reconnu d'exposer la mixité sexuelle du groupe considéré. Qui en est juge? Celui ou celle qui formule l'assertion , qui doit avoir conscience de l'enjeu et une certaine maîtrise du fonctionnement linguistique. Nous ne nous affilierons donc ni au purisme androcentriste ni au féminisme rudimentaire : nous suivrons la langue, en faisant confiance à ses locuteurs."
vendredi 19 avril 2019
Kiruna
Kiruna
Maylis de Kérangal
La contre allée, 2019
Après les mines au 17ème siècle et Olivier Truc, retour dans le même coin, avec toujours les mines, mais avec Maylis de Kerangal, pour un "texte d'une série produite dans le cadre du programme 'Mineurs d'un autre monde'."
Avouons-le tout de suite, je n'ai jamais lu l'auteur, déplorant un abandon de Réparer les vivants. Mais Kiruna est plutôt à classer en non fiction, avec un texte se rapprochant de l'enquête journalistique. Et cela s'est révélé absolument passionnant.
Kiruna se situe au nord du cercle arctique, et sa vie tourne autour de l'exceptionnelle mine de fer à laquelle elle doit son existence.Le côté far west du début a disparu, les femmes occupent désormais tous les postes, et le travail du mineur a bien évolué.
Petit problème, à force de creuser sous la ville, celle-ci menace de s'effondre. Arrêter la mine? Pas question, et la décision a été prise de déplacer la ville, avec de nouveaux bâtiments, sauf certains, historiques, qui seront déménagés (comme l'église par exemple).
On trouve aussi des réfugiés érythréens à Kiruna, la ville ayant l'habitude d'accueillir des étrangers. D'ailleurs si travailler pour la mine vous intéresse, on embauche...
Maylis de Kerangal a su présenter le Kiruna actuel, sans éluder les problèmes passés et à venir. Je recommande.
L'avis de clara, de charybde 2 (illustré de façon magistrale)
Maylis de Kérangal
La contre allée, 2019
Après les mines au 17ème siècle et Olivier Truc, retour dans le même coin, avec toujours les mines, mais avec Maylis de Kerangal, pour un "texte d'une série produite dans le cadre du programme 'Mineurs d'un autre monde'."
Avouons-le tout de suite, je n'ai jamais lu l'auteur, déplorant un abandon de Réparer les vivants. Mais Kiruna est plutôt à classer en non fiction, avec un texte se rapprochant de l'enquête journalistique. Et cela s'est révélé absolument passionnant.
Kiruna se situe au nord du cercle arctique, et sa vie tourne autour de l'exceptionnelle mine de fer à laquelle elle doit son existence.Le côté far west du début a disparu, les femmes occupent désormais tous les postes, et le travail du mineur a bien évolué.
Petit problème, à force de creuser sous la ville, celle-ci menace de s'effondre. Arrêter la mine? Pas question, et la décision a été prise de déplacer la ville, avec de nouveaux bâtiments, sauf certains, historiques, qui seront déménagés (comme l'église par exemple).
On trouve aussi des réfugiés érythréens à Kiruna, la ville ayant l'habitude d'accueillir des étrangers. D'ailleurs si travailler pour la mine vous intéresse, on embauche...
Maylis de Kerangal a su présenter le Kiruna actuel, sans éluder les problèmes passés et à venir. Je recommande.
L'avis de clara, de charybde 2 (illustré de façon magistrale)
mercredi 17 avril 2019
Mercredi blanc
Mercredi blanc
Dominique Lin
Elan sud, 2019
Dominique Lin avait su me plaire avec Un goût de terre dans la bouche, ce cadre trentenaire quittant son quotidien et posant son regard sur des inconnus rencontrés, et surtout l'élégance de l'écriture. Quand l'auteur m'a proposé son nouvel opus, j'ai donc répondu affirmativement, alors que d'ordinaire j'évite cet exercice presque à l'aveugle. Quoique ici j'ai pu lire les premières pages sur le site de l'éditeur et j'avais confiance.
Cette fois, l'héroïne principale est une collégienne de 14 ans, vivant dans une cité dont l'un au moins des immeubles permet des petits trafics. Elle apprécie surtout le français et le sport, en particulier l'escalade; elle n'hésite pas non plus à grimper sur les échafaudages et monter descendre dans sa cage d'escalier (au milieu!). Bref, elle est douée et l'exemple de son père, absent/disparu, l'inspire et la mène à s'intéresser aux grands alpinistes.
On lui propose de se joindre à un groupe de grimpeurs/danseurs dans le lycée voisin. Tout va bien jusqu'au jour où.
Non, nous ne sommes pas dans un roman jeunesse, quoique je pourrais fort le passer à un (e) ado ne craignant pas le passé simple et le français soutenu. Lucie est entourée de deux jeunes frères, remplaçant souvent une mère au travail, et deux aînés. La mère essaie de maintenir son monde sur une voie droite (loin de la tour numéro 10, quoi). Apparaissent aussi un ami de Lucie et un autre de Sophie. Le monde des adultes n'est pas absent et l'ambiance familiale pleine d'amour. Lucie finira par en découvrir plus sur son père, et sur ses propres envies à elle.
Dominique Lin n'a pas cherché le sensationnel, les ambiances glauques, mais à raconter une belle histoire plausible, qui emporte vers d'autres horizons.
Dominique Lin
Elan sud, 2019
Dominique Lin avait su me plaire avec Un goût de terre dans la bouche, ce cadre trentenaire quittant son quotidien et posant son regard sur des inconnus rencontrés, et surtout l'élégance de l'écriture. Quand l'auteur m'a proposé son nouvel opus, j'ai donc répondu affirmativement, alors que d'ordinaire j'évite cet exercice presque à l'aveugle. Quoique ici j'ai pu lire les premières pages sur le site de l'éditeur et j'avais confiance.
Cette fois, l'héroïne principale est une collégienne de 14 ans, vivant dans une cité dont l'un au moins des immeubles permet des petits trafics. Elle apprécie surtout le français et le sport, en particulier l'escalade; elle n'hésite pas non plus à grimper sur les échafaudages et monter descendre dans sa cage d'escalier (au milieu!). Bref, elle est douée et l'exemple de son père, absent/disparu, l'inspire et la mène à s'intéresser aux grands alpinistes.
On lui propose de se joindre à un groupe de grimpeurs/danseurs dans le lycée voisin. Tout va bien jusqu'au jour où.
Non, nous ne sommes pas dans un roman jeunesse, quoique je pourrais fort le passer à un (e) ado ne craignant pas le passé simple et le français soutenu. Lucie est entourée de deux jeunes frères, remplaçant souvent une mère au travail, et deux aînés. La mère essaie de maintenir son monde sur une voie droite (loin de la tour numéro 10, quoi). Apparaissent aussi un ami de Lucie et un autre de Sophie. Le monde des adultes n'est pas absent et l'ambiance familiale pleine d'amour. Lucie finira par en découvrir plus sur son père, et sur ses propres envies à elle.
Dominique Lin n'a pas cherché le sensationnel, les ambiances glauques, mais à raconter une belle histoire plausible, qui emporte vers d'autres horizons.
lundi 15 avril 2019
Moi qui n'ai pas connu les hommes
Moi qui n'ai pas connu les hommes
Jacqueline Harpman
Stock, 1995
(existe en poche)
"Au plus loin que je puisse retourner, je suis dans la cave."
Les 39 autres femmes l'appellent la Petite, c'est la plus jeune, sans doute adolescente parmi des adultes. Elle n'a aucun autre souvenir, alors que les autres se souviennent de leur vie passée, un métier, un mari, des enfants. Le tout embrumé par une possible prise de médicaments.
Ces femmes sont enfermées dans une grande cage, surveillées par trois gardes muets qui leur apportent de quoi préparer leurs repas, éventuellement des remèdes si nécessaire, et décrètent quand il est temps de se lever ou se coucher. Mais sur la base de quelles journées, puisque l'éclairage n'est jamais éteint?
Autorisation de parler, mais pas trop énergiquement, interdiction de se toucher.
"A quoi servions-nous, ici?"
"Que faisions-nous ici, pourquoi nous maintenait-on en vie?"
Beaucoup beaucoup de questions dans cette dystopie. Est-on toujours sur la planète Terre? Qui décide? Pourquoi cet enfermement? Est-ce une expérience? Or sachez le, les femmes (et le lecteur) vont vite comprendre qu'il n'y aura pas de réponses. Pourtant ce roman est absolument fascinant.
Je ne vais pas raconter ce qui se passe, d'ailleurs dès le début la narratrice, la Petite, arrive à la fin de sa vie et donne quelques détails. C'est impossible d'oublier ces 40 femmes si différentes, plongées dans une situation (qui évoluera, je peux le confier) sans qu’elles comprennent jamais. .
C'est un roman puissant sur la volonté de rester des êtres humains, de garder le pouvoir de décider. Grâce à Ellettres, suite à son billet récent, j'ai sorti ce livre de ma PAL. Elle évoque Le mur invisible, il y a de cela dans l'absence d'explications et l'adaptation à l'environnement, dans la volonté de vivre.
Des critiques sur babelio, la présentation parle de Kafka, Auster (sans doute Anna Blum?), Le désert des tartares (avec Ellettres on se propose une LC) et sur lecture écriture
Pour le mois belge
Jacqueline Harpman
Stock, 1995
(existe en poche)
"Au plus loin que je puisse retourner, je suis dans la cave."
Les 39 autres femmes l'appellent la Petite, c'est la plus jeune, sans doute adolescente parmi des adultes. Elle n'a aucun autre souvenir, alors que les autres se souviennent de leur vie passée, un métier, un mari, des enfants. Le tout embrumé par une possible prise de médicaments.
Ces femmes sont enfermées dans une grande cage, surveillées par trois gardes muets qui leur apportent de quoi préparer leurs repas, éventuellement des remèdes si nécessaire, et décrètent quand il est temps de se lever ou se coucher. Mais sur la base de quelles journées, puisque l'éclairage n'est jamais éteint?
Autorisation de parler, mais pas trop énergiquement, interdiction de se toucher.
"A quoi servions-nous, ici?"
"Que faisions-nous ici, pourquoi nous maintenait-on en vie?"
Beaucoup beaucoup de questions dans cette dystopie. Est-on toujours sur la planète Terre? Qui décide? Pourquoi cet enfermement? Est-ce une expérience? Or sachez le, les femmes (et le lecteur) vont vite comprendre qu'il n'y aura pas de réponses. Pourtant ce roman est absolument fascinant.
Je ne vais pas raconter ce qui se passe, d'ailleurs dès le début la narratrice, la Petite, arrive à la fin de sa vie et donne quelques détails. C'est impossible d'oublier ces 40 femmes si différentes, plongées dans une situation (qui évoluera, je peux le confier) sans qu’elles comprennent jamais. .
C'est un roman puissant sur la volonté de rester des êtres humains, de garder le pouvoir de décider. Grâce à Ellettres, suite à son billet récent, j'ai sorti ce livre de ma PAL. Elle évoque Le mur invisible, il y a de cela dans l'absence d'explications et l'adaptation à l'environnement, dans la volonté de vivre.
Des critiques sur babelio, la présentation parle de Kafka, Auster (sans doute Anna Blum?), Le désert des tartares (avec Ellettres on se propose une LC) et sur lecture écriture
Pour le mois belge
jeudi 11 avril 2019
Le blues du chat
Le blues du chat
Sophie Chabanel
Seuil, 2019
En demandant ce roman à Babelio, je savais que ce serait un polar sans hémoglobine ou effets de terreur, et qu'il y aurait un chat et de l'humour. Donc ça m'allait.
Le lecteur a pu faire connaissance dans La griffe du chat de la commissaire Romano et de ses adjoints le capitaine Tellier et l'adjudant Clément. Tellier, aux réactions parfois étranges, qu'il faut manipuler avec doigté, et Clément, pas forcément très futé et efficace mais dévoué et obéissant. De plus dans son couple c'est lui qui se porte absent quand son gamin est malade, partage des tâches dont se réjouit (mais faut pas abuser) Romano la féministe.
Célibataire, 47 ans, Romano mène une vie où la gent masculine peut intervenir, mais pas trop longtemps. Elle est parfois borderline (son utilisation du gyrophare étant la moins grave, finalement) et n'hésite pas à bousculer (verbalement) les suspects ou ses collègues, et même son supérieur (en mode hypocrite). Elle a son franc parler:
"Ils ne sont pas obligés de colporter les propos nauséabonds de tous les abrutis sans conscience ni morale. Pour ça, on a déjà Internet."
"Un interrogatoire de nuit dans des bureaux vides, ça a toujours de la gueule."
Bon, mais qui dit polar dit (au moins ) un mort, non? L'ex-trader François-Xavier Tourtier s'y colle. Allergique à la crevette, le voilà qui meurt lors de la réception célébrant sa remise de légion d'honneur. Des suspects, mais bien plus sympathiques que le mort! Romano va cependant mener à bien son enquête, avec les rebondissements habituels. (je trouve juste que la personne coupable aurait pu régler le problème François-Xavier -un type plus qu'odieux, je le rappelle- sans le tuer, il existe des moyens autres et légaux)
On découvrira une veuve pas tellement éplorée, un amoureux écolo et transi, un prêtre fort regardable (et un évêque sans langue de bois), un grand père très classe et une voisine bien curieuse.
Bon, et le chat? Le pauvre Ruru est assez spécial, mon amour des chats ne peut celer cette vérité...
"Payer un psy à mon chat? Alors que j'ai soigné mes névroses familiales en automédication, à coup de bière et de Nutella?"
En résumé : lecture fort plaisante, ça file tout seul, sans temps morts, on s'amuse bien.
Challenge de Philippe
Sophie Chabanel
Seuil, 2019
En demandant ce roman à Babelio, je savais que ce serait un polar sans hémoglobine ou effets de terreur, et qu'il y aurait un chat et de l'humour. Donc ça m'allait.
Le lecteur a pu faire connaissance dans La griffe du chat de la commissaire Romano et de ses adjoints le capitaine Tellier et l'adjudant Clément. Tellier, aux réactions parfois étranges, qu'il faut manipuler avec doigté, et Clément, pas forcément très futé et efficace mais dévoué et obéissant. De plus dans son couple c'est lui qui se porte absent quand son gamin est malade, partage des tâches dont se réjouit (mais faut pas abuser) Romano la féministe.
Célibataire, 47 ans, Romano mène une vie où la gent masculine peut intervenir, mais pas trop longtemps. Elle est parfois borderline (son utilisation du gyrophare étant la moins grave, finalement) et n'hésite pas à bousculer (verbalement) les suspects ou ses collègues, et même son supérieur (en mode hypocrite). Elle a son franc parler:
"Ils ne sont pas obligés de colporter les propos nauséabonds de tous les abrutis sans conscience ni morale. Pour ça, on a déjà Internet."
"Un interrogatoire de nuit dans des bureaux vides, ça a toujours de la gueule."
Bon, mais qui dit polar dit (au moins ) un mort, non? L'ex-trader François-Xavier Tourtier s'y colle. Allergique à la crevette, le voilà qui meurt lors de la réception célébrant sa remise de légion d'honneur. Des suspects, mais bien plus sympathiques que le mort! Romano va cependant mener à bien son enquête, avec les rebondissements habituels. (je trouve juste que la personne coupable aurait pu régler le problème François-Xavier -un type plus qu'odieux, je le rappelle- sans le tuer, il existe des moyens autres et légaux)
On découvrira une veuve pas tellement éplorée, un amoureux écolo et transi, un prêtre fort regardable (et un évêque sans langue de bois), un grand père très classe et une voisine bien curieuse.
Bon, et le chat? Le pauvre Ruru est assez spécial, mon amour des chats ne peut celer cette vérité...
"Payer un psy à mon chat? Alors que j'ai soigné mes névroses familiales en automédication, à coup de bière et de Nutella?"
En résumé : lecture fort plaisante, ça file tout seul, sans temps morts, on s'amuse bien.
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lundi 8 avril 2019
Derrière la colline
Derrière la colline
Xavier Hanotte
Belfond, 2014
On peut dire que j'ai tourné autour de cette lecture! Après Ours toujours (2016) Du vent (2017) et Le couteau de Jenufa (2018), déjà pour le mois belge, avec avis 'roman épatant!', j'ai démarré le dernier disponible de cet auteur. Ce qui me faisait hésiter? Le côté 'guerre mondiale', tranchées et tout ça.
Mais Hanotte a choisi ses héros anglais. Tout deux issus du même coin, ils se rencontrent par hasard à Londres. L'un, Nigel Parsons, est plus ou moins professeur et sous le pseudonyme de Nicholas Parry a écrit quelques poèmes, parus et appréciés par quelques uns. Il est encore sous le coup d'une rupture douloureuse avec Béatrice (un clin d'oeil à Dante?). L'autre, William Salter, est jardinier et passionné. On ne saura rien de sa vie privée.
Entre les deux, naît une amitié parfaite; ils s'engagent et on les retrouve dans le nord de la France, particulièrement en 1916 lors d'un combat meurtrier (à couper le souffle!).
Par ailleurs en 1948 un certain William vit dans la Somme, marié à Jacqueline et s'occupant de l'entretien des nombreux cimetières anglais.
Voilà, je n'en dis pas plus, bien évidemment il reste à découvrir je le garantis. Comme dans les précédents romans de Hanotte intervient ce que j'appellerais 'un léger décalage' lorsque le narrateur découvre ce qui est caché 'derrière la colline'. Rêve? Vision du futur? De l'autre monde? Avec un final sublime.
Et la guerre? Bien sûr elle est là. Hanotte donne à ressentir sa réalité quotidienne, son horreur, sa tragédie, son inanité.
"Aussi abrupte qu'inattendue, fruit d'un authentique escamotage politique, la fin de la guerre n'avait pas eu l'air vraie. Quiconque l'avait vécue au quotidien ne pouvait comprendre qu'après avoir broyé des millions d'hommes et défiguré des provinces entières, une mécanique en apparence inexorable pût s'arrêter ainsi, d'un coup, sans autre forme de procès, par décision d'arbitres dont personne n'avait jamais aperçu les hauts-de-forme sur aucun champ de bataille."
Des avis chez babelio,
Toujours le mois belge
Xavier Hanotte
Belfond, 2014
On peut dire que j'ai tourné autour de cette lecture! Après Ours toujours (2016) Du vent (2017) et Le couteau de Jenufa (2018), déjà pour le mois belge, avec avis 'roman épatant!', j'ai démarré le dernier disponible de cet auteur. Ce qui me faisait hésiter? Le côté 'guerre mondiale', tranchées et tout ça.
Mais Hanotte a choisi ses héros anglais. Tout deux issus du même coin, ils se rencontrent par hasard à Londres. L'un, Nigel Parsons, est plus ou moins professeur et sous le pseudonyme de Nicholas Parry a écrit quelques poèmes, parus et appréciés par quelques uns. Il est encore sous le coup d'une rupture douloureuse avec Béatrice (un clin d'oeil à Dante?). L'autre, William Salter, est jardinier et passionné. On ne saura rien de sa vie privée.
Entre les deux, naît une amitié parfaite; ils s'engagent et on les retrouve dans le nord de la France, particulièrement en 1916 lors d'un combat meurtrier (à couper le souffle!).
Par ailleurs en 1948 un certain William vit dans la Somme, marié à Jacqueline et s'occupant de l'entretien des nombreux cimetières anglais.
Voilà, je n'en dis pas plus, bien évidemment il reste à découvrir je le garantis. Comme dans les précédents romans de Hanotte intervient ce que j'appellerais 'un léger décalage' lorsque le narrateur découvre ce qui est caché 'derrière la colline'. Rêve? Vision du futur? De l'autre monde? Avec un final sublime.
Et la guerre? Bien sûr elle est là. Hanotte donne à ressentir sa réalité quotidienne, son horreur, sa tragédie, son inanité.
"Aussi abrupte qu'inattendue, fruit d'un authentique escamotage politique, la fin de la guerre n'avait pas eu l'air vraie. Quiconque l'avait vécue au quotidien ne pouvait comprendre qu'après avoir broyé des millions d'hommes et défiguré des provinces entières, une mécanique en apparence inexorable pût s'arrêter ainsi, d'un coup, sans autre forme de procès, par décision d'arbitres dont personne n'avait jamais aperçu les hauts-de-forme sur aucun champ de bataille."
Des avis chez babelio,
Toujours le mois belge
jeudi 4 avril 2019
Une maison parmi les arbres
Une maison parmi les arbres
Julia glass
Gallmeister, 2018
Traduit par Josette Chicheportiche
Dès que ce titre est apparu sur les blogs, j'ai su que je voulais le lire, l'auteur étant une de mes chouchous, que je suis les yeux fermés. Comme l'écrivait sur son blog Mrs Pepys, "Qu’il est plaisant de se plonger dans un roman où la préoccupation première n’est pas une intrigue menée tambour battant avec une avalanche de péripéties ! "
Oui, c'est exactement cela. On prend le roman, on le laisse, un peu à regret, puis on retrouve avec plaisir les personnages. Morty Lear, auteur-illustrateur de livres pour enfants et adolescents, décède accidentellement, laissant dans l'embarras sa gouvernante/ dame de compagnie/ secrétaire Tomasina (Tommy) Daulair. Celle-ci a mis complètement de côté sa vie personnelle pour se consacrer à l'auteur. Arrivent Nicholas Green, célèbre acteur devant jouer le rôle de Morty Lear dans un film et découvrant qu'il ne rencontrera pas l'auteur, interviennent Meredith, directrice d'un musée et espérant exposer les dessins de Morty Lear, Dani le frère de Tomasina, et puis et puis, découvertes sur le passé de Morty Lear, apportant des révélations qu'il faudra digérer. Par ailleurs on constate des ressemblances dans le passé et le présent familial de quelques personnages, expliquant sans doute une certaine empathie entre eux.
Bref, du suspense quand même, une narration bien menée, pas de longueurs.
Les avis de Mrs Pepys, Cathulu, Aifelle, Saxaoul, Delphine,
Julia glass
Gallmeister, 2018
Traduit par Josette Chicheportiche
Dès que ce titre est apparu sur les blogs, j'ai su que je voulais le lire, l'auteur étant une de mes chouchous, que je suis les yeux fermés. Comme l'écrivait sur son blog Mrs Pepys, "Qu’il est plaisant de se plonger dans un roman où la préoccupation première n’est pas une intrigue menée tambour battant avec une avalanche de péripéties ! "
Oui, c'est exactement cela. On prend le roman, on le laisse, un peu à regret, puis on retrouve avec plaisir les personnages. Morty Lear, auteur-illustrateur de livres pour enfants et adolescents, décède accidentellement, laissant dans l'embarras sa gouvernante/ dame de compagnie/ secrétaire Tomasina (Tommy) Daulair. Celle-ci a mis complètement de côté sa vie personnelle pour se consacrer à l'auteur. Arrivent Nicholas Green, célèbre acteur devant jouer le rôle de Morty Lear dans un film et découvrant qu'il ne rencontrera pas l'auteur, interviennent Meredith, directrice d'un musée et espérant exposer les dessins de Morty Lear, Dani le frère de Tomasina, et puis et puis, découvertes sur le passé de Morty Lear, apportant des révélations qu'il faudra digérer. Par ailleurs on constate des ressemblances dans le passé et le présent familial de quelques personnages, expliquant sans doute une certaine empathie entre eux.
Bref, du suspense quand même, une narration bien menée, pas de longueurs.
Les avis de Mrs Pepys, Cathulu, Aifelle, Saxaoul, Delphine,
lundi 1 avril 2019
Traversée intime de l'Afrique de l'ouest
Traversée intime de l'Afrique de l'ouest
Marie Jadoul et François Genot
Weyrich, 2018
Sur les listes proposées par Babelio, je coche peu et uniquement ce qui m'intéresse. La dernière fois, j'ai coché un livre sur les bienfaits de la sieste (puis décoché parce que j'en suis une adepte convaincue), sur les maisons de retraite (on aime se faire du mal) et ce dernier, avec ce couple belge (il y a a eu des coins où mieux valait être belge que français) ayant parcouru 3500 kilomètres à pied à travers Gambie, Sénégal, Guinée, côte d'Ivoire, Burkina, Togo et Bénin. Un bon morceau d'Afrique de l'ouest, donc, que je connais un peu, et il y avait risque que je m'y retrouve trop ou pas assez.
Assez rapidement, j'ai bien accroché! Notre couple raconte au jour le jour, forcément avec des ressemblances, mais les personnes rencontrées changent, les échanges varient, et surtout la narration est entrecoupée de considérations ou données factuelles sur la politique, la société, etc. C'est à la fois très vivant et enrichissant pour le lecteur, après l'avoir été pour ce couple, à 99% ravi de ses rencontres et des regards échangés. Le 1% c'est une ou deux rares demandes de bakchich ou refus d'un chef de village de les accueillir, alors que partout ils ont suscité enthousiasme et ouverture (ce qui ne m'étonne pas, l'Afrique de l'ouest c'est comme cela).
On en apprend sur la Gambie, pays dictatorial et anglophone, inséré dans le Sénégal, puis évocation des tentatives de passer en Europe, des problèmes des ONG, discussions sur la polygamie et l'excision, les séjours de rupture pour jeunes français, le découpage géographique de l'époque coloniale et ses conséquences, le rapport au temps.
Ce livre n'est donc pas juste un compte rendu autocentré sur les beautés du paysage et les petites maladies, mais l'histoire de réels pas vers les autres (et une aventure de couple aussi).
Je vais l'insérer dans le mois belge.
Marie Jadoul et François Genot
Weyrich, 2018
Sur les listes proposées par Babelio, je coche peu et uniquement ce qui m'intéresse. La dernière fois, j'ai coché un livre sur les bienfaits de la sieste (puis décoché parce que j'en suis une adepte convaincue), sur les maisons de retraite (on aime se faire du mal) et ce dernier, avec ce couple belge (il y a a eu des coins où mieux valait être belge que français) ayant parcouru 3500 kilomètres à pied à travers Gambie, Sénégal, Guinée, côte d'Ivoire, Burkina, Togo et Bénin. Un bon morceau d'Afrique de l'ouest, donc, que je connais un peu, et il y avait risque que je m'y retrouve trop ou pas assez.
Assez rapidement, j'ai bien accroché! Notre couple raconte au jour le jour, forcément avec des ressemblances, mais les personnes rencontrées changent, les échanges varient, et surtout la narration est entrecoupée de considérations ou données factuelles sur la politique, la société, etc. C'est à la fois très vivant et enrichissant pour le lecteur, après l'avoir été pour ce couple, à 99% ravi de ses rencontres et des regards échangés. Le 1% c'est une ou deux rares demandes de bakchich ou refus d'un chef de village de les accueillir, alors que partout ils ont suscité enthousiasme et ouverture (ce qui ne m'étonne pas, l'Afrique de l'ouest c'est comme cela).
On en apprend sur la Gambie, pays dictatorial et anglophone, inséré dans le Sénégal, puis évocation des tentatives de passer en Europe, des problèmes des ONG, discussions sur la polygamie et l'excision, les séjours de rupture pour jeunes français, le découpage géographique de l'époque coloniale et ses conséquences, le rapport au temps.
Ce livre n'est donc pas juste un compte rendu autocentré sur les beautés du paysage et les petites maladies, mais l'histoire de réels pas vers les autres (et une aventure de couple aussi).
Je vais l'insérer dans le mois belge.
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