Scipion
Escipion
Pablo Casacuberta
Métailié, 2015
Traduit par François Gaudry
Scipion, Hannibal, voilà qui rappelle les belles heures des guerres entre Romains et Carthaginois... Wolfgang Brener en prénommant son fils Anibal ne lui a sans doute pas fait un si beau cadeau que cela, mais quand on est historien, célèbre et célébré, on rêve que son fils suive ses traces, et si non, la déception est rude et le mépris voire la haine faciles. Oscillant entre 'le besoin d'être reconnu par mon père et le désir de m'opposer à lui', Anibal a fini par fuir l'université et actuellement, deux ans après le décès de son père, il vivote en semi alcoolique dans une pension de famille.
Parvenant -enfin- à entrer dans la villa vide de son père, il réussit à prendre possession de son héritage, à savoir trois boîtes dont le contenu va lui révéler un peu la personnalité de son père et surtout le conduire vers un tout autre testament.
C'est le début d'aventures à rebondissements, de retrouvailles avec le passé, de rencontres parfois inquiétantes où il ne sait plus quelle est la vérité et se doit de renouveler en permanence sa vision des êtres, le tout avec une autodérision sans failles où perce parfois l'émotion, le long de pages fascinantes (l'inondation, un grand moment!). Vraiment un excellent roman!
"Soudain ces images devinrent de plus en plus lancinantes, vives, insistantes. Je revis dix ou quinze scènes en une succession tellement rapide qu'elles paraissaient instantanées. (...)
Mais au dessus de toutes ces images, nombreuses et n'en formant qu'une en même temps, brillait, aussi lumineuse que le soleil qui inondait les eaux, celle du visage souriant de ma mère, tout près de moi, me regardant fixement dans les yeux, avec une expression sincère, souriante, ses doigts doux comme la peau d'un fruit me caressaient la joue, son autre main remontait mes cheveux sur mon front, la paume rosée, ouverte, fleurissait devant mon visage.
Les avis de Nadège, clara, jérôme,
lundi 31 août 2015
vendredi 28 août 2015
Amelia
Amelia
Kimberly McCreight
Le cherche midi, 2015
Amelia, c'est la lycéenne normale. Avec un téléphone dernier cri la connectant au monde entier, et surtout ses copines (celles qu'elle vient de voir et va retrouver dans cinq minutes, en particulier Sylvia). Avec Facebook, Twitter et tous ces incontournables de cet âge. Bonne élève d'un lycée new-yorkais chic et cher, douée en anglais (et elle adore Virginia Woolf), à quinze ans pas de petit copain officiel, alors que Sylvia sa meilleure amie enchaîne les coups de coeur (et plus si affinités).
Avec sa mère Kate, avocate dans un grand cabinet, en ascension professionnelle, cela se passe raisonnablement bien. Rien ne laissait prévoir le drame : le lycée prévient Kate qu'Amelia risque le renvoi de l'établissement, et quand elle arrive, Amelia a sauté du toit.
Quelques semaines plus tard, un message anonyme parvient à Kate : 'Amelia n'a pas sauté'.
Que s'est-il réellement passé? Comment en est-on arrivé là? Vous le saurez en lisant ce roman, qui m'a valu une nuit écourtée... J'avoue que le premier tiers a des allures de 'roman de lycée' (je n'accroche déjà plus aux 'romans de campus') mais ensuite on tourne les pages au fil des rebondissements et des révélations. Et je n'en dirai pas plus.
Les avis de Isa, adepte du livre, cathulu,
Kimberly McCreight
Le cherche midi, 2015
Amelia, c'est la lycéenne normale. Avec un téléphone dernier cri la connectant au monde entier, et surtout ses copines (celles qu'elle vient de voir et va retrouver dans cinq minutes, en particulier Sylvia). Avec Facebook, Twitter et tous ces incontournables de cet âge. Bonne élève d'un lycée new-yorkais chic et cher, douée en anglais (et elle adore Virginia Woolf), à quinze ans pas de petit copain officiel, alors que Sylvia sa meilleure amie enchaîne les coups de coeur (et plus si affinités).
Avec sa mère Kate, avocate dans un grand cabinet, en ascension professionnelle, cela se passe raisonnablement bien. Rien ne laissait prévoir le drame : le lycée prévient Kate qu'Amelia risque le renvoi de l'établissement, et quand elle arrive, Amelia a sauté du toit.
Quelques semaines plus tard, un message anonyme parvient à Kate : 'Amelia n'a pas sauté'.
Que s'est-il réellement passé? Comment en est-on arrivé là? Vous le saurez en lisant ce roman, qui m'a valu une nuit écourtée... J'avoue que le premier tiers a des allures de 'roman de lycée' (je n'accroche déjà plus aux 'romans de campus') mais ensuite on tourne les pages au fil des rebondissements et des révélations. Et je n'en dirai pas plus.
Les avis de Isa, adepte du livre, cathulu,
mercredi 26 août 2015
L'Amérique des écrivains
L'Amérique des écrivains
Road trip
Pauline Guéna et Guillaume Binet
Robert Laffont, 2014
Grand prix des lectrices de ELLE
Un grand format pour 350 pages écrites petit, mais bien lisibles grâce au choix de la présentation en deux colonnes, ponctuées des photographies de Guillaume Binet, voilà comment apparaît cette Amérique des écrivains. Pauline Guéna et Guillaume Binet ont voyagé une année en camping car (avec leurs quatre enfants!) à travers les Etats-Unis et le Québec, à la rencontre d'écrivains américains. Les rendez-vous, parfois courts, étaient programmés et ont eu lieu dans des endroits publics, ou les bureaux des écrivains, mais le plus souvent à leur domicile. Les entretiens étaient enregistrés et gardent leur impression de conversation, parfois interrompue par un passage, une arrivée ou l'intervention d'autres personnes. Les enfants du couple et leur père ne sont jamais bien loin. L'on ressent une impression d'intimité, pas d'interview froide.
Même si Pauline Guéna laisse répondre ses interlocuteurs à leur guise, l'on sent cependant qu'elle suit un fil (l'enfance, la famille, les débuts, depuis quand veulent-ils être écrivains, les études, enseignants ou non, qui est leur premier lecteur -très souvent le conjoint!- combien de temps pour écrire un roman, les difficultés pour être édité) , questions oh combien intéressantes bien sûr. Certains essaient de la faire participer (et je soupçonne l'un d'eux de l'avoir gentiment draguée) mais elle reste professionnelle et les ramène sur le droit chemin.
L'on retrouve les différences entre Europe et Etats Unis, où les auteurs ont un agent et pas uniquement un éditeur, ainsi que la quasi obligation de prévoir un roman si l'on veut proposer des nouvelles.
Vingt-six rencontres seulement, pourra-t-on remarquer, mais certains (et certaines, d'où la minorité de femmes) n'ont pas été rencontré(e)s, pour diverses raisons, et finalement vingt-six auteurs de tous âges et expériences, c'est fort satisfaisant. Le risque de cette lecture était d'allonger la liste des romans que l'on désire lire au plus vite, bien sûr, mais je l'ai assumé avec coeur!
Un indispensable pour qui aime la littérature américaine.
Les avis de mots pour mots,
Road trip
Pauline Guéna et Guillaume Binet
Robert Laffont, 2014
Grand prix des lectrices de ELLE
Un grand format pour 350 pages écrites petit, mais bien lisibles grâce au choix de la présentation en deux colonnes, ponctuées des photographies de Guillaume Binet, voilà comment apparaît cette Amérique des écrivains. Pauline Guéna et Guillaume Binet ont voyagé une année en camping car (avec leurs quatre enfants!) à travers les Etats-Unis et le Québec, à la rencontre d'écrivains américains. Les rendez-vous, parfois courts, étaient programmés et ont eu lieu dans des endroits publics, ou les bureaux des écrivains, mais le plus souvent à leur domicile. Les entretiens étaient enregistrés et gardent leur impression de conversation, parfois interrompue par un passage, une arrivée ou l'intervention d'autres personnes. Les enfants du couple et leur père ne sont jamais bien loin. L'on ressent une impression d'intimité, pas d'interview froide.
Même si Pauline Guéna laisse répondre ses interlocuteurs à leur guise, l'on sent cependant qu'elle suit un fil (l'enfance, la famille, les débuts, depuis quand veulent-ils être écrivains, les études, enseignants ou non, qui est leur premier lecteur -très souvent le conjoint!- combien de temps pour écrire un roman, les difficultés pour être édité) , questions oh combien intéressantes bien sûr. Certains essaient de la faire participer (et je soupçonne l'un d'eux de l'avoir gentiment draguée) mais elle reste professionnelle et les ramène sur le droit chemin.
L'on retrouve les différences entre Europe et Etats Unis, où les auteurs ont un agent et pas uniquement un éditeur, ainsi que la quasi obligation de prévoir un roman si l'on veut proposer des nouvelles.
Vingt-six rencontres seulement, pourra-t-on remarquer, mais certains (et certaines, d'où la minorité de femmes) n'ont pas été rencontré(e)s, pour diverses raisons, et finalement vingt-six auteurs de tous âges et expériences, c'est fort satisfaisant. Le risque de cette lecture était d'allonger la liste des romans que l'on désire lire au plus vite, bien sûr, mais je l'ai assumé avec coeur!
Un indispensable pour qui aime la littérature américaine.
Les avis de mots pour mots,
lundi 24 août 2015
La variante chilienne
La variante chilienne
Pierre Raufast
Alma éditeurs, 2015
Après les raviolis (empoisonnés, on peut le dire, maintenant), Pierre Raufast nous sert du bon vin et des histoires. Comment Florin, qui ne peut plus emmagasiner des souvenirs dans sa tête, y parviendra en remplissant de cailloux des bocaux. Un souvenir, un caillou. Avec la possibilité pratique de ne pas garder les trop mauvais souvenirs. A ses nouveaux amis Margaux et son professeur de français, il va partager une partie de sa collection, par exemple l'histoire du village où il a plu pendant des années sans discontinuer, celle de son épouse infidèle, celle des fossoyeurs, même Borges apparaît, et ses amis ne seront pas de reste pour raconter leur vie (sans cailloux). Mais l'histoire d'Emma? Elle manque. Ainsi que toute la lumière sur ce rubis promeneur, n'est-ce pas?
Cela se confirme : Pierre Raufast est un chouette conteur d'histoires, on en redemande. Je n'ai pas pu lâcher ce roman avant de l'avoir terminé. Et c'est vrai, nos souvenirs sont associés à des émotions fortes, pour pouvoir s'imprimer.
"Vous croyez que c'est ce que vous gardez qui vous fait riche. On vous l'a dit. Moi je vous dis que c'est ce que vous donnez qui vous fait riche." Giono (Que ma joie demeure) Il faut partager les histoires, et les livres!
Les avis de Nourritures en tout genre, jérôme, philisine, noukette,
Pierre Raufast
Alma éditeurs, 2015
Après les raviolis (empoisonnés, on peut le dire, maintenant), Pierre Raufast nous sert du bon vin et des histoires. Comment Florin, qui ne peut plus emmagasiner des souvenirs dans sa tête, y parviendra en remplissant de cailloux des bocaux. Un souvenir, un caillou. Avec la possibilité pratique de ne pas garder les trop mauvais souvenirs. A ses nouveaux amis Margaux et son professeur de français, il va partager une partie de sa collection, par exemple l'histoire du village où il a plu pendant des années sans discontinuer, celle de son épouse infidèle, celle des fossoyeurs, même Borges apparaît, et ses amis ne seront pas de reste pour raconter leur vie (sans cailloux). Mais l'histoire d'Emma? Elle manque. Ainsi que toute la lumière sur ce rubis promeneur, n'est-ce pas?
Cela se confirme : Pierre Raufast est un chouette conteur d'histoires, on en redemande. Je n'ai pas pu lâcher ce roman avant de l'avoir terminé. Et c'est vrai, nos souvenirs sont associés à des émotions fortes, pour pouvoir s'imprimer.
"Vous croyez que c'est ce que vous gardez qui vous fait riche. On vous l'a dit. Moi je vous dis que c'est ce que vous donnez qui vous fait riche." Giono (Que ma joie demeure) Il faut partager les histoires, et les livres!
Les avis de Nourritures en tout genre, jérôme, philisine, noukette,
vendredi 21 août 2015
Orfeo
Orfeo
Richard Powers
Le cherche midi, Lot49, 2015
Traduction Jean-Yves Pellegrin
Encore étudiant, Peter Els a délaissé la chimie, entraîné par sa petite amie du moment à se livrer à sa passion : la composition musicale. Il vouera son existence à transcrire (ou pas) les notes surgissant dans sa tête ou livrées par la nature ou son entourage. Mais la science le rattrapera, car suite à des bricolages sur l'ADN de la bactérie Serratia Marcescens, il attirera l'attention de la sécurité intérieure (et là on ne rigole plus).
Après Le temps où nous chantions, Richard Powers s'attaque encore à la musique, cette fois la musique contemporaine, au travers de la vie d'un compositeur, dont les œuvres m'ont l'air assez expérimentales. Mais "L'objet de la musique n'est-il pas d'émouvoir l'auditeur? -Non, l'objet de la musique est de réveiller l'auditeur. De briser chacune de nos habitudes toutes faites." A méditer.
Alternant entre le présent de Peter Els, 70 ans, en cavale et son passé, le roman - souvent très allusif- permet (parfois) difficilement (à mon avis) de s'attacher aux personnages et demande de s'accrocher aux absolument superbes passages tels la dissection des Kindertotenlieder, de Proverb de Steve Reich
ou surtout la création du quatuor pour la fin du temps de Messiaen le 15 janvier 1941 dans un stalag silésien... (Messiaen : 'Jamais je n'ai été écouté avec autant d'attention')
Mais cela mérite vraiment le détour. J'ai aussi fait connaissance de Harry Partch (voir wikipedia) : à la fin du roman Els recherche lui aussi des graffitis à Barstow...
Les avis de Tête de lecture,
Richard Powers
Le cherche midi, Lot49, 2015
Traduction Jean-Yves Pellegrin
Encore étudiant, Peter Els a délaissé la chimie, entraîné par sa petite amie du moment à se livrer à sa passion : la composition musicale. Il vouera son existence à transcrire (ou pas) les notes surgissant dans sa tête ou livrées par la nature ou son entourage. Mais la science le rattrapera, car suite à des bricolages sur l'ADN de la bactérie Serratia Marcescens, il attirera l'attention de la sécurité intérieure (et là on ne rigole plus).
Après Le temps où nous chantions, Richard Powers s'attaque encore à la musique, cette fois la musique contemporaine, au travers de la vie d'un compositeur, dont les œuvres m'ont l'air assez expérimentales. Mais "L'objet de la musique n'est-il pas d'émouvoir l'auditeur? -Non, l'objet de la musique est de réveiller l'auditeur. De briser chacune de nos habitudes toutes faites." A méditer.
Alternant entre le présent de Peter Els, 70 ans, en cavale et son passé, le roman - souvent très allusif- permet (parfois) difficilement (à mon avis) de s'attacher aux personnages et demande de s'accrocher aux absolument superbes passages tels la dissection des Kindertotenlieder, de Proverb de Steve Reich
Mais cela mérite vraiment le détour. J'ai aussi fait connaissance de Harry Partch (voir wikipedia) : à la fin du roman Els recherche lui aussi des graffitis à Barstow...
Harry Partch jouant du gourd tree (un de ses instruments originaux) |
mercredi 19 août 2015
Venu du temps dièse
Venu du temps dièse
Venea din timpul diez
Bogdan Suceava
Traduit par Dominique Ilea
Ginkgo, 2012
Bucarest, 1993. Surgit d'on ne sait où une sorte de prophète, Vespasien Moïse, suivi bientôt par une tripotée de disciples assez allumés pour la plupart. Les services de renseignement roumain, héritiers de la Securitate, s'y intéressent forcément, ainsi qu'aux autres sectes semblant trouver en Roumanie de l'époque un terreau fertile. Même Rome envoie un émissaire, au grand dam de l'église orthodoxe.
Une histoire plutôt barrée et jubilatoire, un OLNI, une sorte de fable-épopée, a priori peu attirante et blindée de références historico-littéraires pas toujours évidentes en dépit des notes bien faites, me laissant à la fin assez perplexe (après tout, la calvitie a bien été jugulée, non?) et qu'il n'a jamais été question de lâcher, compte tenu de la logique implacable dominant finalement. Heureusement que se sont mises à grouiller ces différentes dénominations plus ou moins hallucinées, le tout sous l’œil service-service de la police, l'ensemble finissant par donner rapidement une histoire 'plus classiquement racontée'. Finalement, j'ai fini par m'attacher à ce personnage de chat agent secret, triste histoire, croyez-moi (ah ces Ouzbecks!)
Où il se confirme, après Siméon l'ascenseurite, que la littérature roumaine contemporaine mérite le détour et fait sortir des sentiers battus.
Le début
"C'est moi qui raconte cette histoire. Toi, à ce moment-là, en connaissais déjà la fin et, tel l'oiseau qui, épiant depuis là-haut une fourmilière, aperçoit le torrent qui déferle vers son tertre, alors que les fourmis jouissent encore du beau soleil, tu voyais déjà tout e qui s'ensuivrait, depuis le premier instant de son entrée dans Bucarest et jusqu'au dernier souffle de ses prophéties.Lors de son entrée dans la ville, personne ne l'y attendait pour le glorifier, et lui-même n'y arriva point à dos de mulet, sous un dais de rameaux d'olivier, quoique cette attente qui était dans l'air lui fût depuis longtemps destinée. On attendait tous quelque miracle. Tu te rappelles les années quatre-vingt-dix, avec tous leurs secrets et toute leur histoire jamais dite? Voilà désormais le temps d'écrire leur véritable chronique."
Les avis de miriam,
Venea din timpul diez
Bogdan Suceava
Traduit par Dominique Ilea
Ginkgo, 2012
Bucarest, 1993. Surgit d'on ne sait où une sorte de prophète, Vespasien Moïse, suivi bientôt par une tripotée de disciples assez allumés pour la plupart. Les services de renseignement roumain, héritiers de la Securitate, s'y intéressent forcément, ainsi qu'aux autres sectes semblant trouver en Roumanie de l'époque un terreau fertile. Même Rome envoie un émissaire, au grand dam de l'église orthodoxe.
Une histoire plutôt barrée et jubilatoire, un OLNI, une sorte de fable-épopée, a priori peu attirante et blindée de références historico-littéraires pas toujours évidentes en dépit des notes bien faites, me laissant à la fin assez perplexe (après tout, la calvitie a bien été jugulée, non?) et qu'il n'a jamais été question de lâcher, compte tenu de la logique implacable dominant finalement. Heureusement que se sont mises à grouiller ces différentes dénominations plus ou moins hallucinées, le tout sous l’œil service-service de la police, l'ensemble finissant par donner rapidement une histoire 'plus classiquement racontée'. Finalement, j'ai fini par m'attacher à ce personnage de chat agent secret, triste histoire, croyez-moi (ah ces Ouzbecks!)
Où il se confirme, après Siméon l'ascenseurite, que la littérature roumaine contemporaine mérite le détour et fait sortir des sentiers battus.
Le début
"C'est moi qui raconte cette histoire. Toi, à ce moment-là, en connaissais déjà la fin et, tel l'oiseau qui, épiant depuis là-haut une fourmilière, aperçoit le torrent qui déferle vers son tertre, alors que les fourmis jouissent encore du beau soleil, tu voyais déjà tout e qui s'ensuivrait, depuis le premier instant de son entrée dans Bucarest et jusqu'au dernier souffle de ses prophéties.Lors de son entrée dans la ville, personne ne l'y attendait pour le glorifier, et lui-même n'y arriva point à dos de mulet, sous un dais de rameaux d'olivier, quoique cette attente qui était dans l'air lui fût depuis longtemps destinée. On attendait tous quelque miracle. Tu te rappelles les années quatre-vingt-dix, avec tous leurs secrets et toute leur histoire jamais dite? Voilà désormais le temps d'écrire leur véritable chronique."
Les avis de miriam,
lundi 17 août 2015
Camping California
Camping California
Arnaud Devillard
Le mot et le reste, 2014
Chers Arnaud (et Cécile)
Après Journal des canyons, pouvais-je résister à cette nouvelle chronique de vos pérégrinations états-unisiennes? Pouvais-je me priver de cet humour pince-sans-rire, cette autodérision, mais aussi de cet amour de la nature, de la randonnée, ainsi que de ces avis parfois tranchés sur le mode de vie américain? Quand l'homo americanus campe, c'est grandiose, rien ne manque au confort du 'comme chez soi'. La bagnole est reine, un peu moins la marche. Mais avouez-le, vous les aimez... Capables de zieuter sur le moindre cours d'eau histoire de construire un barrage pour alimenter Los Angeles, de tailler un sequoia en allumettes, mais aussi d'établir des parcs protégeant justement des merveilles! Hommage à John Muir et à ses camarades! Quand on pense que John Muir et Le président Roosevelt se sont fait une sortie camping SEULS dans le futur parc Yosemite... Parc Yosemite hélas surpeuplé et en proie aux embouteillages et ayant établis des quotas de randonnée. Incroyable!
Cependant existent encore des coins tranquilles, où, oui, Cécile je craque comme vous, l'on peut croiser des ours*...
Arnaud, vous, ce sont les séquoias, longtemps attendus, enfin contemplés, qui vous ont absolument conquis et épatés. Il y a de quoi : "chez les séquoias, le taux de production de bois augmente avec l'âge. Un séquoia de plus de cent ans grossit plus en une année qu'un séquoia de cinquante ans. Ces arbres ne sont pas seulement surnaturels. Ils sont carrément contre-nature." "Les flammes ne peuvent rien contre les séquoias géants. Leur écorce est si épaisse qu'elle forme une armure - y compris contre les parasites. Des arbres qui résistent au feu, qui l'eut cru? Mieux, du feu dépend la survie du séquoia. La chaleur dilate les cônes, qui s'ouvrent et libèrent les graines contenues à l'intérieur."
Votre livre c'est donc du pur bonheur pour moi, d'autant plus que vous avez fort bon goût dans le choix de vos lectures le soir à la lampe : après le récit de Cabeza de Vaca, vous attaquez Lonesome Dove. Tout en ayant auparavant bavé devant les rayonnages d'une librairie : John Muir, Edward Abbey, John McPhee, Doug Peacock... (dans mes bras!)
Sans doute de grands espaces vous restent à explorer là-bas, alors, à bientôt!
Je vous embrasse.
keisha
* Il me reste à lire Grizzly Park.
Une photo de sequoia 'en entier' ici .
Les avis de
Arnaud Devillard
Le mot et le reste, 2014
Chers Arnaud (et Cécile)
Après Journal des canyons, pouvais-je résister à cette nouvelle chronique de vos pérégrinations états-unisiennes? Pouvais-je me priver de cet humour pince-sans-rire, cette autodérision, mais aussi de cet amour de la nature, de la randonnée, ainsi que de ces avis parfois tranchés sur le mode de vie américain? Quand l'homo americanus campe, c'est grandiose, rien ne manque au confort du 'comme chez soi'. La bagnole est reine, un peu moins la marche. Mais avouez-le, vous les aimez... Capables de zieuter sur le moindre cours d'eau histoire de construire un barrage pour alimenter Los Angeles, de tailler un sequoia en allumettes, mais aussi d'établir des parcs protégeant justement des merveilles! Hommage à John Muir et à ses camarades! Quand on pense que John Muir et Le président Roosevelt se sont fait une sortie camping SEULS dans le futur parc Yosemite... Parc Yosemite hélas surpeuplé et en proie aux embouteillages et ayant établis des quotas de randonnée. Incroyable!
Cependant existent encore des coins tranquilles, où, oui, Cécile je craque comme vous, l'on peut croiser des ours*...
Arnaud, vous, ce sont les séquoias, longtemps attendus, enfin contemplés, qui vous ont absolument conquis et épatés. Il y a de quoi : "chez les séquoias, le taux de production de bois augmente avec l'âge. Un séquoia de plus de cent ans grossit plus en une année qu'un séquoia de cinquante ans. Ces arbres ne sont pas seulement surnaturels. Ils sont carrément contre-nature." "Les flammes ne peuvent rien contre les séquoias géants. Leur écorce est si épaisse qu'elle forme une armure - y compris contre les parasites. Des arbres qui résistent au feu, qui l'eut cru? Mieux, du feu dépend la survie du séquoia. La chaleur dilate les cônes, qui s'ouvrent et libèrent les graines contenues à l'intérieur."
Votre livre c'est donc du pur bonheur pour moi, d'autant plus que vous avez fort bon goût dans le choix de vos lectures le soir à la lampe : après le récit de Cabeza de Vaca, vous attaquez Lonesome Dove. Tout en ayant auparavant bavé devant les rayonnages d'une librairie : John Muir, Edward Abbey, John McPhee, Doug Peacock... (dans mes bras!)
Sans doute de grands espaces vous restent à explorer là-bas, alors, à bientôt!
Je vous embrasse.
keisha
* Il me reste à lire Grizzly Park.
Une photo de sequoia 'en entier' ici .
Les avis de
vendredi 14 août 2015
La silencieuse
La silencieuse
Ariane Schréder
Philippe Rey, fugues, 2015
Depuis des mois cette silencieuse attendait tranquillement son tour sur l'étagère; je pressentais un roman intimiste, une ambiance feutrée et douce, il ne s'agissait pas de rater le rendez-vous par trop de précipitation et un mauvais tempo. Et j'ai bien fait, la rencontre a eu lieu.
Clara et Barnabé, c'est fini. Sans drame, comme ça. Clara n'a "jamais été très douée avec les mots. Ceux qu'ils faut prononcer, échanger." Elle sculpte, utilisant fil de fer, papier, plâtre et décide d'installer son atelier dans une grande maison à la campagne, au bord d'un fleuve. Elle se noue d'amitié avec Ameline, la pharmacienne ne rêvant que de grande ville, Omar le voisin jardinier, l'Adorateur, Thierry, d'autres. Au fil d'une année, les saisons s'écoulent, va-t-elle rester?
Son regard sur la nature environnante s'affine. "Après l'orage, j'ai fait comme les bêtes. Je suis sortie. Soulagée par la fraîcheur revenue. J'ai visité les fleurs. L'araignée à corps de bulle sur ses longues pattes fines dans le rosier, la sauterelle à l'arrêt sur la feuille de figuier, la coccinelle, plus audacieuse, sur les althéas blancs. Il faut avoir des yeux de loupe pour aimer la campagne. Le regard à ras de terre, ou bien accroché aux étoiles."
Sa sculpture évolue. Elle en parle joliment, simplement. "Tout y est disproportionné. Les marcheuses, les danseuses, sont toutes petites au regard des insectes. Je les accroche aussi aux poutres, comme les carcasses vides et parfaites des cigales que je récoltais délicatement sur le tronc des arbres, enfant.
Je n'ai pas la prétention d'être une grande artiste. Ni d'être un jour reconnue. Je ne vois pas comment ajouter au monde tel qu'il est, plein comme un œuf, encore moins comment introduire du nouveau. Je le peuple simplement, à ma manière, pour qu'il me soit habitable. je le recrée, et c'est ce que cherchent ceux qui parfois m'achètent des sculptures. Ils voient l'ensemble, et en emportent un morceau."
Un roman plein de délicatesse, un poil minimaliste, sans affèterie.
Les avis de Charlotte, mirontaine, lire et merveilles, Aifelle, Antigone, george, cathulu (pile aujourd'hui!)
Ariane Schréder
Philippe Rey, fugues, 2015
Depuis des mois cette silencieuse attendait tranquillement son tour sur l'étagère; je pressentais un roman intimiste, une ambiance feutrée et douce, il ne s'agissait pas de rater le rendez-vous par trop de précipitation et un mauvais tempo. Et j'ai bien fait, la rencontre a eu lieu.
Clara et Barnabé, c'est fini. Sans drame, comme ça. Clara n'a "jamais été très douée avec les mots. Ceux qu'ils faut prononcer, échanger." Elle sculpte, utilisant fil de fer, papier, plâtre et décide d'installer son atelier dans une grande maison à la campagne, au bord d'un fleuve. Elle se noue d'amitié avec Ameline, la pharmacienne ne rêvant que de grande ville, Omar le voisin jardinier, l'Adorateur, Thierry, d'autres. Au fil d'une année, les saisons s'écoulent, va-t-elle rester?
Son regard sur la nature environnante s'affine. "Après l'orage, j'ai fait comme les bêtes. Je suis sortie. Soulagée par la fraîcheur revenue. J'ai visité les fleurs. L'araignée à corps de bulle sur ses longues pattes fines dans le rosier, la sauterelle à l'arrêt sur la feuille de figuier, la coccinelle, plus audacieuse, sur les althéas blancs. Il faut avoir des yeux de loupe pour aimer la campagne. Le regard à ras de terre, ou bien accroché aux étoiles."
Sa sculpture évolue. Elle en parle joliment, simplement. "Tout y est disproportionné. Les marcheuses, les danseuses, sont toutes petites au regard des insectes. Je les accroche aussi aux poutres, comme les carcasses vides et parfaites des cigales que je récoltais délicatement sur le tronc des arbres, enfant.
Je n'ai pas la prétention d'être une grande artiste. Ni d'être un jour reconnue. Je ne vois pas comment ajouter au monde tel qu'il est, plein comme un œuf, encore moins comment introduire du nouveau. Je le peuple simplement, à ma manière, pour qu'il me soit habitable. je le recrée, et c'est ce que cherchent ceux qui parfois m'achètent des sculptures. Ils voient l'ensemble, et en emportent un morceau."
Un roman plein de délicatesse, un poil minimaliste, sans affèterie.
Les avis de Charlotte, mirontaine, lire et merveilles, Aifelle, Antigone, george, cathulu (pile aujourd'hui!)
mercredi 12 août 2015
Brasil
Brasil
La grande traversée
Franck Degoul
Transboreal, 2015
Encoooooooooore un récit de marche!(si, vous l'avez pensé!) Oui mais là il s'agit de parcourir le Brésil du sud (Chui, proche de l'Uruguay) au nord (Oiapoque, près de chez nous, enfin, la Guyane). Des milliers de kilomètres en sept mois et demi. De la pampa à la forêt équatoriale, le long d'une route (voire une piste) sillonnée par les camions et généralement bordée de clôtures (comme quoi il n'y a pas que la Sologne...), et donc au bord de laquelle il s'avère délicat de monter en toute sécurité Rotunda, la petite tente censée abriter notre marcheur, qui souvent se rabat sur les nombreuses stations-services, offrant eau, nourriture, douches, et rencontres.
Découvertes intérieures du marcheur qui ne s'appesantira pas sur ses difficultés et comme Rufin découvre le 'bonheur de se sentir allégé'. Cependant par prudence il fallait bien prévoir eau et nourriture pour quelques longues étapes...
"Tout d'abord, admettre ne rien maîtriser de l'instant qui suit. Sillonner chaque journée sans savoir ni où ni comment on dormira le soir venu. Et, à l'encontre des inquiétantes chimères ourdies par l'imagination, constater que tout se déroule invariablement."
Frank Degoul est docteur en anthropologie et à ce titre a déjà roulé sa bosse dans pas mal d'endroits. Mais là, il ne s'agissait pas de séjourner en un lieu et d'étudier longuement, mais de "passer plutôt que demeurer". Au fil du voyage, des paysages, des rencontres, se révèle un Brésil multiforme. Multiracial, on le savait, et les rencontres avec des indigènes déracinés sont tristes. Mais j'ignorais totalement l'existence de villes établies il y a 200 ou 100 ans par des immigrants allemands, italiens...
Aux moments de découragement, que de belles (et courtes) rencontres faisant oublier les déceptions d'autres. L'auteur a l'art de la description de ces moments parfois fugitifs, brefs en tout cas.
"Il semble qu'au Brésil, marcher soit le symptôme d’une déchéance. Marche celui que la misère met au pas- le vagabond, l'errant; marche encore celui qui s'ensauve, qui s'évade. La marche n'est pas l'instrument d'une découverte mais une sentence, la bannière des réprouvés."
Voleurs de grands chemins, pumas, les dangers guettaient notre voyageur. Intrépide, il a continué!
"Cette longue marche n'est pas prestigieuse
Cette longue marche n'est pas humanitaire
Cette longue marche n'est pas dans les pas de ...
(...)
Cette longue marche ne fera pas un succès de librairie
où un aventurier solitaire, apollinien,
au regard aussi pur que les pays qu'il parcourt
(...)
Mais parvient avec son entier courage et ses ultimes ressources
à regagner Paris pour y briller au Salon du livre.
(...)
Cette longue marche est aussi vaine qu'une oeuvre d'art
et sans doute aussi indispensable à son auteur."
Le billet de Chinouk (merci!)
La grande traversée
Franck Degoul
Transboreal, 2015
Encoooooooooore un récit de marche!(si, vous l'avez pensé!) Oui mais là il s'agit de parcourir le Brésil du sud (Chui, proche de l'Uruguay) au nord (Oiapoque, près de chez nous, enfin, la Guyane). Des milliers de kilomètres en sept mois et demi. De la pampa à la forêt équatoriale, le long d'une route (voire une piste) sillonnée par les camions et généralement bordée de clôtures (comme quoi il n'y a pas que la Sologne...), et donc au bord de laquelle il s'avère délicat de monter en toute sécurité Rotunda, la petite tente censée abriter notre marcheur, qui souvent se rabat sur les nombreuses stations-services, offrant eau, nourriture, douches, et rencontres.
Découvertes intérieures du marcheur qui ne s'appesantira pas sur ses difficultés et comme Rufin découvre le 'bonheur de se sentir allégé'. Cependant par prudence il fallait bien prévoir eau et nourriture pour quelques longues étapes...
"Tout d'abord, admettre ne rien maîtriser de l'instant qui suit. Sillonner chaque journée sans savoir ni où ni comment on dormira le soir venu. Et, à l'encontre des inquiétantes chimères ourdies par l'imagination, constater que tout se déroule invariablement."
Frank Degoul est docteur en anthropologie et à ce titre a déjà roulé sa bosse dans pas mal d'endroits. Mais là, il ne s'agissait pas de séjourner en un lieu et d'étudier longuement, mais de "passer plutôt que demeurer". Au fil du voyage, des paysages, des rencontres, se révèle un Brésil multiforme. Multiracial, on le savait, et les rencontres avec des indigènes déracinés sont tristes. Mais j'ignorais totalement l'existence de villes établies il y a 200 ou 100 ans par des immigrants allemands, italiens...
Aux moments de découragement, que de belles (et courtes) rencontres faisant oublier les déceptions d'autres. L'auteur a l'art de la description de ces moments parfois fugitifs, brefs en tout cas.
"Il semble qu'au Brésil, marcher soit le symptôme d’une déchéance. Marche celui que la misère met au pas- le vagabond, l'errant; marche encore celui qui s'ensauve, qui s'évade. La marche n'est pas l'instrument d'une découverte mais une sentence, la bannière des réprouvés."
Voleurs de grands chemins, pumas, les dangers guettaient notre voyageur. Intrépide, il a continué!
"Cette longue marche n'est pas prestigieuse
Cette longue marche n'est pas humanitaire
Cette longue marche n'est pas dans les pas de ...
(...)
Cette longue marche ne fera pas un succès de librairie
où un aventurier solitaire, apollinien,
au regard aussi pur que les pays qu'il parcourt
(...)
Mais parvient avec son entier courage et ses ultimes ressources
à regagner Paris pour y briller au Salon du livre.
(...)
Cette longue marche est aussi vaine qu'une oeuvre d'art
et sans doute aussi indispensable à son auteur."
Le billet de Chinouk (merci!)
lundi 10 août 2015
Journal ambigu d'un cadre supérieur
Journal ambigu d'un cadre supérieur
Notes de bureau
Etienne Deslaumes
Toussaint Louverture, 2012
Repéré à la bibli dans le catalogue (quoi, un Toussaint Louverture m'aurait échappé?), ce roman est vite passé de LAL à PAL puis dévoré en quelques heures.
Responsable juridique de l'Immobilière du Sphinx, le narrateur devient responsable juridique chez Minerve Assurances après le rachat du Sphinx par Minerve. Parce qu'il est le meilleur? Hum. En effet lors de l'OPA d'autres conseillers juridiques apparaissaient dans les divers organigrammes. Une raison du choix étant vraisemblablement que son salaire était plus bas que celui des concurrents, mais aussi suite à des intrigues (son futur chef n'a pas apprécié qu'on veuille lui dicter un autre choix).
Bienvenue donc chez Minerve! Coups bas, mesquineries, vacheries, lâchetés, médisances, incompétence règnent dans les bureaux. Une série de courts chapitres précédés d'organigrammes bien pratiques présentent différents personnages hauts en couleur ou des anecdotes croustillantes ou parlantes du milieu des Assurances et de l'Immobilier. Pas besoin de s'y connaître, E*** nous guide dans les méandres, expliquant où nichent fauves et serpents. C'est souvent drôle, fort caustique, personne n'est épargné. Ce n'est pas que ces gens là soient complètement mauvais, mais il semble que l'ambiance conduit chacun (y compris le narrateur) à apparaître plutôt antipathique. Le lecteur, lui, est ravi et écarquille souvent les yeux, surtout si, comme moi, il n'a jamais trop connu ces marécages (quoique, parfois, certains chefs d'établissement peuvent jouer au 'diviser pour régner' et au 'petit chef' caractériel voire harceleur). Cependant quant le sort des seniors est évoqué - brièvement-, là on touche à un sujet actuel bien plus grave.
"Je rappelle que je n'ai pas voulu dénoncer des individus en tant que tels. J'ai voulu mettre en scène un système et des individus dans ce système."
Les avis de Cachou, Gwenaelle,
Notes de bureau
Etienne Deslaumes
Toussaint Louverture, 2012
Repéré à la bibli dans le catalogue (quoi, un Toussaint Louverture m'aurait échappé?), ce roman est vite passé de LAL à PAL puis dévoré en quelques heures.
Responsable juridique de l'Immobilière du Sphinx, le narrateur devient responsable juridique chez Minerve Assurances après le rachat du Sphinx par Minerve. Parce qu'il est le meilleur? Hum. En effet lors de l'OPA d'autres conseillers juridiques apparaissaient dans les divers organigrammes. Une raison du choix étant vraisemblablement que son salaire était plus bas que celui des concurrents, mais aussi suite à des intrigues (son futur chef n'a pas apprécié qu'on veuille lui dicter un autre choix).
Bienvenue donc chez Minerve! Coups bas, mesquineries, vacheries, lâchetés, médisances, incompétence règnent dans les bureaux. Une série de courts chapitres précédés d'organigrammes bien pratiques présentent différents personnages hauts en couleur ou des anecdotes croustillantes ou parlantes du milieu des Assurances et de l'Immobilier. Pas besoin de s'y connaître, E*** nous guide dans les méandres, expliquant où nichent fauves et serpents. C'est souvent drôle, fort caustique, personne n'est épargné. Ce n'est pas que ces gens là soient complètement mauvais, mais il semble que l'ambiance conduit chacun (y compris le narrateur) à apparaître plutôt antipathique. Le lecteur, lui, est ravi et écarquille souvent les yeux, surtout si, comme moi, il n'a jamais trop connu ces marécages (quoique, parfois, certains chefs d'établissement peuvent jouer au 'diviser pour régner' et au 'petit chef' caractériel voire harceleur). Cependant quant le sort des seniors est évoqué - brièvement-, là on touche à un sujet actuel bien plus grave.
"Je rappelle que je n'ai pas voulu dénoncer des individus en tant que tels. J'ai voulu mettre en scène un système et des individus dans ce système."
Les avis de Cachou, Gwenaelle,
vendredi 7 août 2015
Berezina
Berezina
En side-car avec Napoléon
Sylvain Tesson
Editions Guérin, 2015
Voyager de Moscou à Paris en suivant peu ou prou l'itinéraire de la Retraite de Russie, en plein hiver, et en side-car, voilà bien un projet où l'on ne s'étonne pas de retrouver Sylvain Tesson. Dans sa fine équipe, Cédric Gras et Thomas Goisque, sans oublier Vitaly et Vassili, deux russes qui ne déparent pas l'ensemble.
C'est fou, c'est allumé, c'est fort drôle. Pas de cosaques à leurs trousses, les hôtels sont assez confortables, mais la route offre sa part de danger et d'inconfort, entre neige, froid et gros camions qui frôlent et éblouissent...
Mais qu'est-ce qu'une Oural? " Ces machines sont des fleurons de l'industrie soviétique. Elles promettent l'aventure. On ne sait jamais si elles démarreront et, une fois lancées, personne ne sait si elles s'arrêteront. Les soviétiques les construisirent dans les années 1930 sur le modèle des BMW de l'armée allemande. Dès lors, elles allaient couvrir le territoire de l'Union. La vision d'une Oural pilotée par Oleg, Moujik à casquette, chargée d'enfants à l'arrière avec, dans le panier, une paysanne à fichu rouge -Tatiana, ou Léna- et un bidon de lait accroché à la roue de secours est un archétype jungien de la ruralité russe. Aujourd'hui encore, pas un village où l'on n'en trouve trois ou quatre modèles, rouillant dans les ombellifères. L'usine Oural continue à vomir ces machines, à l'identique. Elles seules résistent à la modernité. Elles plafonnent à 80 km/h.Elles vont, par les campagnes, dépourvues d'électronique. N'importe qui peut les réparer avec une pince en métal."
Pour les photos, les prix, c'est ici.
Bien, mais cette Retraite de Russie? Les deux trajets se collent et décollent, l'équipée tessonienne se mêle à l'épopée napoléonienne; les récits du sergent Bourgogne et de Caulaincourt, entre autres, fixent l'itinéraire et les haltes. L'Histoire racontée ainsi, on en redemande! Des détails incroyables et parfois abominables éclairent cette fin calamiteuse de la campagne de Russie, où russes autant que français ont subi d'énormes pertes. Quant à la Berezina, ce ne fut pas tant que cela la Berezina...
Un livre qui se dévore, à cheval ou en side-car, peut importe!
Chez l'éditeur (le même que celui de Rufin sur Compostelle), on peut découvrir le début du livre.
Les avis de cathe, dominique, saxaoul,
En side-car avec Napoléon
Sylvain Tesson
Editions Guérin, 2015
Voyager de Moscou à Paris en suivant peu ou prou l'itinéraire de la Retraite de Russie, en plein hiver, et en side-car, voilà bien un projet où l'on ne s'étonne pas de retrouver Sylvain Tesson. Dans sa fine équipe, Cédric Gras et Thomas Goisque, sans oublier Vitaly et Vassili, deux russes qui ne déparent pas l'ensemble.
C'est fou, c'est allumé, c'est fort drôle. Pas de cosaques à leurs trousses, les hôtels sont assez confortables, mais la route offre sa part de danger et d'inconfort, entre neige, froid et gros camions qui frôlent et éblouissent...
Mais qu'est-ce qu'une Oural? " Ces machines sont des fleurons de l'industrie soviétique. Elles promettent l'aventure. On ne sait jamais si elles démarreront et, une fois lancées, personne ne sait si elles s'arrêteront. Les soviétiques les construisirent dans les années 1930 sur le modèle des BMW de l'armée allemande. Dès lors, elles allaient couvrir le territoire de l'Union. La vision d'une Oural pilotée par Oleg, Moujik à casquette, chargée d'enfants à l'arrière avec, dans le panier, une paysanne à fichu rouge -Tatiana, ou Léna- et un bidon de lait accroché à la roue de secours est un archétype jungien de la ruralité russe. Aujourd'hui encore, pas un village où l'on n'en trouve trois ou quatre modèles, rouillant dans les ombellifères. L'usine Oural continue à vomir ces machines, à l'identique. Elles seules résistent à la modernité. Elles plafonnent à 80 km/h.Elles vont, par les campagnes, dépourvues d'électronique. N'importe qui peut les réparer avec une pince en métal."
Pour les photos, les prix, c'est ici.
Bien, mais cette Retraite de Russie? Les deux trajets se collent et décollent, l'équipée tessonienne se mêle à l'épopée napoléonienne; les récits du sergent Bourgogne et de Caulaincourt, entre autres, fixent l'itinéraire et les haltes. L'Histoire racontée ainsi, on en redemande! Des détails incroyables et parfois abominables éclairent cette fin calamiteuse de la campagne de Russie, où russes autant que français ont subi d'énormes pertes. Quant à la Berezina, ce ne fut pas tant que cela la Berezina...
Un livre qui se dévore, à cheval ou en side-car, peut importe!
Chez l'éditeur (le même que celui de Rufin sur Compostelle), on peut découvrir le début du livre.
Les avis de cathe, dominique, saxaoul,
mercredi 5 août 2015
Le docteur Thorne
Le docteur Thorne
Anthony Trollope
grands romans points, 2014
Traduit, préfacé et annoté par Alain Jumeau
Avec Trollope et ses collègues victoriens, pas de roman minimaliste, mais du brave bon vieux pavé idéal pour le challenge de Brize. Non qu'il entraîne ses lecteurs dans des descriptions infinies de campagne anglaise, non qu'il étale sur des pages et des pages les états d'âme de ses héros (il le fait juste ce qu'il faut, avec plutôt de la finesse), mais il n'hésite pas à créer tout un microcosme, cette fois un petit village du fictif comté du Barset, avec comte, squire, médecin et curé. La famille Gresham essaie de maintenir son rang, mais malheureusement connaît des problèmes financiers, et, c'est sûr, Frank, le fils héritier, doit absolument 'épouser une fortune.'
Hélas il s'est amouraché de Mary, nièce du docteur Thorne, sans le sou, orpheline, d'origine assez obscure.
"Le fils unique (...) aurait été le héros de notre roman, si cette place n'avait déjà été occupée par le médecin du village. En réalité, ceux qui le souhaitent, peuvent le considérer comme tel. Ce jeune homme aura notre faveur, figurera dans les scènes d'amour, aura ses épreuves et ses problèmes et les surmontera ou non, selon les cas. Je suis trop vieux maintenant pour être un écrivain au cœur insensible, et il est donc probable qu'il ne mourra pas de chagrin. Ceux qui n'apprécient pas le choix d'un médecin de campagne , célibataire d'âge mur, comme héros peuvent lui substituer l'héritier de Greshamsbury, et appeler le roman, si bon leur semble, 'Les amours et les aventures de Francis Newblod Gresham fils' "
"Miss Mary Thorne sera notre héroïne, un point sur lequel personne ne dispose d'autre choix(...). J'ai le sentiment qu'il y a lieu de s'excuser quand on commence un roman par deux longs chapitres sans action, remplis de descriptions. J'ai tout à fait conscience du danger qu'il y a à procéder ainsi.'...) On ne peut pas s'attendre à ce que les lecteurs acceptent d'aller jusqu'au boit d'un roman qui offre si peu d'attraits dans ses premières pages."
Trollope s'amuse beaucoup, c'est certain, et espère bien que son lecteur aussi.
Il faudra quelques délicieuses centaines de pages pour arriver au dénouement, sachant qu'en plus de Frank et Mary, le lecteur suivra les aventures de moult personnages secondaires, pas toujours à 100% nécessaires à l'histoire principale, mais contribuant plaisamment à l'atmosphère générale. L'on verra des disputes de médecins, des jeunes femmes sachant prendre leur destin en mains, des ivrognes, des chasseurs de dots, des imbus de leur naissance, des mères de mauvaise foi, et une élection contestée (déjà les soupçons de corruption...). Un assassinat (puni de six mois de prison?!), le recours à trois pilules de mercure (!) pour se calmer, et une succession réglée en deux semaines (mais Trollope prévient qu'il n'y connaît pas grand chose). De l'amour, oui, mais l'argent (et la naissance) mènent ce monde là.
Les avis de Galéa, monbiblioblog, choup',
Challenge Pavé de l'été
A year in England
Anthony Trollope
grands romans points, 2014
Traduit, préfacé et annoté par Alain Jumeau
Avec Trollope et ses collègues victoriens, pas de roman minimaliste, mais du brave bon vieux pavé idéal pour le challenge de Brize. Non qu'il entraîne ses lecteurs dans des descriptions infinies de campagne anglaise, non qu'il étale sur des pages et des pages les états d'âme de ses héros (il le fait juste ce qu'il faut, avec plutôt de la finesse), mais il n'hésite pas à créer tout un microcosme, cette fois un petit village du fictif comté du Barset, avec comte, squire, médecin et curé. La famille Gresham essaie de maintenir son rang, mais malheureusement connaît des problèmes financiers, et, c'est sûr, Frank, le fils héritier, doit absolument 'épouser une fortune.'
Hélas il s'est amouraché de Mary, nièce du docteur Thorne, sans le sou, orpheline, d'origine assez obscure.
"Le fils unique (...) aurait été le héros de notre roman, si cette place n'avait déjà été occupée par le médecin du village. En réalité, ceux qui le souhaitent, peuvent le considérer comme tel. Ce jeune homme aura notre faveur, figurera dans les scènes d'amour, aura ses épreuves et ses problèmes et les surmontera ou non, selon les cas. Je suis trop vieux maintenant pour être un écrivain au cœur insensible, et il est donc probable qu'il ne mourra pas de chagrin. Ceux qui n'apprécient pas le choix d'un médecin de campagne , célibataire d'âge mur, comme héros peuvent lui substituer l'héritier de Greshamsbury, et appeler le roman, si bon leur semble, 'Les amours et les aventures de Francis Newblod Gresham fils' "
"Miss Mary Thorne sera notre héroïne, un point sur lequel personne ne dispose d'autre choix(...). J'ai le sentiment qu'il y a lieu de s'excuser quand on commence un roman par deux longs chapitres sans action, remplis de descriptions. J'ai tout à fait conscience du danger qu'il y a à procéder ainsi.'...) On ne peut pas s'attendre à ce que les lecteurs acceptent d'aller jusqu'au boit d'un roman qui offre si peu d'attraits dans ses premières pages."
Trollope s'amuse beaucoup, c'est certain, et espère bien que son lecteur aussi.
Il faudra quelques délicieuses centaines de pages pour arriver au dénouement, sachant qu'en plus de Frank et Mary, le lecteur suivra les aventures de moult personnages secondaires, pas toujours à 100% nécessaires à l'histoire principale, mais contribuant plaisamment à l'atmosphère générale. L'on verra des disputes de médecins, des jeunes femmes sachant prendre leur destin en mains, des ivrognes, des chasseurs de dots, des imbus de leur naissance, des mères de mauvaise foi, et une élection contestée (déjà les soupçons de corruption...). Un assassinat (puni de six mois de prison?!), le recours à trois pilules de mercure (!) pour se calmer, et une succession réglée en deux semaines (mais Trollope prévient qu'il n'y connaît pas grand chose). De l'amour, oui, mais l'argent (et la naissance) mènent ce monde là.
Les avis de Galéa, monbiblioblog, choup',
Challenge Pavé de l'été
A year in England
lundi 3 août 2015
Evariste
Evariste
François-Henri Désérable
Gallimard, 2014
François-Henri, sans doute différent en cela d’Évariste, dont la plupart des écrits passent au dessus des neurones de l'immense majorité des êtres humains ( lettre testament à son ami Auguste Chevalier*)(je vous ai prévenus!) possède le talent certain et pas si courant de rendre passionnante la vie d'un mathématicien du 19ème siècle mort en duel à vingt ans. Un génie tel que ses contemporains ignoreront sa valeur. Évariste Galois (1811-1832) a vécu à cent à l'heure ses dernières années, au cours d'une période fertile en révolutions, révoltes et emprisonnements.
J'ai donc dévoré ce court récit et vous invite fortement à en faire autant.
"Tout cela n'est qu'une hypothèse, bien entendu. En vérité, on ignore ce qu'il s'est passé rue de l'Ourcine, au printemps 1832. On ne sait pas si Évariste fit la rencontre de Stéphanie sous un arbre du jardin. On ne sait pas s'il y avait un arbre dans le jardin. Et pour tout dire, on n'est même pas certain qu'il y eut un jardin. (C'est dire si on ne sait rien.)"
"Il est triste à mourir, comme peut l'être aujourd'hui la liste des meilleures ventes de livres au début de l'été."
* " Les sept pages sont là, sur le bureau, immaculées.Il s'assoit, inspire un grand coup. C'est le moment, mademoiselle, où le chef d'oeuvre n'est qu'une hypothèse, où le miracle est sur le point d'avoir lieu; ce moment où le tableau est encore sur la palette du peintre, la statue dans la pierre du sculpteur, le théorème dans l'esprit du mathématicien; ce moment où Rembrandt pose un premier coup de pinceau sur cette toile encore blanche qu'on appellera Ronde de nuit, où le pic de Michel-Ange vient frapper pour la première fois ce bloc de marbre qui deviendra la Pieta; où quittant les limbes de l'esprit d’Évariste, le fruit d'une intense réflexion de plusieurs mois vient s'incarner sur la feuille, noir sur blanc s'incarner pour donner aux mathématiques la clé de voûte d'une théorie qui va les révolutionner, rien de moins."
L'avis enthousiaste de Une comète, qui mènera à d'autres (Zazy, Alex)
François-Henri Désérable
Gallimard, 2014
François-Henri, sans doute différent en cela d’Évariste, dont la plupart des écrits passent au dessus des neurones de l'immense majorité des êtres humains ( lettre testament à son ami Auguste Chevalier*)(je vous ai prévenus!) possède le talent certain et pas si courant de rendre passionnante la vie d'un mathématicien du 19ème siècle mort en duel à vingt ans. Un génie tel que ses contemporains ignoreront sa valeur. Évariste Galois (1811-1832) a vécu à cent à l'heure ses dernières années, au cours d'une période fertile en révolutions, révoltes et emprisonnements.
J'ai donc dévoré ce court récit et vous invite fortement à en faire autant.
"Tout cela n'est qu'une hypothèse, bien entendu. En vérité, on ignore ce qu'il s'est passé rue de l'Ourcine, au printemps 1832. On ne sait pas si Évariste fit la rencontre de Stéphanie sous un arbre du jardin. On ne sait pas s'il y avait un arbre dans le jardin. Et pour tout dire, on n'est même pas certain qu'il y eut un jardin. (C'est dire si on ne sait rien.)"
"Il est triste à mourir, comme peut l'être aujourd'hui la liste des meilleures ventes de livres au début de l'été."
* " Les sept pages sont là, sur le bureau, immaculées.Il s'assoit, inspire un grand coup. C'est le moment, mademoiselle, où le chef d'oeuvre n'est qu'une hypothèse, où le miracle est sur le point d'avoir lieu; ce moment où le tableau est encore sur la palette du peintre, la statue dans la pierre du sculpteur, le théorème dans l'esprit du mathématicien; ce moment où Rembrandt pose un premier coup de pinceau sur cette toile encore blanche qu'on appellera Ronde de nuit, où le pic de Michel-Ange vient frapper pour la première fois ce bloc de marbre qui deviendra la Pieta; où quittant les limbes de l'esprit d’Évariste, le fruit d'une intense réflexion de plusieurs mois vient s'incarner sur la feuille, noir sur blanc s'incarner pour donner aux mathématiques la clé de voûte d'une théorie qui va les révolutionner, rien de moins."
L'avis enthousiaste de Une comète, qui mènera à d'autres (Zazy, Alex)
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